La lettre juridique n°230 du 5 octobre 2006 : Famille et personnes

[Jurisprudence] La faute cause de divorce au sens de l'article 242 du Code civil

Réf. : Cass. civ. 1, 20 septembre 2006, n° 04-17.743, Mme Monique Peretti, épouse Morière, F-P+B (N° Lexbase : A2973DRK)

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le 07 Octobre 2010

Le divorce peut être défini comme la dissolution d'un mariage valable, prononcé par décision judiciaire du vivant des époux, pour certaines causes prévues par la loi. Il se distingue donc de l'annulation du mariage, qui sanctionne un vice de formation du lien matrimonial et fait disparaître celui-ci rétroactivement -sous réserve toutefois qu'il ne soit pas putatif. Maintenant la pluralité des cas de divorce, la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce (N° Lexbase : L2150DYB), le décret n° 2004-1158 du 29 octobre 2004 portant réforme de la procédure en matière familiale (N° Lexbase : L3789GUU) et le décret n° 2004-1157 du même jour fixant les modalités de substitution d'un capital à une rente allouée au titre de la prestation compensatoire (N° Lexbase : L3793GUZ) visent, désormais, à simplifier, à pacifier les procédures devant le juge aux affaires familiales et à rationaliser les incidences de la dissolution du mariage. Les textes continuent, en tout état de cause, d'imposer l'intervention d'un juge qui vérifie que la demande est fondée sur l'une des causes énumérées par la loi. C'est que, en effet, la loi du 26 mai 2004 a maintenu le pluralisme des cas de divorce en instaurant quatre cas, énumérés au nouvel article 229 du Code civil (N° Lexbase : L2788DZB) : le divorce par consentement mutuel qui remplace le divorce sur demande conjointe, le divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage qui remplace l'ancien divorce demandé par un époux et accepté par l'autre, le divorce pour altération définitive du lien conjugal qui remplace l'ancien divorce du fait de la rupture de la vie commune et, enfin, le divorce pour faute.

La loi nouvelle n'a, à vrai dire, que très peu modifié le divorce pour faute, si bien que l'essentiel des solutions issues de la jurisprudence et antérieures à la loi du 26 mai 2004 demeurent sans doute de droit positif.

Encore faut-il tout de même signaler que la loi a eu pour objectif, et c'est là une nouveauté, d'inciter les parties à des procédures moins conflictuelles en dissociant les conséquences patrimoniales du divorce pour faute de l'attribution des torts. Toujours est-il qu'il importe, comme par le passé, de caractériser la faute cause de divorce. Un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 20 septembre dernier, à paraître au Bulletin, permet précisément de revenir sur cette question importante.

Selon l'article 242 du Code civil (N° Lexbase : L2795DZK), modifié par la loi du 26 mai 2004, "le divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque des faits constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie conjugale".

Autrement dit, pour qu'il y ait faute, trois conditions sont exigées : les faits reprochés doivent être constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage, rendre intolérable le maintien de la vie commune et être imputables à l'époux défendeur.

Dans l'espèce ayant donné lieu à l'arrêt commenté, seul était discuté le point de savoir si le fait reproché par un époux à l'autre pouvait être considéré comme constituant une faute conjugale. Et la Cour de cassation rejette, ici, le pourvoi formé contre l'arrêt qui avait prononcé le divorce des époux aux torts partagés en faisant notamment valoir "qu'il est possible d'invoquer, à l'appui d'une demande en divorce, des griefs postérieurs à l'ordonnance de non conciliation ou à l'assignation".

La Haute juridiction confirme ainsi une solution aujourd'hui acquise : les faits invoqués aux fins d'obtenir le divorce pour faute peuvent bien être postérieurs à l'introduction de la procédure. La deuxième chambre civile de la Cour de cassation avait, en effet, déjà jugé, dans un arrêt du 3 mai 1995, que "l'introduction de la demande en divorce ne confère pas aux époux encore dans les liens du mariage une immunité destituant de leurs effets normaux les offenses dont ils peuvent se rendre coupables l'un envers l'autre après l'ordonnance de non-conciliation" (1).

Il apparaît donc très nettement que la violation des devoirs du mariage, même si le divorce n'est pas encore prononcé, peut être considérée comme une faute, cause du divorce, dès lors bien sûr qu'elle remplit les conditions de l'article 242 du Code civil, ce qui, en l'espèce, était bien le cas, la Cour de cassation ajoutant justement que "le comportement méprisant de [la femme] à l'égard de son mari mettait délibérément en danger son avenir professionnel et que son attitude était révélatrice d'une volonté de lui nuire", de telle sorte que la cour d'appel a souverainement pu estimer que les faits allégués à l'encontre de l'épouse constituaient une faute au sens de l'article 242 du Code civil.

Encore faut-il sans doute que le comportement suspecté d'être fautif n'intervienne pas trop longtemps après l'ordonnance du juge ayant autorisé les époux à résider séparément (2).

David Bakouche
Professeur agrégé des Facultés de droit


(1) Cass. civ. 2, 3 mai 1995, n° 93-13.358, M. X c/ Mme X (N° Lexbase : A7672ABR), Bull. civ. II, n° 130 ; adde, dans le même sens, Cass. civ. 2, 23 septembre 1999, n° 98-12028, M. X... c/ Mme X... (N° Lexbase : A7330CIC), Bull. civ. II, n° 141.
(2) Voir en ce sens, le constat d'adultère ayant été établi plus de deux ans après l'ordonnance du juge, jugeant ainsi que le devoir de fidélité est nécessairement moins contraignant du fait de la longueur de la procédure, si bien qu'il ne pouvait y avoir ici de violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage : Cass. civ. 2, 29 avril 1994, n° 92-16.814, Mme X c/ M. X (N° Lexbase : A7127ABL), Bull. civ. II, n° 123, RTDCiv. 1994, p. 571, obs. J. Hauser ; comp. déjà, TGI Nantes, 9 novembre 1982, D. 1985, IR. p. 150, refusant de considérer comme fautif l'adultère du mari postérieur de neuf ans au jugement de séparation de corps.

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