Le Quotidien du 10 novembre 2022

Le Quotidien

Autorité parentale

[Brèves] ASE : condamnation de la France en raison de carences manifestes dans le suivi, par les autorités, d’une enfant placée en famille d’accueil et victime d’abus sexuels, et non-respect de la clause de neutralité religieuse

Réf. : CEDH, 3 novembre 2022, Req. 59227/12, Loste c/ France N° Lexbase : A01458S8

Lecture: 6 min

N3235BZT

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 09 Novembre 2022

► Dans les circonstances particulières de l'espèce, les autorités françaises ont failli à leur obligation de protection de la requérante contre les mauvais traitements dont elle a été victime au cours de son placement (en particulier des abus sexuels subis au sein de la famille d'accueil auprès de laquelle elle était placée lorsqu'elle était mineure), entraînant violation de l’article 3 de la CESDH ;
► de même, les autorités nationales n'ont pas mis en œuvre les mesures nécessaires, qui leur incombaient compte tenu des conditions du placement, en vertu de leurs obligations positives spécifiques au cas d'espèce, afin de faire respecter, par la famille d'accueil, la clause de neutralité religieuse aux termes de laquelle cette famille s'était engagée d'honorer les opinions religieuses de l'enfant comme celles de sa famille d'origine, entraînant violation de l’article 9 de la CESDH.

C’est en ce sens que s’est prononcée la Cour européenne des droits de l’Homme aux termes d’un arrêt rendu le 3 novembre 2022 (non définitif).

L’affaire concernait une requérante qui se plaignait des carences du service de l’aide sociale à l’enfance (ASE) s’agissant du suivi de son placement, lorsqu’elle avait cinq ans, en famille d’accueil. À l’appui de sa requête, elle faisait valoir ne pas avoir été protégée contre les abus sexuels dont elle avait été victime, entre 1976 et 1988, de la part du père de la famille d’accueil. Elle dénonçait également le non-respect de la clause de neutralité religieuse à laquelle la famille, dont les membres étaient Témoins de Jéhovah, s’était engagée.

S’agissant du grief portant sur les allégations d’abus sexuels (violation de l’article 3 CESDH N° Lexbase : L4764AQI, relatif à l’interdiction des traitements inhumains et dégradants), la Cour a relevé notamment que les autorités compétentes n’avaient pas mis en œuvre les mesures préventives de détection des risques de mauvais traitements prévues par les textes en vigueur à l’époque des faits.

Si ces mesures avaient été effectivement mises en œuvre, elles auraient permis aux agents du service de l’ASE de nouer une relation de confiance avec la requérante et d’être justement à son écoute. Ces mesures auraient été d’autant plus décisives qu’en 1985, la requérante, alors âgée de 14 ans, s’était alors confiée à un membre de la congrégation des Témoins de Jéhovah sur les abus sexuels qu’elle subissait de la part de M. B. au sein de la famille d’accueil. Or, à cette même période, la Cour a constaté qu’aucune visite à domicile n’a été organisée par le service de l’ASE entre le 23 février 1983 et le 18 mai 1988, soit pendant une période de cinq ans. Le Gouvernement ne saurait se prévaloir du fait qu’il ne pouvait avoir conscience de l’existence des abus sexuels que la requérante subissait puisqu’elle n’aurait jamais formulé la moindre plainte sur sa famille d’accueil auprès des agents du service de l’ASE, dès lors qu’il y a eu une carence manifeste dans le suivi régulier de la requérante tel que prévu par les dispositions légales alors en vigueur.

Elle a estimé que l’absence de suivi régulier de la part des services de l’ASE, combinée avec un manque de communication et de coopération entre les autorités concernées, devait être considérée comme ayant eu une influence significative sur le cours des événements. Elle en a déduit que les autorités nationales, d’une part, avaient failli à leur obligation de protéger la requérante contre les mauvais traitements dont elle a été victime au cours de son placement et, d’autre part, n’ont pas mis en œuvre les mesures nécessaires qui leur incombaient afin de faire respecter la clause de neutralité religieuse.

Il y a donc eu violation de l’article 3 dans son volet matériel ainsi que de l’article 9 de la Convention.

S’agissant du grief portant sur le non-respect de la clause de neutralité religieuse (violation de l’article 9 N° Lexbase : L4799AQS relatif au droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion), la Cour observe que la requérante, à son arrivée au sein de la famille d’accueil, n’était pas membre des Témoins de Jéhovah et qu’elle l’est devenue en grandissant dans ce foyer, membre de cette congrégation.

Le Gouvernement soutenait que le service de l’ASE ignorait que la famille d’accueil était membre des Témoins de Jéhovah. Si aucun élément ne permettait d’établir que le service de l’ASE disposait de cette information au moment du placement de la requérante, la Cour relève que l’enquête sur place, préalable au placement, et surtout les visites à domicile et les entretiens avec la requérante légalement prévus pendant toute la durée du placement, auraient dû permettre au service de l’ASE d’être informé des pratiques cultuelles de la famille d’accueil, de prendre les dispositions nécessaires pour rappeler aux accueillants leur obligation de neutralité et, le cas échéant, d’opérer un changement de famille d’accueil.

En tout état de cause, le service de l’ASE avait été informé de ces pratiques, au plus tard dans le courant du mois de septembre 1988. Or il ressortait des éléments du dossier que l’assistante sociale en charge du suivi du placement de la requérante à cette période n’avait donné aucune suite à cette information. La Cour observe, d’une part, que l’assistante sociale ne s’était pas entretenue avec la requérante sur l’éducation, les activités religieuses pratiquées au sein de la famille d’accueil et sa conversion religieuse et, d’autre part, qu’elle n’avait pas mentionné cette information dans le rapport social établi un mois après cet événement, le 21 novembre 1988. En outre, aucun élément ne permettait à la Cour de constater que, par la suite, le service de l’ASE aurait informé le juge des enfants de cette situation, en particulier, avant qu’il prenne, le 13 décembre 1988, sa décision de maintien de la mesure de placement de la requérante au sein de la même famille d’accueil jusqu’au 11 février 1991.

Par conséquent, la Cour estime que les autorités nationales n’ont pas mis en œuvre les mesures nécessaires, qui leur incombaient, en vertu de leurs obligations positives spécifiques au cas d’espèce, afin de faire respecter, par la famille d’accueil, la clause de neutralité religieuse aux termes de laquelle cette famille s’était engagée à respecter les opinions religieuses de l’enfant comme celles de sa famille d’origine.

Pour aller plus loin : cet arrêt fera l’objet d’un commentaire approfondi par le Professeur Adeline Gouttenoire, à paraître prochainement dans la revue Lexbase Droit privé.

newsid:483235

Collectivités territoriales

[Brèves] Carence de logements sociaux d’une commune : modalités de majoration du prélèvement annuel prononcé par le préfet

Réf. : CE, 5°-6° ch. réunies, 28 octobre 2022, n° 453414, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A34858RI

Lecture: 2 min

N3216BZ7

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par Yann Le Foll

Le 09 Novembre 2022

Lorsqu'une commune n'a pas respecté son objectif triennal de réalisation de logements sociaux, il appartient au préfet d'apprécier si, compte tenu de l'écart existant entre les objectifs et les réalisations constatées au cours de la période triennale, des difficultés rencontrées le cas échéant par la commune et des projets de logements sociaux en cours de réalisation, il y a lieu de prononcer la carence de la commune, et, dans l'affirmative, de lui infliger une majoration du prélèvement annuel.

Principe (suite). Lorsqu'une commune demande l'annulation d'un arrêté préfectoral prononçant sa carence et lui infligeant un prélèvement majoré en application de l'article L. 302-9-1 du Code de la construction et de l'habitation N° Lexbase : L4881MBE, il appartient au juge de plein contentieux, saisi de moyens en ce sens, de déterminer si le prononcé de la carence procède d'une erreur d'appréciation des circonstances de l'espèce et, dans la négative, d'apprécier si, compte tenu des circonstances de l'espèce, la sanction retenue est proportionnée à la gravité de la carence et d'en réformer, le cas échéant, le montant.

Faits. La commune d'Auvers-sur-Oise a notamment soutenu devant la cour administrative d'appel de Versailles qu'en fixant à 300 % le taux de majoration de son prélèvement annuel, le préfet du Val-d'Oise lui avait infligé une sanction disproportionnée.

Position CE. Il appartenait dès lors à la cour, après avoir admis que le prononcé de la carence de la commune ne procédait pas d'une erreur d'appréciation, d'apprécier si la sanction infligée ne revêtait pas un caractère disproportionné. En s'abstenant de se prononcer sur ce point alors qu'elle était saisie d'un moyen en ce sens, la cour a méconnu son office (CAA Versailles, 8 avril 2021, n° 20VE00288 N° Lexbase : A21374PT).

Décision. Son arrêt est donc annulé.

newsid:483216

Commercial

[Brèves] RCS : nouvelles modalités de dépôt par voie électronique des documents comptables

Réf. : Arrêté du 21 octobre 2022 relatif à la transmission électronique des documents comptables au sein du registre du commerce et des sociétés N° Lexbase : L7715MEH

Lecture: 2 min

N3207BZS

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par Vincent Téchené

Le 09 Novembre 2022

► Un arrêté, publié au Journal officiel du 4 novembre 2022, introduit une nouvelle modalité de dépôt par voie électronique des documents comptables, telle que prévue par le second alinéa de l'article R. 123-111 du Code de commerce, auprès du service informatique mentionné à l'article R. 123-30-14 dudit code.

Plus précisément, à compter du 1er janvier 2023, l’arrêté précise les modalités de dépôt des documents comptables des articles R. 123-111 N° Lexbase : L2584I4H et R. 123-121-4 N° Lexbase : L7590LSW du Code de commerce auprès de l'organisme unique mentionné à l'article R. 123-1 du Code de commerce N° Lexbase : L8274L3T (le guichet unique électronique), lequel est seul habilité à les recevoir par voie électronique, en application du troisième alinéa de l'article R. 123-102 N° Lexbase : L8552ITW et du deuxième alinéa de l'article R. 123-121-4 du Code de commerce.

L’article 1er de l’arrêté effectue une première modification de l’article A. 123-61 du Code de commerce N° Lexbase : L7800MEM, mais dont la durée d’application est très courte (moins de deux mois) : du 5 novembre 2022 (lendemain de la publication de l’arrêté au Journal officiel) au 1er janvier 2023.

En effet, à compter du 1er janvier 2023, l’article 2 de l’arrêté opère une nouvelle modification de l’article A. 123-61 N° Lexbase : L7801MEN. Il sera alors prévu que pour effectuer la transmission électronique des documents comptables, accompagnés le cas échéant de la déclaration de confidentialité des comptes annuels, la société a recours au service informatique mentionné à l'article R. 123-2 N° Lexbase : L4994MDC, c’est-à-dire le guichet unique électronique des formalités d'entreprises.

Un article A. 123-63-1 N° Lexbase : L7802MEP est créé prévoyant la même possibilité pour l’EIRL.

Les articles A. 123-61 et A. 123-63-1 ajoutent, le premier pour les sociétés et le second pour les EIRL, qu’une convention établie entre le directeur des services judiciaires, le président du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce (CNGTC) et le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) détermine les formats d'échange et l'ordre de transmission des documents aux greffes. La réception des documents, la demande de compléments et la validation du dépôt sont effectuées par l'intermédiaire du service informatique, dans les conditions prévues aux articles R. 123-6 N° Lexbase : L8278L3Y et R. 123-7 N° Lexbase : L4996MDE.

newsid:483207

Droit social européen

[Brèves] Adoption européenne des salaires minimaux adéquats

Réf. : Directive européenne n° 2022/2041, du 19 octobre 2022, relative aux salaires minimaux adéquats dans l'Union européenne N° Lexbase : L6903MEE

Lecture: 2 min

N3197BZG

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par Lisa Poinsot

Le 09 Novembre 2022

Afin de garantir des conditions de travail et de vie décentes aux travailleurs en Europe, la Directive européenne n° 2022/2041, relative aux salaires minimaux adéquats, a été adoptée le 19 octobre 2022.

Qu’est-ce qu’un salaire minimal adéquat ?

La Directive européenne laisse aux États membres la possibilité de fixer les salaires minimaux. Toutefois, elle établit des exigences minimales en ce qui concerne le caractère adéquat des salaires minimaux légaux ou conventionnels. La Directive impose, en effet, aux États membres de s’assurer que ces salaires minimaux permettent aux travailleurs, qui ont un contrat de travail ou une relation de travail, de vivre décemment. Pour cela, il faut prendre en compte le coût de la vie et les différents niveaux de rémunération.

En pratique, pour évaluer l’adéquation des salaires minimaux légaux existants, chaque État membre peut établir un panier de biens et de services à des prix réels, ou le fixer à 60 % du salaire médian brut et 50 % du salaire moyen brut.

Promotion de la négociation collective.

Pour que les salaires minimaux soient adéquats, la Directive incite les États membres à favoriser la négociation collective et le dialogue social. À ce titre, lorsque le taux de couverture des négociations collectives est inférieur à un seuil de 80 %, les États membres devront établir, pour promouvoir la négociation collective, un plan d’action définissant un calendrier précis et les mesures spécifiques pour augmenter le taux de couverture des négociations collectives.

Accès effectif à cette protection.

La Directive améliore l’accès effectif pour les travailleurs à la protection offerte par les salaires minimaux, notamment par la mise en place par les États membres d’un système de contrôle. Ce système comprend notamment des contrôles effectués pour relever les défis critiques tels que ceux liés à la sous-traitance abusive, au faux travail indépendant, aux heures supplémentaires non déclarées ou aux risques pour la santé et la sécurité liés à une intensité de travail accrue.

Dates à retenir :

  • entrée en vigueur : le 14 novembre 2022 ;
  • transposition : les États membres ont deux ans pour se conformer à la Directive (soit le 15 novembre 2024) ;
  • actualisation du salaire minimal légal : au moins tous les deux ans (ou au plus tard tous les quatre ans pour les pays qui utilisent un mécanisme d’indexation automatique) ;
  • réexamen du plan d’action de négociation collective : au moins tous les cinq ans.

 

newsid:483197

Licenciement

[Brèves] Licenciement économique d’un salarié en arrêt maladie : le juge doit rechercher la véritable cause de licenciement

Réf. : Cass. soc., 26 octobre 2022, n° 20-17.501, FS-B N° Lexbase : A01088RG

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N3185BZY

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par Charlotte Moronval

Le 09 Novembre 2022

► En cas de litige sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail d’un salarié licencié pour motif économique au cours d’un arrêt de travail pour maladie, il appartient au juge de rechercher la véritable cause du licenciement.

Faits et procédure. Un salarié, placé en arrêt maladie depuis plusieurs mois, est licencié pour motif économique en raison de la cessation d’activité de l’entreprise.

Le salarié conteste le bien-fondé de son licenciement, soutenant que le véritable motif de son licenciement était en lien avec son état de santé. Il saisit alors le conseil de prud’hommes pour que le licenciement soit déclaré nul.

La cour d’appel (CA Paris, 6-5, 20 mai 2020, n° 19/03763 N° Lexbase : A38733NR) accède à la demande du salarié et prononce la nullité du licenciement. Elle relève qu’au moment de la notification au salarié de son licenciement pour motif économique, l’employeur était informé de l’existence d’une demande de reconnaissance de maladie professionnelle par le salarié et de la saisine du médecin du travail. Elle considère que l’employeur disposait donc d’éléments suffisants pour constater que l’état de santé du salarié pouvait faire l’objet d’une inaptitude en lien avec l’activité professionnelle et qu’il ne pouvait donc invoquer un motif économique à l’appui du licenciement.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel.

Elle rappelle qu’il appartient au juge d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l’employeur et reproche à la cour d’appel de ne pas avoir recherché si la cessation d’activité de l’entreprise invoquée à l’appui du licenciement ne constituait pas la véritable cause du licenciement. Ainsi, en cas de litige sur le bien-fondé du licenciement, le juge doit rechercher quelle est la cause première et déterminante du licenciement.

Pour aller plus loin :

  • v. déjà Cass. soc., 26 mai 1998, n° 96-41.062 N° Lexbase : A2883ACR : en cas de licenciement pour faute grave d'un salarié alors même que l'agence dont il est directeur doit être fermée, le juge doit rechercher si la cause première du licenciement ne réside pas dans la fermeture de l'agence ;
  • v. ÉTUDE : Le motif économique du licenciement, Le concours de motifs de licenciement, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E9259ESQ.

newsid:483185

Procédure civile

[Brèves] Procédure collective : quid de la recevabilité d’une demande de fixation d’une créance qualifiée de prétention ?

Réf. : Cass. civ. 2, 20 octobre 2022, n° 21-16.907, F-B N° Lexbase : A51498QR

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N3183BZW

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 09 Novembre 2022

Aux termes des dispositions de l’article 910-4 du Code de procédure civile, la Haute juridiction énonce qu’à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910 du code précité, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond ;  cependant, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Faits et procédure. Dans cette affaire, un tribunal de commerce a condamné une société à restituer à une autre société des véhicules qu’elle détenait en exécution d’un contrat signé entre elles et résilié. La condamnation a été prononcée sous astreinte de 1000 euros par jour de retard et par véhicule manquant, à compter de l’expiration d’un délai de vingt-et-un jours suivant la signification de la décision. Cette dernière a été signifiée le 24 octobre 2018.

Par jugement du 29 janvier 2019, une procédure de sauvegarde a été ouverte à l’égard de la société condamnée.

Par jugement du 5 mars 2019 un juge de l’exécution a liquidé l’astreinte sur une période définie.

Le pourvoi. La société condamnée fait grief à l’arrêt (CA Aix-en-Provence, 1er avril 2021, n° 19/04485 N° Lexbase : A07604NH), d’avoir liquidé l’astreinte et d’avoir fixé à hauteur de 920 000 euros la créance de la société dans la procédure collective de la société débitrice. L’intéressée fait valoir la violation de l’article 910-4 du Code de procédure civile N° Lexbase : L9354LTM, compte tenu du fait que la cour d’appel n’a pas pris en considération que la procédure collective et la déclaration de créance de la société créancière étaient des faits antérieurs aux premières conclusions déposées par cette dernière. En l’espèce, la cour d’appel pour fixer le montant de la créance a retenu que la société créancière, dans ses conclusions du 24 février 2020 sollicitait la confirmation du jugement frappé d’appel, ce qui emportait la condamnation financière de la société débitrice. Préalablement à la décision de la cour d’appel, la société créancière a dans ses dernières conclusions du 21 octobre 2020 ajusté sa demande pour solliciter uniquement la fixation de la créance dans la procédure collective, tendant ainsi à la même prétention que celle initialement formulée, sauf à tenir compte de l'élément juridique nouveau. Dès lors, les juges d’appel en ont déduit que l'irrecevabilité ne devait pas être retenue.

Solution. Énonçant la solution précitée au visa de l’article 910-4 du Code de procédure civile, la Cour de cassation censure le raisonnement de la cour d’appel et casse et annule partiellement l’arrêt d’appel, en ce qu'il a fixé à la somme de 920 000 euros la créance de la société créancière dans la procédure collective de la société débitrice. Les Hauts magistrats relèvent que la demande de fixation de la créance de la société créancière constituait une prétention, qu'elle n'était pas destinée à répliquer aux conclusions de l'appelant ni à faire juger une question née, postérieurement aux premières conclusions, de la révélation d'un fait. En conséquence, dès lors que la procédure collective et la déclaration de créance de la société créancière étaient antérieures aux premières conclusions déposées par celle-ci, la cour d'appel, ne pouvait que déclarer irrecevable cette prétention.

newsid:483183

Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Brèves] TVA : faculté de déposer une déclaration par trimestre civil en cas de taxe annuelle éligible inférieure à 4 000 euros

Réf. : CE, 9°-10° ch. réunies, 17 octobre 2022, n° 458767, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A68238PE

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N3176BZN

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par Marie-Claire Sgarra

Le 09 Novembre 2022

Le seuil de taxe exigible de 4 000 euros en dessous duquel un redevable est admis à déposer ses déclarations par trimestre civil, par exception à l'obligation de déclaration mensuelle, s'apprécie au début de chaque trimestre par rapport au montant total de la taxe exigible les quatre trimestres civils précédents.

Les faits :

  • une société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a rejeté sa comptabilité et lui a notifié des rappels de TVA ;
  • le TA d'Orléans l'a partiellement déchargée des rappels de TVA déductible qui lui ont été réclamés au titre de l'année 2012 ;
  • la CAA de Nantes a déchargé la société des rappels de TVA pour les mois d'avril, mai, juillet, août, octobre et novembre 2013, réformé le jugement en tant qu'il était contraire à son arrêt et rejeté le surplus des conclusions de son appel (CAA Nantes, 7 octobre 2021, n° 20NT01154 N° Lexbase : A809448B).

Principe. Tout redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est tenu de remettre au service des impôts dont il dépend et dans le délai fixé par arrêté une déclaration conforme au modèle prescrit par l'administration. Les redevables soumis au régime réel normal d'imposition déposent mensuellement la déclaration indiquant, d'une part, le montant total des opérations réalisées, d'autre part, le détail des opérations taxables. La taxe exigible est acquittée tous les mois. Ces redevables peuvent, sur leur demande, être autorisés, dans des conditions qui sont fixées par arrêté du ministre de l'Économie et des Finances, à disposer d'un délai supplémentaire d'un mois. Lorsque la taxe exigible annuellement est inférieure à 4 000 euros, ils sont admis à déposer leurs déclarations par trimestre civil (CGI, art. 287 N° Lexbase : L5718MAZ).

En appel la cour administrative d’appel de Nantes a jugé que le seuil de taxe sur la valeur ajoutée exigible de 4 000 euros, en dessous duquel un redevable est autorisé à déposer des déclarations de TVA par trimestre civil et non chaque mois, s'apprécie par rapport au montant total de la taxe exigible au cours de l'année civile immédiatement antérieure à l'année civile au titre de laquelle les déclarations doivent être effectuées.

À tort selon le Conseil d’État qui juge que le seuil de taxe exigible de 4 000 euros en dessous duquel un redevable est admis à déposer ses déclarations par trimestre civil, par exception à l'obligation de déclaration mensuelle, s'apprécie au début de chaque trimestre par rapport au montant total de la taxe exigible les quatre trimestres civils précédents.

 

newsid:483176

Vente d'immeubles

[Brèves] VEFA et avantage fiscal… Le fondement du dol est toujours tentant

Réf. : Cass. civ. 3, 26 octobre 2022, trois arrêts : n° 21-19.898, FS-B N° Lexbase : A01058RC, 21-19.900, FS-B N° Lexbase : A01078RE et 21-19.899, FS-D N° Lexbase : A55098RH

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N3239BZY

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J Avocats, Chargée d’enseignements à l’UPEC, Responsable de la Commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

Le 09 Novembre 2022

►Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté ;
► le point de départ de l’action en responsabilité exercée par l’acquéreur contre le vendeur et son mandataire court à compter de la manifestation du dommage et non de la conclusion du contrat.

La vente en l’état futur d'achèvement (VEFA) est un contrat par lequel l'acheteur acquiert un bien immobilier à construire ou en cours de construction. Nombre de ces contrats sont conclus dans le cadre d’un investissement immobilier locatif bénéficiant d’une défiscalisation. L’avantage fiscal n’est, pourtant, pas toujours à la hauteur de ce qui était espéré et/ou promis, ce qui génère des contentieux, notamment sur le fondement du dol. Les arrêts rapportés en sont une nouvelle illustration.

En l’espèce, par l’intermédiaire d’un mandataire, un acquéreur achète un bien en l’état futur d’achèvement à titre d’investissement immobilier locatif bénéficiant d’une défiscalisation. Il finance son acquisition à l’aide de prêts immobiliers et donne le bien à bail commercial. L’acquéreur, se plaignant d’une baisse de la rentabilité et d’une surévaluation de la valeur de son bien, assigne le vendeur, le mandataire et les banquiers en nullité pour dol de la vente et des prêts et, subsidiairement, en indemnisation des préjudices résultant du manquement du vendeur et du mandataire à leur devoir de conseil. La cour d’appel d’Agen, dans trois arrêts du 26 mai 2021 (CA Agen, 26 mai 2021, n° 18/00798 N° Lexbase : A11354T9, 19/00802 N° Lexbase : A58504U9 et 18/00801 N° Lexbase : A10724TU), rappelle que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas. Il doit être prouvé par celui qui l’invoque. Les conseillers considèrent, en l’espèce, qu’il n’est produit aucun justificatif permettant de déterminer le montant effectif des avantages fiscaux dont il a bénéficié et qu’il ne démontre donc pas le dol allégué. La Haute juridiction censure pour défaut de base légale. Les juges du fond auraient dû rechercher si lors de la conclusion du contrat, l’acquéreur n’avait pas été induit en erreur sur la rentabilité et la valeur du bien par des manœuvres dolosives.

La solution n’est pas nouvelle. Les juges du fond ne peuvent rejeter la demande en nullité du contrat pour dol au motif que l’acquéreur s’est enrichi et a vu son passif diminuer.

S’agissant du point de départ de la prescription, la Haute juridiction en profite pour rappeler les grands principes selon sa nouvelle technique dite de la motivation enrichie. Elle revient, à cette occasion sur le délai de l’action en responsabilité. Qu’elle soit de nature contractuelle ou délictuelle, elle court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en a pas eu précédemment connaissance (Cass. civ. 1, 11 mars 2010, n° 09-12.710, F-P+B+I N° Lexbase : A1818ETI ; Cass. civ. 2, 18 mai 2017, n° 16-17.754, F-P+B N° Lexbase : A4966WDB). La cour d’appel s’est donc trompée en fixant le point de départ du délai à la date de la signature de l’acte au motif que, s’agissant d’un manquement à l’obligation de conseil ou d’information, le dommage consistant en une perte de chance de ne pas contracter se manifeste dès l’établissement de l’acte critiqué.

La manifestation du dommage consécutif à un investissement locatif avec défiscalisation ne peut résulter que des faits susceptibles de révéler l’impossibilité d’obtenir la rentabilité prévue.

La solution mérite d’être approuvée. Le délai ne peut courir que du jour de la découverte de l’erreur (pour exemple Cass. civ. 3, 15 juin 2022, n° 21-15.726, F-D N° Lexbase : A717577U).

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