Le Quotidien du 13 mai 2022

Le Quotidien

Baux commerciaux

[Brèves] Renonciation du bailleur à la résolution du bail par l’acceptation du principe du renouvellement sous réserve d’une fixation du loyer

Réf. : Cass. civ. 3, 11 mai 2022, n° 19-13.738, FS-B N° Lexbase : A56197WZ

Lecture: 4 min

N1464BZA

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par Vincent Téchené

Le 19 Mai 2022

► L'acceptation par le bailleur du principe du renouvellement du bail, sous la seule réserve d'une éventuelle fixation judiciaire du loyer du bail renouvelé, manifeste sa volonté de renoncer à la résolution de celui-ci en raison des manquements du locataire aux obligations en découlant et dénoncés antérieurement.

Faits et procédure. Les propriétaires de divers locaux les ont donnés à bail commercial le 1er février 2003. Le 22 novembre 2017, les bailleurs ont délivré aux preneurs un commandement, visant la clause résolutoire, de payer un arriéré au titre de la régularisation de charges et de justifier d'une assurance contre les risques locatifs. Le 12 janvier 2018, ils ont accepté, moyennant un loyer plus élevé, le principe du renouvellement du bail commercial, demandé par les preneurs, le 12 octobre 2017.

Par acte du 21 décembre 2017, les preneurs ont sollicité des délais de paiement et, le 28 mars 2018, les bailleurs ont demandé, à titre reconventionnel, la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire et la condamnation des preneurs au paiement de diverses provisions.

La cour d’appel de Paris (CA Paris, 1-3, 16 janvier 2019, n° 18/14431 N° Lexbase : A2019YTX) a constaté l'acquisition, à la date du 22 décembre 2017, de la clause résolutoire insérée au bail, ordonné, à défaut de restitution volontaire, leur expulsion et celle de tout occupant de leur chef des lieux loués, fixé l'indemnité d'occupation due par les preneurs et condamné solidairement ces derniers au paiement de cette indemnité. Les preneurs ont donc formé un pourvoi en cassation.

Décision. La Cour de cassation accueille favorablement le pourvoi et censure l’arrêt d’appel au visa des articles L. 145-10, alinéa 4 N° Lexbase : L2008KGH, et L. 145-11 N° Lexbase : L5739AIE du Code commerce.

La Haute juridiction rappelle d’abord que selon le premier de ces textes, dans les trois mois de la notification de la demande du preneur en renouvellement, le bailleur doit, par acte extrajudiciaire, faire connaître au demandeur s'il refuse le renouvellement en précisant les motifs de ce refus. À défaut d'avoir fait connaître ses intentions dans ce délai, le bailleur est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent.

Ensuite selon le second, le bailleur qui, sans être opposé au principe du renouvellement, désire obtenir une modification du prix du bail doit, dans le congé prévu à l'article L. 145-9 N° Lexbase : L2009KGI ou dans la réponse à la demande de renouvellement prévue à l'article L. 145-10, faire connaître le loyer qu'il propose.

Dès lors selon la Cour, il en résulte que l'acceptation par le bailleur du principe du renouvellement du bail, sous la seule réserve d'une éventuelle fixation judiciaire du loyer du bail renouvelé, manifeste la volonté du bailleur de renoncer à la résolution de celui-ci en raison des manquements du locataire aux obligations en découlant et dénoncés antérieurement.

Or, elle constate que pour accueillir la demande reconventionnelle en constatation de la résiliation du bail, l'arrêt d’appel a retenu que les preneurs ne peuvent valablement soutenir que les bailleurs ont renoncé à se prévaloir du commandement du 22 novembre 2017, dès lors que le bail initialement conclu entre les parties a été résilié de plein droit le 22 décembre 2017, les bailleurs étant libres de consentir un nouveau contrat, les parties ne s'étant d'ailleurs manifestement pas encore entendues sur les termes d'une éventuelle nouvelle convention, et notamment sur le montant du loyer.

Par conséquent, la Cour de cassation en conclut qu’en statuant ainsi, alors qu'en notifiant aux locataires, le 12 janvier 2018, soit postérieurement au commandement du 22 novembre 2017 visant la clause résolutoire dont les effets n'avaient pas été constatés judiciairement, une acceptation du principe du renouvellement du bail, les bailleurs ont renoncé sans équivoque à se prévaloir des infractions dénoncées au commandement antérieur pour obtenir la résiliation du bail renouvelé, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes visés.

Observations. La Cour de cassation pose ici en des termes clairs une solution qu’elle a déjà retenue par le passé. Par exemple, elle a déjà jugé que le bailleur qui ne s'est pas opposé à la demande de renouvellement du bail et qui a invoqué des manquements contractuels antérieurs à la date à laquelle le bail s’est renouvelé a renoncé à la résiliation judiciaire de celui-ci (Cass. civ. 3, 1er février 2018, n° 16-29.054, F-D N° Lexbase : A4853XCQ).

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La résiliation du bail commercial, La renonciation du bailleur à se prévaloir des effets de la clause résolutoire, in Baux commerciaux, (dir. J. Prigent), Lexbase N° Lexbase : E8833AEU.

 

newsid:481464

Baux commerciaux

[Brèves] Renonciation à la propriété commerciale et application du réputé non écrit aux baux en cours lors de l’entrée en vigueur de la loi « Pinel »

Réf. : Cass. civ. 3, 21 avril 2022, n° 21-10.375, F-D N° Lexbase : A48737UZ

Lecture: 4 min

N1420BZM

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par Vincent Téchené

Le 12 Mai 2022

► La substitution à la nullité des clauses, stipulations et arrangements ayant pour effet de faire échec au droit de renouvellement institué par le chapitre IV du Code de commerce, de leur caractère réputé non écrit, est applicable aux baux en cours lors de l'entrée en vigueur de loi « Pinel »;

Dès lors, est réputée non écrite la clause de renonciation ayant pour effet de faire échec, au terme de neuf années, au droit de renouvellement du bail commercial conclu antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi « Pinel ».

Faits et procédure. Après avoir conclu un bail dérogatoire de deux années à compter du 2 mai 2006 portant sur des locaux commerciaux, la locataire, restée dans les lieux, et les bailleurs ont conclu, le 7 avril 2010, un bail commercial prenant effet le 2 mai 2006 pour s'achever le 1er mai 2015. Ce bail contenait une clause de renonciation par le preneur à « la propriété commerciale » acquise en 2008, à l'issue de ce bail de neuf années. La locataire, s'étant maintenue dans les lieux au-delà du 1er mai 2015, a opposé à la demande en expulsion, formée par la bailleresse, le caractère réputé non écrit de la clause de renonciation.

La cour d’appel (CA Pau, 19 novembre 2020, n° 18/03612 N° Lexbase : A096137Q) n’a pas fait droit aux demandes de la locataire. Elle a ainsi jugé que cette dernière ne bénéficiait pas, pour le local litigieux, de la propriété commerciale et qu'elle est occupante sans droit ni titre depuis le 2 mai 2015, de sorte qu’elle a ordonné son expulsion etvl’a condamnée à payer une indemnité mensuelle d'occupation. La locataire a donc formé un pourvoi en cassation.

Décision. La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa des articles 2 du Code civil N° Lexbase : L2227AB4 et L. 145-15 du Code de commerce N° Lexbase : L5032I3R, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 N° Lexbase : L4967I3D.

Elle rappelle qu’il résulte du premier de ces textes que la loi nouvelle régit les effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées.

En outre, elle retient que le second de ces textes, dans sa rédaction issue de la loi du 18 juin 2014, qui a substitué à la nullité des clauses, stipulations et arrangements ayant pour effet de faire échec au droit de renouvellement institué par le chapitre IV du code de commerce, leur caractère réputé non écrit, est applicable aux baux en cours lors de l'entrée en vigueur de cette loi.

Or, la Haute juridiction constate que, pour rejeter la demande de la locataire tendant à ce que la clause de renonciation au renouvellement du bail à échéance du 1er mai 2015 soit déclarée non écrite, l'arrêt retient que, antérieurement au bail du 7 avril 2010, avait été signé un bail dérogatoire à l'expiration duquel la locataire avait acquis la propriété commerciale le 2 mai 2008, que la renonciation est intervenue postérieurement à la naissance du droit acquis et en parfaite connaissance du preneur, et que le fait que le bail du 7 avril 2010 ait été conclu pour une durée de neuf années, qui ont commencé à courir rétroactivement à compter du 2 mai 2006 pour se terminer le 1er mai 2015, n'a pas eu pour effet d'anéantir rétroactivement le bail dérogatoire, étant rappelé qu'il y est expressément mentionné que le preneur, en parfaite connaissance du bail dérogatoire antérieur, a renoncé à la propriété commerciale.

La Cour de cassation en conclut qu’en statuant ainsi, alors que la clause de renonciation avait pour effet de faire échec, au terme de neuf années, au droit de renouvellement du bail commercial conclu à effet du 2 mai 2008, la cour d'appel a violé les textes visés.

Pour aller plus loin :

  • v. ÉTUDE : Le caractère non écrit des clauses faisant échec au droit au renouvellement du bail commercial, La sanction applicable en présence d'une clause faisant échec au droit au renouvellement du bail commercial, in Baux commerciaux, (dir. J. Prigent), Lexbase N° Lexbase : E6268AGA ;
  • v. le commentaire de cet arrêt par Marie-Laure Besson in Lexbase Affaires n° 718 à paraître le 26 mai 2022.

 

newsid:481420

Contrat de travail

[Brèves] Possibilité pour un travailleur d’être directeur, membre de l’organe statutaire et salarié d’une même société, selon la CJUE

Réf. : CJUE, 5 mai 2022, aff. C-101/21 N° Lexbase : A11707WA

Lecture: 3 min

N1411BZB

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par Lisa Poinsot

Le 12 Mai 2022

► La circonstance qu’une personne exerçant la fonction de directeur d’une société commerciale soit également membre de l’organe statutaire de cette dernière ne permet pas, en soi, de présumer ou d’exclure l’existence d’une relation de travail ni la qualification de cette personne comme étant un travailleur salarié, au sens de la Directive n° 2008/94, du 22 octobre 2008.

Faits. En septembre 2017, un salarié est élu président du conseil d’administration de la société dans laquelle il travaille. À cet effet, il conclut un contrat dans lequel il est précisé qu’il n’a pas droit à rémunération pour l’exercice de cette fonction. Par la suite, un avenant est conclu et annexé à son contrat initial, indiquant qu’en tant que salarié, il a le droit à un salaire pour la fonction de directeur de la société depuis le mois d’octobre 2017.

Procédure. Ce salarié saisit alors la juridiction nationale compétente d’une demande de paiement de ses rémunérations afférentes à la période de juillet à septembre 2018. Ladite juridiction soutient, pour rejeter sa demande, que pour la période en cause, le travailleur n’exerçait pas uniquement des activités relevant de la direction de la société, mais qu’il travaillait également en tant que salarié. Elle constate que ce salarié a été élu président du conseil d’administration en vue d’éviter une situation économique défavorable à la société, de sorte que ce dernier ne peut, en vertu de la loi nationale applicable, se voir réparer, en tant que membre de l’organe statutaire d’une société en état d’insolvabilité, son préjudice subi en conséquence de sa direction commerciale infructueuse.

À la suite d’un pourvoi en cassation formé par le requérant, la juridiction de renvoi se trouve confronter à la situation suivante : même s’il existe un contrat de travail, un membre de l’organe statutaire qui dirige l’activité de la société commerciale ne saurait exercer ses fonctions dans le cadre d’un lien de subordination, de sorte qu’il n’existerait pas de relation de travail entre ce membre et ladite société. En conséquence, la juridiction décide de surseoir à statuer afin de poser à la CJUE la question suivante :

« L’article 2, lu en combinaison avec l’article 12, sous a) et c), de la Directive n° 2008/94, du 22 octobre 2008 N° Lexbase : L6970IBR, s’oppose-t-il à une jurisprudence nationale en vertu de laquelle le directeur d’une société commerciale n’est pas considéré comme un “travailleur salarié” aux fins de la satisfaction de créances salariales en vertu de cette directive au seul motif que ce directeur, tout en étant un travailleur salarié [au sens de ladite directive], est par ailleurs membre d’un organe statutaire de la même société ? »

La solution. Énonçant la solution susvisée, la CJUE considère que les dispositions de la Directive n° 2008/94 doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une jurisprudence nationale qui prévoit une présomption irréfragable selon laquelle une personne qui exerce, sur la base d’un contrat de travail valide au regard du droit national, cumulativement les fonctions de directeur et de membre de l’organe statutaire d’une société commerciale ne peut être qualifiée de travailleur salarié, au sens de cette directive, et, partant, ne peut bénéficier des garanties prévues par ladite Directive.

newsid:481411

Contrôle fiscal

[Brèves] Renvoi devant le Conseil constitutionnel des dispositions relatives à l’amende de 50 % sanctionnant le défaut de déclaration des sommes versées à des tiers

Réf. : CE, 9°-10° ch. réunies, 25 avril 2022, n° 458429, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A45717UT

Lecture: 2 min

N1465BZB

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par Marie-Claire Sgarra

Le 12 Mai 2022

La question de la conformité à la Constitution du 1 du I de l'article 1736 du Code général des impôts est renvoyée au Conseil constitutionnel.

Pour rappel, les personnes qui assurent le paiement des revenus de capitaux mobiliers ainsi que des produits des bons ou contrats de capitalisation et placements de même nature sont tenues de déclarer l'identité et l'adresse des bénéficiaires ainsi que, par nature de revenus, le détail du montant imposable et du crédit d'impôt, le revenu brut soumis à un prélèvement et le montant dudit prélèvement et le montant des revenus exonérés (CGI, art. 242 ter N° Lexbase : L1908HNY).

Les personnes physiques qui, à l'occasion de l'exercice de leur profession versent à des tiers des commissions, courtages, ristournes commerciales ou autres, vacations, honoraires occasionnels ou non, gratifications et autres rémunérations, doivent déclarer ces sommes (CGI, art. 240 N° Lexbase : L9127I8K).

Sanction du défaut de déclaration. Aux termes du 1 du I de l'article 1736 du Code général des impôts N° Lexbase : L9063LNY dans sa rédaction issue de l'article 28 de la loi n° 2005-1720, du 30 décembre 2005, de finances rectificative pour 2005 :

  • entraîne l'application d'une amende égale à 50 % des sommes non déclarées le fait de ne pas se conformer aux obligations prévues à l'article 240 et au 1 de l'article 242 ter et à l'article 242 ter B ;
  • l'amende n'est pas applicable, en cas de première infraction commise au cours de l'année civile en cours et des trois années précédentes, lorsque les intéressés ont réparé leur omission, soit spontanément, soit à la première demande de l'administration, avant la fin de l'année au cours de laquelle la déclaration devait être souscrite.

Cette amende avait été jugé conforme à la Constitution dans une décision du Conseil constitutionnel en date du 20 juillet 2012 (Cons. const., décision n° 2012-267 QPC, du 20 juillet 2012 N° Lexbase : A9427IQ9). Mais l'intervention de ses décisions n° 2016-554 QPC du 22 juillet 2016 N° Lexbase : A7430RXH, n° 2016-618 QPC du 16 mars 2017 N° Lexbase : A3169T8U, n° 2017-667 QPC N° Lexbase : A8819WWK du 27 octobre 2017 et n° 2021-908 QPC N° Lexbase : A88534SP du 26 mai 2021 sont susceptibles de constituer un changement de circonstances au sens des dispositions de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958.

Solution du CE. Le moyen tiré de ce qu'elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, soulève une question présentant un caractère sérieux. Par suite, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.

newsid:481465

Droit pénal de la presse

[Brèves] #Metoo, #balancetonporc et la diffamation : la Cour de cassation rejette l’appréciation stricte de la base factuelle suffisante et reconnait le débat d’intérêt général consécutif à la libération de la parole des femmes

Réf. : Cass. civ. 1, 11 mai 2022, n° 21-16.156, FS-B N° Lexbase : A56227W7 ; Cass. civ. 1, 11 mai 2022, n° 21-16.497, FS-B N° Lexbase : A56347WL

Lecture: 7 min

N1468BZE

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par Adélaïde Léon

Le 24 Mai 2022

► Les erreurs de fait dans le récit d’une agression sexuelle dont la publication est poursuivie en diffamation ne sont pas de nature à discréditer l’ensemble des propos poursuivis dès lors qu’ils sont exprimés plus de sept ans et demi après les faits et que cette durée fait également obstacle à la recherche de témoins directs.

Les termes « balance » et « porc », s’ils sont outranciers, sont suffisamment prudents dès lors qu’ils forment un mot-dièse accompagnant un tweet reproduisant un message à caractère sexuel afin d’en dénoncer le contenu, ce qui permettait aux internautes de se faire leur idée personnelle sur ce comportement.

Rappel des faits et de la procédure.

Dans la première affaire (ci-après « affaire #balancetonporc »), un ex-patron de Equidia avait assigné une journaliste et la société Audiovisuel Business System Medi (ABDSM) au motif que la première aurait publié sur le compte twitter de la seconde le message suivant  : « "Tu as des gros seins. Tu es mon type de femme. Je vais te faire jouir toute la nuit." [E] [L] ex patron de Equidia #balancetonporc ». L’intéressé estimait que ce tweet était diffamatoire à son endroit.

Dans la seconde affaire (ci-après « affaire #Moiaussi »), c’est un ancien ministre de l’Intérieur qui a assigné en diffamation une femme ayant relaté, dans un article du 18 octobre 2017 intitulé : « #Moiaussi : pour que la honte change de camps » et publié sur le site www.itinera-magica.com, l’agression sexuelle que lui aurait infligée l’ancien haut fonctionnaire. Ce récit était également reproduit dans un article du 19 octobre 2017 sur le site www.lexpress.fr.

En première instance, les juges avaient fait droit aux demandes des deux hommes s’estimant diffamés.

En cause d’appel.

Dans l’affaire #balancetonporc, la cour d’appel a rejeté les demandes de l’ex-dirigeant estimant que les propos litigieux contribuaient à un débat d’intérêt général sur la dénonciation de comportements à connotation sexuelle non consentis de certains hommes vis-à-vis des femmes et de nature à porter atteinte à leur dignité.

La cour d’appel a retenu que les propos litigieux contribuaient à un débat d’intérêt général, que l’ex-directeur d’Equidia avait lui-même reconnu avoir tenu les propos qui lui étaient imputés dans la publication poursuivie, laquelle visait uniquement à dénoncer un tel comportement sans contenir l’imputation d’un délit et que les termes « balance » et « porc » ne conduisaient pas à lui attribuer d’autres faits. La cour d’appel a également considéré que ces deux termes étaient suffisamment prudents dès lors que le mot-dièse accompagnait les propos attribués, ce qui permettait aux internautes de se faire leur idée personnelle.

Les juges d’appel on déduit de ces constatations que les propos incriminés reposaient sur une base factuelle suffisante et demeuraient mesurés, de sorte que le bénéfice de la bonne foi devait être reconnu à l’autrice des propos.

Dans l’affaire #Moiaussi, la cour d’appel a considéré que, si les propos litigieux portaient atteinte à l’honneur ou à la considération de l’individu visé, ils s’inscrivaient dans un débat d’intérêt général consécutif à la libération de la parole des femmes à la suite d’une précédente affaire médiatique. Les juges ont retenu que, si l’autrice des propos avait commis des erreurs de fait dans son récit (relatifs à l’opéra représenté et à l’existence d’un entracte), celles-ci n’étaient pas de nature à discréditer l’ensemble de ses propos compte tenu de l’ancienneté des faits dénoncés, laquelle faisait également obstacle à la recherche de témoin direct. La cour d’appel a déduit de ses constatations que les propos dénoncés reposaient sur une base factuelle suffisante.

Dans les deux affaires, les hommes visés par les propos litigieux ont formé un pourvoi contre les arrêts d’appel.

Moyens des pourvois.

Dans l’affaire #balancetonporc, il était fait grief à la cour de n’avoir pas apprécié l’existence d’une base factuelle suffisante au regard de l’intégralité des propos « tenus par le diffamateur et dénoncés par le diffamé », de n’avoir pas constaté que la tenue d’un propos déplacé ne fait pas nécessairement de son auteur un harceleur, un prédateur, « termes qui impliquent, à travers le mot porc, un comportement général et répétitif dont la base factuelle suffisante devait être établie », de n’avoir pas examiné les pièces produites par lui, d’avoir retenu l’existence d’une prudence dans l’expression de la pensée et, enfin, d’avoir permis que l’exactitude partielle du fait dénoncé soit appréciée comme l’unique critère à prendre en compte dans la mise en balance entre le débat d’intérêt général autour de la libération de la parole des femmes, et la « grave atteinte à la dignité d’une personne ».

Dans l’affaire #Moiaussi, il était reproché à la cour d’appel de n’avoir pas recherché la preuve que les faits allégués étaient vraisemblables, de n’avoir pas considéré que des « erreurs de faits » étaient de nature à discréditer l’ensemble des propos poursuivis et donc à écarter la base factuelle suffisante, d’avoir pris en considération, dans son appréciation de cette base factuelle, des pièces et témoignages non pertinents et, pour certains, ne se rapportant pas aux faits dénoncés.

Décisions. Dans les deux affaires, la première chambre civile de la Cour de cassation a rejeté les pourvois au visa des articles 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales N° Lexbase : L4743AQQ et 29, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse N° Lexbase : L7589AIW.

La Cour rappelle qu’il résulte de ces articles que la liberté d’expression « ne peut être soumise à des ingérences que dans les cas où elles constituent des mesures nécessaires au regard du paragraphe 2 du premier de ces textes ». Plus spécifiquement, en matière de diffamation, la Cour souligne que si l’auteur des propos incriminés soutient qu’il était de bonne foi, il appartient aux juges de rechercher si lesdits propos s’inscrivent dans un débat d’intérêt général et reposent sur une base factuelle suffisante. Ils examinent à cette fin si celui-ci (les quatre critères étant cumulatifs) :

  • s’est exprimé dans un but légitime ;
  • était dénué d’animosité personnelle ;
  • s’est appuyé sur une enquête sérieuse ;
  • a conservé prudence et mesure dans l’expression.

Dans l’affaire #balancetonport, la première chambre civile précise par ailleurs que si le débat d’intérêt général et la base factuelle suffisante sont réunis, les juges peuvent apprécier moins strictement les quatre critères, notamment l’absence d’animosité personnelle et la prudence dans l’expression.

Dans cette même affaire, la première chambre civile a considéré que la cour d’appel avait analysé le sens et la portée de l’ensemble du message incriminé et mis en balance les intérêts en présence et en a déduit à bon droit que les propos incriminés reposaient sur une base factuelle suffisante et demeuraient mesurés, de sorte que la bonne foi devait être reconnue à leur autrice.

Dans l’affaire #Moiaussi, la Cour de cassation juge que c’est à bon droit que la cour d’appel a jugé que les propos incriminés reposaient sur une base factuelle suffisante et que le bénéfice de la bonne foi devait être reconnu à leur autrice.

Pour aller plus loin : E. Raschel, ÉTUDE : Les justifications en droit de la presse, Les faits justificatifs spéciaux, La justification de la diffamation, La bonne foi du diffamateur, in Droit de la Presse (dir. E. Raschel), Lexbase N° Lexbase : E6400Z8K.

newsid:481468

Famille et personnes

[Brèves] Adaptation du modèle de livret de famille aux dernières évolutions législatives

Réf. : Arrêté du 3 mai 2022 modifiant l'arrêté du 1er juin 2006 fixant le modèle de livret de famille N° Lexbase : L8649MCC

Lecture: 1 min

N1454BZU

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 12 Mai 2022

► A été publié au Journal officiel du 5 mai 2022, un arrêté du 3 mai 2022 modifiant l'arrêté du 1er juin 2006 fixant le modèle de livret de famille, afin d’adapter ce dernier aux dernières évolutions législatives.

Le modèle de livret de famille est ainsi modifié afin de tenir compte des nouvelles dispositions issues de :

Pour aller plus loin :

  • v.  Dossier spécial « Loi bioéthique 2021 : les apports en droit des personnes et de la famille », Lexbase Droit privé, n° 878, 23 septembre 2021 N° Lexbase : N8818BYA ;
  • v. I. Corpart, Insertion des enfants nés sans vie dans l’histoire familiale grâce à la transmission d’un nom de famille, Lexbase Droit privé, n° 888, 16 décembre 2021 N° Lexbase : N9755BYX ;
  • v. A. Gouttenoire, La réforme de l’adoption : entre ouverture et sécurisation, Lexbase Droit privé, n° 901, 7 avril 2022 N° Lexbase : N1014BZL.

newsid:481454

Marchés publics

[Brèves] Annulation du marché public par le juge du référé contractuel : la liste des possibilités prévues est limitative !

Réf. : Cass. com., 11 mai 2022, n° 19-24.270, FS-B N° Lexbase : A56497W7

Lecture: 2 min

N1466BZC

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par Yann Le Foll

Le 18 Mai 2022

► Le juge du référé contractuel n'a le pouvoir de prononcer la nullité d'un contrat privé relevant de la commande publique que dans les cas énumérés précisément par l’article 16 de l’ordonnance n° 2009-515, du 7 mai 2009.

Rappel. Les dispositions de l'article 16 de l'ordonnance n° 2009-515, du 7 mai 2009, relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique N° Lexbase : L1548IE3, qui énumèrent les cas dans lesquels la nullité du contrat de commande publique doit être prononcée par le juge des référés saisi d'un recours contractuel, réservent cette sanction aux violations les plus graves des obligations de publicité et de mise en concurrence.

Conseil constitutionnel. Les Sages ont admis que ce dispositif est bien conforme à la Constitution (Cons. const., décision n° 2020-857 QPC du 2 octobre 2020 N° Lexbase : A49413WW).

But du dispositif. En procédant de la sorte, le législateur a entendu éviter une remise en cause trop fréquente de ces contrats après leur conclusion et assurer la sécurité juridique des relations contractuelles, ainsi que la confiance dans les relations économiques. Il a ainsi poursuivi un but légitime.

Si pour certains marchés, comme les marchés à procédure adaptée, le pouvoir adjudicateur ou l'autorité adjudicatrice peuvent être dispensés de communiquer la décision d'attribution du contrat aux candidats non retenus et d'observer un délai avant de conclure le contrat, les candidats évincés ne sont pas pour autant privés de faire valoir leurs droits, dès lors que les dispositions contestées ne font pas obstacle à ce qu'un candidat irrégulièrement évincé exerce une action en responsabilité contre la personne responsable du manquement et obtienne ainsi réparation du préjudice qui en est résulté pour lui.

Il s'en déduit que la limitation des cas dans lesquels les candidats à un marché privé de la commande publique évincés peuvent agir en référé contractuel ne porte pas atteinte à la substance de leur droit à un recours effectif et qu'elle est proportionnée au but légitime poursuivi.

Décision de la Cour de cassation. Dès lors, c'est à bon droit qu'ayant retenu que l'article 16 de l'ordonnance n° 2009-515, du 7 mai 2009, prévoit que le juge du référé contractuel n'a le pouvoir de prononcer la nullité d'un contrat privé relevant de la commande publique que dans les cas qu'il énumère précisément, ce dont il a déduit que la demanderesse soutenait, à tort, que cette liste n'était pas limitative, le juge des référés a légalement justifié sa décision.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Le contentieux de la commande publique, Le référé contractuel, in Droit de la commande publique (dir. N. Lafay, E. Grzelczyk), Lexbase N° Lexbase : E62353QY.

newsid:481466

Responsabilité

[Brèves] Pluralité de véhicules impliqués dans un accident de la circulation : rappel des principes en cas de faute de l’un des conducteurs impliqué

Réf. : Cass. civ. 2, 20 avril 2022, n° 21-13.187, F-D N° Lexbase : A39777UT

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N1457BZY

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par Claire-Anne Michel, Maître de conférences, Université Grenoble-Alpes, Centre de recherches juridiques (CRJ)

Le 12 Mai 2022

► En cas de pluralité de véhicules impliqués dans un accident de la circulation, la faute d’un conducteur qui a pour effet de limiter son droit à indemnisation, s’apprécie sans qu’il y ait lieu de se référer au comportement des autres conducteurs impliqués.

Par un arrêt rendu le 20 avril 2022, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation vient rappeler les principes lorsque plusieurs véhicules sont impliqués dans un accident de la circulation.

Faits. En l’espèce, le conducteur d’un scooter afin commis une faute en ne respectant pas un temps d’arrêt suffisant au panneau « stop », laquelle avait contribué à son dommage, mais n’en était pas pour autant la cause exclusive. En effet, le comportement de l’autre conducteur était également à l’origine de ce dommage.

Procédure. La cour d’appel (CA Papeete, 27 juin 2019, n° 18/00354 N° Lexbase : A0256ZHK) avait limité à 50 % l’indemnisation du préjudice du conducteur du scooter du fait des fautes commises par lui car si cette faute avait contribué au dommage, la réalisation de celui-ci était due également aux fautes imputables à l’autre conducteur.

Solution. L’arrêt d’appel est cassé au visa de l’article 4 de la loi du 5 juillet 1985 N° Lexbase : L7887AG9 (« la faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages qu’il a subis »). La Cour de cassation considère qu’« il résulte de ce texte que lorsque plusieurs véhicules sont impliqués dans un accident de la circulation, chaque conducteur a droit à l’indemnisation des dommages qu’il a subis, sauf s’il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice, la limitation de son droit à indemnisation étant proportionnelle à la gravité de sa faute sans qu’il y ait eu de se référer au comportement des autres conducteurs impliqués ». Or, la cour d’appel avait pris en compte le comportement de l’autre conducteur, la cassation était donc inévitable. Ce faisant, la Cour de cassation rappelle un principe connu (v. entre autres : Cass. civ. 2, 7 juillet 2011, n° 10-20.027 N° Lexbase : A9751HUP) : seule la faute de la victime doit être prise en compte, abstraction faite du comportement de l’autre conducteur.

 

newsid:481457

Urbanisme

[Brèves] Pas de suppression temporaire de l'appel pour les recours introduits contre les certificats de conformité

Réf. : CE, 2°-7° ch. réunies, 26 avril 2022, n° 452695, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A59077UC

Lecture: 2 min

N1443BZH

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par Yann Le Foll

Le 12 Mai 2022

► La suppression temporaire de l'appel ne saurait s’appliquer aux recours introduits contre les certificats de conformité.

Rappel. L'article R. 811-1-1 du Code de justice administrative N° Lexbase : L3127IYH, qui a pour objectif, dans les zones où la tension entre l'offre et la demande de logements est particulièrement vive, de réduire le délai de traitement des recours pouvant retarder la réalisation d'opérations de construction de logements ayant bénéficié d'un droit à construire, doit être regardé comme concernant non seulement les recours dirigés contre des autorisations de construire, de démolir ou d'aménager, mais également, lorsque ces autorisations ont été accordées puis retirées, les recours dirigés contre ces retraits.

Il en va de même des recours dirigés contre les refus de retraits.

Principe. Ces dispositions ne sont en revanche pas applicables aux recours dirigés contre les certificats de conformité des travaux à l'autorisation délivrée (voir aussi pour les recours contre une décision de sursis à statuer, CE, 1°-4° ch.-r., 15 décembre 2021, n° 451285, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A99967HP).

Décision CE. Dès lors, le jugement attaqué qui a refusé d'annuler le refus implicite d’un maire de retirer le permis d'aménager modificatif du 1er février 2019 et le certificat de conformité du 24 juin 2019 délivrés par la commune à un particulier n'a pas été rendu en premier et dernier ressort en tant qu'il a statué sur les conclusions de la société requérante dirigées contre le refus de retirer le certificat de conformité.

Il y a donc lieu de renvoyer à la cour administrative d'appel de Marseille le jugement des conclusions de la requête de la société requérante qui, dans cette mesure, présentent le caractère d'un appel.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Le champ d'application des actes individuels d'urbanisme, La suppression temporaire de l'appel pour les recours introduits contre certains permis de construire en zone tendue, in Droit de l’urbanisme, (dir. A. Le Gall), Lexbase N° Lexbase : E4572E7H.

newsid:481443

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