La lettre juridique n°890 du 13 janvier 2022

La lettre juridique - Édition n°890

Droit pénal spécial

[Brèves] Stupéfiants : pas d’inconstitutionnalité, mais une définition utile

Réf. : Cons. const., décision n° 2021-960 QPC, du 7 janvier 2022 N° Lexbase : A69367HD

Lecture: 4 min

N9998BYX

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par Adélaïde Léon

Le 27 Janvier 2022

► Saisi d’une QPC portant sur le manque de définition des substances stupéfiantes et le renvoi à la compétence du pouvoir réglementaire pour fixer des règles dont la détermination revient constitutionnellement à la loi, le Conseil constitutionnel a retenu la conformité des dispositions visées, mais a fixé, à cette occasion, une définition qui pourrait à l’avenir être utilisée par la filière du CBD.

Rappel de la procédure. Le 13 octobre 2021, le Conseil constitutionnel avait été saisi par le Conseil d’État (CE, 1° et 4° ch.-r., 8 octobre 2021, n° 455024, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A824948Z) d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par l’association française des producteurs de cannabinoïdes et portant sur les articles L. 5132-1 N° Lexbase : L4601IRT, L. 5132-7 N° Lexbase : L0695LZR et L. 5132-8 N° Lexbase : L2213DLK du Code de la santé publique relatifs à la définition, la classification des plantes vénéneuses ainsi qu’aux opérations concernant ces produits.

Dans sa décision, le Conseil retient que la QPC portait plus spécifiquement sur :

  • le 2° de l’article L. 5132-1 du Code de la santé publique qui classe les substances stupéfiantes parmi les substances vénéneuses ;
  • ainsi que sur le mot « stupéfiants » figurant à l’article L. 5132-7 du même code, lequel prévoit que les plantes, substances ou préparations vénéneuses sont classées comme stupéfiants par décision du directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

Motifs de la QPC. Il était reproché aux dispositions en cause de ne pas définir la notion de « substance stupéfiante » et de renvoyer au pouvoir règlementaire la détermination du champ d’application de la police spéciale qui réglemente ces substances. Le législateur aurait ainsi méconnu l’étendue de sa compétence dans des conditions affectant la liberté d’entreprendre.

Il était également fait grief aux dispositions en cause de méconnaitre le principe de légalité des délits et des peines, de proportionnalité des peines et d’égalité devant la loi pénale en ce sens qu’elles répriment le trafic et l’usage illicite de stupéfiants tout en renvoyant à l’article L. 5132-7 pour définir la notion de stupéfiants.

Décision. Le Conseil juge que les dispositions en cause sont conformes à la Constitution.

Le Conseil rappelle que les articles L. 5132-1 à L. 5132-10 N° Lexbase : L9509KXH du Code de la santé publique soumettent les substances vénéneuses à une police administrative spéciale visant, notamment, à réglementer leur production, leur commerce et leur emploi.

Par ailleurs, le Conseil juge que la notion de stupéfiants désigne des substances psychotropes qui se caractérisent par un risque de dépendance et des effets nocifs pour la santé. Les Sages estiment qu’en incluant ces substances parmi les substances nocives pour la santé humaine, le législateur n’a pas adopté des dispositions imprécises.

En outre, en confiant à l’autorité administrative le pouvoir de classer certaines substances dans cette catégorie, le législateur n’a pas conféré au pouvoir réglementaire la compétence pour fixer des règles dont la détermination revient constitutionnellement à la loi. Il appartient en effet à l’autorité administrative, sous le contrôle du juge, de procéder à ce classement en fonction de l’évolution de l’état des connaissances scientifiques et médicales.

Aux termes de ces constatations, le Conseil estime que le grief tiré de la méconnaissance par le législateur de l’étendue de sa compétence doit être écarté.

Enfin, les dispositions contestées n’instituant pas une sanction pénale, les griefs tirés de la méconnaissance des principes de nécessité et de proportionnalité des peines ainsi que de l’égalité devant la loi pénale ne peuvent qu’être jugés inopérants et donc écartés.

Si le Conseil constitutionnel ne donne pas raison aux requérants, on notera toutefois qu’en définissant ainsi la notion de stupéfiants, les sages ont livré des critères susceptibles d’être utilisés à l’avenir par la filière du CBD pour défendre l’idée que ce produit n’entre pas dans cette catégorie.

Contexte. Cette décision est rendue peu de jours après la publication au Journal officiel de l'arrêté du 30 décembre 2021, portant application de l'article R. 5132-86 du Code de la santé publique N° Lexbase : L9825IWS, lequel prévoit que sont "notamment interdites la vente aux consommateurs de fleurs ou de feuilles brutes sous toutes leurs formes, seules ou en mélange avec d'autres ingrédients, leur détention par les consommateurs et leur consommation".

La décision du Conseil constitutionnel intervient également alors que deux autres QPC, l’une transmise par le Conseil d’État (CE, 1 ch., 8 décembre 2021, n° 456556, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A53027E4) et l’autre par la Cour de cassation (Cass. crim., 24 novembre 2021, n° 21-83.406, F-D, QPC N° Lexbase : A50457D9), sont également en instance sur le statut du cannabis et du CBD.

newsid:479998

Avocats/Déontologie

[Focus] Les échanges entre l’Ordre et les avocats sont-ils couverts par la confidentialité ?

Lecture: 9 min

N9870BY9

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par Hélène Bornstein, Avocat au barreau de Paris, Médiateur, Directrice scientifique de l'Ouvrage Lexbase "La profession d'avocat".

Le 13 Janvier 2022

La question semble bien singulière. Comment en effet répondre par la négative quand on sait l’attachement viscéral des avocats à leur secret, l’un des fondamentaux de leur déontologie et condition sine qua non d’une société démocratique.

Car, si le client est en droit d’exiger de son avocat le secret absolu sur ce qu’il lui confie, l’avocat est lui aussi fondé à pouvoir en toute confiance s’adresser à son Bâtonnier, à son Ordre ou à ses délégués sans craindre que la confidentialité de ses échanges ne soit violée de quelque manière que ce soit. D’ailleurs, ne dit-on pas que le Bâtonnier est le confident naturel de l’avocat ?

Alors, si aux termes de l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : Z80802KZ), les correspondances entre le client et son avocat, et celles échangées entre l'avocat et ses confrères sont couvertes par le secret professionnel, comment imaginer qu’il en soit autrement lorsque les échanges se tiennent entre un avocat et son Bâtonnier ? C’est dans cet esprit que la profession a toujours considéré qu’un avocat qui divulguait l’avis qu’il avait obtenu d’un représentant de son Ordre constituait une infraction à nos règles les plus élémentaires, ces échanges étant « par nature » confidentiels [1]. C’est en tout cas pour tenter de préserver encore un peu ce principe fondamental de notre démocratie qu’est le secret professionnel - chaque jour un peu plus écorché - que l’Ordre de Paris a édicté au sein de son Règlement intérieur un article P 3.0.1 selon lequel :

« Sous réserve des règles de procédure, les communications et correspondances entre l’avocat et toute autorité compétente suivent les règles de l’article 3 du présent règlement », ledit article 3 stipulant que « tous échanges écrits et verbaux entre avocats sont couverts par le secret professionnel et sont par nature confidentiels ».

La cour d’appel de Paris a donc été l’une des premières à nous interpeler [2] en 2010 :  en vertu de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, seules seraient en effet couvertes par le secret professionnel les correspondances entre avocats, ou entre l'avocat et son client ? Les correspondances adressées par l'avocat au Bâtonnier ou à son Ordre, ou les réponses de ceux-ci n'entreraient pas dans les prévisions de l'article 66-5 précité ? Et ce serait ajouter à la loi que d’inclure le Bâtonnier ou ses délégués dans la confidentialité des échanges ? Mais n’est-ce pas ajouter à la loi que de les en exclure ? La loi prévoit expressément et en premier lieu la confidentialité des échanges « entre avocats ». Le Bâtonnier ou ses délégués ne sont-ils pas « avocats » au sens de la loi de 1971 ?

La Cour de cassation ne l’a pas entendu ainsi, et a rejeté le pourvoi qui avait été formé contre cet arrêt. Après avoir rappelé les termes de l’article 66-5 de la loi de 71, la première chambre a en effet jugé le 22 septembre 2011 [3] que :

« le règlement intérieur d'un barreau ne peut, sans méconnaître ces dispositions législatives, étendre aux correspondances échangées entre l'avocat et les autorités ordinales le principe de confidentialité institué par le législateur pour les seules correspondances échangées entre avocats ou entre l'avocat et son client ».

Cet arrêt a été vécu comme un choc par la profession d’avocat tout entière. Le Conseil National des Barreaux a dès 2012 envisagé de porter une proposition d’amendements aux articles 21 et 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 [4], et dans l’urgence, son Président de l’époque, le Bâtonnier Charrière- Bournazel, a tenté de faire voter la création d’un deuxième alinéa à l’article 66-5 qui aurait été rédigé ainsi :

« Sont également couvertes par le secret professionnel les correspondances échangées entre l’avocat et son bâtonnier ou les instances ordinales dès lors qu’elles contiennent des éléments couverts par le secret professionnel ».

Les bonnes intentions du CNB sont malheureusement restées lettre morte. Le temps a passé, et dans l’indifférence générale, la Cour de cassation a rendu un deuxième arrêt dans le sens du premier [5]. Le Barreau de Paris a néanmoins conservé intact l’article P 3.0.1 de son Règlement Intérieur, et c’est très bien ainsi. Car en réalité, n’en a-t-on pas trop fait autour de cet arrêt de 2011 ? À l’Université, on le qualifierait d’ « arrêt d’espèce », triste qualification à la limite du déshonneur, réservée aux pauvres décisions qui n’ont aucune portée générale, et n’ont d’autre vocation que de s’appliquer aux seuls faits de l’espèce qu’ils ont eu à juger. Il s’agissait, en effet, pour le Bâtonnier de trancher le grave différend qui opposait deux avocats autour de l’association qu’ils avaient créée… pour clamer leur amour commun de l’Italie. L’arrêt de 2016 n’est pas plus remarquable dans les faits qu’il avait à juger, s’agissant d’un couple d’avocats refusant de payer l’adoucisseur d’eau qu’ils avaient commandé à leur chauffagiste pour le confort de leur domicile privé. Point dans ces deux affaires de déclaration de soupçons faite par un avocat à son Bâtonnier, d’échanges autour de pièces extraites d’une instruction pénale pour être produites devant le Juge civil ou de courrier contestant la divulgation d’un projet de protocole d’accord en cours de finalisation. Il est à parier que si tel avait été le cas, en d’autres termes si le secret professionnel avait dû être protégé, si la production des échanges entre avocats et Bâtonnier avait eu trait à ces sujets, si des pièces appartenant à des clients ou des révélations qu’ils auraient pu faire avaient été incluses dans ces correspondances, les magistrats de la Cour de cassation auraient jugé autrement, et tranché en faveur de la confidentialité des échanges entre les avocats et leur Bâtonnier. C’est d’ailleurs ce qu’écrit la Cour de cassation en toute fin de son arrêt de 2011 :

« que par ce motif de pur droit (…) l'arrêt attaqué se trouve légalement justifié en ce qu'il écarte toute violation du secret professionnel »

« …En ce qu’il écarte toute violation du secret professionnel ». La voilà la notion essentielle.

Au sujet d’une autre affaire, la cour d’appel de Rouen ne s’y est pas trompée quelques mois plus tard [6]. Elle rappelle tout d’abord le principe posé par la loi, fidèle en cela à la position de la Cour de cassation :

« En vertu de l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, seules sont couvertes par le secret professionnel les correspondances échangées entre avocats ou entre l'avocat et son client. »

Et elle ajoute :

« Quant aux pièces 14, 15, 17, 27 et 28, elles sont constituées soit de correspondances adressées par l'avocat des appelantes au Bâtonnier, soit de correspondances adressées par le Bâtonnier aux avocats des appelantes et de l'intimée. Si les correspondances entre un avocat et son autorité ordinale n'entrent pas dans les prévisions de l'article 66-5 précité, il n'en demeure pas moins que c'est à juste titre que la décision d'arbitrage les a, en l'espèce, écartées, dès lors qu'elles ont été échangées à l'occasion d'une phase de médiation préalable à l'arbitrage et revêtent dès lors un caractère confidentiel. » « …Et revêtent dès lors un caractère confidentiel ».

Exactement comme la Cour de cassation avait relevé que l’arrêt qui lui était soumis avait « écarté toute violation du secret professionnel », la cour d’appel de Rouen a pu juger que dès lors qu’elles revêtaient un caractère confidentiel, c’est à juste titre que les correspondances ont été écartées. Peu importe ici que le caractère confidentiel des correspondances incriminées soit attaché à l’existence d’une médiation préalable, la conséquence incontestable en est qu’elles doivent être écartées des débats. Ainsi, si dans le cadre d’une interprétation extrêmement stricte comme le fait la Cour de cassation, l’on peut admettre qu’en visant les seules correspondances entre avocats ou celles qui le sont entre avocats et clients, la loi de 1971 n’a pas expressément visé les échanges entre les avocats et leur Ordre (ce qui reste contestable, sauf à retirer aux membres des Ordres leur qualité d’avocat), il n’en demeure pas moins qu’il est à parier que les magistrats préserveront la confidentialité des échanges chaque fois qu’ils la trouveront justifiée, qu’il s’agisse comme dans l’affaire de la cour d’appel de Rouen, de l’existence d’une médiation ou que le secret professionnel soit en cause dans les correspondances incriminées, comme l’a expressément écarté l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 27 mai 2010.

Alors non, en l’état, les échanges entre l’Ordre et les avocats ne sont pas « par nature » couverts par la confidentialité, mais ils le seront à chaque fois qu’ils revêtiront un caractère confidentiel, du fait par exemple, du secret professionnel de l’avocat qu’ils contiennent.

La proposition du Bâtonnier Charrière-Bournazel évoquée ci-dessus était la bonne. Il est regrettable que le CNB et/ou le Barreau de Paris n’aient pas profité des dernières discussions autour du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire - à l’occasion desquelles le secret professionnel a une fois encore été égratigné - pour l’intégrer.

 

[1] Cette sacralisation du secret est parfois difficile à appréhender, notamment par le client de l’avocat, lorsque, intéressé au premier chef, il s’entend dire que l’avis déontologique rédigé au sujet de son propre dossier ne lui sera pas communiqué, ou encore lorsque l’issue d’une plainte à l’origine d’une procédure disciplinaire contre un avocat ne sera jamais portée à la connaissance du plaignant. Mais c’est là un autre débat…

[2] CA Paris, 27 mai 2010, n° 09/28401 (N° Lexbase : A5882EYI).

[3] Cass. civ. 1, 22 septembre 2011, n° 10-21.219, F-P+B+I (N° Lexbase : A9493HXU).

[4] CNB, AG, 14 et 15 septembre 2012.

[5] Cass. civ. 3, 13 octobre 2016, n° 15-12.860, F-P+B (N° Lexbase : A9626R7N).

[6] CA Rouen, 7 décembre 2016, n° 14/02256 (N° Lexbase : A0265SPI).

newsid:479870

Bancaire/Sûretés

[Brèves] Disproportion du cautionnement et responsabilité de la banque pour manquement à son devoir de mise en garde : précisions importantes sur la prescription

Réf. : Cass. civ. 1, 5 janvier 2022, n° 20-17.325, FS-B (N° Lexbase : A42127HH)

Lecture: 8 min

N9989BYM

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par Vincent Téchené

Le 14 Janvier 2022

► L'action en responsabilité de la caution à l'encontre du prêteur fondée sur une disproportion de son engagement se prescrit par cinq ans à compter du jour de la mise en demeure de payer les sommes dues par l'emprunteur en raison de sa défaillance, permettant à la caution d'appréhender l'existence éventuelle d'une telle disproportion ;

L'action en responsabilité de l'emprunteur non averti à l'encontre du prêteur au titre d'un manquement à son devoir de mise en garde se prescrit par cinq ans à compter du jour du premier incident de paiement, permettant à l'emprunteur d'appréhender l'existence et les conséquences éventuelles d'un tel manquement.

Faits et procédure. Suivant offre acceptée du 2 août 2006, une banque a consenti à une société (l'emprunteur) un prêt, garanti par la société Crédit logement (la caution professionnelle), puis par des cautions personnes physiques les 24 juillet et 8 août 2006. À la suite d'échéances impayées à compter du 15 août 2013, la banque a prononcé la déchéance du terme le 8 février 2015. Après avoir réglé le solde du prêt à la banque, la caution professionnelle a assigné, le 11 août 2015, l'emprunteur et les autres cautions en paiement, lesquelles ont, le 22 mars 2017, appelé la banque en intervention forcée et garantie, en invoquant une disproportion des engagements de caution et un manquement de celle-ci à son devoir de mise en garde, ainsi qu'un défaut d'information annuelle des cautions.

Les cautions et l’emprunteur ont formé un pourvoi en cassation reprochant à l’arrêt d’appel (CA Versailles, 19 mars 2020, n° 18/08155 N° Lexbase : A99943IY) d’avoir jugé que leurs demandes étaient prescrites et de les avoir condamnées à payer certaines sommes à la caution professionnelle.

Décision. Plusieurs moyens étaient invoqués par la caution et l’emprunteur, qu’il convient d’examiner.

  • Sur le manquement à l’obligation d'information annuelle du créancier

Moyen. L'emprunteur et les cautions reprochaient d’abord à l'arrêt de déclarer irrecevables comme prescrites les demandes formées par celles-ci à l'encontre de la banque, au titre d'un manquement à son obligation d'information annuelle. Ils soutenaient alors que la prétention de la caution fondée sur le défaut d'information annuelle de la caution, lorsqu'elle tend seulement au rejet de la demande en paiement des intérêts au taux contractuel formée par la banque à son encontre constitue un moyen de défense au fond sur lequel la prescription est sans incidence.

Réponse de la Cour de cassation. La Cour de cassation rejette ce moyen. Elle énonce que dès lors qu'elle a retenu que les cautions poursuivaient la banque en garantie et ne s'opposaient pas à une demande formée par celle-ci à leur encontre et que leurs prétentions, fondées sur le non-respect par la banque de son obligation d'information annuelle, constituaient une demande soumise à la prescription et non un moyen de défense, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.

  • Sur la sanction du cautionnement disproportionné

Moyen. L'emprunteur et les cautions reprochaient à l’arrêt d’appel de les avoir condamnées à payer certaines sommes au créancier en ayant considéré qu'étrangère au contrat de prêt, la caution professionnelle, qui exerçait son recours personnel ne pouvait se voir opposer par les cautions les exceptions et moyens opposables au créancier principal comme la disproportion de leur engagement de caution. Ils soutenaient au contraire que la sanction de la disproportion du cautionnement prive le contrat de cautionnement d'effet à l'égard tant du créancier que des cofidéjusseurs lorsque, ayant acquitté la dette, ils exercent leur action récursoire.

Réponse de la Cour de cassation. La Cour de cassation censure sur ce point l’arrêt d’appel au visa des articles L. 332-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L1162K78), 2305 (N° Lexbase : L1203HIE) et 2310 (N° Lexbase : L1209HIM) du Code civil. Elle rappelle ainsi que la sanction prévue en matière de disproportion du cautionnement (c’est-à-dire l’impossibilité pour le créancier de se prévaloir du cautionnement) prive le contrat de cautionnement d'effet à l'égard tant du créancier que des cofidéjusseurs lorsque, ayant acquitté la dette, ils exercent leur action récursoire.

Observations. Cette solution a été posée en termes identiques par un arrêt de Chambre mixte du 27 février 2015 (Cass. mixte, 27 février 2015, n° 13-13.709, P+B+R+I N° Lexbase : A3426NCU ; G. Piette, Lexbase Affaires, mars 2015, n° 417 N° Lexbase : N6558BUG) et a été depuis lors rappelée (v. not. Cass. civ. 1, 26 septembre 2018, n° 17-17.903, FS-P+B N° Lexbase : A2007X8T – Cass. civ. 1, 8 septembre 2021, n° 19-24.129, F-D N° Lexbase : A245844S). Certains auteurs défendaient cette solution remarquant notamment que « la disproportion est une exception personnelle à la caution, opposable erga omnes ». Cette solution peut paraître sévère pour la caution solvens.

La réforme du droit des sûretés, publiée au Journal officiel du 16 septembre 2021 (ordonnance n° 2021-1192, du 15 septembre 2021, portant réforme du droit des sûretés N° Lexbase : L8997L7D ; sur cette réforme, v. Dossier spécial « La réforme du droit des sûretés par l'ordonnance du 15 septembre 2021 », Lexbase Affaires, octobre 2021, n° 691 N° Lexbase : N8992BYP), en plus d’intégrer le principe de proportionnalité dans le Code civil (C. civ., art. 2300 N° Lexbase : L0174L8X), modifie la sanction : « Si le cautionnement souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné aux revenus et au patrimoine de la caution, il est réduit au montant à hauteur duquel elle pouvait s’engager à cette date » (G. Piette, Réforme du droit des sûretés par l’ordonnance du 15 septembre 2021 : formation et étendue du cautionnement, Lexbase Affaires, octobre 2021, n° 691 N° Lexbase : N8978BY8).

  • Sur la prescription de l'action en responsabilité de la caution à l'encontre du prêteur fondée sur la disproportion

Réponse de la Cour de cassation. Il résulte de l’article 2224 du Code civil (N° Lexbase : L7184IAC) que l'action en responsabilité de la caution à l'encontre du prêteur fondée sur une disproportion de son engagement se prescrit par cinq ans à compter du jour de la mise en demeure de payer les sommes dues par l'emprunteur en raison de sa défaillance, permettant à la caution d'appréhender l'existence éventuelle d'une telle disproportion.

Or, la Haute juridiction relève que pour déclarer les demandes formées par les cautions à l'encontre de la banque irrecevables comme prescrites, l'arrêt d’appel a retenu, d'une part, que la disproportion s'apprécie au jour de la conclusion des engagements et qu'ils ont été signés les 24 juillet et 8 août 2006, d'autre part, que l'assignation de la banque en intervention forcée date du 22 mars 2017.
Dès lors, les Hauts magistrats en concluent qu’en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l’article 2224 du Code civil.

  • Sur la prescription de l'action en responsabilité de l'emprunteur non averti à l'encontre du prêteur au titre d'un manquement à son devoir de mise en garde

Réponse de la Cour de cassation. La Cour de cassation énonce qu’il résulte de l’article 2224 du Code civil que l'action en responsabilité de l'emprunteur non averti à l'encontre du prêteur au titre d'un manquement à son devoir de mise en garde se prescrit par cinq ans à compter du jour du premier incident de paiement, permettant à l'emprunteur d'appréhender l'existence et les conséquences éventuelles d'un tel manquement.

Or, la Haute juridiction relève que pour déclarer les demandes formées par l'emprunteur à l'encontre de la banque irrecevables comme prescrites, l'arrêt d’appel a retenu, d'une part, que le dommage résultant d'un manquement au devoir de mise en garde se manifeste dès l'octroi du crédit et que l'offre de prêt a été acceptée le 2 août 2006, d'autre part, que l'assignation de la banque en intervention forcée date du 22 mars 2017.

Dès lors, les Hauts magistrats en concluent qu’en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l’article 2224 du Code civil.

Observations. La première chambre civile tranche, ici, un point sur lequel il existait une réelle incertitude (v. not.,Cass. civ. 1., 12 décembre 2018, n° 17-21.232, F-D N° Lexbase : A7038YQQ). En dernier lieu, la Chambre commerciale avait retenu que le délai de prescription de l’action en indemnisation du dommage résultant d’un manquement au devoir de mise en garde débute, non pas à la date de conclusion du contrat de prêt, mais à la date d’exigibilité des sommes au paiement desquelles l’emprunteur n’est pas en mesure de faire face (Cass. com., 22 janvier 2020, n° 17-20.819, F-D N° Lexbase : A59293CL).

La première chambre civile retient la même solution dans un autre arrêt rendu également le 5 janvier 2022 (Cass. civ. 1, 5 janvier 2022, n° 20-18.893, FS-B N° Lexbase : A42197HQ ; J. Lasserre Capdeville, Lexbase Affaires, 13 janvier 2022, n° 701 N° Lexbase : N0004BZ8).

Pour aller plus loin :

  • v. ÉTUDE : Proportionnalité et cautionnement, Le cautionnement des personnes physiques envers les créanciers professionnels, in Droit des sûretés, (dir. G. Piette), Lexbase (N° Lexbase : E8923BXR) ;
  • v. ÉTUDE : Droit de la responsabilité du banquier dispensateur de crédit, Contenu du devoir de mise en garde, in Droit bancaire, (dir. J. Lasserre-Capdeville), Lexbase (N° Lexbase : E14203PB). 

 

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Baux commerciaux

[Jurisprudence] Obligation de délivrance du bailleur et commercialité des lieux loués

Réf. : Cass. civ. 3, 15 décembre 2021, n° 20-14.423 et 20-16.570, FS-B (N° Lexbase : A17347GC)

Lecture: 19 min

N0022BZT

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par Marie-Laure Besson, Maître de conférences en droit privé à l’Université Sorbonne Paris Nord, Membre de l’Institut de Recherche pour un Droit Attractif (IRDA) - UR 3970

Le 12 Janvier 2022


Mots-clés : bail commercial • centre commercial • obligation de délivrance • obligation d’entretien • environnement commercial favorable au preneur • maintien de la commercialité des lieux (non) • clause de commercialité (non) • centre commercial haut de gamme présentant une décoration soignée • stipulations particulières du bail (non) • volonté des parties sur le positionnement particulier du centre commercial, qualité environnementale et architecturale et décoration très soignée • obligations seulement à la charge du preneur mais aucune obligation particulière à la charge du bailleur • manquement du bailleur à son obligation de délivrance (non) • manquement du bailleur à un engagement contractuel (non) • responsabilité du bailleur (non) • article 1719 du Code civil • ancien article 1134 du Code civil • perte de chance (oui).

Alors que dans les ensembles commerciaux, tels que les centres commerciaux ou les galeries marchandes, la réussite commerciale de chaque local est liée à l’attractivité et la dynamique économique du centre lui-même, en raison du potentiel de clientèle qu'elle est susceptible de créer, la question du maintien de la commercialité soulève des difficultés importantes, notamment au regard de l’obligation de délivrance puisque la question se pose de savoir si cet élément fait partie de cette obligation. La présente décision offre une nouvelle occasion à la Cour de cassation de se prononcer sur les contours de l’obligation de délivrance quant à un éventuel maintien de la commercialité des lieux loués pesant sur le bailleur de locaux commerciaux. Elle énonce d’abord que le bailleur d'un local situé dans un centre commercial dont il est propriétaire n'est, à défaut de stipulations particulières du bail, pas tenu d'en assurer la bonne commercialité. Elle rappelle ensuite, au visa de l’article 1134 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et de l'article 1719 du même code, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et que le bailleur est obligé, par la nature même du contrat de délivrer au preneur la chose louée et d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée, sans être tenu, en l'absence de clause particulière, d'en assurer la commercialité. Dans la mesure où les clauses du bail n'engendrent d'obligations qu'à la charge du locataire mais aucune obligation particulière à la charge du bailleur, ce dernier ne peut être responsable d’un manquement à son obligation de délivrer un local dans un centre commercial de haut de gamme présentant une décoration soignée.

1. Cet arrêt vient s’ajouter aux décisions déjà rendues par la Haute juridiction à propos des contours de l’obligation de délivrance dont est tenu le bailleur de locaux situés dans un centre commercial vis-à-vis de son locataire, s’agissant spécifiquement du maintien d’un environnement commercial qui lui est favorable. La solution n’est pas nouvelle et vient confirmer la position de la Cour de cassation en la matière.

2. Dans l’espèce litigieuse, une société civile immobilière (SCI) a, par acte des 16 et 23 mars 2010, consenti à une société un bail commercial sur un local à usage de prêt-à-porter situé au premier étage du centre commercial du Millénaire à Aubervilliers. Le 10 mars 2014, à la suite d'un commandement de payer, la société bailleresse a assigné la société locataire devant le juge des référés afin de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail et en paiement d'une provision sur loyers impayés. Par ordonnance du 1er août 2014, le juge des référés a dit n'y avoir lieu à référé, au vu des contestations sérieuses émises par le locataire et tenant aux manquements du bailleur à ses obligations de délivrance et d'assurer un flux minimal de chalandise. Par arrêt du 22 janvier 2015, la cour d'appel de Paris [1], saisie par la SCI, a confirmé l'ordonnance. Parallèlement, le preneur reprochait à son bailleur un changement de la nature du centre commercial accueillant désormais des enseignes discounts alors que son caractère « haut de gamme » ressortait des articles 3 (interdiction d'adopter une enseigne de moindre notoriété en cours de bail) et 13 (interdiction d'axer sa communication sur la vente de produits à bas prix) des conditions générales et de l'article 14 (aménagement luxueux à réaliser aux frais du preneur) des conditions particulières du bail. Le 3 juillet 2014, la société locataire a assigné la SCI en résiliation du bail et indemnisation de son préjudice résultant des manquements du bailleur à son obligation de délivrance et à ses engagements contractuels, en n'assurant pas une commercialité du centre permettant l'exploitation pérenne de son fonds de commerce.

3. Par jugement du 18 avril 2019 [2], le tribunal, ayant estimé que la société bailleresse avait manqué « à son engagement contractuel de délivrer un local dans un centre commercial de haut de gamme présentant une décoration soignée » et ne justifiait pas de « diligences pour tenter de maintenir une offre commerciale diversifiée », a prononcé la résiliation du bail au 22 mars 2016 et aux torts du bailleur et a ordonné la compensation entre la créance de dommages-intérêts (préjudice matériel fixé à 1 500 000 euros) et la créance de loyers et charges (1 082 810,92 euros) à hauteur de la plus faible.

La SCI bailleresse a interjeté appel en faisant essentiellement valoir que le bailleur d'un centre commercial n'est tenu que des obligations légales résultant de l'article 1719 du Code civil (N° Lexbase : L8079IDL) et que le bail ne contenait aucune obligation de commercialité. La cour d'appel [3] retient qu'à défaut de stipulations particulières du bail, le bailleur n'est pas tenu d'assurer la bonne commercialité du centre, mais que ce dernier a manqué à son engagement contractuel de délivrer « un local dans un centre commercial de haut de gamme, avec des commerces d'une gamme élevée, avec une décoration soignée ». Toutefois, elle estime que ces seuls manquements n'ont pas été d'une gravité suffisante pour entraîner le prononcé de la résiliation du bail aux torts du bailleur et que compte tenu du délaissement des lieux par le preneur, le bailleur était bien fondé à demander que soit constatée la résiliation du bail aux torts du locataire. En conséquence, les juges du fond ont condamné le bailleur à lui verser la seule somme de 172 000 euros en réparation de la perte de chance par lui subie, condamné le preneur au paiement d'un arriéré locatif et dit que le bailleur pourrait faire application de la clause 29 du bail pour le calcul des intérêts moratoires.

Les deux parties au bail commercial ont formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt d’appel. En raison de leur connexité, les pourvois ont été joints.

De son côté, la société locataire conteste l'arrêt dans ses diverses dispositions au motif « que même en l'absence de stipulation spéciale dans le bail, le bailleur d'un centre commercial est tenu, au titre de l'obligation de délivrance, de mettre en œuvre les diligences raisonnables pour assurer un environnement commercial permettant au preneur d'exercer son activité dans des conditions normales » et « qu'en retenant au contraire qu'à défaut de stipulations particulières du bail, le bailleur n'est pas tenu d'assurer la bonne commercialité du centre, la cour d'appel a violé l'article 1719 du Code civil ».

De l’autre côté, la société bailleresse reproche à l’arrêt d’avoir retenu un manquement à son encontre et estime « qu'à défaut de stipulation particulière, le bailleur d'un local situé dans un centre commercial n'a aucune obligation légale quant à la nature ou aux caractéristiques du centre commercial, et notamment quant au respect d'un certain niveau qualitatif » et « qu'en retenant dès lors que la SCI a manqué à son engagement contractuel de délivrer "un local dans un centre commercial de haut de gamme, avec des commerces d'une gamme élevée, avec une décoration soignée", cependant que le bail litigieux ne comportait aucune stipulation particulière à cet égard, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC), dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article 1719 du même code ».

Ces moyens n’emportent pas totalement la conviction des Hauts conseillers qui cassent partiellement l’arrêt d’appel, en ce qu'il dit que la SCI bailleresse a manqué à son engagement contractuel de délivrer un local dans un centre commercial haut de gamme présentant une décoration soignée.

Sur le premier moyen, la Cour de cassation se retranche derrière la cour d'appel en considérant qu’elle « a exactement retenu que le bailleur d'un local situé dans un centre commercial dont il est propriétaire n'est, à défaut de stipulations particulières du bail, pas tenu d'assurer la bonne commercialité du centre ».

Sur le second moyen, elle rappelle d’abord, au visa de l’ancien article 1134 et de l'article 1719 du Code civil, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et que le bailleur est obligé, par la nature même du contrat de délivrer au preneur la chose louée et d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée, sans être tenu, en l'absence de clause particulière, d'en assurer la commercialité. Elle déclare ensuite qu’en déduisant l'existence à la charge du bailleur de l'obligation de délivrer à la société preneuse à bail un local dans un centre commercial de haut de gamme présentant une décoration soignée, eu égard aux articles 3 et 13 des conditions générales du bail, ainsi qu’à l'article 14 de ses conditions particulières, dont il résulte que les parties ont entendu tout mettre en œuvre pour que le centre ait un positionnement différent des autres centres, non seulement en termes de qualité environnementale, mais également quant à l'architecture et à la décoration particulièrement soignée, après avoir relevé que les clauses précitées n'engendraient d'obligations qu'à la charge du preneur mais aucune obligation particulière à la charge du bailleur, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

4. Cette solution apparaît cohérente et justifiée à deux égards. D’une part, elle l’est au regard d’une position jurisprudentielle constante qui tend à écarter la commercialité en l’absence de clause expresse (I). D’autre part, elle l’est compte tenu de l’absence de clause venant étendre le contenu de l’obligation de délivrance quant au standing des locaux loués (II).

I. L’exclusion de la commercialité en l’absence de clause expresse dans le bail commercial

5. Dans les ensembles commerciaux, tels que les centres commerciaux ou les galeries marchandes, la réussite commerciale de chaque local est liée à l’attractivité et la dynamique commerciale du centre lui-même ainsi qu’à la localisation du local au sein de l’ensemble immobilier, mais aussi aux activités exercées concurremment dans le centre [4]. En effet, la commercialité de chaque local, l’implantation de celui‑ci ou encore l’exclusivité de l’activité qui y est exercée sont liées au centre commercial lui-même en raison du potentiel de clientèle qu'elle est susceptible de créer [5]. Les questions du maintien de la commercialité, de l’implantation effective et de l’exclusivité de l’activité soulèvent des difficultés importantes dans le cadre des centres commerciaux [6], notamment au regard de l’obligation de délivrance puisque la question se pose de savoir si ces éléments font partie de cette obligation.

Autrement dit, l’obligation de délivrance issue des articles 1719, 1° et 1720, alinéa 1er, du Code civil (N° Lexbase : L1842ABT), qui peut être définie structurellement comme une double prestation  de mise à disposition et de mise en état conforme de la chose louée [7] ou fonctionnellement comme une mise en capacité d’exercice de l’activité économique [8], englobe-t-elle l’obligation de maintenir un environnement commercial favorable au preneur ? C’est justement à cette question, soulevée dans le pourvoi formé par la société locataire, que l’arrêt commenté apporte des éléments de réponse.

6. Bien qu’il n’existe pas de définition légale de la commercialité, l’article R. 145-6 du Code de commerce (N° Lexbase : L0044HZN) évoque les termes de « facteurs locaux de commercialité » et dispose qu’ils « dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire » [9]. Au regard de ces informations, Boccara a proposé une définition qui serait toujours d’actualité [10], selon laquelle la commercialité correspond à « l'aptitude plus ou moins grande d'un secteur à permettre aux commerçants qui y sont installés, en bénéficiant d'une destination adéquate, de réaliser des profits sur le seul fondement des qualités propres de ce secteur, abstraction faite de l'aptitude des exploitants » [11].

À ce titre, de nombreux preneurs, peut-être supportant mal que la réussite ne soit pas au rendez-vous ou qu’elle ne soit pas la même pour tous, agissent contre leurs bailleurs, les tenant responsables de la commercialité du centre [12]. Or, des années 1990 à 2000, la Cour de cassation a toujours vu les bailleurs de centres commerciaux comme des bailleurs ordinaires, refusant de les déclarer responsables de la commercialité du centre « sauf stipulations particulières » [13] et estimant qu’ils n’étaient tenus d'aucune autre obligation que celle de délivrance, d'entretien et de jouissance paisible de la chose louée [14]. En 2013, la Cour de cassation a d’ailleurs, par une formule très claire, confirmé sa position : « Il n'existe pas d'obligation légale pour le bailleur d'un local situé dans un centre commercial ou une galerie commerciale d'assurer le maintien de l'environnement commercial et, en l'absence de stipulation particulière, le bailleur s'était uniquement engagé à mettre à disposition les locaux visés au bail. Ni la complémentarité des activités des cocontractants ni les clauses relatives aux modalités d'exploitation n'établissent la commune intention des parties d'obliger le preneur à bail d'un ensemble immobilier à maintenir son activité dans l'immeuble aussi longtemps que la location perdure » [15].

L’idée des preneurs a alors été de demander réparation en se fondant expressément sur une de ces obligations [16]. Ainsi, a-t-on pu se demander si l’obligation de délivrance à la charge du bailleur ne couvrait pas aussi une obligation de maintien de la commercialité, soit une obligation de maintenir un environnement commercial favorable au preneur [17]. En réalité, les différentes juridictions n’ont jamais véritablement répondu à cette question, s’en tenant seulement à leur formule stricte selon laquelle la commercialité n’a pas à être assurée par le bailleur lorsque le bail ne contient aucune clause visant expressément un tel engagement. Ce faisant, la troisième chambre suit scrupuleusement sa ligne de conduite en excluant la commercialité en l’absence de clause expresse dans le contrat de bail commercial.

7. En effet, pour approuver la solution de la cour d’appel, elle réitère son interprétation en rappelant que « le bailleur d'un local situé dans un centre commercial dont il est propriétaire n'est, à défaut de stipulations particulières du bail, pas tenu d'assurer la bonne commercialité du centre », sans précision supplémentaire. Pour la doctrine, la commercialité n’est pas incluse dans l’obligation de délivrance [18]. Si on examine les définitions respectives de la commercialité et de l’obligation de délivrance, alors la délivrance ne serait qu’un outil permettant la réalisation de la commercialité, mais manifestement pas une garantie de cette commercialité. En présence d’une clause de commercialité, le contenu de l’obligation de délivrance peut se trouver alourdi, mais à elle seule, même avec un champ plus étendu, cette obligation ne suffira pas à garantir une commercialité effective. À défaut d’inclure une véritable commercialité dans l’obligation de délivrance du bailleur de centres commerciaux, il existe une certaine attractivité liée à ces biens particuliers que le bailleur doit non pas garantir avec certitude, car une telle charge serait illusoire, mais essayer d’assurer par tous les moyens au titre de cette obligation [19], sachant que celle-ci s’apprécie au regard des clauses du bail. C’est précisément l’argument de défense déployé par la société locataire pour tenter d’obtenir une condamnation du bailleur.

S’il semble possible d’enrichir le contenu de l’obligation de délivrance d’un bailleur de locaux situés dans un centre commercial, encore faut-il que le contenu contractuel permette de caractériser un tel engagement, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

II. La possible inclusion d’engagements contractuels spécifiques par des clauses du bail commercial

8. Pour répondre au moyen développé dans le pourvoi formé par la bailleresse, il fallait que la Cour de cassation se penche sur l’existence d’un engagement du bailleur à délivrer un local dans un centre commercial haut de gamme présentant une décoration soignée conduisant à l’indemnisation d'une perte de chance. En effet, ce n’est que par référence au contenu du contrat de bail commercial qu’un tel engagement peut être identifié et de ce fait étendre le contenu de l’obligation de délivrance. C’est sur ce point que la solution commentée se prononce en second lieu.

9. À défaut de s’être positionnée sur le terrain de l’obligation de délivrance, la Cour de cassation a commencé par se placer sur le plan de l’obligation d’entretien (C. civ., art. 1719, 2°) en estimant que le bailleur qui a laissé se dégrader les parties communes d'un centre commercial à l'abandon, privant les preneurs des avantages qu'ils tenaient du bail, n'a pas rempli son obligation d'entretien des lieux loués [20]. Puis, dans des arrêts plus récents, elle a visé les obligations légales du bailleur issues de l’article 1719 tout entier en considérant qu’un défaut d’entretien des parties communes du centre commercial y constituait un manquemen[21]. Ces décisions interrogent inévitablement quant aux déductions à en tirer à propos de l’obligation de délivrance. Alors qu’elle avait refusé de reconnaître qu’un bail commercial était nécessaire à l’utilisation du local [22], elle revient sur sa position en déclarant que « le bailleur d’un local situé dans un centre commercial dont il est propriétaire étant tenu d’entretenir les parties communes du centre, accessoires nécessaires à l’usage de la chose louée » [23]. S’il existe depuis un certain temps une divergence d'appréciation sur le contenu de l'obligation de délivrance incombant au bailleur d'un centre commercial [24], une telle déclaration paraît plonger l’environnement commercial au rang d’objet de l’obligation de délivrance [25] dans le sens où l’obligation d’entretien est un prolongement de l’obligation de délivrance [26]. Ces solutions peuvent être comparées avec celle de la cour d'appel de Paris, qui s’est prononcée à propos de la désertification d'une galerie commerciale, en considérant qu'il existait une obligation de maintien de la jouissance de l'organisation commerciale convenue, de la forme physique et immatérielle de la galerie [27]. En raisonnant non plus sur l’obligation d’entretien comme prolongement de l’obligation de délivrance, mais sur celle de ne pas modifier la chose louée, y compris dans l’environnement qui l’entoure, la solution se comprend. On peut encore citer un récent jugement dans lequel les juges ont considéré que « lorsque le bail met à la charge du bailleur une obligation particulière liée au prestige de la galerie marchande, la responsabilité du bailleur peut être retenue s’il est constaté que la galerie commerciale ne correspond pas au standing contractuellement prévu » [28]. D’autres décisions témoignent de cette obligation de délivrer un local dans un environnement économique favorable [29]. C’est ainsi que peut se dessiner un contenu plus étendu de l’obligation de délivrance du bailleur de locaux situés dans un centre commercial ou une galerie marchande, étant évident que l’extension dudit contenu s’apprécie au regard de la rédaction des clauses du contrat de bail commercial.

10. Justement, pour écarter la responsabilité du bailleur sur le fondement d’un manquement à son obligation de délivrer un local dans un centre commercial haut de gamme présentant une décoration soignée, la troisième chambre estime que les clauses du bail n'engendraient d'obligations qu'à la charge du preneur, mais aucune obligation particulière à la charge du bailleur, ce que la cour d'appel a précisément relevé, de sorte qu’il n’y avait pas de manquement à l’obligation de délivrance de la part du bailleur. C’est au visa de l'ancien article 1134 du Code civil et de l'article 1719 du même code, rappelant que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et que le bailleur est obligé, par la nature même du contrat de délivrer au preneur la chose louée et d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée, sans être tenu, en l'absence de clause particulière, d'en assurer la commercialité, qu’elle justifie sa solution.

Un engagement spécifique de tout mettre en œuvre pour que le centre ait un positionnement différent des autres centres, non seulement en termes de qualité environnementale, mais également quant à l'architecture et à la décoration particulièrement soignée, venant enrichir le contenu de l’obligation de délivrance, aurait vraisemblablement pu se déduire des articles 3 et 13 des conditions générales du bail, ainsi que de l'article 14 de ses conditions particulières, mais pour cela, il aurait fallu que la formulation des clauses eût été faite en ce sens. Or, ce n’était a priori pas le cas, si bien que la cour d’appel a violé les textes susvisés. En l’occurrence, parmi les clauses reproduites, certaines étaient élusives de responsabilité pour le bailleur dans le cadre de ses actions d'animation, de promotion, de communication et de publicité. D’autres autorisaient une éventuelle modification de la distribution et de l’accès des lieux. D’autres encore utilisaient la tournure « le preneur renonce expressément / le preneur déclare contracter / le preneur s’engage ». D’où, l’importance à accorder à la rédaction des clauses du bail commercial.

11. Partant, la vigilance et la prudence du rédacteur d’actes seront de mise à propos de la formulation des clauses du bail commercial. Diverses stipulations peuvent affecter le contenu de l’obligation de délivrance, spécifiquement au regard de la problématique suscitée, notamment les clauses d’identification de la chose louée, de désignation des lieux ou d’utilisation de la chose louée [30]. Effectivement, ces clauses peuvent, selon la manière dont elles sont rédigées, faire naître des engagements spécifiques intégrant ou pas le champ de l’obligation de délivrance. Il convient donc que le rédacteur d’actes soit attentif à leur formulation en y apportant tout le soin nécessaire, selon la finalité recherchée par la ou les parties au bail commercial.

 

[1] CA Paris, Pôle 1, 2ème ch., 22 janvier 2015, n° 14/17588 (N° Lexbase : A7888SC7).

[2] TGI Paris, 18 avril 2019, n° 14/10036.

[3] CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 4 mars 2020, n° 19/10473 (N° Lexbase : A03783IT).

[4] R. D’Heucqueville, La notion de centre commercial, RDI, décembre 1994, n° 4, p. 531.

[5] M.-P. Dumont-Lefrand, Bail commercial, Rep. Civ. Dalloz, 2009, n° 214 ; C. Quément, Bail commercial. - Obligations des parties, J.-Cl. Bail à Loyer, Fasc. n° 1275, février 2020, n° 64.

[6] V. pour l’importance de ces problématiques dans les centres commerciaux, mais sur le fondement de l’obligation de garantie ou de jouissance : M.-A. Le Floch, Le bail commercial dans les centres commerciaux, th. Paris II, 2018, p. 238 et s., n° 225 et s. ; C. Denizot, Droit civil et bail commercial, th. Paris XI, 2003, p. 235 et s., n° 276 et s..

[7] M.-L. Besson, L’obligation de délivrance dans les baux commerciaux, préf. A. M. Luciani, L’Harmattan, coll. Logiques juridiques, 2021, p. 67 et s., n° 41 et s.

[8] Ibid., p. 243 et s., n° 217 et s..

[9] V. en ce sens : C. Mamontoff, Les relations entre petits commerces et grande distribution, RDI mars, 1998, n° 1, p. 29.

[10] Ph.-H. Brault, Bail commercial - Loyer - La valeur locative et ses critères légaux, J.-Cl. Bail à Loyer, Fasc. n° 1405, novembre 2010, n° 99.

[11] B. Boccara, Baux commerciaux. La modification des facteurs locaux de commercialité, AJDI, juillet 1993, n° 7‑8, p. 494.

[12] J. Derruppé, La vie du centre commercial, RDI, décembre 1994, n° 4, p. 565 ; J. Lafond, Les recours des locataires contre le bailleur en cas d'échec d'un centre commercial, JCP E, octobre 1997, n° 40, étude 688, p. 397.

[13] F. Auque, Le bailleur de centre commercial : un bailleur comme les autres ?, AJDI, juillet 2007, n° 7-8, p. 536. V. en ce sens : Cass. civ. 3, 28 novembre 2007, n° 06-17.758, FS-P+B (N° Lexbase : A9422DZY), Gaz. pal., septembre 2008, n° 250, p. 15 ; JCP N, décembre 2007, n° 50, act. 814, p. 4 ; JCP E, janvier 2008, n° 3, pan. 1082, p. 21 ; RDI, juillet 2008, n° 6-7, p. 326, obs. F.-G. Trébulle ; Rev. loyers, février 2008, n° 884, jur. 677, p. 91, note C. Quément ; D., janvier 2008, n° 2, p. 85, obs. Y. Rouquet ; Dalloz Actualité, 19 décembre 2007, obs. Y. Rouquet ; D., juillet 2008, n° 24, p. 1645, chron. L. Rozès – Cass. civ. 3, 5 septembre 2012, n° 11-17.394, FS-D (N° Lexbase : A3628IS8), AJDI, décembre 2012, n° 12, p. 886, chron. J.‑P. Blatter ; AJDI, décembre 2013, n° 12, p. 882, chron. J.-P. Blatter ; JCP N, août 2013, n° 35, 1206, p. 41, chron. J. Monéger et H. Kenfack.

[14] Cass. civ. 3, 16 novembre 1993, n° 91-21.553, inédit (N° Lexbase : A4333CUZ), Rev. loyers, 1994, n° 147 – CA Paris, 16ème ch., sect. A, 7 octobre 1998, n° 1997/14945 (N° Lexbase : A6124DHB), AJDI, décembre 2001, n° 12, p. 958, chron. J.-P. Blatter ; D., novembre 1998, n° 40, p. 242 ; D. aff., 1998, n° 139, p. 1843, obs. Y. Rouquet ; JCP E, 1999, n° 47, p. 1869, obs. J. Monéger – Cass. civ. 3, 12 juillet 2000, n° 98-23.171, inédit (N° Lexbase : A9129AG9), JCP N, novembre 2001, n° 46, pan. p. 1653 ; D., octobre 2000, n° 34, p. 377, obs. Y. Rouquet ; Dr. & patr., décembre 2000, n° 88, jur. 2706, p. 74, obs. P. Chauvel ; Gaz. pal., septembre 2000, n° 274, p. 13, obs. F. Ghilain ; RDI, décembre 2000, n° 4, p. 613, obs. J. Deruppé ; Loyers et copr., décembre 2000, n° 12, comm. 274, p. 11, note Ph.-H. Brault et P. Pereira ; Rev. loyers, octobre 2000, n° 810, p. 415, an. J. Rémy – Cass. civ. 3, 13 juin 2001, n° 99-17.985, publié (N° Lexbase : A6104ATA), D., décembre 2001, n° 43, p. 3524, obs. L. Rozès ; RLDA, octobre 2001, n° 42, jur. 2649, p. 20, obs. J. Haberer ; Gaz. pal., février 2003, n° 32, p. 24, note J.‑D. Barbier ; Gaz. pal., juillet 2002, n° 208, p. 10, note S. Mornet ; Gaz. pal., septembre 2001, n° 256, p. 9, obs. F. Ghilain – Cass. civ. 3, 24 septembre 2002, n° 01-11.334, inédit (N° Lexbase : A5149AZQ), AJDI, décembre 2002, n° 12, p. 851, obs. S. Beaugendre.

[15] Cass. civ. 3, 3 juillet 2013, n° 12-18.099, FS-P+B (N° Lexbase : A5596KI4), D., juillet 2013, n° 26, p. 1743, obs. Y. Rouquet ; Dalloz Actualité, 23 juillet 2013, obs. Y. Rouquet ; D., novembre 2013, n° 38, p. 2544, chron. A. Pic ; AJDI, décembre 2014, n° 12, p. 898, chron. J.-P. Blatter ; JCP E, février 2014, n° 7, 1074, p. 30, chron. R. Lenoir.

[16] F. Auque, Le bailleur de centre commercial : un bailleur comme les autres ?, art. cit.

[17] M.-P. Dumont-Lefrand, Bail commercial, op. cit., n° 214 ; C. Quément, Bail commercial. - Obligations des parties, op. cit., n° 64 ; J. Monéger et alii, Douze ans de baux commerciaux - 1993 - 2005, Sélection des principaux arrêts et commentaires, 2ème éd., LexisNexis Litec, 2010, p. 165-166.

[18] Cass. civ. 3, 19 décembre 2012, n° 11-23.541, FS-P+B+I (N° Lexbase : A1296IZZ), Gaz. Pal., avril 2013, n° 110, p. 17, note Ch.‑E. Brault ; Loyers et copr., février 2013, comm. 47, p. 26, note E. Chavance ; Administrer, février 2013, n° 462, p. 31, note J.‑D. Barbier ; Gaz. pal., septembre 2012, n° 273, p. 23, note J.‑D. Barbier et E. Tarnaud ; RLDA, avril 2013, n° 81, p. 19, note H. Kenfack ; Dr. & patr., janvier 2013, n° 904, p. 2, obs. C. L. G. ; Rev. loyers, février 2013, n° 934, jur. 1536, p. 76, an. H. Chaoui ; JCP E, juillet 2013, n° 27, chron. 1410, p. 40, obs. H. Kenfack – M.-A. Le Floch, Le bail commercial dans les centres commerciaux, op. cit., p. 243-245, n° 230 – L. Ruet, Les baux commerciaux, 5ème éd., Defrénois, coll. Expertise notariale, 2020, p.104-105, n° 103.

[19] M.-L. Besson, L’obligation de délivrance dans les baux commerciaux, op. cit., p. 133, n° 112. V. aussi pour une idée similaire selon laquelle « le bailleur doit être totalement dispensé de l'obligation de maintenir un environnement économique favorable car il a au moins l'obligation de délivrance d'un local dans un environnement qui lui permette d'exercer ses activités dans des conditions normales » : C. Quément, Bail commercial. - Obligations des parties, op. cit., n° 64.

[20] Cass. civ. 3, 31 octobre 2006, n° 05-18.377, FS-P+B (N° Lexbase : A2071DSI), AJDI, mai 2007, n° 5, p. 353, obs. M.-P. Dumont-Lefrand ; AJDI, mars 2007, n° 3, p. 198, obs. D. Alfroy ; Dalloz Actualité, 5 décembre 2006, obs. Y. Rouquet ; JCP N, mars 2007, n° 12, comm. 1137, p. 35, note A. Djigo ; Loyers et copr., mars 2007, n° 3, comm. 54, p. 16, note P. Pereira-Osouf ; Contrat, conc. consom., février 2007, n° 2, comm. 41, p. 15, note L. Leveneur ; JCP E, mai 2007, n° 18, chron. 1563, p. 17, obs. H. Kenfack ; LPA, mai 2007, n° 95, p. 12, note D. Mancel ; Defrénois, décembre 2006, n° 24, p. 1886, note L. Ruet ; Gaz. pal., mai 2007, n° 142, p. 17, note Ch.‑E. Brault ; Rev. loyers, janvier 2007, n° 873, p. 19, an. P. Étain ; RLDA, décembre 2006, n° 11, act. 613, p. 21, obs. A. Lefèvre.

[21] Cass. civ. 3, 5 juin 2013, n° 12-14.227, FS-D (N° Lexbase : A3249KGG) Gaz. pal., août 2013, n° 215, p. 30, obs. Ch.-E. Brault ; AJDI, décembre 2014, n° 12, p. 898, chron. J.-P. Blatter – Cass. civ. 3, 19 décembre 2012, n° 11-23.541, FS-P+B+I (N° Lexbase : A1296IZZ), Gaz. Pal., avril 2013, n° 110, p. 17, note Ch.-E. Brault ; Loyers et copr., février 2013, n° 2, comm. 47, p. 26, note E. Chavance ; Administrer, février 2013, n° 462, p. 31, note J.‑D. Barbier ; Gaz. pal., septembre 2012, n° 273, p. 23, note J.-D. Barbier et E. Tarnaud ; RLDA, avril 2013, n° 81, p. 19, note H. Kenfack ; Dr. & patr., janvier 2013, n° 904, p. 2, obs. C. L. G. ; Rev. loyers, février 2013, n° 934, jur. 1536, p. 76, an. H. Chaoui ; JCP E, juillet 2013, n° 27, chron. 1410, p. 40, obs. H. Kenfack.

[22] Cass. civ. 3, 28 juin 2005, n° 04-14.087, F-D (N° Lexbase : A8613DIT), Loyers et copr., novembre 2005, n° 11, comm. 203, p. 23, note P. Pereira-Osouf.

[23] Cass. civ. 3, 5 juin 2013, n° 12-14.227, préc. et les obs. préc..

[24] V. sur ce point : C. Lavabre et P. Riglet, Baux commerciaux : chronique jurisprudentielle, LPA, décembre 2000, n° 256, p. 4.

[25] P. Malinvaud, Quelles réformes juridiques pour les centres commerciaux ?, RDI, novembre 2007, n° 6, p. 507.

[26] M.-L. Besson, L’obligation de délivrance dans les baux commerciaux, op. cit., p. 212, n° 188.

[27] CA Paris, 16ème ch., sect. A, 7 octobre 1998, n° 1997/14945, préc. et les obs. préc..

[28] TGI Paris, 31 mai 2018, n° 17/04641, JCP E, octobre 2018, n° 42, comm. 1540, p. 50, note S. Legrix de La Salle.

[29] CA Paris, 16ème ch., sect. B, 14 juin 1996 – Cass. civ. 3, 12 octobre 1994, n° 92-20.173, inédit (N° Lexbase : A1471CSB) – CA Paris, 16ème ch., sect. B, 21 septembre 1995 – CA Paris, 16ème ch., sect. B, 19 septembre 1997 – Cass. civ. 3, 23 janvier 2020, n° 18‑19.051, F-D (N° Lexbase : A60623CI), AJDI, 2020, p. 286.

[30] V. spécialement sur cette idée : M.-L. Besson, L’obligation de délivrance dans les baux commerciaux, op. cit., p. 397 et s., n° 394 et s..

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Contrats et obligations

[Brèves] Gare à la convention d’assistance bénévole : l’assistant engage sa responsabilité contractuelle envers l’assisté

Réf. : Cass. civ. 1, 5 janvier, n° 20-20.331, FS-B (N° Lexbase : A42177HN)

Lecture: 2 min

N0042BZL

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par Claire-Anne Michel, Maître de conférences, Université Grenoble-Alpes, Centre de recherches juridiques (CRJ)

Le 12 Janvier 2022

► En présence d’une convention d’assistance bénévole, l’assistant engage sa responsabilité contractuelle envers l’assisté, s’il commet une faute causant un préjudice à l’assisté.

Faits et procédure. En moins d’un an, ce n’est pas moins de deux arrêts relatifs à la convention d’assistance bénévole et plus précisément à la responsabilité de l’assisté et de l’assistance, lesquels auront tous deux les honneurs de la publication au Bulletin, qui ont été rendus. Alors qu’en mai dernier, la première chambre civile de la Cour de cassation se prononçait sur la question de la responsabilité de l’assistant envers un autre assistant (Cass. civ. 1, 5 mai 2021, n° 19-20.579, F-P N° Lexbase : A96824QN), elle se penche aujourd’hui sur celle de la responsabilité de l’assistant envers l’assisté : le premier engage-t-il sa responsabilité s’il commet une faute causant un dommage au second ? Au cas d’espèce, l’assistant ayant procédé bénévolement à des travaux sur la toiture de la maison de l’assisté et ayant causé, par imprudence, un incendie en utilisant la lampe à souder, engage-t-il sa responsabilité ? Si la cour d’appel ne l’avait pas admis au motif que la responsabilité de l’assistant « s’apprécie au regard de la commune intention des parties qui exclut qu’en présence d’une convention d’assistance bénévole, l’assistant réponde des conséquences d’une simple imprudence ayant causé des dommages aux biens de l’assisté qui était tenu de garantir sa propre sécurité, celle de ses biens et celle de la personne à laquelle il a fait appel » (CA Rouen, 29 juin 2020, n° 18/02744 N° Lexbase : A75043PM), la première chambre civile, dans un arrêt de principe, l’admet sans ambages.

Solution. Au visa de l’ancien article 1147 du Code civil (N° Lexbase : L1248ABT), siège de la responsabilité contractuelle, lequel se trouve aujourd’hui à l’article 1231-1 du Code civil (N° Lexbase : L0613KZQ), elle admet qu’ « en présence d’une convention d’assistance bénévole, toute faute de l’assistant, fût-elle d’imprudence, ayant causé un dommage à l’assisté est susceptible d’engager la responsabilité de l’assistant ». La Cour de cassation complète ainsi le panel des règles découlant de cette « convention », en posant un principe dont les conséquences pratiques ne peuvent être négligées : il est de nature à réfréner l’altruisme. 

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Droit Administratif Général

[Focus] Le rescrit, un outil juridique en plein essor

Lecture: 23 min

N0014BZK

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par Dimitri Di Francesco-Gandon, juriste, docteur en droit public, Université Paris II Panthéon-Assas

Le 12 Janvier 2022

 


Mots clés : rescrit • usager • personnes publiques

Plongeant dans ses racines romaines, le rescrit constitue aujourd'hui un outil juridique en plein essor. En effet, à l'instar de la doctrine administrative, le rescrit, en plaçant l'administré en son centre, se veut être un instrumentum rééquilibrant la relation entre l'administration et l'administré. De plus, à l'aune de l'État régulateur, son utilisation et son développement sont une garantie essentielle de l'État de droit en ce qu'il enserre la réponse de l'administration et peut in fine la contraindre.


 

« L'administration veille, avertit, ordonne, défend, se fait obéir par la seule autorité des règlements qu'elle présente, et auxquels on ne fait pas difficulté d'obéir [écrit, pour tous, un juriste français vers la fin de l'Ancien Régime »[1].

Par cette citation, M. Jousse rappelle les origines du pouvoir administratif eu égard aux administrés. Il fonde son autorité sur les règlements qu’il adopte et sur l’obéissance des administrés à leur égard. Toutefois, cette situation ne saurait trouver à s’appliquer aux rescrits qui, quand bien même ils n’ont pas valeur de règlements, sont invocables par les administrés et opposable à l’administration.

Dans le cadre de son étude sur le rescrit, le Conseil d’État le définit comme « une prise de position formelle de l'administration, qui lui est opposable, sur l'application d'une norme à une situation de fait décrite loyalement dans la demande présentée par une personne et qui ne requiert aucune décision administrative ultérieure » [2].

L’interprétation de la part de l’administration sous la forme de rescrit, trouve son origine sous l’Empire romain, en ce qu’il « consistait en une réponse donnée par écrit, par l'empereur ou le Conseil impérial, à un particulier ou un magistrat qui avait demandé une consultation à l'empereur sur un point de droit » [3]. Ils se multiplièrent au cours du IIe siècle, notamment sous le règne de l’empereur Hadrien. Par la suite, le droit canonique, notamment dans le canon 59 du code de droit canonique [4], va en proposer une définition et conduire à son développement. De cette conception historique du rescrit et sous l’égide de l’expérience anglo-saxonne (rulings), le droit moderne a eu une tendance à « la résurgence du rescrit » [5] depuis la fin des années 1980. D’ailleurs « l'institution du rescrit doit sans doute moins à l'Antiquité qu'aux concepts de régulation et de sécurité juridique » [6].

La résurgence du rescrit a permis à de nombreux domaines du droit tels que le droit fiscal, le droit de la régulation économique, la matière sociale, le droit des exploitations agricoles, mais aussi les relations entre les collectivités territoriales et les services de l’État, de se saisir de cet instrumentum afin de garantir une relation apaisée entre les administrations et les administrés.

1. En matière fiscale, la recherche de sécurité juridique et fiscale [7] a permis un développement exponentiel des rescrits.

D’ailleurs, cette matière « se prêtait tout particulièrement bien à la volonté politique d'introduire un traitement individualisé de la situation des contribuables, rompant avec l'image d'un Léviathan fiscal distant, traitant globalement et anonymement des dossiers, et promouvant au contraire le visage d'une administration moderne à l'écoute du citoyen, analysant au cas par cas la situation personnelle de chaque administré » [8]. En effet, la matière fiscale est au centre des préoccupations des entreprises et des particuliers, en ce sens que la sécurité fiscale doit induire une relation de confiance entre les contribuables et l'administration fiscale ; cette dernière devant agir en toute transparence au profit de la législation fiscale et des deniers publics. D'ailleurs, de nombreux auteurs[9] se sont prononcés en faveur du rescrit fiscal.

En la matière, le législateur a institué, d’une part, un mécanisme de rescrit général au travers de l’article L. 64 B du LPF (N° Lexbase : L9136LNP) par lequel a été ouverte la faculté aux contribuables de demander à l'administration fiscale de se prononcer sur une situation de fait donnée et cette réponse lie l'administration dès lors que le contribuable est de bonne foi et a présenté l'ensemble des données de sa situation fiscale. Ce rescrit général permet à un contribuable de provoquer une interprétation de l'administration fiscale sur une disposition, quelle que soit sa place dans la hiérarchie des normes, à l'aune de sa situation personnelle.

Parallèlement à ce rescrit général, l'originalité du droit fiscal demeure dans le foisonnement de cette procédure dans notre droit. En effet, le droit positif a connu un large développement du rescrit dans des domaines divers (rescrit « abus de droit » [10] ; l'accord préalable en matière de prix de transfert [11] ; la procédure de contrôle fiscal sur demande en application de l’article L. 13 C du LPF (N° Lexbase : L8750G8L) ; rescrits de l’article L. 80 B du LPF (N° Lexbase : L7200LZP) relatifs au bénéfice du régime d'amortissement exceptionnel ou du régime des entreprises nouvelles ; rescrit « établissement stable » conformément au 6° de l’article L. 80 B  du LPF ; rescrit « en cours de contrôle » [12] ;  rescrit « jeune entreprise innovante » [13] ; rescrit « pôle de compétitivité »[14] ; rescrit de l’article L. 80 C du LPF (N° Lexbase : L7607HEH) permettant aux associations de connaître la possibilité d'exonération des dons reçus ; rescrit en matière de notation d’entreprise en application de l’article L. 18 du LPF (N° Lexbase : L9383LHY) [15].

Pour autant, l'instauration des mécanismes de rescrit semble être dans l'air du temps et connaît un développement sans précédent, notamment en France et cela au-delà du champ d'application de la matière fiscale.

2. En matière de régulation économique, le rescrit boursier a été instauré par le règlement de la Commission des opérations de bourse (COB)[16], sur les recommandations du rapport Pfeiffer[17], et se trouve aujourd’hui à l’article 121-1 du règlement général de l’Autorité des marchés financiers (AMF). Il permet à toutes personnes entrant dans le champ d'application du règlement précité de saisir l’AMF, par écrit, antérieurement à la réalisation d'une opération, d'une question relative à l'interprétation du règlement. Ainsi, en matière de régulation économique, la COB puis son héritière l'AMF ont instauré un vrai mécanisme de rescrit ayant pour finalité de garantir le demandeur de toutes procédures de sanction de ces autorités ou de contentieux postérieurs en cas d'application stricte des dispositions du rescrit.

3. En matière sociale, institué par la loi « Madelin » du 11 février 1994 [18], le rescrit social a connu une extension de son champ d’application, par le biais de l'ordonnance du 10 décembre 2015 [19] qui avait pour objectif de « renforcer les garanties applicables aux porteurs de projet et de leur assurer un environnement plus sécurisé du point de vue des normes applicables » [20]. D'une part, en matière sociale, est promu un mécanisme relatif à une demande de rescrit à l'URSSAF, de la part de cotisants, d'organisations professionnelles et syndicales, ayant pour objet de se prononcer sur les règles applicables à leur situation [21]. De plus, l'employeur peut faire des demandes relatives au respect de la réglementation en vigueur pour son accord ou plan d'action relatif à l'égalité professionnelle [22] ainsi qu'aux lois sur le handicap [23].

D'autre part, cette ordonnance a instauré cinq rescrits dans des champs aussi divers que le droit rural [24], le droit de la consommation [25] et dans le droit de l'occupation temporaire du domaine public [26]. Ces mécanismes favorisent la prise de position formelle de l'administration et enserrent les réponses afin d'éviter de retournement de veste doctrinale[27].

4. En matière de collectivités locales : la loi n° 2019-1461 du 27 novembre 2019, relative à l’engagement dans la vie locale et la proximité de l’action publique (N° Lexbase : L4571LUT), en instaurant l’article L. 1116-1 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L4818LUY), et le décret n° 2020-634 du 25 mai 2020 (N° Lexbase : L2064LXQ) ont consacré le rescrit dit « préfectoral ». Ce nouvel outil à la disposition des collectivités territoriales ou de leurs groupements ainsi que de leurs établissements publics leur permet, avant l’édiction d’un acte, de solliciter les services en charge du contrôle de légalité d’une demande de prise de position formelle relative « à la mise en œuvre d'une disposition législative ou réglementaire régissant l'exercice de leurs compétences ou les prérogatives dévolues à leur exécutif ». À la suite de cette demande de prise de position formelle, le représentant de l’État ne pourra déférer au tribunal administratif l’acte pris conformément à cette position.

Enfin, dans des domaines particuliers, le législateur a pu envisager des mécanismes de rescrit sans pour autant les nommer comme tels. Il en est ainsi des certificats d’urbanisme en application de l’article L. 410-1 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L9997LM9).

En effet, à la suite d’une demande d’un propriétaire, l’administration va se prononcer sur les dispositions d’urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d’urbanisme applicables à un terrain. Ce certificat cristallise pendant 18 mois les règles d’urbanisme applicable et les taxes et participations afférentes. Ce mécanisme constitue un rescrit quand bien même il ne dispose pas d’une telle qualification.

Le développement – bien que limité – des rescrits s'inscrit donc dans une évolution de la conception de l’État. D'ailleurs, « La technique du rescrit, par le jeu complexe qu'elle instaure entre les usagers du droit, les acteurs de la vie économique, le juge, l'Administration et les diverses instances de régulation, telles que les autorités administratives indépendantes, et par le réajustement des divers niveaux normatifs qu'elle permet, contribue à caractériser le type de société vers lequel tend l'évolution actuelle » [28].

La présente étude a pour objet de s’interroger sur le développement de l’outil juridique qu’est le rescrit dans la sphère publique. En effet, au regard de l’approche empirique du développement du rescrit, quels sont les critères systémiques permettant de le définir et quelle valeur doit lui être accolée ? Ce mécanisme d’interprétation de la norme juridique doit-il poursuivre son essor et intégrer d’autres pans du droit ?

Au regard de ce contexte éclaté d’application du rescrit dans la sphère publique, après en avoir posé les critères et sa valeur (I.), son application tend à placer l’usager au centre de l’action administrative, ce qui doit en favoriser l’essor (II).

I. L’approche ontologique du rescrit en matière administrative

Après avoir fixé le cadre organique et matériel du rescrit (A.), la valeur de ce dernier doit démontrer son intérêt au sein de la procédure administrative non contentieuse (B.).

A. Une définition organique et matérielle du rescrit

Quand bien même la notion de rescrit a perduré au fil du temps, sa définition et son contour précis doivent être à nouveau précisés.

Tout d'abord, le rescrit est un outil de production de la doctrine administrative provoquée par une demande d'un administré à une administration. De ce premier critère découlent de nombreuses conséquences dont nous étudierons la portée par la suite (II. A).

Ensuite, le rescrit porte sur une « interprétation d'une norme à une situation de fait décrite loyalement dans la demande présentée par une personne » [29]. Ainsi, la demande de rescrit doit, sous peine de rejet, répondre à des conditions formelles strictes, notamment au regard de l'exhaustivité de la demande et du caractère de bonne foi de l'information mise à la disposition de l'administration. Cette demande répond à un instrument à structure fixe [30], en ce sens que le formalisme de la demande est important et contraint les demandeurs dans le cadre de cette procédure. En contrepartie de cette obligation de présentation de la demande, l’administration est contrainte de motiver son interprétation des textes réglementaires [31], ce qui atteste qu’il s’agit d’un mécanisme aménageant « un espace de dialogue entre l'usager et l'Administration » [32] avec comme conditions essentielles la bonne foi et la loyauté des parties. En effet, ce dialogue aboutit à une prise de position éclairée de la part de l’administration dont elle ne saurait se départir. Ce second critère implique de facto l’effet relatif de l’interprétation au regard de la situation de fait, même si le rescrit admet une sorte de « droit à l'information administrative » [33] par le biais des publications, que ce soit dans les bulletins des autorités administratives indépendantes ou sur les sites internet des administrations – auteures des rescrits.Enfin, la participation de l'administré à la production normative permet d'envisager la dernière conséquence, à savoir que l'administré peut se prévaloir de cette position à l'encontre de l'administration, ce que nous étudierons dans la suite de la présente étude (I.B.).

En tout état de cause, le rescrit constitue « un acte administratif unilatéral et une authentique décision » [34] et ne saurait conduire à sa contractualisation [35].

B. La valeur du rescrit 

La mise en place des rescrits présente d’une part de nombreux avantages. Tout d'abord, l'adoption de rescrit doit éviter une certaine juridictionnalisation du droit administratif. En effet, garantir l'opposabilité de la doctrine administrative provoquée par une demande d'un usager, en créant une relation de confiance entre le demandeur et l'administration, va permettre de mettre à l'écart le recours juridictionnel. La conception subjective de la sécurité juridique [36], au travers de la confiance légitime, se retrouve tant dans la procédure de rescrit que dans son régime. En effet, l'usager de bonne foi doit avoir confiance en la prise de position de l'administration. Au-delà de la sécurité juridique, le rescrit doit devenir un outil de prévention du contentieux administratif en instaurant un dialogue a priori entre l'administration et l'usager.

De plus, le rescrit doit permettre de faire face à une exigence essentielle pour les acteurs économiques, à savoir la célérité de la vie économique et des marchés. En effet, dans l'ensemble des domaines visés par le rescrit, les demandeurs s'interrogent sur leur situation de fait au regard de leurs obligations fiscales, sociales ou financières. Ainsi, cet outil garantit une levée des incertitudes sur les dispositions législatives et réglementaires applicables, notamment quant à leur portée. Dès lors, au regard de la célérité de la vie économique et des marchés, l'interprétation adoptée dans le rescrit doit permettre de répondre à cette exigence et donne une certaine indulgence dans l'interprétation faite par l'administration.

Par ailleurs, le rescrit doit contribuer à la mise en œuvre des mécanismes de régulation économique, à la prévisibilité de l'action publique et l'adaptation de l'interprétation des réglementations aux situations particulières. En effet, le caractère relatif des rescrits et leur lien avec la demande de l'usager doivent permettre à l'administration d'induire des comportements pour les acteurs économiques et de renforcer la relation entre l'administration et les usagers. Ainsi, ces derniers, du fait de la création d'une confiance avec l'administration, seront plus à même de demander à cette dernière de se prononcer avant que la mise en œuvre de l’opération, notamment en matière économique. Tout en permettant un assouplissement de la relation entre l'administration et l'administré, le rescrit participe à une régulation économique, en ce sens qu'il influe sur les choix des acteurs économiques.

Pour autant, le rescrit peut, d'autre part, faire l'objet de critiques tant au regard de son formalisme que du comportement des demandeurs.

Le demandeur doit présenter un dossier de bonne foi et le plus exhaustif afin que l'administration se prononce en toute connaissance de cause. Outre le fait que ce formalisme a été construit comme le moyen de garantir la sécurité juridique, il peut également contraindre le demandeur à renoncer à cette possibilité de rescrit pour ce motif. Ainsi, le contribuable souhaitant obtenir un rescrit en matière fiscale, doit présenter l'ensemble de son opération avec tous les éléments comptables et financiers nécessaires à la bonne compréhension du montage en cause. De plus, la sanction de ce formalisme est soit la non-réponse de l'administration valant réponse négative, soit une réponse explicite de rejet, soit le retrait du rescrit. Ainsi, l'absence de réponse, voire d'étude par les services compétents, d'une demande de rescrit est une sanction lourde qui contraint de nombreux usagers à ne pas envisager la demande.

D'autre part, une certaine méfiance de la part des administrés est à noter. En effet, la communication d’informations exhaustives à l’administration constitue un frein au mécanisme de rescrit, en ce sens que l'usager, le contribuable ou l'administré continue d’avoir peur de ce Léviathan qu'est l'administration. Dans le cadre d'opérations à caractères financiers ou fiscaux, les opérateurs économiques ont une défiance à l'égard de l'administration qui pourrait se retourner contre eux au regard des éléments financiers ou comptables obtenus dans le cadre de la demande de rescrit. Par ailleurs, en cas de réponse positive sous conditions, les bénéficiaires du rescrit se trouvent dans une situation contrainte envers l'administration, notamment par la fourniture de rapport ayant pour effet de laisser pénétrer l'administration dans leur secret des affaires. Du fait de cette méfiance, le Conseil d’État a proposé la contractualisation des rescrits. Quittant la logique unilatérale, l'adoption d'un rescrit, par le biais d'un contrat, entraînerait une procédure de négociation et de concertation entre les deux acteurs. Toutefois, cette solution n’apparaît pas pertinente eu égard aux exigences de la vie des affaires.

Enfin, la situation précaire du rescrit ne permet pas de renforcer la volonté des administrés de perdurer dans cette voie de droit. En effet, par un arrêt du 26 mars 2008 [37], le Conseil d’État a jugé que le rescrit, en matière fiscale, ne peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Cette solution doit pouvoir s’étendre à tous les pans de la contestation des rescrits devant le juge administratif.

Cet outil doit toutefois poursuivre son développement afin de s’inscrire dans le cadre du renouvellement de l’État.

II. Le rescrit, un outil juridique à développer à l’aune du renouveau de l’État régulateur 

Afin de permettre à l’usager d’être de plus en plus acteur de la procédure administrative non contentieuse (A.), le rescrit est un mécanisme dont le développement se doit de continuer (B.).

A. L’usager au centre du rescrit

En tant qu’outil de production de la doctrine administrative provoquée par une demande d'un administré à une administration, le rescrit place l’administré au centre du mécanisme.

En effet, d’une part, l'administré est au centre de la procédure de rescrit ; il en est l'initiateur par le biais de sa demande.

L'administration ne se prononce qu’à la suite d’une demande d'un administré. Cette condition sine qua non de la production du rescrit est essentielle, en ce qu'elle conditionne l'ensemble du mécanisme. Cela implique qu’il doit être qualifié de « doctrine provoquée sur demande du justiciable » [38]. C’est d’ailleurs en ce sens que, par un arrêt du 14 mars 2003 [39], le Conseil d’État l’a opposé à la doctrine spontanée de l'administration. La haute juridiction administrative a en effet jugé que « l'administration n'est jamais tenue de prendre une circulaire pour interpréter l'état du droit existant », contrairement à ce qu’elle doit faire dans le cadre d’une demande de rescrit.

L’administré est d’autre part au centre du mécanisme, en ce sens qu’il doit appliquer strictement la réponse apportée par l’administration – ou ne pas l’appliquer – et que la décision adoptée le garantit contre les changements de doctrine. Ainsi, « l'usager ayant participé, par sa demande, à la production de la doctrine administrative bénéficie d'une garantie contre les changements de doctrine. Le rescrit contribue en ce sens, à la sécurité juridique, à la prévisibilité de la règle et à la sécurisation des initiatives » [40]. L’administré se voit donc garantir l'exécution de son opération mais ce dernier n'est en rien contraint par la position adoptée par l'administration. Il peut donc passer outre le rescrit. En effet, dans l'hypothèse où le rescrit est favorable au demandeur mais pose des conditions strictes, l'administré peut décider de passer outre la position établie par rescrit mais prend le risque d'un contrôle à tout le moins par l'administration et d'une annulation postérieure par le juge. Par ce mécanisme, l'administration essaie d'induire le comportement des usagers dans ces domaines sans pour autant, pouvoir leur imposer leur façon d'agir. D'ailleurs, le Conseil d’État, dans son étude, avait précisé que le bénéficiaire du rescrit « peut à tout moment renoncer au bénéfice de la garantie » [41]. Pourtant, quand il respecte l'ensemble des prescriptions, il ne peut se voir appliquer aucune sanction par l'administration ; cette dernière étant liée par la position adoptée. D'ailleurs, l'administration ne saurait a posteriori se retourner contre un administré de bonne foi, ayant suivi l'ensemble des prescriptions du rescrit au motif que l’interprétation formulée serait contraire à l'état du droit ou simplement erronée. Ce mécanisme participe à la volonté de responsabilisation des acteurs publics dans leur prise de décisions. Enfin, en cas de modification de son interprétation, l'administration doit fournir à l'usager cette nouvelle interprétation ainsi que les raisons de son évolution, sachant que cette nouvelle interprétation ne pourra valoir que pour l'avenir.

B. Un mécanisme à développer au bénéfice des personnes publiques 

À l’instar de ce qui existe pour les collectivités territoriales au travers du rescrit « préfectoral », le développement du rescrit doit pouvoir se faire au profit de l’ensemble des personnes publiques sans distinction. Pour ce faire, tant le législateur que le pouvoir réglementaire pourraient s’inspirer des mécanismes de coopération ayant les traits de rescrit et mis en place par la direction des affaires juridiques des ministères économiques et financiers (la DAJ) pour l’application du droit de la commande publique.

En effet, afin de mettre en œuvre cette volonté d'accompagnement des acheteurs publics, la DAJ propose une prise de contact facilitée avec ses services via son site internet [42]. La direction des affaires juridiques a souhaité que ce mécanisme soit le plus simple possible afin d'éviter qu'une personne publique ne renonce à la saisir du fait d'un formalisme trop important. En effet, au vu de la technicité des questions posées, le mécanisme de saisine doit être simplifié pour éviter toute mise à l'écart d'un questionnement majeur et pour garantir la sécurité juridique des procédures et des contrats de la commande publique. Pour ce faire, au regard de la spécificité des questionnements pouvant lui être soumis, la DAJ a instauré une pluralité de possibilités de la contacter. En effet, dans un souci d'efficacité et d'efficience de l'action administrative, ces ministères ventilent les demandes en fonction de l'institution l'interrogeant. Ainsi, selon cette répartition, la DAJ a instauré deux adresses mail.

D'une part, pour les services centraux et les établissements publics nationaux de l’État, le service « marchés publics » de la direction des affaires juridiques peut être contacté à l'adresse suivante : daj-marches-publics@finances.gouv.fr. Ainsi, les administrations centrales et les établissements publics nationaux répondant à une logique propre et à des règles de la commande publique qui leur sont spécifiques ont la nécessité de saisir un bureau de la direction des affaires juridiques à même de traiter leur questionnement au regard de leur place institutionnelle. Par ailleurs, la réponse obtenue par les services centraux et les établissements publics nationaux prend la forme d'un courrier électronique, ce qui favorise l'effet inter partes de l'interprétation formulée par la DAJ mais ne permet pas une opposabilité de cette position, voire une invocabilité devant le juge du contrat.

D'autre part, une cellule d'information juridique aux acheteurs publics a été créée pour les collectivités territoriales, les établissements publics locaux, les établissements publics d’État à compétence locale ou les services déconcentrés de l’État. La mise en place d'une telle cellule fut nécessaire au regard de la complexité des mécanismes de décentralisation et de déconcentration et du jeu de compétences entre les différentes strates de l'action locale mais aussi afin de répondre spécifiquement aux collectivités locales. De plus, la cellule d'information répond instantanément par le biais de rendez-vous téléphoniques. Ainsi, dans le cadre d'une étude d'efficience de l'action administrative, l'obtention d'une réponse instantanée a pour objet de permettre aux acteurs locaux de disposer d'une réponse adéquate à leur situation dans un temps répondant aux exigences des contrats de la commande publique. Pour autant, l'absence de réponse, par le biais d'un courrier ou d'un courriel, impose à la plus grande prudence sur la portée de la position et de l'interprétation données. En effet, les réponses étant obtenues oralement, l'opposabilité de ces dernières semble impossible à mettre en œuvre et l'invocabilité devant le juge du contrat hors de portée. Par ailleurs, par la mise en place d'une procédure de contact direct au profit des collectivités territoriales, la DAJ se veut donc être un interlocuteur privilégié des collectivités locales en matière de droit de la commande publique.

Cette ventilation entre les institutions de niveau national et celles à compétence locale répond à une volonté de la DAJ d'apporter la réponse la plus opportune à la situation de l'institution saisissante. En effet, au regard de la différenciation des seuils en matière de commande publique, des règles applicables, notamment au droit de la concurrence, du corpus normatif applicable à ces entités, la direction des affaires juridiques a opéré une ventilation pertinente lui permettant à l'aune de son organisation interne de répondre efficacement et rapidement à l'ensemble des acteurs la saisissant.

S’inspirant de cette expérience des ministères économiques et financiers et du rescrit préfectoral, le législateur doit ouvrir un nouveau champ au rescrit dans le but de promouvoir une administration en lien avec ses administrés et à l’écoute de cette dernière.

Cela participera à un renouveau de la confiance dans les décisions prises par l’administration.

 

[1] D. Jousse, Traité de la juridiction des Trésoriers de France, Paris, 1777, vol.1, p. 214-215.

[2] Conseil d’État, Les études du Conseil d’État – Le rescrit : sécuriser les initiatives et les projets, La documentation française, Études et documents du Conseil d’État, 2014.

[3] B. Oppetit, La résurgence du rescrit, Recueil Dalloz, 1991, p. 105.

[4] Par rescrit, on entend « l'acte administratif donné par écrit par l’autorité exécutive compétente, par lequel, à la demande de quelqu'un, est concédé selon sa nature propre un privilège, une dispense ou une autre grâce » Code de droit canonique, canon n° 59.

[5] B. Oppetit, La résurgence du rescrit, Recueil Dalloz, 1991, p.105.

[6] B. Plessix, Le rescrit en matière administrative, Revue juridique de l'économie publique n° 657, octobre 2008, étude 8.

[7] Cette recherche de sécurité fiscale est au cœur de ce mécanisme même s’il a pu conduire à créer de l’insécurité fiscale ou de la désécurisation dès lors que son utilisation n’est plus réalisée conformément à son objet mais uniquement dans un but de réduction de la fiscalité des grandes entreprises par des États. Voir en ce sens, l’affaire des LuxLeaks et G. Zucman, La richesse cachée des Nations. Enquête sur les paradis fiscaux, Seuil, Coll. La république des idées, 2013, p. 93-94.

[8] B. Plessix, Le rescrit en matière administrative, Revue juridique de l'économie publique n° 657, octobre 2008, étude 8.

[9] Voir en ce sens, C. Menard, Le rescrit : l'année 2008 restera-t-elle dans les mémoires ? , Dr. Fisc n° 7, 12 février 2009, 183 ; C. Menard, Rescrits et fiscalité directe, Dr. Fisc n° 27, 2 juillet 2015, 444 ; G. Bachelier, Le rescrit fiscal, Revue française de finances publiques, 1er avril 2015, n° 130, p.57 ; Club des juristes, Sécurité juridique et initiative économique, Dr. Fisc n° 25, 18 juin 2015, 410 ; X. Cabannes, Le rescrit fiscal : propos introductifs, Dr. Fisc n° 27, 2 juillet 2015, 440 ; M. Bouvier, Les « accords fiscaux préventifs », RFFP n° 127, août 2014, p. 19 ; M. Bouvier, Sécurité fiscale et « accords fiscaux préventifs », Dr. Fisc n° 27, 2 juillet 2015, 441 ; C. André-Marguerite, P. Estrabaud, M. Gachet, J. Sueur, H-L. Tauveron, La définition du rescrit en matière fiscale, Dr. Fisc n° 27, 2 juillet 2015, 442 ; J.-L. Barçon-Maurin, L'action de l'administration fiscale en matière de rescrits, Dr. Fisc n° 27, 2 juillet 2015, 443 ; E. Aschworth et J-C. Bouchard, La pratique du rescrit en matière de TVA, Dr. Fisc n° 27, 2 juillet 2015, 445 ; M. Wolf, TVA et rescrits fiscaux : témoignages, Dr. Fisc n° 27, 2 juillet 2015, 446 ; J-C Albert, Le cas du rescrit douanier, Dr. Fisc n° 27, 2 juillet 2015, 450 ; G. Gest, Les évolutions du rescrit, Revue française de finances publiques, 1er novembre 2010, n°v112, p.91 ; T. Lambert, Conclusion : le rescrit, une idée à cultiver, Dr. Fisc n° 27, 2 juillet 2015, 451 ; P. Cocheteux, Le rescrit fiscal et la sécurité juridique, Gazette du Palais, 18 août 2009, n° 130, p.2 ; C. Pérès, Du contrat public en général et du « rescrit contractuel » en particulier, Revue des contrats, 1er janvier 2009, n° 1, p.17 ; B. Seiller, Le refus de la circulaire-rescrit, LPA, 5 novembre 2003, n° 221, p.7 ; P. Le Cannu, Le rescrit de la COB : un nouvel instrument d'interprétation du droit boursier, Bull. Joly Sociétés, 1990, p. 927.

[10] LPF, art. L. 64 B.

[11] Pour une explication approfondie, voir M. Bouvier, Les « accords fiscaux préventifs », RFFP n° 127, août 2014, p. 19

[12] Dans le cadre d'une opération de vérification de comptabilité, le contribuable vérifié peut provoquer une prise de position de l'administration fiscale sur les éléments de gestion ne faisant pas l'objet d'un rehaussement (BOI 13 L 3 05).

[13] Loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003, de finances pour 2004, art. 13 (N° Lexbase : L6348DM3), JORF n° 302, 31 décembre 2003, p. 22530.

[14] Loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004, de finances pour 2005, art. 24-l (N° Lexbase : L5203GUA), JORF n° 304, 31 décembre 2004, p. 22459.

[15] Loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008, de finances rectificative pour 2008, art. 46 (N° Lexbase : L3784IC7), JORF n° 0304 du 31 décembre 2008, p. 2051.

[16] Règlement n° 90-07 de la Commission des opérations de bourse – homologué par arrêté du ministre de l'Economie et des Fiinances n° ECON09000064A du 5 juillet 1990 – bull. COB de juin 1990, p. 32.

[17] D. Pfeiffer, Déontologie boursière, Rapport au ministre d’État, ministre de l'économie, des finances et du budget, JORF du 16 janvier 1990.

[18] Loi n° 94-126 du 11 février 1994, relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle (N° Lexbase : L3026AIW), JORF n° 37, 13 février 1994, p. 2493.

[19] Ordonnance n° 2015-1628 du 10 décembre 2015, relative aux garanties consistant en une prise de position formelle, opposable à l'administration, sur l'application d'une norme à la situation de fait ou au projet du demandeur (N° Lexbase : L6732KUU), JORF n° 0287 du 11 décembre 2015, p. 22582.

[20] Rapport de présentation de l'ordonnance n° 2015-1628 du 10 décembre 2015 préc..

[21] CSS, art. L. 243-6-3 (N° Lexbase : L8233LRD).

[22] C. trav., art. L. 2242-9-1 (N° Lexbase : L6633KU9).

[23] C. trav., art. L. 5212-5-1 (N° Lexbase : L6634KUA).

[24] C. rur., art. L. 331-4-1 (N° Lexbase : L6627KUY) à L. 331-4-3 et L. 725-24 (N° Lexbase : L8129LRI).

[25] C. cons., art. L. 113-3-2 (N° Lexbase : L8746IZX).

[26] CGPPP, art. L. 2122-7 (N° Lexbase : L9592LDM).

[27] J. Turot (J.), La vraie nature de la garantie contre les changements de doctrine, RFJ 5/92, p.375.

[28] B. Oppetit (B.), La résurgence du rescrit, Recueil Dalloz, 1991, p.105.

[29] Conseil d’État, Les études du Conseil d’État – Le rescrit : sécuriser les initiatives et les projets, La documentation française, Études et documents du Conseil d’État, 2014.

[30] F. Annunziata, Interpréter ou légiférer ? Un nouvel enjeu pour les autorités de contrôle des marchés financiers, Rev. Sociétés, 1995, p. 675.

[31] L. Richer et L. Viandier, Le rescrit financier, JCP éd. E, 1991, I, 10.

[32] H. Colombet, Le rescrit et la participation des usagers à la production de la doctrine administrative, JCP éd. G. n° 5, 1er février 2016, doctr. 133.

[33] F. Rangeon, L'accès à l'information administrative, in Information et transparence administrative, PUF-CURAPP, 1988, p. 79.

[34] B. Plessix (B.), Le rescrit en matière administrative, Revue juridique de l'économie publique n° 657, octobre 2008, étude 8. Voir également le Code de droit canonique qui qualifie expressément le rescrit d’acte administratif unilatéral.

[35] C. Pérès, Du contrat public en général et du « rescrit contractuel » en particulier, Revue des contrats, 1er janvier 2009, n° 1, p. 17.

[36] CE, 24 mars 2006, n° 288460 (N° Lexbase : A7837DNL), Rec. ; CE Sect., 13 décembre 2006, n° 287845 (N° Lexbase : A8911DST), Rec.

[37] CE, 26 mars 2008, n° 278858 (N° Lexbase : A5919D7D), Rec.

[38] A. Masson, La force juridique de la doctrine des autorités de régulation, Bull. Joly Bourse, 2006, p. 292.

[39] CE, 14 mars 2003, n° 241057 (N° Lexbase : A5626A7H), Tables ; B. Seiller, Le refus de la circulaire-rescrit, note sous CE, 14 mars 2003, LPA, 5 novembre 2003, n° 221, p. 7.

[40] H. Colombet, Le rescrit et la participation des usagers à la production de la doctrine administrative, JCP éd. G, n° 5, 1er février 2016, doctr. 133.

[41] Conseil d’État, Les études du Conseil d’État – Le rescrit : sécuriser les initiatives et les projets, La documentation française, Études et documents du Conseil d’État, 2014, p. 17.

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Fiscalité du patrimoine

[Focus] Les principales mesures fiscales patrimoniales de la loi de finances pour 2022

Réf. : Loi n° 2021-1900, du 30 décembre 2021, de finances pour 2022 (N° Lexbase : L3007MAM)

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N9990BYN

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par Jérôme Mazeres, Fiscaliste - Diplômé en gestion de patrimoine, Les fourmis du patrimoine

Le 12 Janvier 2022


Mots-clés : loi de finances • fiscalité patrimoniale

Cette deuxième loi de finances initiale de la période de crise sanitaire s’inscrit dans un contexte de croissance soutenue [1]. Il ressort du discours [2] de Monsieur Bruno Le Maire que la loi de finances pour 2022 repose sur une croissance de + 4 % pour 2022 et une diminution du déficit public de l’ordre de 3,5 points de PIB. Le déficit public atteindrait 4,8 % du PIB en 2022.

Le Haut Conseil pour la Stabilité Financière avait pour sa part estimé que le PLF 2022 était incomplet [3].

Le projet de loi de finances pour 2022 tel que présenté par le gouvernement le 22 septembre 2021 a fait l’objet de nombreux amendements.

Le débat entre les deux chambres a pu être vif, si bien que le sénat a rejeté la première partie du projet de loi de finances pour 2022. À ce titre, Jean-François Husson, rapporteur général de la Commission des finances du Sénat a estimé [4] que « nous sommes passés d’un budget incomplet à un budget de campagne, sans souci du lendemain ».

Outre les mesures classiques telles que l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu et des grilles du prélèvement à la source (PAS), la loi de finances pour 2022 contient son lot de nouvelles dispositions, qu’il faudra appréhender.

On pense notamment à l’amortissement du fonds de commerce ou à la possibilité pour les entrepreneurs individuels d’opter pour l’application de l’impôt sur les sociétés.

Par ailleurs, outre les aménagements de certains dispositifs légalisant la doctrine administrative, comme cela est le cas pour le régime des revenus exceptionnels ou différé, le dernier collectif budgétaire du quinquennat reste encore marqué par l’impact de la crise sanitaire.

Plusieurs dispositifs, notamment les régimes d’exonération des plus-values professionnelles et privée sur cession de titres pour départ à la retraite font l’objet d’un aménagement temporaire.

C’est dans ce contexte, que nous vous proposons de découvrir les principales mesures patrimoniales de la loi de finances pour 2022


 

 

I. Indexation du barème progressif de l’impôt sur le revenu 

Les tranches du barème de l’impôt sur le revenu de l’année 2021, ainsi que les seuils limites qui lui sont associés sont revalorisés de 1,4 %.

A. Barème comparatif 2020 et 2021

Ainsi l’évolution du barème progressif serait la suivante :

Taux

Impôt sur les revenus de l’année 2020

Impôt sur les revenus de l’année 2021

0 %

Jusqu’à 10 084 euros

Jusqu’à 10 225 euros

11 %

De 10 085 euros à 25 710 euros

De 10 226 euros à 26 070 euros

30 %

De 25 711 euros à 73 516 euros

De 26 071 euros à 74 545 euros

41 %

De 73 517 euros à 158 122 euros

De 74 546 euros à 160 336 euros

45 %

À partir de 158 123 euros

À partir de 160 337 euros

B. Nouvelle grille du PAS au 1er janvier 2022

Les nouvelles grilles du prélèvement à la source sont les suivantes à compter du 1er janvier 2022 :

  • Taux non personnalisé 

Taux

Impôt sur les revenus de l’année 2020

Base mensuelle de prélèvement

Taux proportionnel

Inférieure à 1 440 euros

0 %

Supérieure ou égale à 1 440 euros et inférieure à 1 496 euros

0,5 %

Supérieure ou égale à 1 496 euros et inférieure à 1 592 euros

1,3 %

Supérieure ou égale à 1 592 euros et inférieure à 1 699 euros

2,1 %

Supérieure ou égale à 1 699 euros et inférieure à 1 816 euros

2,9 %

Supérieure ou égale à 1 816 euros et inférieure à 1 913 euros

3,5 %

Supérieure ou égale à 1 913 euros et inférieure à 2 040 euros

4,1 %

Supérieure ou égale à 2 040 euros et inférieure à 2 414 euros

5,3 %

Supérieure ou égale à 2 414 euros et inférieure à 2 763 euros

7,5 %

Supérieure ou égale à 2 763 euros et inférieure à 3 147 euros

9,9 %

Supérieure ou égale à 3 147 euros et inférieure à 3 543 euros

11,9 %

Supérieure ou égale à 3 543 euros et inférieure à 4 134 euros

13,8 %

Supérieure ou égale à 4 134 euros et inférieure à 4 956 euros

15,8 %

Supérieure ou égale à 4 956 euros et inférieure à 6 202 euros

17,9 %

Supérieure ou égale à 6 202 euros et inférieure à 7 747 euros

20 %

Supérieure ou égale à 7 747 euros et inférieure à 10 752 euros

24 %

Supérieure ou égale à 10 752 euros et inférieure à 14 563 euros

28 %

Supérieure ou égale à 14 563 euros et inférieure à 22 860 euros

33 %

Supérieure ou égale à 22 860 euros et inférieure à 48 967 euros

38 %

Supérieure ou égale à 48 967 euros

43 %

  •  Pour les contribuables domiciliés en Guadeloupe, à La Réunion et en Martinique

Base mensuelle de prélèvement

Taux proportionnel

Inférieure à 1 652 euros

0 %

Supérieure ou égale à 1 652 euros et inférieure à 1 752 euros

0,5 %

Supérieure ou égale à 1 752 euros et inférieure à 1 931 euros

1,3 %

Supérieure ou égale à 1 931 euros et inférieure à 2 108 euros

2,1 %

Supérieure ou égale à 2 108 euros et inférieure à 2 328 euros

2,9 %

Supérieure ou égale à 2 328 euros et inférieure à 2 455 euros

3,5 %

Supérieure ou égale à 2 455 euros et inférieure à 2 540 euros

4,1 %

Supérieure ou égale à 2 540 euros et inférieure à 2 794 euros

5,3 %

Supérieure ou égale à 2 794 euros et inférieure à 3 454 euros

7,5 %

Supérieure ou égale à 3 454 euros et inférieure à 4 420 euros

9,9 %

Supérieure ou égale à 4 420 euros et inférieure à 5 021 euros

11,9 %

Supérieure ou égale à 5 021 euros et inférieure à 5 816 euros

13,8 %

Supérieure ou égale à 5 816 euros et inférieure à 6 968 euros

15,8 %

Supérieure ou égale à 6 968 euros et inférieure à 7 747 euros

17,9 %

Supérieure ou égale à 7 747 euros et inférieure à 8 805 euros

20 %

Supérieure ou égale à 8 805 euros et inférieure à 12 107 euros  

24 %

Supérieure ou égale à 12 107 euros et inférieure à 16 087 euros

28 %

Supérieure ou égale à 16 087 euros et inférieure à 24 554 euros

33 %

Supérieure ou égale à 24 554 euros et inférieure à 53 670 euros

38 %

Supérieure ou égale à 53 670 euros

43 %

  • Pour les contribuables domiciliés en Guyane et à Mayotte 

Base mensuelle de prélèvement

Taux proportionnel

Inférieure à 1 769 euros

0 %

Supérieure ou égale à 1 769 euros et inférieure à 1 913 euros

0,5 %

Supérieure ou égale à 1 913 euros et inférieure à 2 133 euros

1,3 %

Supérieure ou égale à 2 133 euros et inférieure à 2 404 euros

2,1 %

Supérieure ou égale à 2 404 euros et inférieure à 2 497 euros

2,9 %

Supérieure ou égale à 2 497 euros et inférieure à 2 583 euros

3,5 %

Supérieure ou égale à 2 583 euros et inférieure à 2 667 euros

4,1 %

Supérieure ou égale à 2 667 euros et inférieure à 2 963 euros

5,3 %

Supérieure ou égale à 2 963 euros et inférieure à 4 089 euros

7,5 %

Supérieure ou égale à 4 089 euros et inférieure à 5 292 euros

9,9 %

Supérieure ou égale à 5 292 euros et inférieure à 5 969 euros

11,9 %

Supérieure ou égale à 5 969 euros et inférieure à 6 926 euros

13,8 %

Supérieure ou égale à 6 926 euros et inférieure à 7 620 euros

15,8 %

Supérieure ou égale à 7 620 euros et inférieure à 8 441 euros

17,9 %

Supérieure ou égale à 8 441 euros et inférieure à 9 796 euros

20 %

Supérieure ou égale à 9 796 euros et inférieure à 13 179 euros

24 %

Supérieure ou égale à 13 179 euros et inférieure à 16 764 euros

28 %

Supérieure ou égale à 16 764 euros et inférieure à 26 866 euros

33 %

Supérieure ou égale à 26 866 euros et inférieure à 56 708 euros

38 %

Supérieure ou égale à 56 708 euros

43 %

C. Évolutions des seuils liés 

Les seuils suivants se trouvent également revalorisés :

Thème

Référence

Impôt sur les revenus de l’année 2020

Impôt sur les revenus de l’année 2021

Plafond du quotient familial par demi-part

197, I-2

1570 euros

1 592 euros

Plafond abattement pour rattachement d’enfant marié, pacsé ou chargés de famille

196 B

5 959 euros

6 042 euros

Plafonnement des effets du quotient familial parents isolés

197, I-2

3 704 euros

3 756 euros

Plafonnement de l’avantage fiscal par demi-part pour les personnes célibataires, divorcées, séparées ou veufs sans personnes à charge, vivant seul et ayant élevé seuls pendant au moins cinq années un ou plusieurs enfants

197, I-2

938 euros

951 euros

Calcul décote célibataire

197, I-4-a

779 euros

               790 euros

Calcul décote imposition commune

197, I-4-a

1 289 euros

1 307 euros

II. Assouplissement du crédit d’impôt pour services à la personne 

A. Sous l’égide de l’ancien dispositif 

Pour rappel, les commentaires administratifs [5] concernant le crédit d’impôt en faveur des services à la personne précisaient : « L’avantage fiscal s’applique aux prestations mentionnées à l’article D. 7231-1 du Code du travail réalisées à l’extérieur du domicile, dès lors qu’elles sont comprises dans une offre de services incluant un ensemble d’activités effectuées à domicile.

Ainsi, l’accompagnement des enfants sur le parcours-école/domicile ou sur le lieu d’une activité périscolaire (gymnase, ludothèque, visite du zoo, etc.) est admis, dès lors qu’il est lié à la garde d’enfant à domicile.

De même, l’aide à la mobilité et le transport des personnes ayant des difficultés de déplacement figure au nombre des activités de services à la personne à l’extérieur du domicile mentionnées au I l’article D. 7231-1 du Code du travail. Il en résulte que la prestation de transport proposée dans le cadre d’une offre globale de services est éligible à l’avantage fiscal lorsque le contribuable recourt à une prestation éligible effectuée à son domicile dont la prestation de transport constitue l’accessoire »

Ainsi, certains services réalisés à l’extérieur du domicile, mais inclus dans une offre de services effectués à domicile, pouvaient bénéficier du crédit d’impôt.

Cependant, le Conseil d’État [6] a récemment censuré le paragraphe cité ci-dessus au motif que la doctrine a ajouté à la loi.

Dans le cadre d’un communiqué de presse [7] en date du 11 février 2021 (n° 659), Monsieur Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics, avait indiqué que pour les revenus de l’année 2020, que le périmètre du crédit d’impôt demeurerait constant.

Le gouvernement s’était également engagé à effectuer, le cas échéant, des aménagements juridiques.

B. L’apport de la loi de finances pour 2022 

L’article 3 de la loi de finances pour 2022 procède, comme convenu, à la modification de l’article 199 sexdecies du Code général des impôts.

Dès l’imposition des revenus de l’année 2021, le crédit d’impôt sera applicable aux services suivants dès lors qu’ils sont compris dans un ensemble de services souscrit par le contribuable :

  • accompagnement des enfants dans leurs déplacements en dehors de leur domicile (promenades, transport, actes de la vie courante) ;
  • prestation de conduite du véhicule personnel des personnes âgées, des personnes handicapées ou atteintes de pathologies chroniques du domicile au travail, sur le lieu de vacances, pour les démarches administratives ;
  • accompagnement des personnes âgées, des personnes handicapées ou atteintes de pathologies chroniques, dans leurs déplacements en dehors de leur domicile (promenades, aide à la mobilité et au transport, actes de la vie courante) ;
  • livraison de repas à domicile ;
  • collecte et livraison à domicile de linge repassé ;
  • livraison de courses à domicile ;
  • accompagnement des enfants de plus de trois ans dans leurs déplacements en dehors de leur domicile (promenades, transport, actes de la vie courante) ;
  • téléassistance et visio assistance ;
  • prestation de conduite du véhicule personnel des personnes mentionnées au 20° du II de l’article D. 7231-1 du Code du travail, du domicile au travail, sur le lieu de vacances, pour les démarches administratives ;
  • accompagnement des personnes mentionnées au 20° du II de l’article D. 7231-1 du Code du travail dans leurs déplacements en dehors de leur domicile (promenades, aide à la mobilité et au transport, actes de la vie courante.

Attention, pour les services de téléassistance et de visio-assistance visés ci-dessus, se matérialisant par la détection d’un accident potentiel ou avéré à domicile et son signalement à une tierce personne ou au corps médical, ils sont considérés comme rendus à domicile même s’ils ne sont pas compris dans un ensemble de services incluant des activités effectuées à la résidence de la personne.

Cependant, cela ne concerne que les contrats conclus au profit de personnes âgées, handicapées ou de toute autre personne qui ont besoin d’une aide personnelle à leur domicile ou d’une aide à la mobilité dans l’environnement favorisant leur maintien à domicile.

En outre, il convient de relever que le législateur sécurise la mention des plafonds applicables pour certaines dépenses dont la prise en compte est aujourd’hui uniquement prévue par la doctrine fiscale [8].

Les plafonds sont les suivants :

  • 500 euros par an et par foyer fiscal pour les dépenses relatives aux travaux de petit bricolage dits « hommes toutes mains » ;
  • 3 000 euros par an et par foyer fiscal pour les dépenses relatives à l'assistance informatique et internet à domicile ;
  • 5 000 euros par an et par foyer fiscal pour les dépenses relatives aux interventions de petits travaux de jardinage des particuliers.

C. Exonération des pourboires 

1) Avant la loi de finances pour 2022 

Les pourboires constituent un élément du salaire au même titre que les avantages en nature, les gratifications et les primes. À ce titre, ils sont imposables, en principe, à l’impôt sur le revenu pour leur montant réel [9].

2) Apport de la loi de finances pour 2022

La loi de finances pour 2022 exonère d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux les sommes remises volontairement au personnel en contact avec la clientèle, de façon directe en ou passant par le truchement de l’employeur qui centralise les pourboires.

Cette exonération est temporaire. Elle est limitée aux pourboires versés en 2022 et 2023.

Cette exonération n’est pas limitée à certains secteurs professionnels.

Attention, cette exonération vise les salariés percevant jusqu’à 1,6 SMIC. Il est prévu que la rémunération du salarié soit calculée sur la base de la durée légale du travail, ou de la durée de travail prévue au contrat, augmentée le cas échéant du nombre d’heures complémentaires et supplémentaires.

En revanche, les pourboires sont intégrés dans le calcul du revenu fiscal de référence.

D. Régime du quotient et revenus exceptionnels 

1) Avant la loi de finances pour 2022 

L’article 163-0 A du Code général des impôts (N° Lexbase : L2066IGM) prévoit un mécanisme permettant de limiter la progressivité de l’impôt sur le revenu en présence de revenus exceptionnels ou de revenus différés.

Les commentaires administratifs [10] donnent une méthode en quatre étapes afin de pouvoir faire application du quotient :

  • 1ère étape : calcul des droits simples résultant de l’application du barème progressif au seul revenu net global imposable dit « ordinaire » (DS1).
  • 2ème étape : calcul des droits simples par application du même barème progressif au total formé par le revenu net global « ordinaire » imposable et la fraction appropriée (quotient) bénéficiant du système du quotient (DS2).
  • 3ème étape : calcul des droits simples sur la différence entre les deux résultats précédents et la multiplication par le coefficient multiplicateur diviseur (DS3).
  • 4ème étape : addition des droits simples applicables au revenu net global « ordinaire » et des droits simples applicables aux revenus soumis au quotient (DS1 + DS 3).

Le Conseil d’État [11] a considéré que le système du quotient devait être appliqué au revenu exceptionnel avant imputation du déficit global ordinaire. En revanche, la doctrine administrative [12] considère que lorsque le revenu « ordinaire » est constitué par un déficit, celui-ci s'impute sur le montant du revenu exceptionnel avant l'application du système du quotient.

En présence d’un revenu net global négatif, l’application du système du quotient peut permettre d’échapper à toute imposition au vu du positionnement du Conseil d’État.

L’exemple résultant du rapport du Sénat [13] permet de mieux comprendre ce point.

Une personne perçoit un revenu « ordinaire » de 40 000 euros ainsi qu’un revenu exceptionnel de 80 000 euros en 2020. Après la déduction forfaitaire de 10 %, son revenu exceptionnel net est de 72 000 euros. En revanche, celle-ci a la même année un déficit foncier de 54 000 euros.

Le déficit global ordinaire de cette personne est donc de (40 000 – (40 000 x 0,1)) – 54 000 = - 18 000 euros.

Étape 1 : on considère un revenu de – 18 000 euros. L’impôt sur ce revenu est nul.

Étape 2 : le coefficient est de 4 et le quotient est de 72 000/4 = 18 000 euros.

Étape 3 : on additionne le revenu ordinaire et le quotient, et l’on obtient ainsi – 18 000 + 18 000 = 0 euro. Il s’agit de l’étape d’imputation du déficit global ordinaire. L’impôt sur ce revenu est également nul.

Étape 4 : la soustraction de l’impôt trouvé en première étape et de celui déterminé en troisième étape est de 0 – 0 = 0 euro. La multiplication de ce résultat par le coefficient donne la cotisation supplémentaire relative au seul revenu exceptionnel, qui est bien entendu toujours de 0 euro.

Étape 5 : le montant total de l’impôt sur le revenu dû par le contribuable est donc de 0 euro.

2) Apport de la loi de finances pour 2022

La loi de finances pour 2022 opère une modification des modalités de calcul du quotient, tant pour le régime des revenus exceptionnels que pour le régime des revenus différés.

Le revenu exceptionnel net s’entend après imputation, le cas échéant, du déficit constaté dans la même catégorie de revenu, du déficit global ou du revenu net global négatif

On revient ainsi à la position de la doctrine administrative avant l’arrêt rendu par le Conseil d’État du 28 juillet 2016.

L’exemple ci-dessous résultat du rapport du Sénat [14] permet de mieux appréhender l’impact de cette mesure :

Une personne perçoit un revenu « ordinaire » de 40 000 euros ainsi qu’un revenu exceptionnel de 80 000 euros en 2020. Il a la même année un déficit foncier de 54 000 euros.

Le déficit global ordinaire de cette personne est donc de : (40 000 – (40 000 x 0,1)) – 54 000 euros = - 18 000 euros.

Le nouveau dispositif ajoute une étape préalable : le revenu exceptionnel est calculé après application de la déduction forfaitaire de 10 %, et on lui impute le déficit global ordinaire. On obtient ainsi : (80 000 – (80 000 x 0,1)) – 18 000 = 54 000 euros.

À partir de là, on déroule les cinq étapes :

Étape 1 : pour un revenu de – 18 000 euros, l’impôt sur le revenu net est de 0 euro.

Étape 2 : le coefficient est de 4 et le quotient est de 72 000/4 = 18 000 euros.

Étape 3 : pour cette étape, on n’impute plus le déficit global ordinaire, puisque cela a déjà été fait auparavant. On calcule ainsi l’impôt résultant de l’application du barème sur 18 000 euros, et l’on obtient 871 euros.

Étape 4 : on soustrait à « l’impôt » trouvé en troisième étape celui déterminé en première étape, et l’on obtient 871 – 0 = 871 euros. La multiplication de ce résultat par le coefficient donne la cotisation supplémentaire relative au seul revenu exceptionnel, qui est de : 871 x 4 = 3 484 euros.

Étape 5 : le montant total de l’impôt sur le revenu dû par cette personne est donc de 3 484 euros.

E. Allongement des délais d’option à l’impôt sur le revenu des entrepreneurs individuels

1) Avant la loi de finances pour 2022 :

Les régimes micro permettent de bénéficier d’un abattement sur le chiffre d’affaires, celui-ci étant différent en fonction des catégories d’imposition. L’application du régime micro implique que le chiffre d’affaires hors taxes de l’entreprise ne dépasse certains seuils :

Catégorie d’imposition

Plafond de chiffre d’affaires HT

Abattement forfaitaire

Bénéfices agricoles (BA)

82 800 euros

87 %

Bénéfices non commerciaux (BNC)

72 600 euros

34 %

Bénéfices industriels et commerciaux (BIC)

Prestation de services

72 600 euros

50 %

Commerce

176 200 euros

71 %

Les personnes relevant du régime micro peuvent opter pour l’application du régime réel (simplifié ou normal) d’imposition.

Pour les régimes BIC et BNC, la durée de l’option est d’un an, celle-ci se renouvelle tacitement.

Cette option est encadrée par des délais :

  • pour les BIC : l’option doit être exercée avant le 1er février de l’année au titre de laquelle elle s’applique ;
  • pour les BNC : l’option doit être exercée au plus tard à la date de la déclaration de résultats au titre de laquelle elle s’applique ;
  • pour les BA : l’option peut être exercée jusqu’à la date de la déclaration de résultats de l’année ou de l’exercice précédant celui au titre duquel elles s’appliquent, soit le deuxième jour ouvré suivant le 1er mai.

La renonciation aux différentes options exercées par les contribuables doit intervenir avant le 1er février de l’année suivant la période pour laquelle elles ont été exercées, ou tacitement reconduites.

En pratique, beaucoup de contribuables disposent d’un délai réduit à un mois après la clôture de leur exercice afin de procéder à l’analyse de ce dernier et d’en tirer les conclusions, en matière d’option, pour le nouvel exercice.

2) Apport de la loi de finances pour 2022 

La loi de finances pour 2022 allonge les durées pour opter pour l’application du régime réel, ainsi que celles relatives à sa dénonciation.

  • Délai d’option et de renonciation pour les BIC 

Plusieurs situations doivent être prises en compte. D’une manière générale, le délai d’option est étendu jusqu’à la date de dépôt de la déclaration d’impôt sur le revenu, des revenus de l’année précédente.

Ainsi, pour une option pour le régime réel en 2022, l’option devra être exercée au plus tard à la date de dépôt de la déclaration n° 2042 portant sur les revenus de l’année 2021.

Il convient de distinguer deux cas particuliers.

D’une part, la situation où au titre de l’exercice précédent, le contribuable relevait du régime réel d’imposition de plein droit, et qu’il relèvera du régime micro. Celui-ci pourra opter pour l’application du régime réel jusqu’à la date de dépôt de la déclaration des revenus relevant en principe du micro.

À titre d’exemple, si au titre de l’exercice 2023, l’entreprise relevait du régime réel, en 2024 elle relève du régime micro. Elle aura jusqu’à la date de dépôt de la déclaration d’impôt afférent à ces revenus, soit aux alentours de début mai 2025.

D’autre part, en cas de commencement d’activité, l’option pourra être effectuée jusqu’à la date de dépôt de la déclaration de revenus concernant ces dits revenus.

Ainsi, si une entreprise début son activité en 2023, l’option pourra être effectuée jusqu’à la date de dépôt de la déclaration des revenus de 2023, soit en règle générale jusqu’au mois de mai 2024.

Concernant la renonciation, les entreprises peuvent renoncer à l’option pour le régime réel jusqu’à la date de dépôt de la déclaration d’impôt concernant les revenus de l’année précédente.

Ainsi, si une entreprise désire au titre de ses revenus de l’année 2023 revenir au régime micro, elle aura jusqu’à la date de dépôt de la déclaration d’impôt sur les revenus de résultats 2022, soit aux alentours de mai 2023 pour renoncer à l’option.

Ces modifications s’appliquent aux options et renonciations intervenant à compter du 1er janvier 2022.

Délai d’option pour les BIC [15]

Actuellement

En application du 1° du A du I

Première option

1er février de l’année N

Lors de la déclaration en année N pour l’année N - 1

Maintien ou renonciation à l’option

1er février de l’année N+1

En cas de baisse de CA ouvrant droit au régime micro

1er février de l’année N+1

Lors de la déclaration pour l’année N en N + 1

Création

Dans les 15 jours du commencement des opérations soumises à TVA

  • Délai d’option et de renonciation pour les bénéfices agricoles 

Le délai d’option pour le régime réel est reporté à la date de dépôt de la déclaration des revenus de l’année suivante.

À titre d’exemple, pour les revenus de l’année 2023, l’option pourra être effectuée jusqu’à la date de dépôt de la déclaration de résultats correspondant à ses revenus, donc en 2024.

Concernant la renonciation, il sera possible de renoncer à cette option jusqu’à la date de dépôt de la déclaration de résultat souscrite au titre de la période précédant celle au titre de laquelle la renonciation s’applique.

Ces modifications s’appliquent aux options et renonciations intervenant à compter du 1er janvier 2022.

Délai d’option pour les BA [16]

Actuellement

En application des B et C I

Première option

Lors de la déclaration en année N pour l’année N - 1

Maintien ou renonciation à l’option

1er février de l’année N+1

Lors de la déclaration en N + 1 pour l’année N

Création

Délai de 4 mois

  • Délai de renonciation pour les bénéfices non commerciaux 

La loi de finances pour 2022 ne traite ici que du cas de la date limite de renonciation.

Les contribuables titulaires de bénéfices non commerciaux peuvent renoncer à cette option dans les délais applicables au dépôt de la déclaration souscrite au titre des résultats de la période précédant celle au titre de laquelle la renonciation s’applique.

Cette modification s’applique aux renonciations intervenant à compter du 1er janvier 2022.

F. Ouverture de l’option à l’impôt sur les sociétés pour les entrepreneurs individuels 

1) Avant la loi de finances pour 2022 

Il convient de rappeler qu’en principe les entreprises individuelles relèvent du régime de l’impôt sur le revenu.

Ainsi, les revenus perçus par l’entrepreneur individuel relèveront des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices non commerciaux ou des bénéfices agricoles, selon l’activité qu’il exerce.

Selon le chiffre d’affaires réalisé, l’entreprise relèvera d’un régime réel d’imposition ou d’un régime micro.

Les entreprises individuelles à responsabilité limitée (EIRL) pouvaient opter pour l’application de l’impôt sur les sociétés. Cependant, le projet de loi en faveur des indépendants met fin au statut de l’EIRL.

2) Apport de la loi de finances pour 2022 

La loi de finances pour 2022 tire les conséquences de la suppression du statut de l’EIRL et son remplacement par un statut unique pour l’entrepreneur individuel.

L’entrepreneur individuel aura la faculté de pouvoir opter pour l’application de l’impôt sur les sociétés.

L’option pour l’impôt sur les sociétés est ouverte à l’ensemble des entreprises individuelles relevant d’un régime réel d’imposition. Ainsi, cela signifie que si l’entreprise relève d’un régime forfaitaire, il convient préalablement d’opter pour l’application du régime réel.

Comme pour les sociétés de personnes optant pour l’impôt sur les sociétés (IS), l’option peut être révocable pendant une période de cinq ans. Passé ce délai, l’option devient irrévocable. En outre, en cas de renonciation, celle-ci est définitive [17].

Outre le bénéfice du taux réduit à 15 % jusqu’à 38 120 euros, les bénéfices excédentaires seront taxés au taux normal de l’IS, soit 25 %. Il peut ainsi être opportun d’arbitrer l’intérêt de l’option au regard du barème progressif.

Attention l’assiette imposable est également différente dans le cadre de l’option pour l’IS. À titre d’exemple, la rémunération des dirigeants est déductible.

L’entrepreneur individuel ayant opté pour l’IS devrait également pouvoir bénéficier des régimes des reports en arrière et en avant des déficits [18].

On retrouve ainsi un mode de fonctionnement proche des sociétés notamment au regard des produits qui sont distribués. Ceux-ci seront soumis au PFU (30 %) ou sur option au barème progressif de l’impôt sur le revenu.

Bien évidemment, l’option pour l’impôt sur les sociétés est un fait générateur de cessation d’activité et également de plus-values professionnelles.

Il convient de relever que la lettre du texte n’apporte aucun élément de réponse concernant l’application des régimes d’exonération concernant les articles 151 septies (exonération en fonction du chiffre d’affaires) et 151 septies B (exonération des plus-values professionnelles immobilières à long terme). En outre, la lettre du texte n’apporte aucun élément de réponse relatif à l’application d’un régime de report d’imposition.

Pour les exploitants agricoles, le passage à l’impôt sur les sociétés entraîne la perte de plusieurs régimes incitatifs, dont la déduction pour épargne de précaution (DEP), le régime d’étalement sur 7 ans des revenus exceptionnels.

L’entrepreneur individuel pourra demander le paiement par cinquième de l’impôt sur le revenu afférant :

  • aux sommes déduites au titre de la DEP non encore utilisées qui sont rapportées ;
  • à la fraction des revenus exceptionnels comprise dans le bénéfice imposable de l’exercice de cessation ;
  • à l’excédent de bénéfice agricole sur la moyenne triennale, imposé au taux marginal l’année de la cessation ;

Le régime d’imposition des biens migrant s’applique aux biens utiles à l’activité. En effet, ceux-ci doivent être considérés, du point de vue fiscal, comme affectés à l’activité de l’entrepreneur individuel et ils peuvent, à ce titre, faire l’objet de plus-values professionnelles lors de la cession. Ainsi, dans le dispositif proposé, la plus-value sur les biens utiles à l’activité professionnelle est appliquée dans les conditions de l’article 151 sexies du CGI, à savoir que l’inscription à l’actif de l’entrepreneur ne constitue pas un fait générateur de plus-value imposable mais, que, lors de la cession, l’imposition est réalisée à la fois sur la plus-value privée et sur la plus-value professionnelle.

La liquidation de l’entreprise individuelle emporte alors les mêmes conséquences fiscales que la cessation d’entreprise et l’annulation des droits sociaux d’une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée ou d’une exploitation agricole à responsabilité limitée.

La loi de finances pour 2022 prévoit également des mesures anti-abus au cas des cotisations sociales, afin d’éviter les entrepreneurs ne se rémunèrent uniquement en dividendes et éludent de cette façon le paiement des cotisations sociales. Celle-ci concerne également les agriculteurs à titre individuel optant pour l’IS.

Les produits distribués à l’entrepreneur individuel sur le résultat font l’objet de cotisations sociales dès lors que les montants distribués sont supérieurs à 10 % du bénéfice net de l’entrepreneur.

G. Aménagement du régime des plus-values professionnelles pour départ à la retraite 

1) Avant la loi de finances pour 2022 

L’article 151 septies A du Code général des impôts permet de bénéficier d’un régime d’exonération des plus-values professionnelles en cas de cession de titres d’une société de personnes dans laquelle le contribuable exerce son activité professionnelle de manière personnelle, directe et continue, ainsi qu’en cas de cession de l’entreprise.

Il convient de relever que ce régime de faveur s’applique également en cas de cession, par une société de personnes de son activité, sous réserve d’une dissolution concomitante de la société.

Afin de pouvoir bénéficier de ce régime de faveur, plusieurs conditions cumulatives doivent être remplies :

  • exercice d’une activité de type commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale ;
  • exercice de l’activité à titre professionnelle durant 5 ans;
  • le cédant ne doit pas contrôler le cessionnaire.
  • le cédant doit cesser toute fonction dans l’entreprise. Attention, au regard des commentaires administratifs, cela vise également les fonctions de salariés au sein de l’entreprise [19].

Il doit également faire valoir ses droits à la retraite.

Le départ à la retraite et la cessation des fonctions doivent intervenir dans les deux ans précédents ou suivant la cession.

Il est admis que les deux événements n’interviennent pas de manière concomitante, l’un pouvant intervenir avant l’autre.

Cependant, il ne doit pas se passer un délai excédant 24 mois entre ces deux événements.

2) Apport de la loi de finances pour 2022

  • Assouplissement du cas de la location-gérance

La loi de finances pour 2022 assouplit l’application de l’article 151 septies A du Code général des impôts en cas de location-gérance.

La cession pourra être réalisée au profit de toute autre personne que le locataire, sous réserve qu’elle porte sur l’intégralité des éléments concourant à l’exploitation de l’activité et qui a fait l’objet du contrat de location-gérance ou d’un contrat comparable

On relèvera que la lettre du texte ne contient pas d’obligation de poursuite de l’exploitation par le cessionnaire.

  • Allongement du délai de cession après le départ en retraite 

La loi de finances pour 2022 porte de deux à trois ans le délai dans lequel le dirigeant ou l’exploitant de PME doit céder son entreprise après avoir fait valoir ses droits à la retraite, et ce afin de bénéficier de l’exonération sur la plus-value.

Attention, la nouvelle rédaction du texte ne vise que le cas où le cédant fait valoir ses droits à la retraite entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021 et que ce départ en retraite précède la cession, le délai prévu par ces dispositions est porté à trois ans

La loi de finances pour 2022 n’apporte en revanche aucun commentaire concernant la date de la cessation des fonctions.

Que se passe-t-il si la cessation des fonctions intervient avant le départ à la retraite, et notamment avant le 1er janvier 2019 ? Peut-on considérer que le dispositif pourra trouver à s’appliquer dès lors qu’il ne s’écoule pas un délai supérieur à trois ans entre le premier événement et la cession ?

Ici, les débats parlementaires et notamment les rapports parlementaires présentés devant le Sénat et l’Assemblée nationale n’apportent guère de réponse.

Il conviendra d’attendre les commentaires administratifs afin d’apprécier l’interprétation à donner à cette mesure temporaire.

La loi de finances pour 2022 apporte également un assouplissement dans la situation où la société de personnes cède l’intégralité de son activité, celle-ci étant suivie de sa dissolution de manière concomitante.

La cession mentionnée au I ter du même article 151 septies A peut intervenir dans les trois années suivant la date à laquelle l’associé fait valoir ses droits à la retraite lorsque cette date est comprise entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021.

Bien évidemment, si le délai de trois ans n’est pas respecté, alors le régime de faveur est remis en cause.

H. Aménagement du régime des plus-values professionnelles en fonction de la valeur des éléments cédés 

1) Avant la loi de finances pour 2022

L’article 238 quindecies du CGI permet de bénéficier d’un régime d’exonération totale ou partielle en fonction de la valeur des éléments cédés.

À l’heure actuelle, le régime de faveur s’applique sous réserve des conditions suivantes :

  • exercice d’une activité de type commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale ;
  • exercice de l’activité durant 5 ans ;
  • il ne doit pas y avoir de liens entre le cédant et le cessionnaire ; le cédant ne doit pas contrôler d’un point de vue capitalistique le cessionnaire ni exercer un contrôle fonctionnel (dirigeant de droit ou de fait). Cette condition s’appréciant à partir de la cession et durant une période de trois ans ;
  • il peut s’agir d’une cession d’une entreprise individuelle, d’une branche complète d’activité, de l’intégralité des parts d’une société de personnes dans laquelle l’associé exerce son activité de manière personnelle, directe et continue ; Les sociétés soumises à l’IS cédant une branche d’activité sont également susceptibles de bénéficier de ce régime ;
  • le montant de la cession doit être inférieur à 500 000 euros ; si le montant de la cession est inférieur à 300 000 euros, l’exonération est totale, entre 300 000 euros et 500 000 euros l’exonération est partielle. ; Au-delà de 500 000 euros, il n’y a pas d’exonération.

2) Apport de la loi de finances pour 2022

  • Assouplissement du cas de la location-gérance

La loi de finances pour 2022 assouplit l’application de l’article 238 quindecies du Code général des impôts au cas de la location-gérance.

La cession pourra être réalisée au profit de toute autre personne que le locataire, sous réserve qu’elle porte sur l’intégralité des éléments concourant à l’exploitation de l’activité et qui a fait l’objet du contrat de location-gérance ou d’un contrat comparable.

On relèvera que la lettre du texte ne contient pas d’obligation de poursuite de l’exploitation par le cessionnaire.

  • Augmentation des plafonds

La loi de finances pour 2022 augmente les plafonds d’exonération. Les seuils de 300 000 euros et 500 000 euros sont remplacés respectivement par les seuils de 500 000 euros et 1 000 000 euros.

Ainsi, pour bénéficier d’une exonération totale, le montant de la cession doit être inférieur à 500 000 euros. Entre 500 000 euros et 1 000 000 euros, l’exonération est partielle. Et au-delà de 1 000 000 d’euros, il n’y a pas d’exonération.

La formule de calcul pour l’exonération dégressive est également modifiée.

Auparavant, la formule était la suivante :

500 000 euros – montant de la cession

200 000 euros.

La nouvelle formule de calcul est la suivante :

1 000 000 euros – montant de la cession

500 000 euros.

  • Modification des modalités de calcul des plafonds 

Les modalités de détermination de la valeur des éléments transmis sont elles aussi modifiées. Au dispositif prévoyant que le calcul de cette valeur dépend de celle servant d’assiette à la liquidation des DMTO prévus aux articles 719 (N° Lexbase : L2521IBY), 720 (N° Lexbase : L7914HLP) et 724 (N° Lexbase : L7938HLL) du CGI se substitue le prix des éléments transmis, ou leur valeur vénale, auxquels sont ajoutées les charges en capital et les indemnités prévues au profit du cédant.

  • Régime des aides de minimis 

Le régime des aides de minimis trouve à s’appliquer en cas de cession par une société soumise à l’IS, celle-ci étant une PME.

I. Aménagement du régime des plus-values privées sur cession de titres en cas de départ à la retraite

1) Avant la loi de finances pour 2022 

L’article 150-0 D ter du Code général des impôts (N° Lexbase : L9350LHR) permet au dirigeant partant à la retraite, en cas de cession de titres de sociétés relevant du régime des plus-values privées de bénéficier d’un abattement de 500 000 euros.

Ce régime nécessite de remplir plusieurs conditions :

  • la société doit être une PME au sens de l’Union européenne ;
  • elle doit exercer une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, de manière continue, au cours des 5 années précédant la cession,
  • avoir son siège dans l’espace économique européen ;
  • être soumise à l’IS ;
  • le cédant doit avoir exercé durant les 5 années précédant la cession, sans interruption, des fonctions de direction ;
  • il doit détenir 25 % des droits de vote ou dans les bénéfices sociaux ;
  • il doit cesser toute fonction de direction ou salarié, et faire valoir ses droits à la retraite dans les 24 mois suivant ou précédant la cession ;
  • le cédant ne doit pas détenir, à la date de la cession et pendant 3 ans, directement ou indirectement, des droits de vote ou dans les bénéfices du cessionnaire ;
  • les titres doivent être détenus depuis au moins 1 an ;
  • la cession doit porter sur l’intégralité des titres.

Il convient de rappeler que ce régime s’applique aussi bien en cas d’application du PFU que de l’option pour le barème progressif.

Cependant, il s’agissait d’un régime temporaire. En effet, celui-ci doit prendre fin au 31 décembre 2022.

2) Apport de la loi de finances pour 2022

La loi de finances pour 2022 proroge le présent dispositif jusqu’au 31 décembre 2024.

La loi de finances pour 2022 porte de deux à trois ans le délai dans lequel le dirigeant ou l’exploitant de PME doit céder son entreprise après avoir fait valoir ses droits à la retraite, et ce afin de bénéficier de l’exonération sur la plus-value.

Attention, la nouvelle rédaction du texte ne vise que le cas où le cédant fait valoir ses droits à la retraite entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021 et que ce départ en retraite précède la cession, le délai prévu par ces dispositions est porté à trois ans

La loi de finances pour 2022 n’apporte en revanche aucun commentaire concernant la date de la cessation des fonctions.

Bien évidemment, si le délai de trois ans n’est pas respecté, alors le régime de faveur est remis en cause.

J. Régime de cession des actifs numériques 

1) Avant la loi de finances pour 2022 

La loi de finances initiale pour 2019 a défini, à l’article 150 VH bis du Code général des impôts (N° Lexbase : L9043LQY), un régime d’imposition spécifique des gains de cessions d’actifs numériques réalisées à titre occasionnel par les particuliers :

  • les cessions d’actifs numériques contre un prix ou des biens ou services sont imposées, mais pas les opérations d’échanges d’actifs numériques ;
  • les cessions dont la somme des prix n’excède pas 305 euros au cours de l’année sont exonérées ;
  • la plus-value de cession est imposée au taux global de 30 % : 12,8 % au titre de l’impôt sur le revenu (IR) et 17,2 % au titre des prélèvements sociaux ;
  • les moins-values subies au cours d’une année sont imputées sur les plus-values de même nature réalisées au cours de la même année.

Conformément aux dispositions de l'article L. 110-1 du Code des commerce (N° Lexbase : L1282IWE) qui répute acte de commerce toute acquisition de biens meubles aux fins de les revendre, l'achat-revente d'actifs numériques exercé à titre habituel et pour son propre compte constitue une activité commerciale par nature dont les revenus sont à déclarer dans la catégorie des BIC en application de l'article 34 du CGI (N° Lexbase : L4844IQH).

Le résultat imposable tiré de cette activité est déterminé selon les règles de droit commun applicables aux BIC.

Les commentaires administratifs [20] précisent :

« Les produits tirés de l'activité d'achat-revente d'actifs numériques, lorsqu'elle est exercée à titre habituel et pour son propre compte constitue une activité commerciale par nature dont les revenus sont à déclarer dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) en application de l'article 34 du CGI ».

Les critères d'exercice habituel ou occasionnel de l'activité résultent de l'examen, au cas par cas, des circonstances de fait dans lesquelles les opérations d'achat et de revente sont réalisées (les délais séparant les dates d'achat et de revente, le nombre d'actifs numériques vendus, les conditions de leur acquisition, etc.).

L’activité de minage relève quant à elle du régime des bénéfices non commerciaux.

À ce titre, les commentaires administratifs [21] précisent :

« Les actifs numériques mentionnés au II § 60 du BOI-RPPM-PVBMC-30-10 sont acquis soit gratuitement en contrepartie d'une participation au fonctionnement du système, soit à titre onéreux sur des plates-formes internet créées afin de permettre l'achat et la vente de ces actifs contre de la monnaie ayant cours légal.

Lorsqu'ils constituent la contrepartie de la participation du contribuable à la création ou au fonctionnement du système d’unité de compte virtuelle (activité dite de « minage »), les produits sont susceptibles de relever des prévisions de l'article 92 du CGI (CE 3° et 8° ch.-r., 26 avril 2018, n° 417809, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A8851XLE).

Le résultat imposable tiré de cette activité est déterminé conformément aux règles de droit commun applicables aux bénéfices non commerciaux, étant précisé que la valeur d'acquisition retenue pour le calcul du résultat imposable est nulle lorsque les bitcoins ont été attribués gratuitement »

2) Apport de la loi de finances pour 2022

La loi de finances pour 2022 insert à l’article 92 du Code général des impôts (N° Lexbase : L5856LT3) les opérations d’achat-revente d’actifs numériques.

À compter du 1er janvier 2023, les opérations réalisées par des particuliers « dans des conditions analogues à celles qui caractérisent une activité exercée par une personne se livrant à titre professionnel à ce type d’opérations », c’est-à-dire l’achat-revente d’actifs numériques, seront soumises au régime des bénéfices non commerciaux.

Dans le cas contraire, les opérations seront réputées réalisées à titre occasionnel. Elles seront ainsi imposées à l’impôt sur le revenu au taux forfaitaire de 12,8%, auquel s’ajouteront 17,2% de prélèvements sociaux. Il est possible d’opter pour l’application du barème progressif. L’option est expresse et irrévocable, et ne se confond pas avec celle concernant les revenus de capitaux mobiliers. Il convient de relever que l’activité de minage reste soumise aux bénéfices non commerciaux.

K. Prorogation du régime Censi-Bouvard 

1) Avant la loi de finances pour 2022

Le dispositif Censi-Bouvard devait expirer au 31 décembre 2021.

2) Apport de la loi de finances pour 2022 

La loi de finances pour 2022 proroge le dispositif jusqu’au 31 décembre 2022.

L. Prorogation du dispositif Denormandie 

1) Avant la loi de finances pour 2022

Le dispositif Denormandie devait prendre fin au 31 décembre 2022.

2) Apport de la loi de finances pour 2022

La loi de finances pour 2022 proroge le dispositif jusqu’au 31 décembre 2023.

M. Crédit d’impôt au titre du premier abonnement à un journal 

1) Avant la loi de finances pour 2022 

Le crédit d’impôt devait prendre fin au 31 décembre 2022.

2) Apport de la loi de finances pour 2022 

La loi de finances pour 2022 proroge le dispositif jusqu’au 31 décembre 2023. La prorogation entrera en vigueur à compter d’une date fixée par décret, qui ne pourra pas être postérieure de plus d’un mois à la date de réception par le gouvernement de la réponse de la Commission européenne permettant de considérer le dispositif comme conforme au droit de l’Union européenne.

N. Réduction d’impôt sur le revenu relative aux dons faits en faveur des organismes luttant contre la violence 

1) Avant la loi de finances pour 2022 

Le régime devait prendre fin en 2021.

2) Apport de la loi de finances pour 2022 

La loi de finances pour 2022 proroge le régime jusqu’en 2022.

O. Prorogation du relèvement à 1 000 euros du plafond des dons ouvrant droit à la réduction d’impôt dite « Coluche » 

1) Avant la loi de finances pour 2022 

Le dispositif devait prendre fin au 31 décembre 2021.

2) Apport de la loi de finances pour 2022 

La loi de finances pour 2022 proroge le relèvement à 1 000 euros du plafond des dons ouvrant droit à la réduction jusqu’au 31 décembre 2023.

P. Décharge de responsabilité entre les ex-époux 

 1) Avant la loi de finances pour 2022 

Le principe de solidarité fiscale est posé par le I de l'article 1691 bis du CGI (N° Lexbase : L0417LTM) en matière d'impôt sur le revenu et de taxe d'habitation et par l'article 1723 ter 00-B du CGI en matière d'impôt de solidarité sur la fortune.

Les commentaires administratifs [22] précisent que l'octroi de la décharge de responsabilité solidaire prévue par le II de l'article 1691 bis du CGI est subordonné à la réalisation de 3 conditions cumulatives :

  • une rupture de la vie commune ;
  • une disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur à la date de la demande ;
  • un comportement fiscal qui se traduit d'une part, par le respect par le demandeur de ses obligations déclaratives depuis la rupture de la vie commune et, d'autre part, par l'absence de manœuvres frauduleuses pour se soustraire au paiement de l'impôt.

Les première et troisième conditions subordonnent la recevabilité en la forme de la demande de décharge de responsabilité solidaire. La deuxième condition est relative à l'examen au fond de la demande de décharge de responsabilité solidaire.

2) Après la loi de finances pour 2022 

La loi de finances pour 2022 modifie l’article 1691 bis, II-2 du Code général des impôts.

Une des conditions pour obtenir la décharge de la responsabilité solidaire consiste à établir l’existence d’une disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur à la date de la demande.

Dorénavant, la situation financière nette du demandeur est appréciée sur une période n'excédant pas trois années.

Cette précision met ainsi à mal la doctrine administrative qui vise une période de 10 ans.

Q. Exonération de DMTG sur les dons et legs de biens affectés à des activités non lucratives des collectivités 

1) Avant la loi de finances pour 2022 

Le I de l’article 794 du CGI (N° Lexbase : L6244LUS) dispose que les régions, les départements, les communes, leurs établissements publics et les établissements publics hospitaliers sont exonérés de droits de mutation à titre gratuit (DMTG) sur les biens qui leur sont transmis par donation ou succession, dès lors qu’ils sont affectés à des activités non lucratives. Le II du même article dispose que ces dispositions sont également applicables aux dons et legs faits aux organismes d’administration et de gestion de la sécurité sociale, ainsi qu’à la caisse générale de prévoyance des marins.

Cette exonération connaissait un bornage temporel jusqu’au 31 décembre 2023.

2) Apport de la loi de finances pour 2022 

La loi de finances pour 2022 supprime au I et II de l’article 794 du CGI, le bornage de l’exonération des DMTG.

Le dispositif est donc pérennisé.

R. Obligations des notaires en cas de transmission dématérialisée de la déclaration de succession 

La loi de finances pour 2022 instaure l’obligation pour le notaire, qui conservera la déclaration originale de succession, de certifier la fiabilité de la copie numérique télétransmise à l’administration fiscale.

S. Transformation du dispositif « Louer abordable » en réduction d’impôt et prorogation jusqu’au 31 décembre 2024

1) Avant la loi de finances pour 2022 

Le dispositif Cosse ou « louer abordable », permet aux propriétaires de logements –personnes physiques ou associés de sociétés non soumises à l’impôt sur les sociétés donnés en location dans le cadre d’une convention conclue avec l’Agence nationale de l’habitat (Anah) de bénéficier d’une déduction spécifique de charges sur leurs revenus fonciers [23].

Ce dispositif concerne les logements donnés en location dans le cadre d’une convention conclue entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2022 avec l’Anah d’une durée de six ans ou neuf ans, soit dans le secteur intermédiaire, soit dans le secteur social ou très social. Le logement doit respecter un certain nombre de conditions.

2) Apport de la loi de finances pour 2022

La loi de finances pour 2022 proroge le dispositif Cosse jusqu’au 31 décembre 2024.

La loi de finances pour 2022 transforme à compter du 1er janvier 2022, le dispositif Cosse en réduction d’impôt.

Ainsi, le régime de déduction des revenus fonciers s’éteint au 31 décembre 2021.

À ce titre, un article 199 tricies est créé au sein du Code général des impôts.

La réduction d’impôt s’applique sur les revenus bruts du logement.

Le taux de la réduction d’impôt s’élève à :

Taux de la réduction d’impôt en

cas de conventionnement Anah

sans intermédiation locative

Taux de la réduction d’impôt en

cas de conventionnement Anah

avec intermédiation locative

Secteur intermédiaire

15 %

20 %

Secteur

social

35 %

40 %

Secteur très

social

Uniquement en intermédiation

65 %

On relève l’existence de plusieurs conditions :

  • le logement doit être donné en location dans le cadre d’une convention passée avec l’Anah, conclue entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2024, et loué en tant qu’habitation principale durant toute la durée de la convention, à une personne qui n’est pas membre du foyer fiscal, qui n’est pas un ascendant ou un descendant du contribuable, ou qui n’occupe pas déjà le logement sauf à l’occasion du renouvellement du bail ; si le logement est la propriété d’une société non soumise à l’impôt sur les sociétés, la location ne peut pas être conclue avec l’un de ses associés ou un membre du foyer fiscal, un ascendant ou un descendant d’un associé ; en outre, l’associé bénéficiaire doit conserver ses parts pendant toute la durée de la convention ;
  • le logement doit respecter un certain niveau de performance énergétique globale fixé par arrêté ;
  • le loyer et les ressources du locataire doivent être appréciés à la date de conclusion du bail, et respecter certains plafonds, ceux-ci étant fixés par décret.

La réduction d’impôt est imputée sur l’impôt dû au titre des revenus de chacune des années de la période d’application du dispositif.

Cette réduction d’impôt bénéficie de l’acompte de 60 % (CGI, art. 1665 bis N° Lexbase : L2367MAW).

Il n’est pas possible de cumuler ce dispositif avec les dispositifs suivants : « Périssol » (31, I, 1°, f), « Besson neuf » (31, I, 1°, g), « Robien » (31, I, 1° h), en cas de mobilité professionnelle du bailleur (31, I, 1°, i), « Besson ancien » (31, I, 1°, j), « Robien et Scellier en zone de revitalisation rurale (ZRR) » (31, I, 1°, k), « Borloo populaire » (31, I, 1°), « Borloo ancien » (31, I, 1, m) et « Cosse » (31, I, 1°, o) ; les dispositifs d’incitation fiscale à l’investissement dans une résidence hôtelière à vocation sociale (199 decies I du CGI) ; au titre de certains investissements réalisés en outre-mer (CGI, art. 199 undecies A N° Lexbase : L8678L48) et des investissements locatifs « Scellier » (CGI, art. 199 septvicies N° Lexbase : L3140L7G) et « Pinel » (CGI, art. 199 novovicies N° Lexbase : L6970LZ8).

Que retenir en synthèse ?

Thème

Modification principale

Entrée en vigueur

1.- Indexation du barème progressif et des seuils associés

+1,4 %

Revenus 2021

2.- Crédit d’impôt pour services à la personne

Extension aux services compris dans un ensemble de services rendus au domicile

Revenus 2021

3.- Pourboires versés aux salariés

Exonération d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux

Sommes versées en 2022 et 2023

4.- Revenus exceptionnels et régime du quotient

Modification de l’ordre d’imputation du revenu global négatif

Revenus 2021

5.- Délai d’option à l’IR pour les entrepreneurs individuels

Allongement des délais d’option et de renonciation pour les régimes réels

1er janvier 2022

6.- Ouverture de l’IS aux entrepreneurs individuels

Possibilité d’opter pour l’IS

À la date d’entrée en vigueur de l’article L. 526-22 du Code de commerce

7.- Plus-values professionnelles et départ à la retraite

  • Allongement du délai entre le départ en retraite et la cession porté à 36 mois
  • Possibilité de céder à une personne autre que le locataire-gérant

Année 2021

8.- Plus-values professionnelles et régime d’exonération en fonction de la valeur des éléments cédés

  • Possibilité de céder à une personne autre que le locataire-gérant
  • Augmentation des plafonds d’exonération (500000 - 1000000)
  • Modification de l’appréciation des plafonds
  • Application du régime des aides de minimis

Année 2021

9.- Plus-values privées sur cession de titres et départ à la retraite

  • Allongement du délai entre le départ en retraite et la cession porté à 36 mois
  • Prolongement jusqu’au 31/12/2021

 

10.- Régime de cession des actifs numériques

  • Achat/revente à titre professionnel : BNC
  • Achat/revente occasionnel : 12,8 % IR et 17,2 % CSG/CRDS sauf option pour le barème

Cession réalisée à compter du 1er janvier 2023

11.- Prorogation du régime censi-bouvard

Prorogation jusqu’au 31/12/2022

-

12.- Prorogation du dispositif DENORMANDIE

Prorogation jusqu’au 31/12/2023

 

13.- Crédit d’impôt au titre du premier abonnement à un journal

Prorogation jusqu’au 31/12/2023

-

14.- Réduction d’impôt sur le revenu relative aux dons faits en faveur des organismes luttant contre la violence 

Prorogation jusqu’en 2022

-

15. Prorogation du relèvement à 1 000€ du plafond des dons ouvrant droit à la réduction d’impôt dite « Coluche » 

Prorogation jusqu’au 31 décembre 2023

-

16. Décharge de responsabilité des ex-époux

Appréciation de la situation nette du demandeur sur une période de 3 ans

1er janvier 2022

17.- Exonération des DMTG sur certains dons

Pérennisation

-

18.- Obligations des notaires en cas de transmission dématérialisée de la déclaration de succession :

Obligation de certification

  •  

19.- Dispositif Louer abordable

  • Prorogation jusqu’au 31 décembre 2024
  • Transformation en réduction d’impôt

 

 

1er janvier 2022

 

[1] Exposé des motifs, projet de loi de finances pour 2022 déposé le 22 septembre 2021 n° 4482, p.8.

[2] Discours de Bruno Le Maire du 22 septembre 2021.

[3] Avis HCP 2021-4 PLF/PLFSS 2022.

[4] Site du Sénat, 18 novembre 2021. https://www.senat.fr/presse/cp20211118b.html

[5] BOI-IR-RICI-150-10 n° 80 (N° Lexbase : X7993ALM).

[6] CE 3° et 8° ch.-r., 30 novembre 2020, n° 442046, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A295738Z).

[7] MINEFI, communiqué de presse, 11 février 2021 n° 659.

[8] BOI-IR-RICI-150-20 n° 120 (N° Lexbase : X6913ALM).

[9] Rapport assemblé national tome I du 08 décembre 2021, BOI-RSA-CHAMP-20-10 n° 90 (N° Lexbase : X5410ALX), CE Contentieux, 29 juillet 1983, n° 42130 (N° Lexbase : A8146ALB).

[10] BOI-IR-LIQ-20-30-20 n° 360 (N° Lexbase : X4386ALZ).

[11] CE 9° et 10° ch.-r., 28 septembre 2016, n° 384465, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7332R4C).

[12] BOI-IR-LIQ-20-30-20 n° 310.

[13] Rapport général, Sénat Tome II, du 18 novembre 2021 p.53.

[14] Rapport général Sénat Tome II, du 18 novembre 2021 p.54.

[15] Rapport général Sénat, Tome II du 18 novembre 2021 p. 62.

[16] Rapport général Sénat, Tome II du 18 novembre 2021 p. 63.

[17] Rapport Assemblée Nationale, Tome I du 8 décembre 2021 p. 42.

[18] Rapport général Sénat, Tome II du 18 novembre 2021, p.92.

[19] BOI-BIC-PVMV-40-20-20-30, n° 40 (N° Lexbase : X6705ALW).

[20] BOI-BNC-CHAMP-10-10-20-40 n° 1080 (N° Lexbase : X5858ALK).

[21] BOI-BNC-CHAMP-10-10-20-40 n° 1080.

[22] BOI-CTX-DRS-10 n° 70 (N° Lexbase : X3793AL3).

[23] Rapport Assemblé Nationale, tome I du 8 décembre 2021 p.166.

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Huissiers

[Textes] « Décret compétences » des commissaires de justice : quelles surprises ?

Réf. : Décret n° 2021-1625, du 10 décembre 2021, relatif aux compétences des commissaires de justice (N° Lexbase : L9442L9L)

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par Sylvian Dorol, Huissier de justice associé (Vénézia & associés), Intervenant ENM, EFB, INCJ, Legal Officer Logion

Le 12 Janvier 2022


Mots-clés : commissaires de justice • commissaires-priseurs • huissiers de justice • compétences • compétence territoriale • constat

Le décret compétences des commissaires de justice a été publié le 10 décembre 2021, dans une relative indifférence. Sa lecture attentive soulève cependant quelques interrogations et incompréhensions, notamment concernant la délicate question de la compétence territoriale.


 

Le 12 décembre 2021, est paru, dans une relative indifférence du monde des juristes, le tant attendu décret relatif aux compétences des commissaires de justice.

Tant attendu ? De qui ? Seulement des principaux concernés, les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires, les autres professions et les justiciables n’étant nullement concernés ou faiblement impactés par ce nouvel acteur du droit qu’est le commissaire de justice.

Tant attendu ? Pourquoi ? Car il s’agit là d’un texte qui encadre l’exercice de ce nouvel officier public et ministériel qui sera en fonction dès le 1er juillet 2022, fruit du mariage forcé entre les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires. La lecture de cet décret renseignera sur ce qu’il faut retenir de ces noces ? Donnent-elles raison à Oscar Wilde qui écrivait « Ne vous mariez jamais : l’homme le fait par lassitude, la femme par curiosité et chacun est déçu » ?

Dans un premier temps, une réponse affirmative pourrait être apportée puisque, même si les professions sont mariées, elles font chambre commune mais lit à part [1]. Mais cette situation n’est appelée à durer que jusqu’au 30 juin 2022, veille de la venue au monde du commissaire de justice. C’est donc un réel texte commun, fortement teinté du vécu de chacune des professions fusionnées, qui a été publié au Journal Officiel pour entrer en vigueur le 1er juillet prochain, à l’exception de son article 34 qui l’est déjà. Texte commun, certes, mais qui ne porte en lui que peu de nouveauté comme l’étude de ses 37 articles va le démontrer.

Afin d’étudier le décret n° 2021-1625 du 10 décembre 2021 relatif aux compétences des commissaires de justice, les développements suivront la structure du texte, à savoir trois titres.

Le premier titre étudié est relatif à la compétence territoriale des commissaires de justice (I), le deuxième traite des obligations professionnelles et attributions (II), et le troisième et dernier est sobrement intitulé « Dispositions diverses et finales » (III).

I. De la compétence territoriale

Le premier titre du décret est constitué de deux articles ci-après reproduits :

« Article 1er
Les commissaires de justice peuvent accomplir les actes prévus aux 1°, 2°, 3°, 5°, 6°, 7°, 8° et 9° du I de l'article 1er de l'ordonnance du 2 juin 2016 susvisée dans le ressort de la cour d'appel du siège de leur office et, le cas échéant, du ou des bureaux annexes attachés à l'office.
Ils peuvent accomplir les actes prévus au 4° du I et au II de l'article 1er de la même ordonnance sur l'ensemble du territoire national.
Ils peuvent également, à titre occasionnel, accomplir les actes prévus au 2° du I de l'article 1er de la même ordonnance sur l'ensemble du territoire national.

Article 2
Tout commissaire de justice peut signifier un acte par voie électronique dès lors que l'un des destinataires de l'acte a son domicile ou sa résidence dans le ressort de la cour d'appel où il exerce sa compétence.
Toutefois et hors les cas où le débiteur a son domicile ou sa résidence à l'étranger, seuls les commissaires de justice qui exercent dans le ressort de la cour d'appel où le débiteur a son domicile ou sa résidence sont compétents pour signifier les actes par voie électronique à un tiers dans le cadre d'une procédure d'exécution ou d'une mesure conservatoire au sens de l'article L. 111-1 du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L5789IRT).
La dénonciation par la voie électronique d'un acte peut être faite par le commissaire de justice compétent pour signifier ou établir l'acte. »

L’article 1er est donc relatif à la question de la compétence territoriale générale, et le deuxième article traite du cas particulier des significations électroniques.

Concernant la compétence territoriale générale, l’article 1er peut paraître anodin aux yeux du profane. Et pourtant, il porte en son sein de réelles évolutions, voire révolutions, notamment en matière de constats. Ainsi, sa lecture apprend que le commissaire de justice pourra, dans le ressort de la cour d’appel où il est installé, dresser les constats d'état des lieux dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 3-2 de la loi du 6 juillet 1989 (état des lieux locatifs sur convocation préalable, et uniquement cet état des lieux locatifs). En revanche, il est désormais expressément indiqué que les constats judiciaires bénéficient d’une compétence nationale.

Ce texte affirme donc à une compétence territoriale variable selon le contexte du constat dressé par le commissaire de justice : si le constat prend sa source dans la demande du juge ou d’un particulier, la compétence est nationale. En revanche, s’il naît de la loi du 6 juillet 1989, alors la compétence territoriale du constatant est celle de la cour d’appel, étant ici précisé que cela n’affecte en rien la force probante du constat qui demeure la même… Il apparaît difficile de justifier cette distinction, et même de la comprendre…

Étonnamment, l’article 1er consacre également le principe d’une compétence locale (cour d’appel) d’habitude et d’une compétence nationale occasionnelle concernant la faculté de procéder aux inventaires, prisées et ventes aux enchères publiques de meubles corporels ou incorporels prescrits par la loi ou par décision de justice… C’est là une surprise que de consacrer une compétence restreinte pour l’élargir immédiatement par l’expression « à titre occasionnel ». Comment définir l’occasionnel ? Seul l’avenir le dira…

L’article 2 du texte commenté se limite à la question de la signification électronique et ne contient pas de nouveauté par rapport à la situation des huissiers de justice. La signification électronique obéit à une compétence territoriale stricte qui consacre la proximité géographique avec le débiteur puisque les actes de saisie impliquant un tiers sont signifiés par le commissaire de justice du ressort de la Cour d’appel où est établi le débiteur.

II. Des obligations professionnelles et attributions

Ce titre constitue le cœur du décret puisqu’il contient 28 articles !

Les articles 3 à 7 sont relatifs aux obligations professionnelles des commissaires de justice.

L’article 3 prévoit que le commissaire de justice dispose d’une carte professionnelle. La lettre de l’article fait écho à l’article 17 du décret n° 56-222 du 29 février 1956 pris pour l'application de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers de justice (N° Lexbase : L6897A49), mais précise que le modèle de carte professionnelle de commissaire de justice est unique. Le modèle de carte professionnelle fera l’objet d’un arrêté, mais espérons qu’il ne suive pas le sort de celui relatif au modèle des cartes professionnelles d’huissier de justice qui n’existe toujours pas comme l’avait remarqué madame Frédérique Lardet dans une question au Garde des Sceaux en 2019 [2]...

L’article 4 est lui relatif au ministère forcé et à ses exceptions (situation où le commissaire de justice ne peut refuser la mission qui lui est confiée). Il rappelle que, sauf cas d’empêchement et lien de parenté, le commissaire de justice ne peut refuser son ministère si la mission qui lui est demandée relève de l’article 1er de l’ordonnance du 2 juin 2016 et que le destinataire de l’acte demeure dans le ressort de compétence du tribunal judiciaire.

L’article 5 doit être lu en ayant à l’esprit que les visio-constats (constat en live streaming sans déplacement de l’huissier) ont attiré l’ire des institutions représentatives de la profession, notamment parce que ces projets étaient portés par des start-up qui se paraient des attributs des huissiers de justice, entretenant une douteuse confusion. Ainsi, ce texte tord le cou aux start-up de preuve visio ou qui offre un simple dépôt de documents horodaté par huissier : s’il n’y pas de déplacement personnel du commissaire de justice sur le lieu du fait à constater, il n’y a point de constat. C’est ce qu’il faut comprendre de cet article qui prévoit que « Le commissaire de justice, ou le clerc habilité aux constats, effectue lui-même les constatations prévues au 2° du II de l'article 1er de l'ordonnance du 2 juin 2016 susvisée. Il se rend personnellement sur les lieux du constat ». Un éclaircissement bienvenu qui met fin à certaines dérives susceptibles de porter préjudice aux justiciables.

L’article 6 ne porte en son sein aucun élément de nouveau car il autorise le pilotage : le commissaire de justice destinataire d’un acte hors sa compétence peut l’adresser à un confrère plus proche.

Les articles 8 à 13 constituent le chapitre 2 relatif à la question du service d’audience. Là encore, nous ne relevons pas de différence notable entre le commissaire de justice audiencier et l’huissier de justice audiencier. Ils sont donc titulaires d’un service spécial auprès de certaines juridictions (appels de cause, police des audiences, signatures d’actes…), cela n’incluant pas un monopole pour les autres activités non visées au texte. Les usages locaux attribuant les constats judiciaires aux seuls huissiers audienciers ne sont pas légitimés par ce texte, et n’ont leur source que dans la confiance qu’ont les magistrats en leurs audienciers.

Le chapitre 3 est intitulé « Les actes et significations », et composé des articles 14 à 23. Outre les obligations inhérentes à la conservation et à la transmission des actes, nous retiendrons de cela que la durée de conservation demeure vingt-cinq ans, et qu’une copie peut être délivrée sur un support différent de l’original, comme c’est le cas aujourd’hui. Le restant est une reprise quasi à l’identique des textes concernant les huissiers de justice.

Le dernier chapitre (chapitre VI) du Livre s’intitule « Les activités professionnelles sans monopole et les activités accessoires (articles 28 à 31) ». Y sont évoquées pêle-mêle le recouvrement amiable, la médiation, le métier d’administrateur d’immeuble et celui d’agent d’assurances.

L’article 28 pose le principe qu’ « en matière de recouvrement amiable ou judiciaire, la remise des pièces au commissaire de justice vaut mandat d'encaisser » : il n’y a donc pas besoin de mandat exprès pour ce faire.

Les article 29 et 30 rappellent qu’un commissaire de justice peut exercer une ou des activités accessoires, sous conditions (déclaration au Procureur, limitations en matière de médiation et exclusion de la médiation relative au contentieux de l’exécution…). Il est hélas regrettable de ne pas avoir précisé que les parties concernées (les médiés) pouvaient lever les cas d’interdiction de médiation par les commissaires de justice. En effet, dans le cadre d’un règlement amiable du différend, ne serait-il pas logique d’accepter que les parties conviennent elles-mêmes du choix d’un médiateur, sans que le législateur interfère ?

III. Des dispositions diverses et finales

Qu’attendre d’un livre intitulé « Des dispositions diverses et finales » ? Un éclaircissement bienvenu, répondant à la problématique du sort des anciens commissaires de justice qui ont acquis la qualification pour organiser et réaliser des ventes volontaires et qui ont pratiqué de telles ventes au sein d'une société régie par le livre II du Code de commerce. Même en ayant perdu leur qualité d’officier public et ministériel, ils peuvent poursuivre leur activité de ventes volontaires. Dans ces conditions, la limite d’âge du commissaire de justice (70 ans) ne signifie donc plus arrêt de l’exercice de toute son activité professionnelle.

Le « décret compétence » commenté résonne comme un contrat de mariage entre les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires, promis à l’avenir commun du commissaire de justice. Ce n’est pas le régime de séparation des biens qui a été choisi, mais davantage celui de la communauté réduite aux acquêts. Il faudra donc un peu de temps et beaucoup d’audace pour que le commissaire de justice se crée un patrimoine de compétences et attributions originales. Ce sera alors sa deuxième naissance en ce qu’il fera oublier les deux professions dont il porte les noms additionnés.


[1] Aux termes du décret n° 2018-872 du 9 octobre 2018 portant organisation et fonctionnement de la chambre nationale des commissaires de justice et des commissions de rapprochement des instances locales représentatives des professions d'huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire, l’article 1er indique que la Chambre Nationale des Commissaires de justice est organisée en deux sections : celle des huissiers de justice, et celles des commissaires-priseurs judiciaires.

[2] QE n° 17555 de Mme F. Lardet, JOANQ 05 mars 2019 , réponse publ. 9 juillet2019 p. 6461, 15ème législature (N° Lexbase : L0882LSH).

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[Focus] Une révolution dans la capitalisation des rentes indemnitaires : l’avènement d’un logiciel de capitalisation

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par Christophe Quézel-Ambrunaz, Professeur à l’Université Savoie Mont Blanc, Centre de recherches en droit Antoine Favre, membre de l’Institut Universitaire de France

Le 14 Janvier 2022

Mots-clés : responsabilité civile • dommage corporel • rentes indemnitaires • capitalisation des rentes • barème • table de capitalisation • logiciel de capitalisation

Depuis le début de ce mois de janvier 2022 est disponible en France un logiciel de capitalisation des rentes ; il s’agit d’une méthode de capitalisation alternative aux tables classiques, assez révolutionnaire. Un tel logiciel offre une précision accrue dans la détermination du capital indemnitaire, permet d’éviter un certain nombre d’erreurs répandues en pratique, et, surtout, réintègre dans le débat juridique des questions qui étaient auparavant préemptées par les concepteurs des barèmes. Cet article a pour but de faire le point sur les avantages attendus d’une capitalisation à l’aide d’un logiciel.


 

En matière de dommage corporel, les frais et dépenses subsistant de manière permanente sont toujours indemnisés sous forme de rentes. En transaction comme au contentieux, ces rentes peuvent être capitalisées, c’est-à-dire converties en capital. Cette capitalisation ne peut se soustraire aux exigences de la matière, notamment le principe de la réparation intégrale. Cette exigence n’est satisfaite que si l’opération de capitalisation permet le schéma intellectuel suivant : le capital est placé par la victime — dans un placement garantissant le capital comme les intérêts — qui retire périodiquement le montant de sa rente, augmenté selon l’indexation de celle-ci, consommant se faisant, jusqu’au terme de la rente, le capital et les intérêts qu’il a générés.

Jusqu’à ce jour, la capitalisation était réalisée à l’aide de tableaux ou tables de capitalisation, dont les plus usitées en pratique sont celles de la Gazette du Palais [1] et du BCRIV [2], auxquelles il faut ajouter les tables en matière de droit de la sécurité sociale, pour les accidents du travail [3], récemment mises à jour. Dans les projets de réforme de responsabilité civile, il est prévu qu’une table de capitalisation réglementaire permette la conversion des rentes – mode de réparation privilégié – en capital [4].

Une table de capitalisation classique se présente sous la forme d’un tableau à double entrée, généralement différent pour les hommes et pour les femmes, mettant en regard l’âge de la victime au jour de la consolidation et, soit l’âge de fin de rente, soit l’indication d’une rente donnée pour la vie entière. À l’intersection de la ligne et de la colonne adéquate, se lit un nombre, le prix de l’euro de rente, en d’autres termes le capital à constituer pour servir un euro de rente annuelle. En multipliant ce prix par le montant annualisé de la rente octroyée, on obtient le capital représentatif de la rente.

Une autre méthode est désormais accessible en droit français – elle l’était déjà depuis plusieurs années notamment chez nos voisins belges et suisses : la capitalisation à l’aide d’un logiciel. En l’occurrence, la société MatheMap propose le logiciel du Professeur Christian Jaumain, couramment utilisé en Belgique, et maintenant adapté aux données économiques et démographiques françaises [5]. Une telle avancée peut induire un changement radical des habitudes : des paramètres qui étaient auparavant prédéterminés par les auteurs des tables de capitalisation sont désormais modifiables et adaptables par les parties ou par le juge. Les juristes peuvent se réapproprier des décisions qui étaient jusque-là l’apanage des actuaires, puisque le praticien du droit se trouvait réduit à choisir entre les différents barèmes en circulation.

La capitalisation a une importance pratique considérable – et il ne faudrait pas croire que les choix en la matière soient neutres politiquement [6] – puisqu’une légère évolution d’un seul paramètre peut changer le montant de l’indemnisation de plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de milliers d’euros. De nombreuses questions pourraient être soulevées à propos de cette pratique : le risque de dilapidation du capital pour la victime, l’opportunité de distinguer entre les femmes et les hommes, l’intérêt d’adopter un barème unique par rapport à la pluralité des tables existantes… Elles ne seront pas abordées ici.

Il s’agit seulement de comparer les deux méthodes de capitalisation, l’ancienne, à l’aide de tableaux, et la nouvelle, à l’aide d’un logiciel, pour mesurer l’importance du changement en cours, au-delà de l’ergonomie ou de la réduction du risque d’erreur de lecture.

I. Une précision accrue dans l’opération de capitalisation

L’usage de tables de capitalisation classiques conduit à des approximations regrettables, que le recours à un logiciel permet de résorber.

A. La capitalisation au jour près

Les tables de capitalisation fonctionnent selon l’âge entier révolu de la victime, au jour de la transaction, ou de la décision du juge. En d’autres termes, que la victime ait à ce jour 40 ans et 1 jour, ou 40 ans, 11 mois et 29 jours, elle sera considérée comme ayant 40 ans. Dans la seconde hypothèse — où la victime a quasiment 41 ans — l’arrondi rajeunit la victime de presque une année. Cette approximation joue à un double niveau, celui de l’espérance de vie proprement dite, et celui de la date dans le cours de la vie de la victime à laquelle elle obtiendra son capital indemnitaire frugifère.

L’importance de cette approximation apparaît à la lecture de deux lignes contiguës dans une table de capitalisation : pour une rente de 10 000 euros mensuelle capitalisée selon le barème de la Gazette du Palais à 0,3 %, un homme de 40 ans révolus reçoit un capital de 400 520 euros, et un homme de 41 ans un capital 391 100 euros, soit une différence de 9420 euros, ou de 2,4 %, soit presque une annuité de rente.

Des tables peuvent considérer que la ligne « 40 ans » corresponde à la capitalisation que devrait avoir une personne de 40 ans exactement, ou une personne de 40 ans et demi. Dans le premier cas, pour suivre notre exemple, la victime ayant presque 41 ans est surindemnisée ; dans le second cas, la victime ayant juste 40 ans est sous-indemnisée, et celle de presque 41 ans est surindemnisée dans la même proportion.

Un logiciel de capitalisation permet au contraire de capitaliser au jour près, en d’autres termes à l’âge exact de la victime au jour de la décision ou du jugement, ce qui anéantit cette approximation. Il suffit d’entrer la date de naissance de la victime, et la date exacte de capitalisation.

B. Le respect de la périodicité naturelle des rentes

Que les tables de capitalisation soient conçues pour des rentes trimestrielles (comme le BCRIV) ou annuelles (comme la Gazette du Palais), elles expriment un prix d’euro de rente pour l’année. En pratique, beaucoup de manques ou de besoins ne suivent pas cette périodicité : des frais de protection ou de transport peuvent être journaliers, des pertes de gains professionnels ou des frais d’assistance par tierce personne seront plutôt mensuels, des renouvellements de prothèses, de véhicules ou de fauteuil seront pluriannuels. Avec des tables de capitalisation, il est donc nécessaire d’annualiser les rentes avant de les capitaliser. Cette opération conduit à une approximation regrettable, favorable à la victime pour les rentes dont la périodicité naturelle est inférieure à l’année, défavorable lorsque cette périodicité est supérieure à l’année.

Supposons une victime née le 1er novembre 1992, de sexe masculin, qui présente, à la suite d’un accident de la circulation, les pertes et besoins suivants, qui sont tous considérés comme viagers : frais de protection urinaire, 4 euros/jour ; perte de gains professionnels futurs : 2100 euros/mois ; fauteuil roulant : 8000 euros tous les 5 ans. La capitalisation se fait au 20 janvier 2022. Les calculs sont réalisés à l’aide du logiciel du Professeur Jaumain [7].

Désignation

Rente

Annualisation de la rente

Capital, rente annualisée

Capital, sans annualisation de la rente

Différence

Protections urinaires

4 €/jour

4 x 365,25 [8] = 1461 €

76 162,98 €

76 030,06 €

+ 132,92 €

PGPF

2100 €/mois

12x2100 = 25 200 €

1 313 694,05 €

1 311 586,67 €

+ 2102,38 €

Fauteuil roulant

8000 €/5 ans

8000/5 = 1600 €

83 409,15 €

87 251,64 €

- 3842,49 €

La capitalisation à l’aide d’un logiciel permet de s’affranchir de ces approximations, en prenant en compte les rentes pour leur périodicité naturelle. Dans la mesure où cela correspond au comportement présumé de la victime, qui retire le montant de sa rente du capital, selon ses besoins, cette non-annualisation est plus respectueuse du principe de la réparation intégrale.

C. L’évaluation optimale de l’espérance de vie

L’espérance de vie, traduite par le quotient de mortalité, est un paramètre essentiel dans l’opération de capitalisation, que la rente soit donnée à temps [9] ou pour la vie entière. Ce paramètre doit être choisi au plus près de ce qu’est l’espérance de vie de la victime. Tables de capitalisation comme logiciel de capitalisation s’appuient sur les tables de mortalité de l’INSEE, mais les exploitent différemment.

Ces tables de mortalité sont triennales, et publiées annuellement : ainsi, la table des années 2018-2020 était précédée par la table 2017-2019, etc.. La triennalité est destinée à amortir les pics de mortalité conjoncturels, comme les canicules, les crises sanitaires… Les tables sont d’abord publiées dans une version « provisoire », puis, quelques années après, dans une version définitive — le temps que toutes les données relatives aux décès parviennent à l’INSEE. La correction entre tables définitives et tables provisoires du même millésime est infime, et très inférieure à la différence entre différents millésimes. Ainsi, pour les tables 2014-2016, l’écart moyen d’espérance de vie aux différents âges entre la version provisoire (en 2017) et la version définitive (en 2019) est de 0,007 année, soit un peu plus de 2 jours ; cet écart entre cette table, et la table 2017-2019 (provisoire en 2020) est de 0,216 année, soit plus de 2 mois et demi.

Il est donc raisonnable de penser que l’image la plus fidèle de l’espérance de vie actuelle est donnée par la table de mortalité la plus récente, serait-elle provisoire. Or, il se trouve que le barème 2020 de la Gazette du Palais tout comme le barème 2021 du BCRIV se basent sur les tables 2014-2016 ; pour les rentes du Code de la sécurité sociale, le nouveau barème [10] de décembre 2021 se base sur les tables 2013-2015.

Et encore, même donnée par les chiffres les plus récents en matière de mortalité, l’espérance de vie n’est jamais que celle au jour de l’indemnisation. Or, pendant la durée de la rente, l’espérance de vie varie, de telle sorte qu’il faudrait, pour calculer un capital représentant une indemnisation intégrale, intégrer dans le calcul l’évolution future de l’espérance de vie de la population. Bien entendu, nul ne peut connaître avec certitude quelle sera cette évolution. Deux hypothèses peuvent être faites : selon la première, l’espérance de vie ne variera plus dans le futur, ni à la hausse, ni à la baisse, les quotients de mortalité à chaque âge restant inchangés ; selon la seconde, l’espérance de vie continuera à évoluer sur la lancée qui était la sienne dans les années précédentes. Dans le premier cas, la table est dite stationnaire ; dans le second, elle est prospective. Les barèmes actuels de capitalisation reposent sur des tables stationnaires. Le logiciel de capitalisation de Monsieur Jaumain offre le choix à l’utilisateur de sélectionner la table prospective, ou la table stationnaire.

Ce choix consiste à faire un pari sur l’évolution future de la mortalité. L’hypothèse d’une stabilité n’offre aucune certitude ; au contraire, force est de constater que, dans les années passées, elle a toujours été démentie. Choisir une table prospective semble ainsi préférable.

II. La correction d’erreurs répandues dans la pratique

Au-delà des simples approximations, les inconvénients intrinsèques des tables de capitalisation ont conduit les praticiens à adopter des manières de faire qui sont erronées, d’un point de vue logique ou mathématique. Il n’est guère possible de les en blâmer, dans la mesure où n’existaient pas les outils pour capitaliser de manière rigoureuse ; néanmoins, maintenant que ces erreurs sont évitables, il serait souhaitable qu’elles ne soient plus commises.

A. La capitalisation sur deux têtes

La réparation intégrale consiste à remettre la victime dans la situation qui aurait été la sienne si le dommage n’était pas survenu. Lorsque des proches d’une personne décédée se plaignent d’en avoir perdu le soutien matériel, évoquant le poste de perte de revenus des proches, il faut les rétablir dans la situation dans laquelle ils auraient pu continuer à bénéficier de ce soutien. Si la victime directe n’était pas décédée, ce soutien aurait continué pour autant que cette personne, et le proche, se trouvaient tous deux en vie. Autrement dit, pour capitaliser la perte de revenus d’un proche, il faut prendre en compte deux espérances de vie, celle de la victime directe, et celle de ce proche. Techniquement, cela s’appelle une capitalisation sur deux têtes.

Les barèmes de capitalisation actuellement en usage ne permettent pas une telle opération. La pratique a donc opté pour la capitalisation sur la tête ayant la plus faible espérance de vie. Ce faisant, on prend en compte l’espérance de vie de l’une des têtes, mais l’on présuppose l’autre immortelle ! Une telle erreur n’a que peu de conséquences lorsque les espérances de vie sont très dissemblables, mais est considérable lorsqu’elles sont voisines.

Supposons ainsi qu’une femme née le 3 décembre 1976 décède dans un accident. Son conjoint, né le 5 mai 1978, évoque son préjudice de perte de revenus des proches, ce qui, compte tenu de la structure des revenus du foyer et de la part d’autoconsommation de la victime, correspond pour lui à une perte de 1100 euros par mois, pour la vie entière. La décision est rendue le 4 février 2022, la capitalisation est réalisée, selon la méthode traditionnellement utilisée avec les tables de capitalisation, sur la tête ayant l’espérance de vie la plus faible (ici, le conjoint), puis, sur les deux têtes, dans les deux cas par le logiciel du professeur Jaumain, au mois, en utilisant une table prospective de millésime 2022, et les paramètres recommandés.

Capitalisation sur une tête

Capitalisation sur deux têtes

Différence

609 897,07 €

528 304,68 €

- 81 592,39 €

L’erreur est donc supérieure à 15 % dans cet exemple !

B. La capitalisation au premier renouvellement

Lorsque des rentes sont pluriannuelles (cas des prothèses, des véhicules adaptés, des fauteuils roulants…) et qu’une première acquisition a eu lieu après la consolidation, mais avant la transaction ou la décision du juge, il est d’usage — et parfaitement justifié — de compter le coût de la première acquisition au titre des dépenses de santé futures ou des frais de véhicule adapté, et de ne capitaliser la rente qu’au premier renouvellement. En effet, il serait faux de postuler que le premier renouvellement aura lieu au lendemain de la décision, et il serait tout aussi faux de capitaliser « dans le passé » au jour de la première acquisition [11].

Néanmoins, il est courant, en pratique, que la méthode suivante soit utilisée : recherche de l’âge qu’aura atteint la victime au premier renouvellement, et capitalisation grâce au prix de l’euro de rente indiqué par la table de capitalisation pour une victime de cet âge. Cette méthode est fausse : elle néglige, en premier lieu, la hausse des prix entre le jour de la décision et le premier renouvellement, en deuxième lieu, les intérêts générés par le capital qui sera perçu et supposé placé, non au premier renouvellement, mais dès la transaction ou la décision, et, en troisième lieu, si la rente est considérée comme viagère, la probabilité que la victime décède avant la date du premier renouvellement.

L’usage de tables de capitalisation basées sur une rente annuelle ne permet que très difficilement d’éviter cette erreur ; si la capitalisation est réalisée par un logiciel, la date du premier renouvellement est paramétrable, et permet d’avoir une capitalisation exacte.  

C. La capitalisation différée

Le problème de la capitalisation différée est semblable dans son énoncé à celle de la capitalisation au premier renouvellement, mais se rencontre pour les rentes d’une périodicité inférieure ou égale à l’année qui ne doivent prendre effet que dans le futur. Typiquement, il s’agit du cas dans lequel la perte des droits à la retraite est indemnisée au titre de l’incidence professionnelle, pour une victime qui, au jour de la transaction ou de la décision de justice, n’a pas encore atteint l’âge de la retraite.

En pratique, il est souvent recommandé dans un tel cas de capitaliser à l’aide du prix de l’euro de rente qui correspond à l’âge auquel la victime devait prendre sa retraite [12]. Par exemple, pour un homme de 50 ans au jour de la capitalisation, qui subirait une perte de droits à la retraite de 3000 euros/an à compter de 63 ans, serait pris en considération le prix de l’euro de rente d’un homme à 63 ans. Cela est une erreur : là encore, sont négligés les revenus tirés du capital immédiatement perçu, l’effet de l’indexation des sommes correspondant à la rente jusqu’au premier arrérage, la probabilité de prédécès de la victime dans l’intervalle…

Pour éviter cette erreur, la méthode correcte revient à opérer par soustraction, entre deux capitaux fictifs : celui qui correspondrait à une rente, donnée pour la vie entière, perçue immédiatement (dans notre exemple, une rente pour la vie entière, de 3000 euros par an, pour un homme de 50 ans), et celui qui correspondrait à une rente temporaire perçue immédiatement, mais qui cesserait à la date à laquelle doit être perçu le premier arrérage (dans notre exemple, une rente temporaire pour un homme de 50 ans, jusqu’à 63 ans). La soustraction peut aussi se faire entre les prix de l’euro de rente (qui ne sont jamais que des capitaux correspondant à une rente annuelle de 1 euro), avant multiplication, et quelques décisions de justice procèdent ainsi, ce qui est très exact [13].

Pour reprendre l’exemple précédent, avec le barème de la Gazette du Palais à 0,3 %, l’écart se mesure ainsi :

Évaluation par utilisation du prix de l’euro de rente à 63 ans

Évaluation par différence des prix de l’euro de rente

Écart

3000 x 19,512 = 58 536 €

3000x (29,284-12,215) = 51 207 €

+ 7029 €

Un calcul permet donc, grâce aux tables de capitalisation, de se garder de cette erreur courante. Le logiciel présente néanmoins deux avantages. Le premier est de pouvoir faire la soustraction quel que soit le différé de la rente [14], alors que la table de capitalisation de la Gazette du Palais ne permet cela que pour les âges 16, 18, 20, 21, 25, 29, 50, 55, 59 à 69, celle du BCRIV de même, sauf les âges 29, 50, 59 et 69. Ces âges correspondent évidemment à la majorité des termes des rentes temporaires, et permettent également de calculer rigoureusement la majorité des rentes différées. Il ne peut néanmoins être exclu que quelques cas d’espèce échappent à cette possibilité. Le second avantage est que le logiciel permet de prendre en compte des tables prospectives, et donc, ce qui a été négligé jusqu’ici, la variation de l’espérance de vie entre le jour de la capitalisation et le jour de prise d’effet de la rente différée.

III. La réintégration dans le débat juridique des paramètres de la capitalisation

Lorsque sont proposées des tables de capitalisation, les auteurs de ces tables prennent position sur des paramètres du barème, notamment sur les taux à retenir. Une étude a d’ailleurs épinglé les changements de méthodologie affectant les éditions successives de certains barèmes [15]. Ces paramètres affectent considérablement le montant du capital alloué : il serait bon qu’ils soient dans le débat juridique contradictoire. La nature même des tables de capitalisation implique que ce débat est préempté par leurs concepteurs, les parties (à une transaction comme à une action en justice) ou le juge n’ayant qu’un choix limité entre quelques barèmes, et donc, un éventail de paramètres prédéterminés. La Chambre criminelle de la Cour de cassation s’en est d’ailleurs fait une raison puisque, dans une décision critiquable, elle estime que le juge n’a pas à soumettre le choix du barème de capitalisation au débat contradictoire [16]. Par ailleurs, ces paramètres étant changeants, il importe qu’ils puissent être mis à jour avec une grande réactivité : les rééditions des tables de capitalisation sont soumises au bon vouloir de leurs auteurs, alors qu’un logiciel permet à l’utilisateur (éventuellement guidé par les conseils de l’auteur) de faire évoluer ces paramètres librement, et à tout moment.

A. Le choix du taux d’intérêt

Le choix du taux d’intérêt est un paramètre essentiel de l’opération de capitalisation. Il s’agit du taux auquel on estime que la victime peut placer son capital, à la date à laquelle elle le reçoit. Le placement envisagé doit garantir non seulement le capital, mais encore les intérêts, car ceux-ci sont tout autant que le capital lui-même le support de l’indemnisation de la victime, en ce qu’elle est présumée retirer périodiquement sa rente en consommant tant le capital que les intérêts. Le barème de la Gazette du Palais, après avoir longtemps évalué ce taux d’intérêt à l’aide des obligations d’État (le TEC), a désormais, devant l’effondrement de celui-ci, opté pour une détermination à partir de portefeuilles d’actifs « sécurisés » ou d’assurances-vie [17]. Le BCRIV se fonde sur la courbe de taux d’intérêt publiée par l’EIOPA with volatility adjustment [18]. Le barème de la Gazette du Palais est donc à taux fixe, celui du BCRIV à taux variable — le taux dépend de la durée de la rente, ce qui est conforme aux données économiques : un placement sans risque à long terme offre un meilleur rendement qu’un placement sans risque à court terme. Par ailleurs, chaque barème a sa propre méthodologie pour déterminer une période d’observation des taux pertinente.

Le praticien doit avoir à l’esprit le caractère absolument déterminant des taux. Supposons qu’une perte de revenus de 1700 euros/mois, pour la vie entière, soit capitalisée le 4 février 2022, pour une femme née le 3 mars 1984, capitalisation au mois de manière viagère, en prenant en compte une inflation à 1,1 %, selon une table prospective millésime 2022, à l’aide du logiciel du Professeur Jaumain en prenant en compte les hypothèses de rendement retenues par la Gazette du Palais (1,4 % et 1,1 %) et d’autres.

Taux d’intérêt

Capital

1,4 %

999 058,40 €

1,1 %

1 085 274,81 €

0,9 %

1 148 679,44 €

0,75 %

1 199 669,43 €

Plus le taux d’intérêt (ou de rendement du capital) est élevé, plus le capital constitué est faible : en effet, on considère que le capital produira davantage d’intérêts et que, la victime tirant sa rente des intérêts comme du capital, ce dernier décroît à proportion de la hausse des premiers.

Il semble essentiel qu’un élément aussi fondamental que ce taux d’intérêt intègre le débat contradictoire, les parties devant discuter du taux que peut offrir un placement sans risque, garantissant capital comme intérêts, souscrit au jour de l’indemnisation. Seule l’utilisation d’un logiciel permet aux juristes de se réapproprier ce débat.

B. Le choix du taux d’indexation

Les tables de capitalisation couramment utilisées intègrent dans l’opération l’effet de l’inflation. En effet, si l’on suppose que la rente compensant une perte (perte de gains professionnels, perte de revenus des proches) ou un besoin (assistance tierce personne, dépenses de santé futures, frais de véhicule adapté…) est indexée, alors il faut anticiper l’effet à venir de cette indexation dans le calcul du capital, afin de permettre à la victime se servant elle-même sa rente d’indexer ses retraits. L’opération est délicate : tout l’intérêt de l’indexation est de rendre calculable une évolution de rente qu’il n’est pas réellement possible de prévoir ; et nul économiste ne se risque à prédire l’inflation ou l’évolution des salaires dans les 10, 15, ou 40 prochaines années.

Seules des hypothèses sont possibles, et les tables de capitalisation actuellement utilisées projettent une inflation observée dans le passé sur l’avenir — ce qui est la seule méthode envisageable. Malgré l’incertitude inhérente à l’opération, cela est en tous cas préférable à la posture qui consisterait à négliger l’effet de l’inflation, car cela introduirait une sous-indemnisation certaine et assumée de la victime, en contradiction avec les exigences de la réparation intégrale.

L’effet du taux d’indexation sur le capital constitué est similaire dans son importance à celui du taux d’intérêt, mais inverse dans sa direction. En d’autres termes, l’évolution à la hausse de ce taux entraîne une augmentation du capital, et vice-versa. Une évolution minime, surtout sur des durées longues, impacte fortement le capital. L’effet se comprend : ce taux d’indexation détermine la revalorisation de chaque prélèvement que la victime est supposée exercer sur son capital : toute augmentation suppose une augmentation corrélative du prélèvement effectué.

Comme pour le taux d’intérêt, il est possible de se réjouir de ce que cet élément, auparavant déterminé par les auteurs du barème, intègre le débat juridique. En particulier, le taux d’inflation n’est peut-être pas le critère toujours pertinent. Par exemple, pour l’assistance tierce personne, l’indexation doit se faire sur les salaires. Or, il peut être espéré que ceux-ci progressent un peu plus vite que l’inflation, de telle sorte que choisir un taux d’indexation supérieur de quelques dixièmes de points à celui de l’inflation serait une bonne pratique. Au contraire, lorsqu’un outil de capitalisation est utilisé pour évaluer un poste extrapatrimonial permanent, à partir d’un prix de journée, l’inflation (comme le taux d’intérêt) doit pouvoir être neutralisée, car sa prise en compte n’a aucun sens. Ainsi, le recours à un logiciel de capitalisation permet de différencier le taux d’indexation selon le poste à réparer, et le soumet au débat contradictoire.

C. Le choix entre rente certaine et rente viagère

En matière de dommage corporel, les rentes allouées, à temps ou pour la vie entière, sont toujours viagères [19], au sens où le décès du crédirentier met fin au service de la rente. L’intégration de ce caractère dans l’opération de capitalisation conduit à minorer le capital alloué pour tenir compte des probabilités de décès de la victime au cours du service de la rente. Pour le dire autrement, et en reprenant le schéma qui sert de fondement à la capitalisation, selon lequel la victime retire périodiquement le montant de sa rente du capital alloué et des intérêts qu’il génère, chaque retrait doit être minoré proportionnellement à la probabilité de décès de la victime à la date de l’arrérage considéré.

Concrètement, cela signifie que la victime qui aurait un comportement exemplaire, qui placerait l’intégralité du capital constitué au taux d’intérêt prévu par la capitalisation, et qui retirerait de celui-ci selon une périodicité parfaite sa rente, augmentée de l’indexation prévue, ne pourra se servir sa rente pendant la durée prévue de celle-ci (son terme, ou son espérance de vie pour les rentes données pour la vie entière).

Les barèmes de capitalisation de la Gazette du Palais et du BCRIV fonctionnent selon cette capitalisation de rente viagère. Il est possible de s’émouvoir de ce que le juge, en utilisant ces tables de capitalisation, alloue une rente, et la capitalise de telle sorte que le capital soit insuffisant pour que la victime se serve ladite rente : l’on pourrait voir ici une contradiction de motifs. D’ailleurs, si le juge écrivait dans sa motivation que le capital a été réduit en fonction de la probabilité de décès de la victime, il s’agirait peut-être d’un motif dubitatif — utiliser l’un des barèmes précités revient exactement à écrire cela ! Au-delà de ces considérations proprement juridiques, il peut être remarqué que ce mode de capitalisation convient parfaitement s’il s’agit de provisionner le service de rentes à de nombreuses victimes, mais est plus discutable pour une victime unique, qui n’est pas probablement ou partiellement morte à chaque arrérage, mais soit morte, soit vivante.

Ces inconvénients peuvent être palliés par la capitalisation d’une rente certaine ; en d’autres termes, pour les rentes temporaires, on estime que la victime doit recevoir un capital suffisant pour qu’elle en retire sa rente en vivant effectivement jusqu’à la date du dernier arrérage ; de même pour les rentes données pour la vie entière, pendant l’espérance de vie de la victime. Le barème de capitalisation de l’Université Savoie Mont Blanc proposait une capitalisation selon cette modalité [20]. Cette méthode n’est pas exempte de critiques : la capitalisation qui est faite est celle d’une rente dont la nature est particulière, et qui n’est pas celle allouée.

Supposons une victime, de sexe féminin, née le 3 mai 1966, dont une rente mensuelle de 500 euros est capitalisée le 4 février 2022 selon des tables prospectives, avec les paramètres économiques recommandés dans le logiciel du Professeur Jaumain.

Terme de la rente

Capital pour une rente viagère

Capital pour une rente certaine

63 ans de la victime

44 070,48 €

45 294,56 €

Vie entière

221 534,00 €

220 199,56 € (vie moyenne)

235 685,29 € (vie médiane)

L’impact du choix est d’autant plus important que la rente — donnée pour la vie entière ou à temps — doit être versée majoritairement dans des périodes de la vie où la mortalité est élevée. Au-delà de cet aspect quantitatif, des questions de principe se posent. Il est important qu’elles soient dans le débat.

En conclusion : la balle est dans le camp de la pratique !

Deux méthodes de capitalisation des rentes indemnitaires coexistent désormais : celle utilisant les tableaux de capitalisation à double entrée, et celle mettant en œuvre un logiciel de capitalisation. Cette seconde méthode présente des avantages indéniables, reste à savoir si la pratique osera changer ses habitudes, et l’adopter.

Il faudra aussi observer si le projet de réforme de la responsabilité civile, s’il était réactivé un jour, évolue pour s’abstraire du paradigme des tables de capitalisation classiques.

Enfin, nombre de paramètres sont désormais dans le débat contradictoire : le droit est à construire autour de ceux-ci. L’usage comme la jurisprudence pourrait en être la source, en attendant une éventuelle position légale. La frontière entre les questions de droit, et celles laissées à l’appréciation souveraine des juges du fond, est également à construire.

 

[1] Edition 2020 : Gazette du Palais, hors-série du 15 septembre 2020, [en ligne].

[2] Edition 2021 : J.-M. Sarafian, P.-L. Blanc et G. Macquart, RGDA juillet 2021, n° 200g1, p. 15

[3] Annexes mentionnées à l’article 1er de l’arrêté du 27 décembre 2011, tels que modifiées par l’arrêté du 22 décembre 2021, JORF n° 0302 du 29 décembre 2021 (N° Lexbase : L1808MA9).

[4] Art. 1273 de la proposition de loi portant réforme de la responsabilité civile, Sénat, 29 juillet 2020 ; Art. 1272 du projet de réforme de la responsabilité civile de mars 2017, Chancellerie ; v. A. Vignon-Barrault, Projet de réforme de la responsabilité civile du 13 mars 2017 et indemnisation du dommage corporel, RDSS 2019 p. 1033.

[6] Alors que cela pourrait être le sentiment de certains professionnels, v. l’étude de I. Sayn, Des barèmes et des juges, Droit social 2019 p. 293.

[7] [En ligne] ; sont utilisés les tables prospectives, millésime 2022, et les taux recommandés, la rente viagère pendant la vie entière.

[8] Le « 25 », parfois oublié en pratique, correspond à la prise en compte des années bissextiles.

[9] Sauf dans le cas de rentes temporaires certaines, pour lesquelles on estime que la victime ne décédera pas avant le terme de la rente.

[10] Arrêté du 22 décembre 2021 modifiant l’arrêté du 27 décembre 2011 modifié relatif à l’application des articles R. 376-1 et R. 454-1 du Code de la sécurité sociale (N° Lexbase : L1808MA9).

[11] F. Bibal, Précisions méthodologiques sur la capitalisation des préjudices futurs, Gaz. Pal. 22 janvier 2019, n° 340h5, p. 53.

[12] V. par ex. B. Mornet, L’indemnisation des préjudices en cas de blessures ou de décès, septembre 2021, p. 47.

[13] CA Caen, 1ère ch. civ., 16 juin 2020, n° 17/02043 (N° Lexbase : A67303NL) ; CA Caen, 1ère ch. civ., 30 novembre 2021, n° 21/00025 (N° Lexbase : A68107DL).

[14] Cette remarque pourrait d’ailleurs être étendue : pour les rentes temporaires, les tables ne proposent qu’un échantillon d’âge de dernier arrérage, contrairement au logiciel qui permet de paramétrer n’importe quel âge.

[15] APREF, Dommage corporel : De la pluralité des barèmes de capitalisation vers un barème officiel ?, Octobre 2019, [en ligne] ; et RGDA février 2020, n° 117e7, p. 7.

[16] Cass. crim., 5 avril 2016, n° 15-81.349, FS-P+B (N° Lexbase : A1714RCH) ; Bull. d’information 2016 n° 849, n° 1180 ; v. aussi, pour un barème appliquée à une partie non représentée (la CPAM), M.-C. Gras et B. Guillon, Capitalisation en droit commun de la créance de la sécurité sociale, Gaz. Pal., 19 janvier 2021, n° 394w3, p. 59.

[17] F. Planchet, G. Leroy et M. Leroueil, Barème de capitalisation 2020, Gaz. Pal., H.-S., 15 septembre 2020, p. 5.

[18] J.-M. Sarafian, P.-L. Blanc et G. Macquart, Indemnisation du dommage corporel : préjudices futurs patrimoniaux, RGDA juillet 2021, n° 200g1, p. 15.

[19] La pratique tend à appliquer le terme « rente viagère » à la rente donnée pour la vie entière – alors que les rentes temporaires sont viagères également, car elles ne sont pas servies après le décès du crédirentier.

 

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Sociétés

[Brèves] Sociétés civiles (décisions collectives) : l’unanimité des associés vise la totalité des associés

Réf. : Cass. civ. 3, 5 janvier 2022, n° 20-17.428, FS-B (N° Lexbase : A42187HP)

Lecture: 3 min

N9993BYR

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par Vincent Téchené

Le 12 Janvier 2022

► L'article 1852 du Code civil (N° Lexbase : L2049ABI), selon lequel les décisions qui excèdent les pouvoirs reconnus aux gérants sont prises selon les dispositions statutaires ou, en l'absence de telles dispositions, à l'unanimité des associés, ne restreint pas l'unanimité à celle des associés présents ou représentés à une assemblée générale, mais vise la totalité des associés de la société.

Fait et procédure. L'assemblée générale d’une SCI a adopté des résolutions portant sur l'approbation des comptes de plusieurs exercices, le quitus donné aux cogérants, puis à l'administrateur provisoire préalablement nommé, pour ces exercices, l'affectation des résultats d’un exercice et la rémunération de l'administrateur provisoire. L’un des associés a assigné la SCI, représentée par son administrateur, en annulation de cette assemblée.

La cour d’appel de Basse-Terre (CA Basse-Terre, 27 janvier 2020, n° 18/00463 N° Lexbase : A30283DI) a fait droit à cette demande, constatant que la règle de l'unanimité des associés n'avait pas été respectée. La SCI a donc formé un pourvoi en cassation soutenant que, sauf stipulation contraire des statuts de la société, l'unanimité des associés nécessaire à la prise des décisions excédant les pouvoirs du gérant désigne les associés présents ou représentés lors de l'assemblée générale.

Décision. Toutefois, la Cour de cassation approuve l’analyse des juges du fond et rejette le pourvoi.

Elle rappelle qu’aux termes de l'article 1852 du Code civil, les décisions qui excèdent les pouvoirs reconnus aux gérants sont prises selon les dispositions statutaires ou, en l'absence de telles dispositions, à l'unanimité des associés.

Or, selon la Haute juridiction, ce texte ne restreint pas l'unanimité à celle des associés présents ou représentés à une assemblée générale, mais vise la totalité des associés de la société.

Elle relève ensuite que la cour d'appel a retenu que, les statuts de la SCI ne prévoyant aucune disposition particulière pour l'approbation des comptes, qui constitue une décision excédant les pouvoirs reconnus aux gérants, cette approbation devait être décidée à l'unanimité des associés.

Elle a également souverainement retenu que la clause des statuts stipulant que « toutes décisions qui excèdent les pouvoirs de gestion sont prises à l'unanimité des voix attachées aux parts créées par la société. Chaque part donne droit à une voix. », qui s'appliquait aux décisions portant sur le quitus donné à l'administrateur et la distribution des résultats, imposait l'unanimité des voix attachées aux parts créées par la société et non l'unanimité des voix des seuls associés présents à l'assemblée générale.

Or, ces décisions n’ayant pas été prises à l'unanimité des voix de l'ensemble des associés, les délibérations litigieuses ont été adoptées en violation des règles statutaires et de la règle de l'unanimité des associés prévue par l'article 1852 du Code civil.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les associés de la société civile, L'assemblée des associés, in Droit des sociétés, (dir. B. Saintourens), Lexbase (N° Lexbase : E9597CDS).

 

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Syndicats

[Brèves] Tracts syndicaux : à quel moment peuvent-ils être distribués dans l’entreprise ?

Réf. : Cass. soc., 5 janvier 2021, n° 20-15.005, F-B (N° Lexbase : A48387HN)

Lecture: 1 min

N0039BZH

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par Charlotte Moronval

Le 13 Janvier 2022

► Conformément aux dispositions de l’article L. 2142-4 du Code du travail (N° Lexbase : L2162H9X), les tracts syndicaux peuvent être librement diffusés aux travailleurs de l’entreprise dans l’enceinte de celle-ci aux heures d’entrée et de sortie du travail, ce qui inclut une plage d’horaires variables dans laquelle chaque salarié peut choisir ses heures d’arrivée et de départ.

Faits et procédure. Un syndicat a distribué des tracts au niveau du portique d’accès à un bâtiment d’une entreprise, à 12h15, ce qui correspondait à la plage d’horaires variables de 11 heures 30 minutes à 14 heures (heures du déjeuner), prévue dans l'accord d'entreprise sur l'organisation et le temps de travail, plage variable dans les limites de laquelle chaque salarié peut choisir ses heures d'arrivée et de départ. Le directeur de l’établissement et des ressources humaines de la société a apostrophé ce délégué syndical en lui disant : « normalement, la distribution se fait dehors ».

La cour d’appel (CA Besançon, 4 février 2020, n° 18/01761 N° Lexbase : A88563DD) déclare la société coupable de discrimination à l’encontre du syndicat. La société forme alors un pourvoi en cassation.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale rejette le pourvoi. En ne respectant pas cette règle, l’employeur commet une discrimination à l’encontre du syndicat.

Pour en savoir plus : v. ÉTUDE : La section syndicale, Le lieu et l'heure de diffusion du tract, in Droit du travail, Lexbase (N° Lexbase : E1836ET8).

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Vente d'immeubles

[Brèves] Le bref délai de l’article 1648, pour intenter l’action résultant de vices rédhibitoires : forclusion ou prescription ?

Réf. : Cass. civ. 3, 5 janvier 2022, n° 20-22.670, FS-B (N° Lexbase : A42167HM)

Lecture: 4 min

N0005BZ9

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

Le 13 Janvier 2022

► Le délai de deux ans dans lequel doit être intentée l’action résultant de vices rédhibitoires est un délai de forclusion qui n’est pas susceptible de suspension ;
► ce délai de forclusion peut toutefois être interrompu par une demande en justice jusqu’à l’extinction de l’instance.

L’opposition entre la première et la troisième chambre civile de la Cour de cassation sur la nature du délai de l’action résultant des vices rédhibitoires de l’article 1648 du Code civil (N° Lexbase : L9212IDK) est nette :

  • selon la première chambre civile, il s’agit d’un délai de prescription (Cass. civ. 1, 20 octobre 2021, n° 20-15.070, F-D N° Lexbase : A01237AS) ;
  • selon la troisième chambre civile, il s’agit d’un délai de forclusion (Cass. civ. 3, 5 janvier 2022, n° 20-22.670, FS-B).

Au-delà de la beauté juridique du raisonnement et des prises de position, l’opposition est source d’insécurité juridique pour ceux qui, par chance ou malchance, se retrouvent, selon la nature du contentieux, devant la première ou la troisième chambre civile de la Cour de cassation.

En l’espèce, après avoir fait réaliser un diagnostic de l’installation d’assainissement non collectif, des acquéreurs vendent leur immeuble. L’acquéreur fait réaliser un autre diagnostic aux termes duquel il est fait état d’une installation vétuste, incomplète et polluante. L’acquéreur assigne, après expertise, le vendeur, le notaire et le diagnostiqueur en nullité de la vente pour dol et erreur sur les qualités substantielles outre le paiement de dommages et intérêts. Le vice caché de l’article 1648 sera plaidé pour la première fois devant le juge d’appel.

La cour d’appel de Rennes, aux termes d’un arrêt rendu le 15 septembre 2020 (CA Rennes, 15 septembre 2020, n° 18/04241 N° Lexbase : A72163TG), après avoir rappelé que l’action résultant des vices rédhibitoires devait être intentée dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice, estime qu’il s’agit d’un délai de forclusion. Il n’est donc pas susceptible d’être suspendu mais peut être interrompu, notamment par une demande en justice. L’acquéreur n’ayant pas formé cette demande devant les premiers juges mais seulement en cause d’appel est donc prescrit.

L’acquéreur forme un pourvoi en cassation. Il articule que la demande d’expertise formée serait interruptive de prescription, laquelle aurait été suspendue lorsque le juge a fait droit à la demande d’expertise avant tout procès, le délai de prescription recommençant à courir à compter du jour où la mesure a été exécutée.

Le pourvoi se fondait donc sur les dispositions de l’article 2239 du Code civil (N° Lexbase : L7224IAS), selon lequel la prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande d’instruction présentée avant tout procès. Le délai de prescription, toujours en application de cet article, recommence à courir à compter du jour où la mesure a été exécutée.

Le pourvoi est rejeté. Le délai de l’article 1648 est un délai de forclusion. Il a bien été interrompu par l’assignation en référé mais il a recommencé à courir à compter de l’ordonnance désignant l’expert.

Le délai de l’article 1648 du Code civil est susceptible d’interruption mais non de suspension devant la troisième chambre civile de la Cour de cassation.

La solution est inverse devant la première chambre civile de la Haute juridiction (cf. notamment : Cass. civ. 1, 25 novembre 2020, n° 19-10.824, F-D N° Lexbase : A174838A) :

« Ce délai est interrompu par une assignation en référé jusqu’à l’extinction de l’instance, conformément à l’article 2241 du Code civil. Il est, en outre, suspendu lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès en application de l’article 2239 du Code civil, le délai recommençant à courir à compter du jour où la mesure a été exécutée ».

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