Le Quotidien du 29 juin 2020

Le Quotidien

Autorité parentale

[Brèves] Maintien des relations entre un enfant et l’ex-compagne de sa mère : un droit et non une obligation, soumis à l’appréciation du juge

Réf. : Cass. civ. 1, 24 juin 2020, n° 19-15.198, F-P+B+I (N° Lexbase : A33673PE)

Lecture: 7 min

N3874BY7

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 02 Juillet 2020

► Le rejet, par le juge, d’une demande de droit de visite et d’hébergement à l’égard de l’enfant présentée par l’ancienne compagne de la mère, qui, aux termes d’une décision motivée, a statué en considération de l’intérêt supérieur de l’enfant, ne porte pas atteinte de façon disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de la demandeuse.

L’affaire. Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation, la requérante avait vécu avec la mère de l’enfant (né en avril 2013) de 2004 à septembre 2015 ; après la séparation du couple en septembre 2015, l’ancienne compagne avait assigné la mère de l’enfant devant le juge aux affaires familiales afin que soient fixées les modalités de ses relations avec l’enfant. Elle faisait grief à l’arrêt rendu par la cour d’appel de Rennes de rejeter sa demande de droit de visite et d’hébergement à l’égard de l’enfant.

La décision ayant été rendue sur le fondement de l’article 371-4 du Code civil (N° Lexbase : L8011IWM), la requérante contestait l’application de ce texte par les juges, d’abord en soulevant une question prioritaire de constitutionnalité, ensuite en invoquant une violation des articles 8 et 14 de la CESDH et 3 § 1 de la Convention internationale des droits de l’enfant (N° Lexbase : L6807BHL).

Elle n’obtiendra pas gain de cause.

Constitutionnalité. Pour rappel, la requérante avait donc tenté de soulever l’inconstitutionnalité des dispositions de l’article 371-4 du Code civil, faisant valoir en ce que cet article ne prévoit pas d'obligation, pour le parent d'intention, de maintenir ses liens avec l'enfant qu'il a élevé, et symétriquement, ne lui confère pas de droit de visite et d'hébergement de principe. Mais la Cour de cassation a jugé, par décision rendue le 6 novembre 2019, qu’il n’y avait pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité qui lui était soumise, en ce qu’elle ne présentait pas un caractère sérieux (Cass. civ. 1, 6 novembre 2019, n° 19-15.198, FS-P+B+I N° Lexbase : A3962ZUB ; lire la brève N° Lexbase : N1160BYM).

Conformité CESDH/CIDE. Devant la Cour de cassation examinant l’affaire sur le fond, la requérante a notamment fait valoir que l’article 371-4 du Code civil qui ne prévoit pas de droit pour l’enfant au maintien de ses relations avec le parent d’intention, ni corrélativement d’obligation incombant à ce parent de fait de maintenir ce lien, contrairement à la situation de l’enfant issu d’un mariage entre des personnes de même sexe, ayant fait l’objet d’une adoption, méconnaît les articles 8 (N° Lexbase : L4798AQR) et 14 (N° Lexbase : L4747AQU) de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

Dans sa décision rendue le 24 juin 2020, la Cour de cassation écarte l’ensemble des arguments avancés par la requérante, procédant à une analyse détaillée de ce texte et concluant à sa compatibilité avec les principes issus des articles 8 et 14 de la CESDH et 3 § 1 de la Convention internationale des droits de l’enfant.

Pour rappel, aux termes de l’article 371-4, alinéa 2, du Code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013, si tel est l’intérêt de l’enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l’enfant et un tiers, parent ou non, en particulier lorsque ce tiers a résidé de manière stable avec lui et l’un de ses parents, a pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation, et a noué avec lui des liens affectifs durables.

La Cour suprême vient alors préciser que :

- ce texte permet le maintien des liens entre l’enfant et l’ancienne compagne ou l’ancien compagnon de sa mère ou de son père lorsque des liens affectifs durables ont été noués, tout en le conditionnant à l’intérêt de l’enfant ;

- en ce qu’il tend, en cas de séparation du couple, à concilier le droit au respect de la vie privée et familiale des intéressés et l’intérêt supérieur de l’enfant, il ne saurait, en lui-même, méconnaître les exigences conventionnelles résultant des articles 3, § 1, de la Convention de New- York et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ;

- il ne saurait davantage méconnaître les exigences résultant de l’article 14 de cette même Convention (N° Lexbase : L4747AQU interdiction de la discrimination) dès lors qu’il n’opère, en lui-même, aucune distinction entre les enfants, fondée sur la nature de l’union contractée par le couple de même sexe, cette distinction résultant d’autres dispositions légales selon lesquelles la création d’un double lien de filiation au sein d’un couple de même sexe implique, en l’état du droit positif, l’adoption de l’enfant par le conjoint de son père ou de sa mère.

Contrôle de l’appréciation souveraine des juges du fond quant à l’intérêt de l’enfant. L’arrêt attaqué avait relevé que la requérante, bien que réticente à l’idée d’accueillir un enfant au sein de son foyer, s’était impliquée dans le projet de la mère dès la conception de l’enfant, étant présente pour l’insémination, le suivi médical de la grossesse et au moment de l’accouchement. Il constatait que la naissance de l’enfant avait été annoncée par les deux femmes au moyen d’un faire-part mentionnant leurs deux noms. Il ajoutait que chacune d’elles s’était investie dans le quotidien de l’enfant après sa naissance et qu’un droit de visite et d’hébergement amiable une fin de semaine sur deux avait été instauré au bénéfice de la requérante à l’issue de la séparation du couple, en septembre 2015.

Il relevait cependant que le droit de visite et d’hébergement de la requérante avait cessé d’être exercé dès le mois de janvier 2016, la mère refusant que sa fille continue de voir son ancienne compagne en raison du comportement violent de celle-ci. Il précisait que, si le caractère conflictuel de la séparation n’était pas contesté par les parties, la violence des interventions de la requérante à l’égard de la mère était attestée par les pièces produites, qui faisaient état d’intrusions sur le lieu de travail de celle-ci et au domicile de ses parents, en présence de l’enfant, qui avait été le témoin de ses comportements véhéments et emportés.

Les juges d’appel avaient estimé que ces confrontations, en présence de l’enfant, avaient généré une crainte et une réticence réelle de celle-ci à l’idée de se rendre chez la requérante, et que cette dernière n’avait pas su préserver l’enfant du conflit avec son ancienne compagne, ce qui était de nature à perturber son équilibre psychique.

Ils avaient retenu enfin que, si la requérante avait pu résider de manière stable avec l’enfant du temps de la vie commune du couple et avait pourvu à son éducation et à son entretien sur cette même période, la preuve du développement d’une relation forte et de l’existence d’un lien d’affection durable avec l’enfant n’était pas rapportée.

C’est alors que la Cour de cassation, dans son arrêt rendu le 24 juin 2020, a jugé que, de ces constatations et énonciations, la cour d’appel avait souverainement déduit qu’il n’était pas dans l’intérêt de l’enfant d’accueillir la demande en cause et qu’elle avait ainsi, par une décision motivée, statuant en considération de l’intérêt supérieur de l’enfant, qui doit être primordial, légalement justifié sa décision, sans porter atteinte de façon disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de la requérante.

Pour aller plus loin, cf. l’Ouvrage « L’autorité parentale », L'entretien de relations personnelles des enfants avec leurs ascendants ou autres personnes, parents ou non (N° Lexbase : E5810EYT).

newsid:473874

Covid-19

[Brèves] Mise à jour du protocole de déconfinement en entreprise

Réf. : Protocole national de déconfinement pour les entreprises pour assurer la santé et la sécurité des salariés, 24 juin 2020

Lecture: 1 min

N3870BYY

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par Charlotte Moronval

Le 01 Juillet 2020

► Publiée sur le site du ministère du Travail, la nouvelle version du protocole national de déconfinement pour les entreprises du 24 juin 2020 se substitue à la version mise en ligne le 3 mai 2020, mais également aux 90 guides et fiches métiers co-élaborés par le ministère du Travail.

Parmi les principales nouveautés :

  • le télétravail n’est plus présenté comme la norme à respecter mais reste une solution à privilégier dans le cadre d’un retour progressif à une activité présentielle, y compris alternée. Il convient de préciser que le télétravail doit être favorisé par les employeurs pour les salariés à risque ou vivant avec une personne à risque ainsi que pour les salariés qui, sans être eux-mêmes à risque de forme grave, vivent au domicile d’une personne qui l’est ;
  • la mise en place de mesures de protection complémentaires en cas de travail en présentiel (mise à disposition d’un masque à usage médical par l’entreprise au travailleur, vigilance quant à l’hygiène régulière des mains, aménagement du poste de travail, via un bureau dédié par exemple) ;
  • le principe d’une jauge de 4 m2 par personne disparaît au profit du respect de la règle de distanciation physique d’au moins 1 mètre par rapport à toute autre personne (attention : masque obligatoire si la règle de distanciation ne peut pas être respectée) ;
  • désignation d’un référent covid-19 dans toutes les entreprises : celui-ci doit s’assurer de la mise en œuvre des mesures définies et de l’information des salariés.
  • mise en avant de l’importance du dialogue social pour assurer la mise en œuvre des mesures de prévention.

newsid:473870

Covid-19

[Brèves] Délit de violation des mesures de confinement (la suite) : le Conseil constitutionnel valide le délit de violations réitérées

Réf. : Cons. const., décision n° 2020-846/847/848 QPC, du 26 juin 2020 (N° Lexbase : A33863P4)

Lecture: 4 min

N3876BY9

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par Adélaïde Léon

Le 16 Juillet 2020

► Fortement décriées dans leur rédaction résultant de la loi du 23 mars 2020 (N° Lexbase : L5506LWT), les dispositions du quatrième alinéa de l’article L. 3136-1 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L8574LWH), instaurant le délit de réitération de violation des mesures de confinement et renvoyant au 2° de l’article L. 3131-15 (N° Lexbase : L8570LWC), lequel autorise le pouvoir réglementaire à prendre des dispositions visant à interdire les sorties de domicile sous certaines exceptions, ont été validées, le 26 juin 2020, par le Conseil constitutionnel.

Dispositions en cause. À l’occasion de trois QPC transmises par la Cour de cassation (v. sur ce point J. Perot, Délit de violation des mesures de confinement : la Chambre criminelle renvoie trois QPC, Lexbase Pénal, mai 2020 N° Lexbase : N3353BYT), le Conseil constitutionnel a été amené à se prononcer sur la constitutionnalité du quatrième alinéa de l’article L. 3136-1 du Code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, lequel a instauré le délit de violations réitérées des mesures de confinement et renvoie notamment au 2° de l’article L. 3131-15 du même code, autorisant le pouvoir réglementaire à prendre des dispositions visant à interdire les sorties de domicile sous certaines exceptions.

Reproches formulés. Selon les requérants, le renvoi à des dispositions réglementaires, l’utilisation de termes non définis et le manque de précision de certaines notions seraient de nature à rendre les dispositions en cause si imprécises qu’elles contreviendraient au principe de légalité des délits et des peines.

Il était également reproché au texte de méconnaître le principe de la présomption d’innocence, les droits de la défense et le droit à un recours juridictionnel effectif en raison du caractère automatique du délit, constitué par la simple constatation de trois verbalisations, mais également au regard de la possibilité de caractériser ce délit alors même que les trois premières violations n’auraient pas été présentées à un juge.

Les requérants entendaient enfin dénoncer le caractère disproportionné de la peine ainsi que la méconnaissance du principe du non bis in idem le contrevenant pouvant, après avoir fait l’objet de contraventions, être à nouveau verbalisé pour un délit se fondant sur ces trois premières infractions.

Réponse du Conseil constitutionnel. Le Conseil constitutionnel écarte l’ensemble des griefs faits au quatrième alinéa de l’article L. 3136-1 du Code de la santé publique et déclare conforme à la Constitution le renvoi qu’il opère, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, au 2° de l’article L. 3131-15 du même code.

Le Conseil constitutionnel affirme que le législateur n’a pas méconnu le principe de légalité des délits et des peines en adoptant des dispositions suffisamment claires et précises permettant de déterminer les conditions de constitution du délit. En soulignant simplement le fait qu’une sortie ne peut constituer qu’une seule violation, le Conseil constitutionnel affirme qu’elle ne peut donner lieu à plusieurs verbalisations. S’agissant plus spécifiquement du reproche fait au législateur d’avoir délaissé son office au profit du pouvoir réglementaire, le Conseil note que le législateur a suffisamment déterminé le champ d’application du délit en prévoyant lui-même la répression de la violation du confinement et les éléments essentiels des interdictions de sortie en apportant notamment deux exceptions liées aux besoins familiaux et à la santé. Le fait que le pouvoir réglementaire puisse ajouter à ces exceptions lui permet de garantir uniquement que l’interdiction soit « strictement proportionnée au but sanitaire » et « appropriée aux circonstances de temps et de lieu ».

Rappelant que le tribunal correctionnel amené à statuer sur le délit de violations réitérées devra nécessairement apprécier la régularité et le bien-fondé des précédentes verbalisations le Conseil constitutionnel estime que le délit en cause ne revêt pas de caractère automatique et ne méconnait pas en ce sens la présomption d’innocence et les droits de la défense.

Pour répondre aux reproches fondés sur le nom respect du principe Non bis in idem, le Conseil rétorque que les verbalisations précédentes sanctionnent des faits distincts de la quatrième violation.

Le Conseil écarte les critiques tirées de la disproportion des sanctions encourues en soulignant l’importance de l’objectif poursuivi qu’est la préservation de la santé publique dans le cadre d’un état d’urgence sanitaire.

Enfin, s’agissant des griefs touchant au droit à un recours juridictionnel effectif, le Conseil constitutionnel affirme que les dispositions contestées ne le méconnaissent pas « ni aucun autre droit ou liberté que la constitution garantit ».

 

Pour aller plus loin : lire O. Bachelet, Constitutionnalité du délit de violations réitérées du confinement, Lexbase Pénal, juillet 2020 (N° Lexbase : N4103BYM).

 

newsid:473876

Covid-19

[Brèves] 3ème projet de loi de finances pour 2020 : mesures sociales pour le TPE et PME

Réf. : Projet de loi de finances rectificative n° 3074 pour 2020

Lecture: 5 min

N3855BYG

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par Laïla Bedja

Le 24 Juin 2020

Au regard des conséquences tant sociales qu’économiques, un troisième projet de loi de finances rectificative a été déposé et vient tout à la fois adapter les réponses d’urgence à la crise et soutenir les plus fragiles et secteurs d’activités les plus touchés.

L’article 18 de ce projet de loi regroupe plusieurs aides et notamment une exonération de cotisations patronales, une aide au paiement des cotisations, remise de dettes et plans d’apurement pour les entreprises affectées par la crise sanitaire.

  • Exonération de cotisations patronales

Le I de cet article prévoit ainsi une exonération totale des cotisations patronales prévues par l’article L. 241-13 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L4985LR3), à l’exception des cotisations affectées aux régimes de retraite complémentaire légalement obligatoires. Quelle période est concernée :

  • période d’emploi du 1er février au 31 mai 2020, pour les employeurs de moins de 250 salariés et dont l’activité principale relève des secteurs du tourisme, de l’hôtellerie, de la restauration, du sport, de la culture, du transport aérien et de l’évènementiel qui ont été particulièrement affectés par les conséquences économiques et financières de la propagation de l’épidémie de covid-19 au regard de la réduction de leur activité en raison notamment de leur dépendance à l’accueil du public OU dont l’activité principale dépend de celle de ces secteurs et qui ont subi une très forte baisse de leur chiffre d’affaires ;
  • période d’emploi du 1er février 2020 au 30 avril 2020, pour les employeurs de moins de 10 salariés dont l’activité principale relève d’autres secteurs que ceux susmentionnés implique l’accueil du public et a été interrompue du fait de la propagation de l’épidémie de covid-19, à l’exclusion des fermetures volontaires.

Un décret devra venir préciser les modalités.

Cette disposition sera cumulable avec toute autre exonération totale ou partielle.

Exclusion. Sont exclus de ce dispositif, les employeurs qui, au cours des cinq années précédentes, ont été condamnés au titre d’infractions pour travail dissimulé.

Régularisation. Les employeurs peuvent, jusqu’au 31 octobre 2020, régulariser leurs déclarations sociales afin de bénéficier des exonérations et de l’aide prévus aux I et II sans application des pénalités.

  • Aide au paiement des cotisations

Le projet de loi (art. 18, II) prévoit un crédit égal à 20 % de la masse salariale soumise à cotisations sociales déclarée sur les périodes d’emploi prévues pour l’exonération de cotisations patronales et utilisable pour le paiement de l’ensemble des cotisations et contributions déclarées aux URSSAF en 2020 : sur les dettes antérieures à la période d’emploi visée par le dispositif, sur les cotisations et contributions reportées ou sur celles dues sur les échéances à venir.

Comme pour l’exonération mentionnée ci-dessus, une régularisation est possible et l’employeur pourrait être exclu de ce dispositif en cas de condamnation pour travail dissimulé.

  • Demande de remise partielle

Pour les employeurs de moins de 50 salariés au 1er janvier 2020 qui ne bénéficient pas des dispositifs d’exonération précités, le projet de loi prévoit la possibilité pour ces derniers de solliciter une remise partielle des dettes de cotisations et contributions patronales constituées au titre des périodes d’activité courant du 1er février au 31 mai 2020.

La remise ne pourra excéder 50 % des sommes dues.

Les conditions à réunir sont les suivantes :

  • avoir moins de 50 salariés au 1er janvier 2020 ;
  • ne pas bénéficier des dispositifs exceptionnels d’exonération et d’aide au paiement exposés ci-dessus ;
  • avoir subi, sur la période courant du 1er février au 31 mai 2020, une réduction d’activité d’au moins 50 % par rapport à la même période de 2019 : la réduction de l’activité serait appréciée selon les modalités définies par décret pour le bénéfice du fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences de la propagation de l’épidémie de covid-19 ;
  • conclure un plan d’apurement dans les conditions prévues ci-dessous : le bénéfice de la remise partielle serait accordé sous réserve du remboursement de la totalité des cotisations et contributions incluses dans le plan ;
  • être à jour de ses obligations déclaratives ou de paiement pour les périodes d’emploi antérieures au 1er janvier 2020.
  • Plan d’apurement

Pour les employeurs et les travailleurs indépendants pour lesquels des cotisations et contributions sociales resteraient dues à la date du 30 juin 2020, ces derniers pourraient conclure avec les organismes de recouvrement (URSSAF, MSA…) des plans d’apurement, sans majoration ni pénalités.

  • Travailleurs indépendants non agricoles et agricoles

Le projet de loi prévoit pour les travailleurs indépendants une mesure exceptionnelle d’exonération de cotisations et contributions personnelles de Sécurité sociale appartenant aux secteurs d’activité touchés, qui prendra la forme d’un montant forfaitaire d’exonération des cotisations et contributions de ces travailleurs indépendants dues au titre de l’année 2020 de niveau variable en fonction du secteur d’activité.

  • Artistes-auteurs

Il prévoit enfin une mesure exceptionnelle d’exonération de cotisations et contributions de sécurité sociale dues par les artistes-auteurs qui prendra la forme d’un montant forfaitaire d’exonération des cotisations et contributions dues par ces assurés au titre de 2020 en fonction de leur niveau de revenu.

newsid:473855

Délégation de service public

[Brèves] Conditions de régularité d’une procédure de passation de DSP engagée et conduite par une personne publique non encore compétente pour signer un contrat

Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 9 juin 2020, n° 436922, 436925, 436926, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A15553NW)

Lecture: 3 min

N3834BYN

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par Yann Le Foll

Le 24 Juin 2020

► Une procédure de passation de délégation de service public peut être engagée et conduite par une personne publique non encore compétente pour signer un contrat, dès lors que celle-ci a fait savoir que le contrat ne sera signé qu'après qu'elle sera devenue compétente ;

► Une personne publique peut signer un contrat dont la procédure de passation a été engagée et conduite par une autre personne publique, à laquelle, à la date de la signature du contrat, elle est substituée de plein droit, sans que cette procédure soit, en l'absence de vice propre, entachée d'irrégularité (CE 2° et 7° ch.-r., 9 juin 2020, n° 436922, 436925, 436926, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A15553NW et lire les conclusions de Mireille Le Corre N° Lexbase : N3854BYE).

Faits. Pour annuler la procédure de passation de la délégation de service public balnéaire pour les trois lots en litige, le juge des référés du tribunal administratif de Nice s'est fondé sur la circonstance que cette procédure, y compris le choix de l'entreprise attributaire, avait été conduite par la métropole Nice-Côte d'Azur, alors que le contrat par lequel l'Etat était susceptible de lui attribuer la concession des plages naturelles de Nice, dont l'attributaire était jusque-là la ville de Nice, n'était pas encore signé et que l'enquête publique préalable n'était pas terminée.

Il a déduit de cette circonstance que la métropole n'était pas compétente pour conclure le contrat quand elle a lancé la procédure de passation, ni pendant qu'elle la conduite, et qu'il en résultait nécessairement que la commission de délégation de service public de la métropole n'avait pu procéder régulièrement à l'analyse des offres, qui aurait dû être effectuée par la commission de la ville de Nice, et que la procédure de passation avait nécessairement été conduite par une autorité qui n'était pas habilitée à cette fin.

Estimant que ces irrégularités avaient été susceptibles de léser les sociétés qui l'avaient saisi, il a jugé que l'ensemble de la procédure de passation du contrat était, pour les trois lots en litige, entaché d'irrégularité.

Décision. En statuant ainsi, le juge des référés du tribunal administratif de Nice, qui n'a constaté aucun vice propre dans la composition ou le fonctionnement de la commission de délégation de service public de la métropole Nice-Côte d'Azur et qui a, d'ailleurs, relevé que l'Etat avait engagé la procédure d'attribution de la concession des plages naturelles de Nice à la métropole et que celle-ci avait expressément fait savoir, dès le 25 octobre 2019, que le contrat ne serait signé qu'après l'attribution de cette concession, a commis une erreur de droit (sur l’appréciation de la compétence de l’auteur d’un  acte se faisant à la date de son engagement, voir CE, 19 mai 2000, n° 208543 N° Lexbase : A4256AWK).

newsid:473834

Entreprises en difficulté

[Brèves] Recours contre le jugement de report de la date de cessation des paiements : point de départ du délai de dix jours impartis au dirigeant et au créancier pour former tierce-opposition

Réf. : Cass. com., 17 juin 2020, n° 18-25.262, FS-P+B (N° Lexbase : A07573PQ)

Lecture: 3 min

N3830BYI

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par Vincent Téchené

Le 24 Juin 2020

► Un dirigeant ou un ancien dirigeant, comme un créancier, informés par la publication au BODACC d'un jugement de report de la date de cessation des paiements, qui est susceptible d'avoir une incidence sur leurs droits en application, pour les deux premiers, des dispositions du titre V du livre VI du Code de commerce relatif aux responsabilités et sanctions et, pour  dernier, des articles L. 632-1 (N° Lexbase : L7320IZ7) et L. 632-2 du même code (N° Lexbase : L8569LHT), ont, dès la date de publication, un intérêt à former tierce-opposition à la décision de report s'ils n'y étaient pas parties.

Tel est le sens d’un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 17 juin 2020 (Cass. com., 17 juin 2020, n° 18-25.262, FS-P+B N° Lexbase : A07573PQ).

Les faits. Une société a été mise en redressement judiciaire par un jugement du 29 janvier 2014 qui a fixé provisoirement la date de cessation des paiements au jour du jugement. La procédure a été convertie en liquidation judiciaire le 26 mars 2014. A la demande du liquidateur, la date de cessation des paiements a été reportée au 15 septembre 2013 par un jugement du 9 septembre 2015, publié au BODACC le 29 septembre 2015. Par déclaration au greffe du 22 décembre 2016, la débitrice, un créancier et les anciens dirigeants ont formé tierce-opposition au jugement de report de la date de cessation des paiements. Leur tierce-opposition ayant été déclarée irrecevable, ils ont formé un pourvoi en cassation.

La décision. La Haute juridiction énonçant la solution précitée, relève que l’arrêt d’appel a exactement retenu que les anciens dirigeants et créanciers de la société débitrice, avaient intérêt à former tierce-opposition au jugement de report de la date de cessation des paiements de cette société, dès sa publication au BODACC, le 29 septembre 2015, et que seule cette date, à l'exclusion de celle de la délivrance de l'assignation en responsabilité pour insuffisance d'actif, constituait le point de départ du délai de dix jours imparti par l'article R. 661-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L9404LUT) pour former tierce-opposition, lequel était, dès lors, expiré lorsque la tierce-opposition a été formée le 22 décembre 2016. Leur pourvoi est donc rejeté.

Précisions. La Cour de cassation a déjà retenu qu’un créancier, informé par la publication au BODACC d'un jugement de report de la date de cessation des paiements, qui est susceptible d'avoir une incidence sur ses droits en application des dispositions des articles L. 632-1 et L. 632-2 du Code de commerce (nullités de la période suspecte), a, dès cette date, un intérêt à former tierce-opposition à cette décision. Elle en avait alors déduit que sa tierce-opposition incidente à l'action en nullité d'un acte passé pendant la période suspecte est irrecevable pour avoir été formée après ce délai de 10 jours (Cass. com., 18 mai 2017, n° 15-23.973, F-P+B+I N° Lexbase : A2747WD4 ; Lexbase Affaires, 2017, n° 514, obs. B. Brignon N° Lexbase : N8918BW9).

Pour aller plus loin, cf. in l’Ouvrage « Entreprises en difficulté », Les recours contre le jugement statuant sur la demande de report de la date de cessation des paiements ({"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 6606147, "corpus": "encyclopedia"}, "_target": "_blank", "_class": "color-encyclopedia", "_title": "Les recours contre le jugement statuant sur la demande de report de la date de cessation des paiements", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: E8101ET9"}}).

newsid:473830

Successions - Libéralités

[Brèves] Application discriminatoire de la charia dans un litige successoral, par les juridictions grecques : l’arrêt de satisfaction équitable rendu par la CEDH

Réf. : CEDH, 18 juin 2020, Req. 20452/14, Molla Sali c/ Grèce (N° Lexbase : A81883NL)

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 24 Juin 2020

► Dans son arrêt de Grande chambre rendu le 18 juin 2020, la CEDH s’est prononcée sur la question de la satisfaction équitable dans une affaire concernant l’application de la charia, par les juridictions grecques, à un litige successoral entre des citoyens grecs issus la minorité musulmane (CEDH, 18 juin 2020, Req. 20452/14, Molla Sali c/ Grèce N° Lexbase : A81883NL).

L’affaire. L'affaire concerne l'application, par les juridictions nationales, de la loi sacrée de l'Islam (charia) à un litige successoral entre des ressortissants grecs issus de la minorité musulmane, malgré la volonté du testateur (un grec issu de la minorité musulmane, le mari défunt de la requérante) qui avait légué l'ensemble de ses biens à son épouse par un testament établi selon le droit civil grec. Les juridictions estimèrent que le testament ne produisait pas d'effet car le droit applicable en l'espèce était le droit successoral musulman. En Grèce, ce droit s'appliquerait spécifiquement aux grecs de confession musulmane. La requérante, qui fut privée des trois quarts de son héritage, estimait avoir subi une différence de traitement fondée sur la religion car si son époux n'avait pas été de confession musulmane, elle aurait hérité de la totalité de la succession.

Arrêt au principal. Par « l’arrêt au principal » rendu le 19 décembre 2018, la Grande Chambre a conclu à une violation de l'article 14 de la Convention (N° Lexbase : L4747AQU) combiné avec l'article 1 du Protocole n° 1 (N° Lexbase : L1625AZ9). La Cour a considéré en particulier que la différence de traitement subie par la requérante en tant que bénéficiaire d'un testament établi conformément au Code civil par un testateur grec de confession musulmane, par rapport au bénéficiaire d'un testament établi conformément au Code civil par un testateur grec n'étant pas de confession musulmane, n'avait pas de justification objective et raisonnable.

Arrêt de satisfaction équitable. Comme le Code de procédure civile grec ne prévoit pas la réouverture de la procédure devant les juridictions internes en cas de constat de violation de la Convention par la Cour dans une affaire contentieuse comme en l'occurrence, au titre de l'article 41 de la Convention (N° Lexbase : L4777AQY), la requérante sollicitait une satisfaction équitable pour le dommage matériel et moral qu'elle estimait être résulté des violations constatées en l'espèce, ainsi que le remboursement des frais et dépens exposés devant la Cour. Plus précisément, elle demandait réparation pour le dommage subi en ce qui concerne les biens de son époux situés en Grèce et en Turquie.

Dans son arrêt rendu le 18 juin 2020, la Cour relève que, en ce qui concerne les biens situés en Grèce, concernant le dommage matériel, d’après les informations qui lui ont été fournies par les parties, le registre du cadastre n’a pas encore été corrigé afin que les sœurs du défunt soient reconnues comme copropriétaires des biens du testateur. Ainsi, l’effet de la violation de la Convention constatée par la Cour dans l’arrêt au principal ne s’est pas encore concrétisé. Par conséquent, la Cour considère, à l’unanimité, que le rétablissement de « la situation la plus proche possible de celle qui existerait si la violation constatée n’avait pas eu lieu » consisterait :

- en la prise de mesures de nature à garantir que la requérante reste propriétaire des biens légués en Grèce par son mari ;
- ou, dans l’hypothèse d’une modification du registre du cadastre, qu’elle soit rétablie dans ses droits de propriété.

Dans le cas où l’État grec ne prendrait pas l’une de ces mesures dans un délai d’un an à compter du prononcé du présent arrêt, il devra verser une indemnisation à la requérante correspondant à trois quarts de la valeur totale des biens légués en Grèce, soit 41 103,36 euros.

Concernant le dommage moral et les frais et dépens, la Cour décide d’allouer à la requérante la somme de 10 000 euros pour dommage moral ainsi que 5 828,33 euros pour les frais et dépens.

En revanche, en ce qui concerne les biens situés en Turquie, la Cour rappelle que la requête qui a donné lieu à l’arrêt au principal était dirigée uniquement contre la Grèce et que la question des effets du testament du défunt, dans la mesure où ce testament vise les biens situés en Turquie, fait l’objet de procédures encore pendantes devant les juridictions turques. Dans ces conditions, la Cour ne décèle aucune circonstance particulière susceptible de s’analyser en un exercice par la Grèce de sa juridiction à l’égard des procédures qui se déroulent en Turquie. Par ailleurs, dans son arrêt au principal, la Cour n’a pas pris de position de principe sur les droits revendiqués par la requérante au titre de l’article 1 du Protocole n° 1 en ce qui concerne les biens situés en Turquie. Les biens en question ne peuvent donc pas servir de base à une demande de satisfaction équitable dirigée contre l’État grec dans le cadre de la présente procédure portant sur la question réservée de l’application de l’article 41.

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Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Brèves] Retenue de l’excédent à la suite de l’ouverture d’une procédure de contrôle fiscal et demande de restitution de la partie de l’excédent se rapportant aux opérations non visées par cette procédure

Réf. : CJUE, 14 mai 2020, aff. C-446/18 (N° Lexbase : A44893LT)

Lecture: 12 min

N3816BYY

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par Marie-Claire Sgarra

Le 24 Juin 2020

La Directive TVA ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui ne prévoit pas la possibilité pour l’administration fiscale d’accorder, avant l’issue d’une procédure de contrôle fiscal relative à une déclaration de taxe sur la valeur ajoutée indiquant un excédent pour une période imposable déterminée, le remboursement de la partie de cet excédent se rapportant aux opérations qui ne sont pas visées par cette procédure au moment de son ouverture, pour autant qu’il ne soit pas possible de déterminer de manière claire, précise et non équivoque qu’un excédent de TVA, dont le montant peut être éventuellement inférieur à celui se rapportant aux opérations non visées par ladite procédure, subsistera quelle que soit l’issue de celle-ci, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

Une société a déposé deux déclarations de TVA pour les périodes d’imposition correspondant aux mois de décembre 2015 et de janvier 2016 en indiquant des excédents de TVA. Le bureau fiscal de la région de Bohême centrale a initié des procédures de contrôle fiscal circonscrites à ces seules opérations.

La société a notamment fait valoir que, puisque les doutes de l’administration fiscale ne concernaient qu’une faible partie de l’excédent de TVA déclaré, la retenue de l’intégralité de cet excédent sur plusieurs périodes d’imposition successives représentait pour elle une charge disproportionnée au regard de l’objectif visant à lutter contre la fraude fiscale et a donc réclamé le versement de la partie non litigieuse dudit excédent, c’est-à-dire la partie de celui-ci se rapportant aux opérations non visées par lesdites procédures. Les réclamations sont rejetées. Par suite, la société a demandé à la direction d’appel des finances d’examiner la manière dont ces réclamations avaient été traitées en réitérant notamment que la retenue pendant plusieurs mois successifs des excédents de TVA déclarés, dont une partie substantielle n’était pas visée par les doutes de l’administration fiscale, était disproportionnée. La direction d’appel des finances a considéré que cette demande n’était pas fondée. La société a alors demandé à la cour régionale de Prague d’établir, pour la période d’imposition du mois d’octobre 2015, l’excédent de TVA à concurrence du montant qui n’était pas visé par les procédures de contrôle fiscal en cause. Par un arrêt du 4 octobre 2016, cette juridiction a fait droit à la demande. La direction d’appel des finances ayant refusé d’appliquer cet arrêt aux périodes d’imposition des mois de décembre 2015 et de janvier 2016, la société a de nouveau saisi la cour régionale de Prague pour obtenir une décision équivalente pour ces périodes.

L’arrêt précité a entretemps été annulé par un arrêt de la juridiction de renvoi du 11 mai 2017. En se référant à ce nouvel arrêt du 11 mai 2017, la cour régionale de Prague a rejeté, par arrêt du 13 juin 2017, les recours de la société concernant les périodes d’imposition des mois de décembre 2015 et de janvier 2016. Un recours en cassation a été introduit devant la juridiction de renvoi l’arrêt du 13 juin 2017.

La cour administrative suprême a décidé de surseoir à statuer et de poser la question préjudicielle suivante :

Une mesure d’un État membre qui subordonne l’établissement et le paiement d’une partie de la déduction de la TVA demandée à la clôture de procédures portant sur l’ensemble des prestations imposables au cours d’une période d’imposition déterminée est-elle compatible avec le droit de l’Union, notamment le principe de neutralité de la TVA ?

Un excédent de TVA résulte d’une opération arithmétique effectuée globalement par l’assujetti pour l’ensemble d’une période imposable, de sorte qu’un tel excédent de TVA ne peut apparaître, dans la déclaration de TVA, que sous la forme d’un résultat unique. Ce caractère global du calcul de l’excédent de TVA n’implique cependant pas que celui-ci doit être considéré comme constituant, ainsi que l’ont soutenu en substance les gouvernements tchèque et espagnol ainsi que la Commission européenne dans leurs observations écrites et orales, un tout indissociable qu’il serait impossible de diviser en une partie litigieuse et une partie incontestée afférentes respectivement à des opérations précises visées ou non par une procédure de contrôle fiscal telle que celle en cause au principal.

L’assujetti est redevable de la TVA ou peut en demander la déduction au regard de chaque opération qu’il effectue. Le droit à la déduction de la TVA payée en amont s’entend ainsi en rapport avec une opération précise.

Par ailleurs, la Cour a déjà précisé que, si les États membres disposent d’une liberté certaine dans l’établissement des modalités visées à l’article 183 de la Directive TVA, ces modalités ne peuvent pas porter atteinte au principe de la neutralité fiscale en faisant supporter à l’assujetti, en tout ou en partie, le poids de cette taxe. De telles modalités doivent permettre à l’assujetti de récupérer, dans des conditions adéquates, la totalité de la créance résultant de cet excédent de TVA, cela impliquant que le remboursement soit effectué, dans un délai raisonnable, par un paiement en liquidités ou d’une manière équivalente, et que, en tout état de cause, le mode de remboursement adopté ne doive faire courir aucun risque financier à l’assujetti (CJCE, 10 juillet 2008, aff. C-25/07 N° Lexbase : A5465D9B). Or, des modalités qui, dans une situation telle que celle en cause au principal, ne permettraient pas à un assujetti de pouvoir cibler une certaine partie de l’excédent de TVA, qu’il considère comme étant non litigieuse, reviendraient à empêcher cet assujetti de faire valoir l’existence d’une telle partie non litigieuse et de pouvoir prétendre au bénéfice du remboursement de cette partie en le contraignant ainsi à supporter, en partie, le poids de la taxe au mépris du principe de neutralité fiscale.

Il s’ensuit que les articles 179 et 183 de la Directive TVA, lus à la lumière du principe de neutralité fiscale, ne sauraient être interprétés en ce sens qu’ils excluraient, par principe, la possibilité d’identifier, pour une période imposable, une partie incontestée de l’excédent de TVA indiqué sur une déclaration de TVA susceptible de donner lieu à un report ou à un remboursement partiels de cet excédent.

S’agissant, en second lieu, de la question de savoir dans quelles conditions il peut être considéré que la partie d’un excédent de TVA n’est effectivement pas litigieuse dans le cadre d’une procédure de contrôle fiscal circonscrite par l’administration fiscale, en vertu de son droit national, à certaines opérations d’une période imposable, il convient de relever que si, lors de l’ouverture d’une procédure de contrôle fiscal ou au cours de celle-ci, l’administration fiscale n’est pas en mesure d’exclure que, à l’issue de cette procédure, les montants de la taxe due et de la taxe déductible correspondant aux opérations non visées par ladite procédure soient susceptibles de varier par rapport aux montants déclarés par l’assujetti, il ne saurait être considéré que la partie correspondante de l’excédent de TVA en cause n’est pas litigieuse. Encore faut-il que l’administration fiscale se soit assurée, lors de l’ouverture de la procédure de contrôle fiscal en cause ou au cours de celle-ci, que les éléments ayant contribué au calcul de ladite partie ne pourront plus être remis en cause avant l’issue de cette procédure.

Pour qu’une partie de l’excédent de TVA puisse être considérée comme étant non litigieuse, il est nécessaire que l’administration fiscale s’assure, d’une part, que les éventuelles irrégularités qu’elle soupçonne ne pourront pas, si elles sont avérées, avoir de répercussions sur les montants de la TVA due et de la TVA déductible correspondant aux opérations non visées par ladite procédure et, partant, sur le montant de l’excédent de TVA qui semble incontesté et, d’autre part, qu’elle ne sera pas amenée à élargir la portée de cette même procédure pour y inclure tout ou partie des opérations originellement non contrôlées. De tels éléments doivent ressortir de manière claire, précise et non équivoque de l’ensemble des pièces de la procédure de contrôle fiscal et des circonstances pertinentes de l’espèce.

Dans ces conditions, il convient de souligner qu’une réglementation nationale qui, dans le cadre des mesures adoptées par un État membre au titre de l’article 273 de la Directive TVA, n’autoriserait pas un assujetti à apporter de tels éléments de preuve ni l’administration fiscale à prendre une décision à cet égard irait à l’encontre du principe de bonne administration et ne serait par conséquent pas compatible avec la directive TVA.

Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, dans le cas où un assujetti invoque l’existence d’une partie non litigieuse de l’excédent de TVA dans le cadre d’une procédure de contrôle fiscal, l’administration fiscale n’est tenue de rembourser ou de reporter que la partie de l’excédent de TVA qu’elle est en mesure, compte tenu des doutes soulevés par elle à l’occasion de cette procédure et au regard des circonstances pertinentes de l’espèce, d’identifier de manière claire, précise et non équivoque, indépendamment de l’issue de ladite procédure, au regard de l’ensemble de la période imposable faisant l’objet de la déclaration de TVA initiale.

En l’occurrence, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si, au regard des éléments de preuve éventuellement fournis par la société, l’administration fiscale a identifié ou aurait dû identifier de manière claire, précise et non équivoque, à un quelconque stade de la procédure de contrôle fiscal en cause au principal, l’existence d’une partie non litigieuse de l’excédent de TVA et si, en particulier, elle a déterminé ou aurait dû déterminer que les montants de la taxe due et de la taxe déductible correspondant aux opérations non visées par cette procédure n’étaient plus susceptibles de varier, avant l’issue de celle-ci, par rapport aux montants déclarés par l’assujetti. Il lui appartient en outre de vérifier si l’administration fiscale a été ou aurait dû être en mesure, compte tenu des doutes soulevés par elle à l’occasion de ladite procédure et au regard de l’ensemble des pièces de celle-ci ainsi que des circonstances pertinentes de l’espèce, de déterminer de la même manière qu’un excédent de TVA, dont le montant peut être inférieur à celui se rapportant aux opérations non visées par le contrôle, subsistera quelle que soit l’issue de cette même procédure. Une telle vérification devrait, en particulier, tenir compte d’éventuelles sanctions que l’assujetti pourrait être amené à encourir dans l’hypothèse d’un remboursement partiel ou provisoire de la partie de l’excédent de TVA réclamée en cas de succès du contrôle fiscal. Si l’administration fiscale n’était pas en mesure de procéder à ces constatations, il ne saurait lui être reproché d’avoir refusé l’établissement d’un avis d’imposition partiel avant l’issue de la procédure de contrôle fiscal en cause au principal.

Les articles 179, 183 et 273 de la Directive TVA, lus à la lumière du principe de neutralité fiscale, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui ne prévoit pas la possibilité pour l’administration fiscale d’accorder, avant l’issue d’une procédure de contrôle fiscal relative à une déclaration de TVA indiquant un excédent pour une période imposable déterminée, le remboursement de la partie de cet excédent se rapportant aux opérations qui ne sont pas visées par cette procédure au moment de son ouverture, pour autant qu’il ne soit pas possible de déterminer de manière claire, précise et non équivoque qu’un excédent de TVA, dont le montant peut être éventuellement inférieur à celui se rapportant aux opérations non visées par ladite procédure, subsistera quelle que soit l’issue de celle-ci, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

 

 

 

 

 

 

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