La lettre juridique n°434 du 31 mars 2011

La lettre juridique - Édition n°434

Éditorial

Discrimination professionnelle : quand le Marais n'est pas drôle

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 27 Mars 2014


"C'est une grande misère que de ne pas avoir assez d'esprit pour bien parler ni assez de jugement pour se taire".

Cet aphorisme de Jean de la Bruyère, tiré de ses Caractères, ferait bien d'être le sujet d'une épreuve inscrite au concours de toute bonne école de management ou de ressources humaines. Car, à lire chaque semaine, la littérature judiciaire chroniquant, sans cesse, la bêtise de l'espèce humaine à l'égard de ses congénères, notamment, dans l'enceinte professionnelle, c'est à croire le sens commun et l'ascension irrésistible des médiocres fascisants, chère à Bertold Brecht. Dernier opus en date de cette saga interminable de la discrimination gratuite et de l'atteinte à la dignité des salariés, cet arrêt rendu le 10 décembre 2010 par la cour d'appel de Paris, obligé de rappeler à tout employeur adepte de propos indélicats que des commentaires ironiques sur l'orientation sexuelle d'un salarié constituent une atteinte à sa dignité et caractérisent un fait de harcèlement et de discrimination en raison de l'orientation sexuelle. En l'espèce, un salarié prétendait avoir fait l'objet d'un harcèlement discriminatoire en raison de ses activités de délégué du personnel et de son orientation sexuelle. Il soutenait avoir fait l'objet de brimades, de doubles sanctions et de refus d'acomptes. Pour la cour d'appel, aucun élément produit par le salarié ne permettait d'établir qu'il avait fait l'objet de brimades ou réactions particulières en raison de ses activités de délégué syndical. En revanche, le salarié établissait clairement, qu'en plus de la mise à pied de trois jours dont il a fait l'objet, il avait également fait l'objet d'une "mutation-sanction". A la suite de sa mutation, l'employeur lui avait, alors, adressé une lettre expliquant que cette affectation "dans un quartier très prisé des homosexuels qui sont aussi friands de beaux vêtements" était une aubaine pour lui, la clientèle correspondant tout à fait à ses goûts. Et, la pomme nous reste en travers de la gorge ; c'est à s'arracher une côte pour créer, enfin, le manager délicat.

Au demeurant, il est à craindre que le rédacteur de cette lettre, si emprunte de mépris, moins pour le respect de la vie privée du salarié, mais plus volontiers pour les qualités professionnelles intrinsèques de ce dernier, ait pensé, au contraire, "arrondir les angles" après la "mutation-sanction" ainsi orchestrée. Mais, face à la délicatesse d'un éléphant dans un magasin de porcelaine, il n'est pas étonnant que le sang du salarié ainsi catalogué et, de ce fait, discriminé, ne fasse qu'un tour. Proposer à un homosexuel une mutation dans un célèbre quartier dit "gay", outre le fait que cela soit discriminant, c'est aussi stupide que de justifier la mutation d'une personne de confession hébraique, non loin, de la rue des Rosiers, d'un breton dans le quartier de Montparnasse, d'un asiatique dans le XIIIème arrondissement de Paris, ou d'un jeune d'origine maghrébine dans le quartier de la Goutte-d'or ! L'énormité de l'atteinte à la dignité de la personne fondée sur les qualités extrinsèques du salarié, à elle seule, ne pouvait qu'entraîner une sanction.

Pour autant, il convient également de s'attacher à la stigmatisation des lieux et quartiers dans lesquels sont opérées ces mutations sur fond de discrimination, car cette "ghettoisation" économique, puisqu'elle n'est pas ordonnée par le pouvoir régalien, mais par la ségrégation sociale, ethnique ou professionnelle, justifie parfois, sans le savoir, une discrimination dite "positive", mais qui ne demeure pas moins ce qu'elle est.

C'est ainsi qu'un délégué interministériel à l'Egalité des chances des Français d'outre-mer a mis au point, en 2008, -l'enfer est pavé de bonnes intentions- une charte pour que les entreprises de Guyane, Martinique ou de Guadeloupe sollicitent "davantage, particulièrement pour les postes d'encadrement, des candidats d'origine ultramarine, dès lors qu'ils présentent les compétences recherchées". On ajoutera que 80 % des places dans les écoles militaires sont réservées aux enfants de militaires ou, encore, que la grande majorité des "médiateurs sociaux" oeuvrant dans les quartiers sensibles est, elle-même, issue de ses quartiers à forte communauté d'origine étrangère. Une fois, encore -conféré un précédent éditorial récent-, l'exemple ne vient pas vraiment d'en haut, et l'accolement de critères sociaux, comme la clause d'insertion sociale insérée dans de nombreux marchés publics, ethniques, voire sexuels à l'embauche comme au déroulement d'une carrière professionnelle a, inexorablement, des relents discriminatoires, qui, même s'il peut s'avérer pragmatique, rompt avec l'appréciation intrinsèque des qualités professionnelles du salarié qui doit demeurer la règle de sociabilité professionnelle entre employeurs et salariés.

Et puis, les quartiers changent ! Hier, le Marais concentrait toute la noblesse de cour, à laquelle se sont succédés ateliers, artisans et horlogers dans les hôtels d'Aumont, de Beauvais ou de Sully... Et qui se souvient que le nord du Marais abritait également la plus ancienne communauté chinoise de Paris arrivée dès la Première guerre mondiale... Et le quartier de la Goutte-d'or, dont le nom provient de la couleur du vin blanc que ses vignes produisaient, même s'il a toujours été populaire, qu'a-t-il, aujourd'hui, de commun avec celui que Zola nous décrit dans son Assommoir ?

Mais, que voulez-vous, "tout homme a vu le mur qui borne son esprit", nous livre De Vigny et "les occasions de se taire et celles de parler se présentent en nombre égal, mais nous préférons souvent la fugitive satisfaction que procurent les dernières au profit durable que nous tirons des premières", surenchérit Schopenhauer.

Toutefois, pour la défense de l'employeur à la langue trop prolixe, nous admettrons qu'il n'est pas simple de savoir s'il peut ou non, voire s'il doit ou non, s'immiscer dans la vie privée de son salarié, afin d'adopter l'attitude qu'il convient, au risque, parfois, d'engager sa responsabilité pour avoir contrevenu à son obligation de sécurité de résultat. Deux poids, deux mesures ; s'il ne doit pas prendre en considération l'orientation sexuelle d'un salarié aux fins de justifier une mutation professionnelle, qui plus est à titre de sanction, il doit impérativement s'alerter de l'état de santé physique et mentale de ce dernier, alors qu'il s'agit là de données à caractère éminemment personnelles, pour écarter tout risque de harcèlement moral, par exemple, jusqu'à répondre d'un tiers qui peut exercer une autorité de fait sur les salariés (cf. Cass. soc., 1er mars 2011, n° 09-69.616, F-P+B). En effet, la loi prévoit que le chef d'entreprise doit prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral (C. trav., art. L. 122-51) et prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés (C. trav., art. L. 4121-1). Et, dans le même ordre d'idées, la jurisprudence constante confère à l'employeur une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral. L'absence de faute de sa part ne peut l'exonérer de sa responsabilité (Cass. soc., 21 juin 2006, n° 05-43.914, FP-P+B+R+I). Ce faisant, où est la frontière au regard de la prise en considération d'éléments personnels du salarié dans son rapport avec l'employeur ? Quid de la mutation d'un salarié brimé par ses collègues du fait de son orientation sexuelle, dans un environnement supposé plus tolérant ? Le motif ! Tout est dans la motivation de l'action de l'employeur : la discrimination ou l'atteinte à la dignité ne résulte pas tant de l'action que de sa motivation sombre et, souvent, inavouable.

La constitution d'un ghetto suppose quatre conditions : un espace imposé par le pouvoir à une catégorie de population, un lieu ethniquement homogène, la constitution d'une micro-société interne, une stigmatisation venant de l'extérieur. Il est, dès lors, heureux que la Justice, bras régulateur de la puissance publique, fasse en sorte qu'aucun ghetto, stricto sensu, n'apparaisse en France, veillant à la bonne application des principes anti-discriminatoires.

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Avocats/Déontologie

[Le point sur...] Le régime des perquisitions au cabinet ou au domicile d'un avocat

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N7676BRQ

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par Henri de La Motte Rouge, avocat à la Cour et Caroline Dupuy, Titulaire du CAPA

Le 31 Mars 2011

Le 15 février 2011 (1), la Cour européenne des droits de l'Homme a jugé que la perquisition réalisée dans un cabinet d'avocats sans autorisation judiciaire préalable, ni contrôle juridictionnel suffisant a posteriori violait l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L4798AQR droit au respect de la vie privée et du domicile). En effet, depuis une décision du 24 juillet 2008, la CEDH considère que le respect du secret professionnel des avocats est inclus dans les garanties de l'article 8 de la Convention au même titre que le droit au respect de la vie privée et du domicile (2). Au regard de notre droit interne, cette décision est une bonne occasion de faire le point sur le régime français de la perquisition des cabinets d'avocat. Cette perquisition particulière pose la problématique du rapport entre le secret professionnel de l'avocat d'une part, et les investigations utiles à la manifestation de la vérité, d'autre part. La jurisprudence de la Cour de cassation a toujours considéré que le secret professionnel, s'il devait être protégé, n'était pas pour autant absolu : seuls les documents relevant des droits de la défense peuvent bénéficier de la confidentialité totale. Le secret professionnel des avocats ne fait pas obstacle à une visite dans leurs locaux dès lors qu'il existe une présomption suffisante de la participation de l'avocat à l'infraction.

C'est ainsi que le législateur a prévu, dans la loi du 30 décembre 1985, à l'article 56-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3557IGT), la possibilité pour le juge de perquisitionner le cabinet ou le domicile d'un avocat afin de saisir des documents établissant sa participation à l'activité délictuelle. Cette disposition du droit national est conforme aux exigences européennes. En effet, la Cour européenne juge également insaisissables des documents couverts par le secret professionnel aux avocats qui exercent leur mission de défense ou de conseil de leur client, et qui sont à ce titre totalement tiers à l'infraction présumée. Tel n'est d'ailleurs pas le cas lorsque ces documents sont de nature à établir la preuve de la participation de l'avocat à la fraude présumée (3).

En droit interne, certaines garanties ont donc été prévues afin de préserver le respect du secret professionnel, notamment par une procédure se déroulant dans des conditions particulières. Si la perquisition du droit commun prévue dans le Code de procédure pénale semble apporter des garanties suffisantes, l'absence d'intervention du Bâtonnier dans certaines procédures dérogatoires est contestable.

I - Régime de droit commun de la perquisition du cabinet d'avocat

  • Les cas autorisés de perquisition au cabinet ou au domicile d'un avocat

La perquisition au cabinet ou au domicile d'un avocat n'est autorisée que dans les formes et hypothèses prévues au cas de crime flagrant (C. pr. pén., art. 56 N° Lexbase : L7226IML et 57 N° Lexbase : L5957IED), à savoir "si la nature du crime est telle que la preuve en puisse être acquise par la saisie des papiers, documents, données informatiques ou autres objets en la possession des personnes qui paraissent avoir participé au crime ou détenir des pièces, informations ou objets relatifs aux faits incriminés".

La perquisition doit ainsi permettre d'établir que l'avocat a participé à l'infraction. On constate ainsi que la prérogative de l'avocat à conserver le secret de ses clients cède lorsqu'il la détourne de sa finalité. C'est le cas lorsque l'avocat détourne le secret pour soustraire aux investigations de la justice des éléments de preuve, en général pour protéger son client et à plus forte raison, lorsqu'il se fait complice, ou organise de faux témoignages.

Cette forme de perquisition ne peut être qu'exceptionnelle et suivant des conditions particulières pour garantir le respect du secret professionnel.

  • Objet de la perquisition

Afin de préserver le secret professionnel, l'enquête déclarée contre un avocat ne peut en réalité concerner un client de l'avocat perquisitionné. Le magistrat doit donc, préalablement, par une décision écrite et motivée préciser la nature de l'infraction et les documents qu'il recherche. Il ne peut procéder à une fouille générale. Seuls les documents relatifs à l'infraction pourront être saisis.

La saisie de correspondances échangées entre l'avocat et son client ne peut être ordonnée qu'à titre exceptionnel et seulement si les documents saisis sont de nature à établir la preuve de la participation de l'avocat à une infraction. Par ailleurs, l'article 97 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7223IMH) prévoit la saisie du matériel informatique et des données informatisées.

  • Modalités de la perquisition

L'article 56-1 du Code de procédure pénale prévoit la procédure de perquisition au cabinet ou domicile d'un avocat.

Elle ne peut être effectuée que par un magistrat du Parquet ou un juge d'instruction selon la nature de l'investigation, enquête préliminaire ou instruction, et en présence du Bâtonnier ou de son délégué. Eux seuls pourront prendre connaissance des documents avant leur éventuelle saisie.

  • Contrôle de la perquisition

Le Bâtonnier, garant des principes essentiels de la profession et assurant les intérêts de son ordre, joue un rôle prépondérant dans la perquisition. En effet, si le Bâtonnier estime la saisie d'un document irrégulière, comme contrevenant au secret professionnel, il peut s'y opposer.

Le document contesté sera mis sous scellé et un procès-verbal sera établi. Le tout sera transmis au juge des libertés et de la détention qui doit statuer dans les cinq jours par une ordonnance motivée, non susceptible de recours. A cette fin, il pourra entendre le magistrat ayant perquisitionné, le procureur de la République, l'avocat objet de la perquisition et le Bâtonnier.

Le juge des libertés et de la détention peut ordonner la restitution du document et du procès-verbal. Dans le cas contraire, le document et le procès-verbal seront versés à la procédure.

En tout état de cause, les parties conservent ultérieurement la possibilité de demander la nullité de la saisie, soit devant la chambre de l'instruction, soit devant la juridiction de jugement.

Ainsi, les garanties offertes par le Code de procédure pénale semblent adéquates. Il convient de préciser que tout avocat doit pouvoir en bénéficier quelle que soit son origine. En effet, dans une décision du 21 janvier 2010 (4), la Cour européenne a considéré que les perquisitions au domicile d'un avocat étant susceptibles de porter atteinte au secret professionnel, ces dernières doivent être impérativement assorties de garanties spéciales de procédure. Un avocat ressortissant d'un Etat membre de l'UE exerçant à titre occasionnel en France n'est pas tenu de s'inscrire au barreau national pour pouvoir bénéficier des garanties offertes par l'article 56-1 du Code de procédure pénale. En outre, le requérant n'a pas disposé d'un "contrôle efficace" pour contester la perquisition et les saisies, les recours dont il a fait usage ne lui étaient légalement pas ouverts. La France a donc été condamnée pour violation de l'article 8 de la CESDH au titre du droit au respect du domicile.

  • Les perquisitions par les agents de l'Autorité des marchés financiers

L'ordonnance n° 2009-233 du 26 février 2009, prise en application de l'article 164 de la loi de modernisation de l'économie, réformant les voies de recours contre les visites domiciliaires et les saisies de l'Autorité des marchés financiers (AMF) (N° Lexbase : L9689ICT), soumet désormais les visites de l'autorité dans les cabinets d'avocats ou à leur domicile au droit commun des perquisitions dans les cabinets d'avocats (C. pr. pén., art. 56-1).

Par ailleurs, l'ordonnance permet à la personne visitée de faire appel, de manière non suspensive, à un conseil de son choix pendant la visite et transfère du président du TGI au juge des libertés et de la détention la compétence en vue d'autoriser la visite de l'AMF pour la recherche des infractions à la transparence des marchés (C. mon. et fin., art. L. 465-1 N° Lexbase : L2169INN et L. 465-2 N° Lexbase : L2168INM).

II - Régimes dérogatoires de la perquisition du cabinet d'avocat

  • Les perquisitions fiscales et douanières

L'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales (N° Lexbase : L0549IHS) prévoit la perquisition chez le contribuable, voire chez des tiers et notamment l'avocat du contribuable, par les inspecteurs des services fiscaux lorsqu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement de ses impôts. Il peut être pratiqué une perquisition dans tous les lieux : locaux commerciaux, d'habitation, comptable, avocat de l'assujetti, banque où le redevable loue un coffre.

La perquisition doit être autorisée par une ordonnance du président du TGI compétent. Afin de garantir le respect du secret professionnel, ces perquisitions doivent avoir lieu aux conditions de l'article 56 du Code de procédure pénale.

Toutefois, à la différence des perquisitions dans le cadre d'une enquête préliminaire ou d'une instruction, l'opération est généralement effectuée sous la surveillance d'un officier de police judiciaire et sous le contrôle du juge qui les a autorisées, mais le Bâtonnier n'est pas présent. Comme souvent dans cette matière dérogatoire du droit commun, on s'interroge sur ce qui justifie une telle exception à cette garantie du secret professionnel des avocats.

Ce régime de perquisition, associé à la déclaration de soupçon lorsqu'il est demandé à l'avocat de rédiger un acte permettant une activité financière illicite, ou une consultation ordonnée en vue d'un blanchiment d'argent, laisse penser que le secret de l'avocat est battu en brèche par les administrations fiscales et douanières. Plus récemment, des dispositions en matière de droit de la concurrence permettent de faire un constat similaire.

  • Les perquisitions par les agents de la Direction de la concurrence

L'article L. 450-4 du Code de commerce (N° Lexbase : L2208IEI) permet aux agents de la Direction de la concurrence de procéder à des visites en tous lieux, même privés, où sont susceptibles d'être détenus les documents se rapportant aux agissements frauduleux dont la preuve est recherchée. Ils peuvent ainsi perquisitionner au cabinet de l'avocat.

La perquisition doit avoir été demandée par la Commission européenne, le ministre chargé de l'Economie ou le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence sur proposition du rapporteur, sur autorisation judiciaire donnée par ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter, dans le cadre d'une enquête. Les agents ne sont pas astreints à respecter la procédure prévue par le Code de procédure pénale mais doivent toutefois respecter les droits de la défense.


(1) CEDH, 15 février 2011, deux arrêts, n° 56720/09 et n° 56716/09, en anglais uniquement.
(2) CEDH, 24 juillet 2008, Req. 18603/03 (N° Lexbase : A8281D9L).
(3) CEDH, 24 juillet 2008, préc..
(4) CEDH, 21 janvier 2010, Req. 43757/05 (N° Lexbase : A4497EQM).

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Avocats/Institutions représentatives

[Questions à...] Le regroupement des CARPA, une solution d'avenir - Questions à Raymond Bondiguel, trésorier de la CARPA Bretagne

Lecture: 7 min

N7733BRT

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par Yann Le Foll, journaliste juridique

Le 31 Mars 2011

Afin de mieux gérer les fonds qui leur sont confiés, d'économiser sur les coûts de fonctionnement, et de mieux former les administrateurs et le personnel, la réunion de plusieurs CARPA de la région Bretagne en une seule s'est imposée. A la fois moyen unique et obligatoire de sécuriser les paiements destinés aux clients des avocats, délégataire d'une mission de service public lorsqu'elle gère les fonds destinés à l'aide juridictionnelle et à l'accès au droit, et garante des fonds qui lui sont confiés au titre des séquestres, qu'ils soient conventionnels ou judiciaires, chaque CARPA doit se doter d'importants moyens humains et matériels, ce qui plaide en faveur de l'union de plusieurs barreaux de départements voisins. C'est aussi le point de vue de Raymond Bondiguel, ancien Bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau de Rennes et, aujourd'hui, trésorier de la CARPA Bretagne, qui regroupe les barreaux de Rennes, Brest et Quimper, que Lexbase Hebdo - édition professions a récemment rencontré. Lexbase : Pouvez-vous nous retracer les étapes de la constitution de la CARPA Bretagne ?

Raymond Bondiguel : Sous mon bâtonnat, des situations de blocage qui perduraient depuis une vingtaine d'années ont pris fin, avec l'arrivée en 2003 d'un premier barreau, celui de Dinan, qui a rejoint la CARPA de Rennes créée en 1972. Notre regroupement était fondé sur l'idée que nous n'étions pas sur des rapports de force, mais sur des logiques d'addition, de complémentarité, puisque le barreau de Rennes s'engageait à ne pas revendiquer la présidence de cette entité, bien qu'il était à l'époque majoritaire. Lorsque le barreau de Guingamp nous a rejoint en 2004, nous avons changé nos statuts, je suis ensuite devenu trésorier, et c'est le Bâtonnier de Dinan, la plus petite entité avec, à l'époque, 17 avocats, qui en a pris la présidence. La CARPA Bretagne ne s'est véritablement constituée qu'en 2004, puisque nous a rejoint cette année là le barreau de Brest, suivi des barreaux de Quimper et d'Avranches en 2005, et du barreau de Morlaix en 2006. Aujourd'hui, avec la réforme de la carte judiciaire entrée en vigueur au 1er janvier 2011, la CARPA Bretagne ne compte plus que trois barreaux : ceux de Rennes, Brest (qui comprend, désormais, celui de Morlaix qui lui a été rattaché de plein droit) et Quimper. Toutefois, ce mouvement de regroupement à vocation à se poursuivre, puisqu'il y a matière à réfléchir sur la sécurisation des placements et des commissions de contrôle des CARPA, les sinistres qui peuvent survenir représentant des montants très importants. En outre, le rôle des CARPA est, avant tout, de rendre des services collectifs aux avocats, ce qui nécessite des structures de plus en plus étoffées.

Lexbase : Quelles sont les ressources dont vous disposez ?

Raymond Bondiguel : Nous avons à notre disposition trois "tiroirs". Tout d'abord, ce qu'on peut appeler les "maniements de fonds". En effet, la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques (N° Lexbase : L6343AGZ), prévoit que les fonds manipulés par les avocats pour le compte de leurs clients, aussi bien une cession d'entreprise qu'une action en recouvrement de créances contre une commune, doivent obligatoirement transiter par les CARPA. Ensuite, nous sommes par dérogation ordonnateurs des dépenses de l'aide juridictionnelle, qui sont versées aux barreaux via les CARPA, lesquelles vont, ensuite, lors de la réception des attestations de fin de mission, payer, sur fonds publics, les avocats. Sur ce "tiroir" là, les CARPA sont donc sous contrôle de la Cour des comptes, puisque nous manipulons des fonds publics (1). Cependant, la baisse continue des taux d'intérêts qui a affecté les placements des dotations versées par l'Etat (les SICAV sont, aujourd'hui, rémunérées à 0,3 % contre 7 à 8 % auparavant et le livret A à 2 %) explique que les dépenses de fonctionnement de l'aide juridictionnelle sont, aujourd'hui, supérieures aux recettes qui proviennent de nos placements. La gestion de cette aide occupe, d'ailleurs, la moitié de nos effectifs. Enfin, la dernière ressource est constituée des séquestres : dans ce cas, les fonds peuvent être consignés à la CARPA dans l'attente de la décision judiciaire, ou du dénouement de l'accord conclu entre les parties.

L'addition de ces trois ressources constitue en 2010, pour la CARPA Bretagne, un montant moyen de dépôt de 43 millions d'euros par mois. A la CARPA Bretagne, nous conservons les fonds pendant seize jours. Le total de ces placements doit générer un produit suffisant pour nous permettre de couvrir nos charges et de rendre un service effectif à nos confrères. L'année 2010 a été relativement exceptionnelle puisque nous avons dégagé un bénéfice de 263 000 euros, ce qui est considérable.

Pour l'utilisation de ce bénéfice, nous sommes contraints par l'article 235-1 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, organisant la profession d'avocat (N° Lexbase : L8168AID), qui prévoit que les produits financiers dégagés doivent servir exclusivement au "financement des services d'intérêt collectif de la profession [...]". Ces services peuvent comprendre la formation, la prévoyance, ou encore la documentation. Lors du regroupement des différents barreaux, nous avons fixé une ligne simple pour la répartition des bénéfices : celle-ci s'effectuera, non pas en proportion des avocats de chaque barreau, mais en fonction de ce que chaque barreau apporte au titre des maniements de fonds. Puisque le barreau de Rennes apporte 55 % du montant total des sommes constituées par ces maniements, il a donc droit à 55 % des bénéfices. Ainsi, au titre de l'année 2010, le barreau de Brest-Morlaix, fort de 200 avocats, va recevoir 53 000 euros, et le barreau de Rennes, qui compte environ 550 avocats, 146 000 euros. Le barreau de Quimper recevra donc 64 000 euros. Il y a une possibilité pour qu'au deuxième semestre 2011 les taux de rémunération de l'argent remontent, ce qui entraînera une amélioration de la situation des CARPA. Si ce n'est pas le cas, nous devrons redoubler de vigilance pour que les placements opérés couvrent au moins nos charges. A titre d'exemple, nous avons réalisé récemment un placement auprès de sociétés d'assurance pour un montant de 20 millions d'euros. Or, une simple variation de 1 % sur ce montant représente une somme de 200 000 euros, ce qui est considérable. Cette tension sur les taux rend donc le métier de trésorier de CARPA extrêmement difficile.

Lexbase : L'avenir des CARPA réside-t-il, selon vous, dans des regroupements accrus ?

Raymond Bondiguel : A mon avis, l'addition des risques de taux bas qui se maintiennent à l'avenir et de poursuite probable de la crise financière, ainsi que la nécessité de continuer à fournir des services de qualité à nos confrères, de renforcer les contrôles internes en liaison avec les réglementations anti-blanchiment, et de sécuriser les maniements de fonds pour protéger nos clients, nécessitent la présence au sein de chaque CARPA de plusieurs administrateurs qui se spécialisent sur des pôles précis et leur donnent beaucoup de temps. En d'autres termes, s'il y a une petite dizaine d'années un président de CARPA pouvait tout régenter, c'est aujourd'hui impossible. Au sein de la CARPA Bretagne, une salariée est mobilisée sur le secteur des saisies des clients débiteurs. Elle est accompagnée par un administrateur en charge des saisies. Je m'occupe des placements, épaulé par le président, le Bâtonnier Didier Lajous. Nous disposons d'un conseiller financier extérieur. Toutes ces personnes sont bénévoles et consacrent beaucoup de temps chaque semaine à la CARPA, et doivent suivre des formations continues pour remplir leurs missions. A ces équipes s'ajoute une commission de contrôle interne composée de cinq avocats honoraires.

Lexbase : Que pensez-vous des réticences qui ont pu s'exprimer au sein de la profession concernant ce mouvement de rapprochement des CARPA ?

Raymond Bondiguel : La réforme territoriale de la carte judiciaire a, effectivement, pu faire naître certaines craintes quant à la légitimité de ces rapprochements (2), mais celles-ci ne sont, à mon sens, pas justifiées. En effet, quelle est la liberté d'un barreau dont la CARPA n'équilibre pas ses comptes ? Les CARPA, en charge d'une mission légale, ne peuvent pas se retrouver en situation de dépôt de bilan, ce qui implique, quand les produits tirés des placements ne sont plus suffisants, que ce sont les avocats qui doivent résorber le déficit par le biais de cotisations en se répartissant la charge née de ce déficit. C'est alors le monde à l'envers, puisque l'outil qui a été créé pour aider la profession à assurer ses besoins collectifs devient un outil qui l'affaiblit en facturant des cotisations. Aujourd'hui, c'est ce qui arrive au sein de certaines CARPA non regroupées. De notre côté, non seulement nous sommes bénéficiaires, mais nous disposons, au 31 décembre 2010, de 2 173 900 euros de fonds propres. Nous pouvons donc traverser quelques années "blanches" sans aucun problème.

En outre, la CARPA Bretagne prend à sa charge tout ce qui concerne la prévoyance, ce qui a représenté une somme totale de 159 000 euros, la retraite pour une somme de 122 000 euros, et la formation délivrée par le CNB pour un montant de 167 000 euros. Le bénéfice dégagé par notre CARPA s'entend donc déduction faite de toutes ces sommes qui représentent au total 500 000 euros. Un barreau qui nous rejoint voit, ainsi, tous ces postes pris en charge par la CARPA regroupée, ce qui allège les charges des confrères. En outre, chaque barreau regroupé se voit, également, mettre à disposition une quote-part des bénéfices et profite de la suppression de multiples dépenses (expert comptable, commissaire aux comptes, secrétariat). J'ajoute que l'affectation des bénéfices au sein de chaque barreau est totalement libre, du moment que cela reste dans le cadre de la loi : il peut donc les utiliser ou, au contraire, se constituer une épargne. Il n'y a donc finalement aucune perte ni de liberté, ni d'autonomie, ni de considération, ni d'identité du barreau. Enfin, chaque Bâtonnier est de plein droit administrateur de la CARPA Bretagne et peut déléguer ses pouvoirs à la personne qu'il souhaite. Si un barreau estime que la délibération prise par le conseil d'administration de la CARPA est contraire à ses intérêts, un conseil de surveillance composé exclusivement des Bâtonniers en exercice pourra se réunir pour décider d'une deuxième lecture, laquelle s'imposera au conseil d'administration.

En conclusion, je pense que l'addition de la raison et des économies à réaliser devrait conduire les barreaux à se regrouper. La principale crainte liée à la perte d'autonomie n'est, à mon sens, pas justifiée, puisque le regroupement permet de redonner du pouvoir et de la marge de manoeuvre en matière financière. Je serais curieux de voir si les CARPA regroupant moins d'une centaine d'avocats ont la possibilité de régler toutes les cotisations que j'ai évoquées ci-dessus, de dégager un bénéfice et de le mettre à disposition du Bâtonnier, de mettre à disposition des confrères une base juridique gratuite, et de s'offrir les services d'un conseil financier extérieur, comme le fait la CARPA Bretagne. Il faut à l'avenir que les Bâtonniers soient porteurs de l'idée selon laquelle les avocats de leur barreau ont légitimement droit à la clause de l'avocat le plus favorisé en matière de maniement de fonds, ce qui peut les conduire à opter pour un regroupement, c'est-à-dire à faire le choix de la rationalité.


(1) Lire Aide juridictionnelle : comment rentabiliser la gestion des dotations ? - Questions à Philippe Duprat, ancien Bâtonnier du barreau de Bordeaux, membre du bureau de la Conférence des Bâtonniers, Lexbase Hebdo n° 41 du 29 juillet 2010 - édition professions (N° Lexbase : N6986BPG).
(2) Lire Plaidoyer pour un regroupement des CARPA - Questions à Pascal Eydoux, Président de la Conférence des Bâtonniers, Lexbase Hebdo n° 7 du 12 novembre 2009 - édition professions (N° Lexbase : N3726BMX).

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Contrats et obligations

[Jurisprudence] Validité d'une clause de non-concurrence insérée dans un pacte d'actionnaires

Réf. : Cass. com., 15 mars 2011, n° 10-13.824, F-P+B (N° Lexbase : A1682HDN)

Lecture: 6 min

N7716BR9

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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV

Le 04 Avril 2011

On sait que la licéité d'une clause de non-concurrence est subordonnée à quatre conditions : elle doit être justifiée par les intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et l'espace, tenir compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporter une contrepartie financière à la charge de l'employeur. Reprenant à son compte ces conditions, la Chambre commerciale considère, dans un important et curieux arrêt rendu le 15 mars 2011, qu'elles doivent être réunies lorsqu'un salarié est tenue d'une obligation de non-concurrence en vertu, non pas de son contrat de travail, mais d'un pacte d'actionnaires. Si la décision retient l'attention à ce titre, elle est, également, intéressante au regard de la mise en oeuvre des conditions précitées par la Chambre commerciale. Outre qu'elle paraît vouloir soumettre une clause de non-sollicitation de clientèle à l'exigence d'une limitation dans l'espace, elle laisse entendre que la contrepartie à la charge de l'employeur peut prendre la forme d'une attribution d'actions, en lieu et place d'une somme d'argent.
Résumé

Lorsqu'elle a pour effet d'entraver la liberté de se rétablir d'un salarié, actionnaire ou associé de la société qui l'emploie, la clause de non-concurrence signée par lui n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour la société de verser à ce dernier une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives.

Observations

I - La source de l'obligation de non-concurrence

  • Spécificité de la source

Salarié, depuis 1995, de la société HBI, spécialisée dans l'organisation de transports internationaux à Marseille, M. X avait bénéficié, en février 2004, de la part de l'actionnaire principal de la société, de l'attribution de quarante actions de celle-ci au prix symbolique d'un euro. Il s'agissait, par cette opération avantageuse, de récompenser ses bons et loyaux services et son implication personnelle dans la société. Cette cession et ses conditions avaient été formalisées dans un pacte d'actionnaires contenant une clause de non-concurrence envers la société. Le 4 octobre 2005, M. X avait démissionné de son emploi, pour entrer au service de l'agence marseillaise de la société Coquelle Gourdin, concurrente de son ancien employeur. Soutenant que son ancien salarié démarchait systématiquement sa clientèle en proposant des conditions plus avantageuses et que plusieurs de ses clients s'étaient détournés pour s'adresser à la société Coquelle Gourdin, la société HBI avait fait assigner M. X ainsi que la société Coquelle Gourdin en réparation.

L'employeur entendait donc se prévaloir d'une clause de non-concurrence qui, une fois n'est pas coutume, ne figurait pas dans le contrat de travail du salarié mais dans un pacte d'actionnaires. Cela peut évidemment surprendre étant entendu que, comme son nom l'indique, cet acte juridique a habituellement pour objet de régler les rapports entre actionnaires (1). On est tenté de considérer qu'il en était ainsi, en l'espèce, puisque M. X était à la fois salarié et actionnaire de la société qui l'employait. Il faut néanmoins souligner que l'obligation de non-concurrence s'appliquait à lui en tant qu'il était salarié et non actionnaire. On peut d'ailleurs se demander s'il est véritablement dans le pouvoir d'un actionnaire, serait-il majoritaire, d'imposer une clause de non-concurrence dont le créancier ne peut être que l'employeur, en l'occurrence une personne morale (2).

Toujours est-il que, tenant compte de la spécificité de la source de l'obligation de non-concurrence, les juges d'appel avaient jugé que, dans la mesure où elle était insérée dans un pacte d'actionnaires, elle n'était pas subordonnée à l'existence d'une contrepartie financière. Ce n'est pas la voie qu'a empruntée la Chambre commerciale qui conclut quant à elle à l'indifférence de la source de cette obligation.

  • Indifférence de la source

Visant le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle, ensemble l'article 1131 du Code civil (N° Lexbase : L1231AB9), la Cour de cassation censure la décision des juges du fond sur ce point. Ainsi qu'elle l'affirme "lorsqu'elle a pour effet d'entraver la liberté de se rétablir d'un salarié, actionnaire ou associé de la société qui l'emploie, la clause de non-concurrence signée par lui n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour la société de verser à ce dernier une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives".

Cette solution, qui conduit à subordonner la validité de clause de non-concurrence insérée dans un pacte d'actionnaires, aux mêmes conditions que lorsqu'elle figure dans un contrat de travail (3) doit être pleinement approuvée. En effet, quelle que soit sa source (4), cette obligation a pour effet de porter atteinte au principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle. Il importe donc peu que le salarié soit également actionnaire ou associé de la société qui l'emploie puisque c'est en tant que salarié qu'il est lié par l'obligation en cause.

On ne peut s'empêcher à cet égard de relever que la Chambre commerciale prend soin de viser le "salarié, actionnaire ou associé". Cela laisse entendre que cette formation de la Cour de cassation n'entend pas modifier sa jurisprudence aux termes de laquelle la clause de non-concurrence applicable à un dirigeant ou à un actionnaire cédant ses titres est valable alors même qu'elle ne comporte pas de contrepartie financière (5). Cela est contestable dans la mesure où une telle stipulation porte aussi atteinte au principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle. De même, l'application de l'article 1131 du Code civil ne paraît pas non plus pouvoir être écartée dans cette situation.

Cela étant, parce qu'il était salarié, la clause de non-concurrence de M. X ne pouvait être valable que si les quatre conditions auxquelles une telle stipulation est subordonnée étaient réunies.

II - Les conditions de validité de l'obligation de non-concurrence

  • La contrepartie financière

Pour en revenir à l'arrêt sous examen, la cour d'appel, après avoir décidé que, parce qu'elle figurait dans un pacte d'actionnaires, la clause de non-concurrence n'était pas subordonnée à l'existence d'une contrepartie financière, avait jugé qu'au demeurant, le droit d'entrée de M. X dans le capital de la société HBI avait été symbolique et constituait la contrepartie financière.

Là encore la décision des juges du fond est censurée, mais au visa cette fois de l'article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC). Selon la Chambre commerciale, "en statuant ainsi, alors que les termes du pacte d'actionnaires, relevés par l'arrêt, précisaient que l'attribution des actions à M. X était réalisée en contrepartie de ses 'bons et loyaux services', de son implication personnelle' et de 'l'activité déployée par lui, dans l'activité et le développement de la société HBI', la cour d'appel a dénaturé les termes de cette convention et violé le texte susvisé".

Sans doute peut-on ici comprendre que l'attribution des actions à un prix préférentiel trouvait sa cause dans les services rendus par le salarié à la société et ne pouvait donc être considérée comme la contrepartie l'obligation de non-concurrence. Mais, pour ce faire, la Chambre commerciale s'en tient aux stipulations du pacte d'actionnaires qui, effectivement, s'attachaient expressément à l'activité du salarié. Par voie de conséquence, la solution laisse entière la question de savoir si, en fait de contrepartie pécuniaire, il pourrait être attribué au salarié, non pas une somme d'argent, mais des actions à un prix préférentiel. La Chambre commerciale ne l'exclut pas explicitement et on ne voit pas, sous réserve de considérations très pratiques (6), ce qui l'interdirait, dès lors que l'attribution de ces actions n'est pas motivée par une autre raison (7). Dans une telle hypothèse, la clause de non-concurrence aura bel et bien une cause. Pour autant, cela peut ne pas apparaître pleinement satisfaisant. Au-delà de strictes considérations juridiques, la contrepartie financière à l'obligation de non-concurrence garantit à son débiteur un certain revenu (8). Or, sauf à céder ses actions immédiatement après la rupture de son contrat de travail et se trouver ainsi propriétaire d'un capital, l'ancien salarié ne peut compter que sur d'éventuels dividendes.

  • Les autres conditions

Les juges d'appel avaient encore retenu que la clause de non-concurrence était justifiée par un motif légitime, qu'elle était proportionnée et n'apportait pas une restriction trop importante à la liberté du travail de M. X, lequel pouvait continuer à exercer dans le secteur professionnel qui était le sien, mais devait seulement ne pas démarcher la seule clientèle de la société HBI. Cette argumentation n'aura pas plus convaincu la Chambre commerciale qui considère "qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la clause était limitée géographiquement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale".

Dans la mesure où la clause de non-concurrence doit, pour être licite, être limitée dans l'espace, la solution paraît ici relever de l'évidence. Elle prend néanmoins un relief particulier si l'on a égard au fait que l'arrêt laisse ici entendre que la stipulation se bornait en fait à interdire au salarié de solliciter les clients de la société qui l'employait. Ce faisant, on était moins en présence d'une clause de non-concurrence que d'une clause dite "de clientèle" (9). Si ces clauses ont en commun de porter atteinte au libre exercice d'une activité professionnelle, ce qui justifie à notre sens qu'elles soient en principe soumises aux même exigences quant à leur validité, ces dernières paraissent devoir être adaptées s'agissant de la clause de clientèle. Il en va spécialement, sinon uniquement, ainsi de la condition de limitation dans l'espace qui n'a guère de sens dès lors que l'on se borne à exiger de l'ancien salarié qui ne sollicite pas les clients de son ancien employeur. C'est pourtant ce qu'exige curieusement la Chambre commerciale.


(1) Sur ces pactes d'actionnaires, v. notamment, M. Cozian, A. Viandier et Fl. Deboissy, Droit des sociétés, Litec, 23ème édition, 2010, n° 722.
(2) Cette personne morale employeur ne pourrait-elle pas alors soutenir, par l'intermédiaire de son représentant, que la clause de non-concurrence ne lui est pas opposable afin, par exemple, de se dégager de l'obligation de verser la contrepartie financière ?
(3) Sur ces conditions, v. J. Pélissier, G. Auzero, E. Dockès, Droit du travail, Précis Dalloz, 25ème édition, 2010, p. 308 et s.
(4) Remarquons que le fait que la clause de non-concurrence figure dans une convention collective de travail ne l'a fait pas non plus échapper à ces conditions de validité.
(5) Elle se contente pour l'heure d'exiger une "proportionnalité" entre la clause et l'objet du contrat liant le débiteur à la société : J. Mestre et D. Velardocchio, Lamy Sociétés commerciales, 2010, § 659 et 1088.
(6) Il conviendrait notamment d'apprécier la valeur de ces actions afin de vérifier que la contrepartie n'est pas symbolique.
(7) Ce qui nous paraît exclure que cette contrepartie puisse prendre la forme d'actions gratuites qui, par définition, n'ont pas de contrepartie. En revanche, il pourrait être attribué au salarié des options de souscription ou d'achat d'actions.
(8) Ce qui explique peut-être en partie que cette contrepartie soit assimilée à un salaire et non à des dommages-intérêts.
(9) M. Castronovo, Clause de clientèle et clause de non-concurrence, RDT, 2010, p. 507.

Décision

Cass. com., 15 mars 2011, n° 10-13.824, F-P+B (N° Lexbase : A1682HDN)

Cassation, CA Aix-en-Provence, 2ème ch., 12 novembre 2009

Textes visés : principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle, C. civ., art. 1131 (N° Lexbase : L1231AB9) et 1134 (N° Lexbase : L1234ABC)

Mots-clés : clause de non-concurrence, conditions de validité, pactes d'actionnaires, contrepartie financière, nature.

Liens base : (N° Lexbase : E8703ES7)

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Contrats administratifs

[Doctrine] Chronique de droit interne des contrats publics - Mars 2011

Lecture: 13 min

N7773BRC

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par François Brenet, Professeur de droit public à l'Université Paris VIII Vincennes Saint-Denis

Le 20 Octobre 2011

La chronique d'actualité des contrats publics en droit interne met, ce mois-ci, l'accent sur trois décisions. La première consacre une nouvelle extension des pouvoirs du juge du contrat en le dotant d'un pouvoir d'annulation des décisions de résiliation (CE Sect., 21 mars 2011, n° 304806, publié au recueil Lebon). Une seconde série de décisions précise l'articulation entre les offices respectifs du juge de l'excès de pouvoir, du juge de l'injonction et du juge du contrat (CE 2° et 7° s-s-r., 21 février 2011, n° 335306 et n° 335480, mentionné aux tables du recueil Lebon ; CE 2° et 7° s-s-r., 21 février 2011, n° 337349 et n° 337394, publié au recueil Lebon). Enfin, une récente décision de la Cour de cassation montre que la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001, portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier (N° Lexbase : L0256AWE), dite loi "Murcef", n'a pas réglé toutes les difficultés liées à la qualification juridique des contrats d'assurances conclus par les personnes publiques (Cass. civ. 1, 23 février 2011, n° 09-15.272, FS-P+B+I).
  • Les suites de l'affaire "Commune de Béziers" : l'élargissement des pouvoirs du juge du contrat se confirme (CE Sect., 21 mars 2011, n° 304806, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A5712HIE)

La transformation de l'office du juge du contrat se poursuit, comme le montre l'arrêt rendu par la section du contentieux du Conseil d'Etat le 21 mars 2011 dans ce qu'il est convenu d'appeler l'affaire "Commune de Béziers". Celle-ci est, désormais, connue de ceux qui s'intéressent au droit des contrats administratifs en général, et au droit du contentieux des contrats administratifs en particulier, puisqu'elle a déjà donné lieu à un arrêt du 28 décembre 2009 d'une grande importance (1).

En 1969, deux communes avaient constitué un syndicat intercommunal à vocation multiple dans le but d'acquérir des terrains et d'étendre une zone industrielle située sur le territoire de la commune A. Parce qu'une telle opération engendrait un transfert du produit de la taxe professionnelle au profit de la seule commune d'accueil de cette zone industrielle, les deux communes ont conclu un contrat le 10 octobre 1986 aux termes duquel la commune A verserait une partie de la taxe professionnelle à la commune B. Ce contrat fut régulièrement exécuté pendant dix ans, avant que le maire de la commune A n'informe le maire de l'autre commune, par une lettre du 22 mars 1996, que le contrat serait résilié à compter du 1er septembre 1996 et que tout reversement serait donc interrompu à compter de cette même date. Deux contentieux sont alors nés, un contentieux indemnitaire, d'une part, et un contentieux portant sur la validité de la décision de résiliation, d'autre part. Le premier a débouché sur l'arrêt du 28 décembre 2009 et a conduit au renvoi de l'affaire devant la cour administrative d'appel de Marseille en vue de son règlement au fond (lequel n'est toujours pas intervenu à ce jour). Le second contentieux, relatif à la validité de la décision de résiliation, a donné l'occasion au Conseil d'Etat de revenir sur une jurisprudence ancienne et très contestable selon laquelle le juge du contrat n'a pas, en principe, le pouvoir d'annuler une décision de résiliation unilatérale édictée par l'administration. Désormais, le juge du contrat dispose d'un tel pouvoir d'annulation qu'il peut exercer dans des conditions qui ont été utilement précisées par l'arrêt du 21 mars 2011.

1) Comme cela a été montré par le Professeur Philippe Terneyre (2), le contentieux des contrats administratifs comporte un certain nombre de paradoxes. Parmi ceux-ci figure en bonne place la solution ancienne et constante selon laquelle le juge du contrat ne dispose pas par principe du pouvoir de prononcer l'annulation des mesures d'exécution prises par l'administration à l'égard de son cocontractant, qu'il s'agisse d'une sanction, d'une modification du contrat, ou même de sa résiliation. Enoncée pour la première fois par l'arrêt "Goguelat" du 20 février 1868 (3) en matière de marché public de travaux, cette solution a, ensuite, été appliquée à d'autres catégories de contrats administratifs, avant d'être généralisée à l'ensemble des contrats administratifs dont l'expression la plus nette résulte d'un arrêt du 17 mars 1976 (4), dans lequel il est indiqué que "le juge des contestations relatives aux contrats administratifs n'a pas le pouvoir de prononcer l'annulation des mesures prises par l'administration à l'encontre de son cocontractant". Cette absence de pouvoir d'annulation est compensée par la reconnaissance, au profit du cocontractant de l'administration, d'un droit à indemnisation. Cette jurisprudence s'inscrit dans le schéma "classique" du contrat administratif, c'est-à-dire dans lequel l'administration dispose de pouvoirs exorbitants du droit privé, et son cocontractant, de droits financiers, intervenant en compensation.

Il reste que cette solution a progressivement fait apparaître ses limites, précisément dans des contrats et à l'égard de mesures pour lesquels le droit à indemnisation attribué au cocontractant ne suffisait pas à réparer son entier préjudice. La jurisprudence a donc attribué au compte-gouttes un pouvoir d'annulation au juge du contrat à l'égard des actes unilatéraux les plus graves, ceux mettant fin aux relations contractuelles (résiliation, non renouvellement par exemple), à condition, toutefois, qu'ils se rapportent à des contrats de longue durée ayant nécessité des investissements importants (concession (5), marché d'entreprise de travaux publics (6). Un pouvoir d'annulation a, également, été reconnu à l'égard d'autres contrats administratifs, non en raison des investissements qu'ils supposaient, mais au regard de leurs caractéristiques intrinsèques : contrats d'occupation du domaine public (7), contrats de gérance de débit de tabac (8), contrats conclus entre deux personnes publiques et ayant pour objet l'organisation d'un service public (9).

De ce principe et de ces nombreuses exceptions, il ressortait finalement une jurisprudence difficilement compréhensible. Bien qu'étant un juge de pleine juridiction, c'est-à-dire un juge disposant théoriquement des pouvoirs les plus larges, le juge du contrat était finalement un juge "mutilé", car ne disposant pas du pouvoir d'annulation. La solution était d'autant plus difficilement acceptable qu'elle ne reposait sur aucun fondement théorique solide (10). Plus encore, elle paraissait en décalage complet avec les droits reconnus aux tiers, puisque ces derniers étaient en mesure de demander et d'obtenir du juge de l'excès de pouvoir qu'il annule ces mesures d'exécution qui étaient considérées comme détachables du contrat à leur égard. C'est avec cette solution dépassée que rompt l'arrêt du 21 mars 2011, et l'on ne peut que s'en féliciter.

2) L'arrêt du 21 mars 2011 ne remet pas en cause frontalement le principe selon lequel le juge du contrat ne dispose pas d'un pouvoir d'annulation. Il rappelle, en effet, que "le juge du contrat, saisi par une partie d'un litige relatif à une mesure d'exécution du contrat, peut seulement, en principe, rechercher, si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité". Cependant, ce principe est abandonné à l'égard des décisions de résiliation et rien ne dit que le Conseil d'Etat n'en fera pas de même à l'avenir pour les sanctions et les modifications unilatérales. En attendant, il est dorénavant certain qu'une partie à un contrat administratif peut former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles. S'il apparaît au juge du contrat que la décision de résiliation est entachée de vices relatifs à sa régularité (autorité incompétente, détournement de pouvoir, par exemple) ou à son bien-fondé (manquement au contrat non constitué, etc.), celui-ci pourra, alors, ordonner la reprise des relations contractuelles à compter d'une date déterminée par lui. Encore faut-il noter que cette reprise des relations contractuelles ne pourra être ordonnée que si elle n'est pas devenue sans objet, ou de nature à porter une atteinte excessive à l'intérêt général, ou aux droits du titulaire du nouveau contrat conclu par la personne publique à la suite de la résiliation. Le juge du contrat pourra donc assortir sa décision de poursuite des relations contractuelles de l'obligation pour l'administration d'indemniser son cocontractant pour le préjudice subi du fait de la résiliation. Une telle indemnisation devra être demandée par le cocontractant, et ne pourra donc pas être imposée d'office par le juge.

L'intérêt de cette nouvelle solution réside, également, dans la faculté offerte au cocontractant de l'administration d'assortir sa demande d'annulation d'un référé suspension de l'article L. 521-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3057ALS). A vrai dire, la possibilité donnée au cocontractant de l'administration de demander au juge du contrat d'ordonner la poursuite des relations contractuelles n'aurait pas eu grande signification en pratique s'il n'avait pu assortir sa demande d'un référé-suspension. En effet, faute d'intervention rapide de juge du contrat, l'administration aurait toujours pu s'organiser pour faire obstacle à la reprise des relations contractuelles, soit, par exemple, en reprenant le service public en régie, soit en en confiant la gestion à un autre délégataire. Il lui aurait suffi de créer les conditions plaçant le juge du contrat dans l'impossibilité d'ordonner la reprise des relations contractuelles. Il faut donc se féliciter de cette solution qui, sur le strict plan juridique, n'allait pourtant pas de soi, puisque le premier alinéa de l'article L. 521-1 du Code de justice administrative dispose que la suspension de l'exécution d'une décision administrative ne peut être demandée qu'à l'occasion d'une "requête en annulation ou en réformation". Comme il l'avait fait en 2007 dans le cadre du recours "Tropic" (11), le Conseil d'Etat a fait, en l'espèce, un certain effort de lecture pour permettre au cocontractant d'obtenir, à titre provisoire, une reprise des relations contractuelles.

  • Comment concilier les offices respectifs du juge de l'annulation, du juge de l'injonction et du juge du contrat ? Le début de réponse du Conseil d'Etat (CE 2° et 7° s-s-r., 21 février 2011, n° 335306 et n° 335480, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7016GZU ; CE 2° et 7° s-s-r., 21 février 2011, n° 337349 et n° 337394, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A7022GZ4)

Le renouvellement de l'office du juge du contrat opéré à partir de 2007, approfondi en 2009, et confirmé encore tout récemment dans la décision du 21 mars 2011 étudiée précédemment, ne s'est pas traduit par une simplification du contentieux des contrats administratifs. Or, l'empilement des voies de recours n'est pas sans poser de redoutables difficultés. Parmi celles-ci, figure, en bonne place, la question centrale de l'articulation entre ces différents recours, spécialement entre le recours pour excès de pouvoir, le recours devant le juge de l'injonction, et le recours devant le juge du contrat. En effet, la jurisprudence "Tropic" n'a nullement remis en cause la théorie des actes détachables qui permet aux tiers "ordinaires" (12) (c'est-à-dire ceux ne possédant pas la qualité de concurrent évincé, et qui ne sont donc pas susceptibles d'exercer un recours en contestation de validité du contrat) de demander au juge de l'excès de pouvoir de se prononcer sur la légalité des actes administratifs détachables du contrat (13). La théorie des actes détachables demeure la seule solution envisageable pour les tiers n'ayant pas la qualité de concurrent évincé, mais aussi pour ceux qui ont cette qualité mais qui ne peuvent bénéficier d'un accès au juge du contrat au titre du recours "Tropic", le processus de conclusion du contrat qu'ils contestent ayant été engagé avant le 16 juillet 2007. Elle permet aux tiers de contester la légalité d'un acte détachable et d'assortir leur recours d'une demande d'injonction visant à ce qu'il soit fait obligation aux parties de tirer les conséquences de l'annulation prononcée, soit directement, soit en s'adressant au juge du contrat.

Cette solution, issue d'un arrêt du 7 octobre 1994 (14), a été réaffirmée et aménagée en 2003 (15), par un arrêt qui a précisé que "l'annulation d'un acte détachable d'un contrat n'implique pas nécessairement la nullité dudit contrat [...] il appartient au juge de l'exécution, saisi d'une demande d'un tiers, d'enjoindre à une partie au contrat de saisir le juge compétent afin d'en constater la nullité, de prendre en compte la nature de l'acte annulé, ainsi que le vice dont il est entaché, et de vérifier que la nullité du contrat ne portera pas, si elle est constatée, une atteinte excessive à l'intérêt général". De ce considérant de principe, il ressort clairement que le juge de l'injonction n'est pas un simple relai entre le juge de l'excès de pouvoir et le juge du contrat mais qu'il lui revient, au contraire, de filtrer les annulations prononcées par le juge de l'excès de pouvoir qui méritent de se poursuivre par une saisine du juge du contrat. Cette solution se comprend aisément. Elle présente l'avantage pratique indéniable de purger certains contentieux en évitant une saisine inutile du juge du contrat, soit parce que l'acte annulé n'était pas essentiel, soit parce que le vice de légalité n'était pas décisif, soit parce que l'intérêt général s'y oppose.

Il reste que cette solution pose problème car elle revient à faire juger la même question (quelles conséquences faut-il tirer de l'annulation d'un acte détachable ?) par deux juges distincts. Elle l'est d'autant plus que, si le juge de l'exécution peut enjoindre aux parties de saisir le juge du contrat afin qu'il en prononce l'annulation (le concept de nullité étant à bannir depuis l'intervention de l'arrêt "Commune de Béziers" du 28 décembre 2009), c'est au juge du contrat, et à lui seul, qu'appartient ce pouvoir. Et comme le Conseil d'Etat l'a relevé dans un arrêt du 9 avril 2010 (16), "il appartient, en principe, au juge du contrat d'apprécier, en fonction de la nature du vice ayant conduit à l'annulation de l'acte détachable du contrat et de son éventuelle régularisation, les conséquences de cette annulation sur la continuité ou la validité du contrat". Cependant, cet arrêt a, également, posé une limite importante au pouvoir d'appréciation du juge du contrat puisqu'il a considéré que, lorsque le juge de l'injonction décide d'utiliser l'intégralité de ses pouvoirs en ordonnant aux parties de saisir le juge du contrat d'une action en annulation, le juge du contrat est, alors, lié par l'appréciation portée avant lui par le juge de l'exécution. Dans cette hypothèse particulière, le juge du contrat n'est, alors, plus que le "juge du constat", selon la formule employée par M. Nicolas Boulouis dans ses conclusions (17).

C'est précisément ce défaut que le Conseil d'Etat vient corriger dans les arrêts rendus le 21 février 2011. Le considérant de principe de l'arrêt rendu le 10 décembre 2003 (18) est, en effet, amendé afin de réaffirmer l'entier pouvoir d'appréciation du juge du contrat. Plus précisément, c'est un raisonnement en deux temps qui est consacré par la jurisprudence. Est réaffirmée, tout d'abord, la règle selon laquelle l'annulation d'un acte détachable d'un contrat n'implique pas nécessairement la "nullité" (19) dudit contrat. A cet égard, le juge de l'injonction conserve son rôle de filtre puisqu'il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité commise, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues entre les parties, soit, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, d'enjoindre à la personne publique de résilier le contrat, le cas échéant avec un effet différé, soit, eu égard à une illégalité d'une particulière gravité, d'inviter les parties à résoudre leurs relations contractuelles. A ce stade, tout est donc mis en place afin que l'intervention du juge de l'exécution ne soit pas une intervention pour rien, mais, bien au contraire, une intervention destinée à ce que toutes les conséquences de l'annulation de l'acte détachable soient tirées sans qu'il soit nécessaire de s'adresser au juge du contrat. Ce n'est qu'à défaut d'entente sur cette résolution, et c'est là qu'intervient le deuxième temps du raisonnement qui constitue l'apport majeur des arrêts du 21 février 2011, que le juge de l'exécution pourra enjoindre aux parties de saisir le juge du contrat afin qu'il règle les modalités de la résolution s'il estime qu'elle peut être une solution appropriée. C'est donc in fine au juge du contrat que revient la mission de prononcer, ou non, la résolution du contrat.

Faut-il se satisfaire de cette solution ? Ce n'est pas certain. Elle constitue un début de réponse à la problématique de l'articulation entre les différentes voies de recours en matière contractuelle. Mais elle n'est pas pleinement satisfaisante car elle ne simplifie guère l'architecture générale du contentieux des contrats administratifs. Elle implique, en effet, dans les cas ultimes, l'intervention de trois juges distincts (juge de l'excès de pouvoir, juge de l'exécution et juge du contrat), là où il serait, sans aucun doute, plus normal de ne faire intervenir que le seul juge du contrat. Il suffirait, pour cela, de permettre à tous les tiers, et non pas seulement à ceux ayant la qualité de concurrent évincé, d'exercer une action directe en contestation de validité du contrat.

  • La nature juridique des contrats d'assurances conclus par les personnes publiques : le cas des contrats non soumis au Code des marchés publics au moment de leur conclusion (Cass. civ. 1, 23 février 2011, n° 09-15.272, FS-P+B+I N° Lexbase : A4664GXZ)

La loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001, dite loi "Murcef" a largement simplifié le contentieux des marchés publics en posant le principe de leur administrativité et de la compétence du juge administratif pour en connaître. Elle n'a, cependant, pas réglé toutes les difficultés comme le montre l'arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 23 février 2011. Dans la présente espèce, un syndicat intercommunal avait conclu en 1993 un contrat d'assurance relatif à une usine de traitement des déchets. A la suite d'un sinistre survenu en septembre 2000, un contentieux s'est engagé entre le syndicat et son assureur devant les juridictions civiles. Le juge d'appel a, alors, fait droit à l'exception d'incompétence soulevée par l'assureur au motif que l'action avait été engagée en 2006, soit après l'entrée en vigueur de la loi "Murcef".

La Cour de cassation casse cet arrêt au motif que le contrat d'assurance n'était pas, au moment de sa conclusion, un marché public. En effet, les contrats d'assurance des personnes publiques ont été soumis au droit des marchés publics par le décret n° 98-111 du 27 février 1998 (N° Lexbase : L3814HPX). Cela implique que tous ceux qui ont été conclus antérieurement ne peuvent pas être considérés, selon les dispositions de la loi "Murcef", comme passés "en application du Code des marchés publics". Ils sont donc, en principe, des contrats privés (sauf s'ils satisfont aux critères jurisprudentiels du contrat administratif), et leur contentieux relève de la compétence du juge judiciaire.

François Brenet, Professeur de droit public à l'Université Paris VIII Vincennes Saint-Denis et Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition publique


(1) CE, Ass, 28 décembre 2009, publié au recueil Lebon, RFDA, 2010, p. 506, concl. E. Glaser, p. 519, note D. Pouyaud.
(2) P. Terneyre, Les paradoxes du contentieux de l'annulation des contrats administratifs, EDCE, 1988, n° 39, p.69, et la réponse de M. Fornacciari, Contribution à la résolution de quelques "paradoxes", EDCE, 1988, n° 39, p. 93.
(3) CE, 20 février 1868, Rec. CE, p. 198.
(4) CE 1° et 4° s-s-r., 17 mars 1976, Rec. CE, p.1008.
(5) CE, 8 février 1878, Rec. CE, p. 128 ; CE, 20 janvier 1905, Rec. CE, p. 54.
(6) CE, Sect., 26 novembre 1971 (N° Lexbase : A8143B84), Rec. CE, p. 723, concl. M. Gentot.
(7) CE, Sect., 13 juillet 1968, n° 73161 (N° Lexbase : A9507B7A), Rec. CE, p. I.
(8) CE, Sect., 19 mars 1976, n° 98266 (N° Lexbase : A2948B8P) et n° 92631 (N° Lexbase : A2945B8L), Rec. CE, p.167.
(9) CE, Sect., 31 mars 1989, n° 60384, Rec. CE, p. 105 (N° Lexbase : A1615AQU) ; CE, Sect., 13 mai 1992, n° 101578 (N° Lexbase : A6736ARW).
(10) En ce sens, F. Melleray, Le crépuscule d'un paradoxe : vers la fin de l'autolimitation du juge du contrat ?, RDC, 2008, p. 620 ; F. Brenet, L'annulation des mesures d'exécution par le juge de plein contentieux, Renouveau et perspectives, Dr. adm., novembre 2000, p. 4.
(11) CE, Ass., 16 juillet 2007, n° 291545, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A4715DXW).
(12) Notons, toutefois, que la jurisprudence "Tropic" a eu pour effet de priver les concurrents évincés d'un accès au recours pour excès de pouvoir dirigé contre les actes détachables préalables à la passation du contrat.
(13) CE, 4 août 1905, n° 14220, Rec. CE, p. 749, concl. J. Romieu. Et l'arrêt qui l'avait précédé au sujet du recours des parties : CE, 11 décembre 1903, S. 1906, III, p. 49, note M. Hauriou.
(14) CE, Sect., 7 octobre 1994, n° 124244, Rec. CE, p. 430, concl. R. Schwartz.
(15) CE 5° et 7° s-s-r., 10 décembre 2003, n° 248950 (N° Lexbase : A4046DA4).
(16) CE 2° et 7° s-s-r., 9 avril 2010, n° 309480 (N° Lexbase : A5649EUR) et n° 309481 (N° Lexbase : A5650EUS), publiés au recueil Lebon.
(17) Nous remercions M. Nicolas Boulouis d'avoir bien voulu nous communiquer ses conclusions sur l'arrêt du 9 avril 2010.
(18) CE 5° et 7° s-s-r., 10 décembre 2003, n° 248950, précité.
(19) Sans doute faut-il comprendre annulation !

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Distribution

[Jurisprudence] Les conséquences de la nullité des contrats cadre de distribution sur les contrats d'application

Réf. : Cass. com., 8 février 2011, n° 10-10.847, F-D (N° Lexbase : A7327GWB)

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par Valérie Marx, Docteur en droit, Avocate à la cour d'appel de Paris

Le 01 Avril 2011

Les velléités de la société Chrysler de réorganiser son réseau de distribution en 1997 ont été à l'origine d'un véritable feuilleton judiciaire, ainsi qu'en témoigne un arrêt rendu le 8 février 2011 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation. Cet arrêt de rejet, qui n'a pas eu les faveurs du Bulletin, semble amorcer un revirement de jurisprudence concernant les effets de la nullité des contrats cadre de distribution sur les contrats d'application. La société Sonauto, importateur exclusif de la marque Chrysler, avait conclu des contrats de concession avec huit sociétés. Le 22 mai 1996, la société Sonauto a cédé son fonds de commerce avec les contrats de distribution à la société Chrysler France. Un peu plus d'un an plus tard, le cessionnaire a informé les membres du réseau de distribution de son intention de résilier la totalité des contrats de concession en raison de la nécessité de réorganiser son réseau, et, par courrier du 30 septembre 1997, elle leur a notifié la résiliation des contrats.
Les huit sociétés l'ont assignée en paiement de dommages-intérêts en soutenant qu'ils étaient liés par un contrat verbal d'exclusivité à durée indéterminée et auraient dû bénéficier d'un préavis d'au moins deux ans. Un arrêt irrévocable de la cour d'appel de Versailles du 18 mars 2004 a constaté que les parties considéraient comme acquise la nullité des contrats de concession signés entre les concessionnaires et la société Sonauto, cette dernière n'ayant pas respecté l'obligation d'information précontractuelle prévue par l'article L. 330-3 du Code de commerce (N° Lexbase : L8526AIM). La cour d'appel a estimé que les relations entre les concessionnaires et la société Chrysler France avaient été régies uniquement par des contrats nuls, à l'exclusion de contrats verbaux, et a débouté les concessionnaires de toutes leurs demandes à ce titre. Les juges du second degré ont par suite ordonné une expertise sur les conséquences de la nullité des contrats cadre. La société Chrysler a formé un pourvoi contre cet arrêt qui a été rejeté par arrêt du 19 décembre 2006. L'affaire étant revenue devant la cour d'appel de Versailles, cette dernière a considéré, le 25 juin 2009 (CA Versailles, 12ème ch., sect. 1, 25 juin 2009, n° 08/05471 N° Lexbase : A3011G4B), que devaient être pris en compte dans le cadre des restitutions les investissements et dépenses engagés par les distributeurs en leur qualité de concessionnaires Chrysler pour la publicité de la marque, pour les stages de formation du personnel, pour les dépenses informatiques, la participation à des foires exposition, la location de locaux spécifiquement aménagés pour la vente de véhicules Chrysler ou pour les investissements immobiliers réalisés spécialement pour pouvoir représenter la marque.

Sur pourvoi, la société Chrysler reproche à la cour d'appel de n'avoir pas donné de base légale à sa décision en incluant certains postes de charges dans les restitutions au seul motif que ces charges étaient imposées par le concédant et conditionnaient la qualité de concessionnaire, sans rechercher, d'une part, si ces postes n'étaient pas indissociables de l'exécution des contrats d'application validés par l'arrêt du 18 mars 2004 et, d'autre part, s'ils n'avaient pas été pris en compte dans les marges et bénéfices sur ventes réalisées par les concessionnaires et exclus des restitutions.

La Haute juridiction était alors appelée à se prononcer sur les conséquences de l'annulation des contrats cadre et plus particulièrement sur les règles gouvernant la détermination des prestations restituables. La Chambre commerciale estime que la cour d'appel a légalement justifié sa décision et rejette le pourvoi. La Haute juridiction, après avoir rappelé les motifs de l'arrêt d'appel selon lesquels "la nullité des contrats cadre ne remet pas en cause les contrats d'application, notamment les contrats de vente et de maintenance des véhicules, dès lors qu'ils ont été intégralement exécutés", considère que la cour pouvait légitimement décider l'exclusion des comptes de restitutions des excédents de marge brute et des charges directement liées à l'exécution des contrats d'application et ayant pour contrepartie les marges réalisées sur les ventes augmentées des éventuelles primes d'objectifs ou les marges sur les opérations de maintenance. Pour autant, la Haute juridiction valide l'intégration dans les restitutions des dépenses directement liées à l'exécution des contrats cadre, imposées par le concédant et conditionnant la qualité de concessionnaire, au titre desquelles, les frais de publicité, de personnel, de loyers et charges locatives des locaux d'exploitation ou d'amortissements de ces locaux.

L'abandon du contrôle de l'indétermination du prix sur le terrain de l'article 1129 du Code civil (N° Lexbase : L1229AB7) avait tari, pour une grande part, le contentieux des restitutions réciproques consécutives à l'annulation des contrats cadre. La jurisprudence relative à la violation de l'obligation d'information précontractuelle, sanctionnée par la nullité du contrat, ravive le débat. Cet arrêt nous donne également l'occasion de revenir sur la dichotomie entre les contrats cadre et les contrats d'application et de saisir les différences fondamentales entre ces deux types de contrats. Le contrat cadre est un contrat innomé, imaginé par les praticiens pour pallier les insuffisances de la théorie classique à maîtriser les relations contractuelles complexes de longue durée, seule la combinaison de plusieurs contrats étant de nature "à répondre de manière appropriée au prolongement des rapports commerciaux dans le temps" (1). Le contrat cadre permet, en effet, de scinder la structure contractuelle de l'opération économique en suscitant la conclusion de contrats d'application successifs. Il définit les règles principales auxquelles seront soumis les contrats d'application, consistant le plus souvent en de simples bons de commandes. Or, ce schéma à double détente pose de nombreuses difficultés dès qu'il s'agit d'envisager les conséquences de l'annulation du contrat cadre, qui sont d'autant plus prégnantes que le Code civil ne consacre aucune disposition d'ensemble aux effets de l'annulation (2) et que les règles relatives à la détermination des prestations restituables, leur évaluation, ou de manière générale, aux modalités des restitutions sont dégagées de manière casuistique par la jurisprudence. L'avant-projet de réforme du droit des obligations proposait, à cet égard, d'introduire dans le Code civil un corps de règles spécifiques à la matière, tant il semble "indispensable de définir un régime cohérent propre aux seules restitutions consécutives à l'annulation ou à la résolution" (3).

Cette décision apporte quelques éclaircissements louables concernant la détermination des prestations restituables consécutives à l'annulation des contrats cadre, en réaffirmant ainsi la spécificité des contrats cadre par rapport aux contrats d'application (I). Par ailleurs, en abandonnant les solutions traditionnellement retenues à propos des conséquences de l'annulation des contrats cadre sur les contrats d'application, la Cour de cassation semble conférer une plus grande autonomie aux contrats cadre. Il n'en reste pas moins que cette autonomie ne peut être que relative, en raison du lien intrinsèque unissant ces deux types de convention (II).

I - L'affirmation de la spécificité des contrats cadre par rapport aux contrats d'application

Après avoir jeté un regard rétrospectif sur le contentieux des restitutions consécutives à l'annulation des contrats cadre (A), il conviendra d'envisager l'apport de cet arrêt quant aux règles gouvernant la détermination des prestations restituables (B).

A - L'instabilité du régime des restitutions consécutives à l'annulation du contrat cadre

A la suite de la violation de l'article L. 330-3 du Code de commerce, mettant à la charge du promoteur de réseau une obligation d'information précontractuelle, les contrats cadre de distribution conclus par la société Sonauto ont fait l'objet d'un jugement d'annulation prononçant leur anéantissement rétroactif. En effet, lorsqu'un acte juridique est affecté d'une irrégularité, cette dernière est sanctionnée par la nullité de l'acte vicié. La nullité provoque l'anéantissement rétroactif de l'acte annulé (4). La disparition rétroactive du contrat a pour effet de replacer les parties dans la situation juridique qui existait avant la conclusion du contrat, engendrant des obligations réciproques de restituer les prestations exécutées. Les restitutions ont pour finalité le retour au statu quo ante et répondent, de ce fait, au principe de restitution intégrale et réciproque des prestations exécutées avant l'annulation. A s'en tenir à ces observations, le rétablissement de la situation antérieure semble assez simple. Pour autant, les conséquences de l'anéantissement rétroactif d'un contrat de longue durée emportent d'importantes difficultés pratiques. Tant la doctrine que les praticiens dénoncent les incertitudes et, parfois, l'incohérence du régime des restitutions, essentiellement construit par la jurisprudence. Le domaine de la distribution ne fait pas exception à ces reproches et présente, au contraire, des particularités propres à compliquer encore la matière. En effet, les liens unissant le contrat cadre et les contrats d'application invitent à réfléchir à la portée de la rétroactivité et à l'opportunité de répercuter systématiquement les effets de l'annulation sur les contrats d'application.

Cette conclusion peut au moins se prévaloir de la logique qui préside à la théorie des nullités : il y a là un lien logique, d'antériorité en quelque sorte. De plus, le contrat cadre arrête souvent des modalités importantes concernant la conclusion et l'exécution des contrats d'application, à l'image de la clause de réserve de propriété globale qui peut être déterminante du consentement des parties aux ventes.

Pendant une vingtaine d'années, la jurisprudence a donné plein effet à l'effet rétroactif en faisant systématiquement disparaître les contrats passés successivement en application d'un contrat cadre annulé. Le contrat annulé étant censé n'avoir jamais existé, la jurisprudence considérait qu'il devait emporter l'anéantissement consécutif des contrats d'application. L'annulation des contrats d'application entraînait la restitution du prix des ventes par le fournisseur et la restitution des produits livrés par le distributeur dès lors que les marchandises figuraient toujours dans son patrimoine. Les produits contractuels ayant le plus souvent fait l'objet d'une revente, la restitution en nature était impossible et ne pouvait avoir lieu qu'en valeur (5). La jurisprudence décidait, en outre, que les restitutions devaient être limitées à ce qui est nécessaire pour remettre les parties en l'état. L'évaluation doit en effet, autant que faire se peut, éviter qu'un des anciens contractants se voit restituer plus que nécessaire. Ainsi, l'évaluation ne doit pas tenir compte des bénéfices et des pertes nées du contrat annulé. A cet égard, la jurisprudence a pu décider qu'en raison de l'anéantissement des contrats cadre, une compagnie pétrolière "était fondée à obtenir paiement non pas du prix au tarif qu'elle demandait et qui aboutissait à l'exécution des contrats nuls, mais de la valeur réelle des produits livrés, en excluant tout bénéfice pour elle" (6). Ainsi, il ne faut pas se référer au contrat annulé pour évaluer les restitutions (7).

Si les solutions retenues pouvaient emporter approbation, il n'en allait pas de même concernant celles relatives à l'évaluation des restitutions, ayant pour effet d'introduire la plus grande incohérence en la matière, tant au niveau de la notion de contrat cadre que de celle de restitutions. Le contentieux des suites de l'annulation s'est en effet focalisé sur le problème de l'évaluation des prestations restituables. L'impossibilité de tenir compte des stipulations contractuelles pour évaluer les marchandises, objet des contrats de vente, aboutissait à faire bénéficier le distributeur de la marge bénéficiaire du fournisseur, puisque ce dernier, débiteur du prix perçu, ne se voyait restituer que la valeur réelle des produits. La doctrine a fait valoir que cette solution revenait à permettre au distributeur de cumuler ses marges bénéficiaires avec celles du vendeur (8). Par réaction, un mouvement inverse a vu le jour, initié par certaines cours d'appel. Afin d'introduire une plus grande équité, les juges du fond ont considéré que les restitutions ne pouvaient avantager les distributeurs (9), allant même jusqu'à imposer à ces derniers de restituer une valeur correspondant au prix de revente des produits, par une construction subtile et très contestable, consistant à considérer le distributeur comme le mandataire du fournisseur (10). Cette jurisprudence aboutissait, cette fois, à avantager le fournisseur.

Les voies empruntées, par la suite, par la jurisprudence n'ont pas permis de recouvrer la cohérence espérée en la matière. Elles ont au contraire contribué à brouiller davantage les notions de contrats cadre et de restitutions (11). L'arrêt du 8 février 2011 permet de revenir à une analyse plus rigoureuse de cette figure juridique particulière, au détour de la question de la détermination des prestations restituables consécutives à l'annulation des contrats cadre.

B - La détermination des prestations restituables consécutives à l'annulation des contrats cadre

L'arrêt du 8 février 2011 prend acte du particularisme de la distribution en réseau en distinguant les prestations exécutées au titre du contrat cadre de celles issues des contrats d'application. La question avait ici un intérêt pratique évident puisque les contrats d'application intégralement exécutés ne pouvaient pas être anéantis. Les prestations exécutées à ce titre étaient donc irrépétibles. Dès lors, la détermination des prestations restituables supposait d'examiner le contenu des contrats cadre annulés et d'identifier les stipulations imposant des sujétions aux distributeurs dans l'organisation de leur activité. En l'espèce, les contrats cadre annulés imposaient classiquement aux distributeurs des engagements en matière "de publicité, de personnel, de loyers et charges locatives des locaux d'exploitation ou d'amortissements de ces locaux". Par la suite, la Cour de cassation estime que la cour d'appel a légalement justifié sa décision "en retenant que ces dernières dépenses, obligatoires pour obtenir et conserver la qualité de concessionnaire, avaient été directement imposées par le concédant et en faisant ressortir par un rappel des obligations mises à la charge des concessionnaires par les contrats nuls qu'elles correspondaient à leur exécution". Ainsi, lorsque le contrat annulé appartient à un ensemble de contrats, il s'avère nécessaire d'identifier l'acte juridique ayant donné naissance aux obligations exécutées dont les parties sollicitent la restitution. La détermination des prestations restituables ne peut s'opérer qu'à l'issue d'un examen du contrat cadre, voire des contrats d'application éventuels en cours d'exécution au jour de l'annulation. Le calcul et l'évaluation des restitutions impliquent, de plus, que l'on détermine ensuite pour chaque obligation exécutée les avantages directs et indirects reçus qui feront l'objet de la restitution.

L'appréciation du contenu du contrat cadre donne à la Cour de cassation l'opportunité de préciser cette figure juridique et de réaffirmer implicitement la spécificité des contrats cadre par rapport aux contrats d'application (12). On le voit, le contrat cadre de distribution se distingue radicalement des contrats d'application de par la nature de leurs obligations. Ainsi que l'illustre cet arrêt, le contrat cadre a pour fonction d'intégrer le distributeur dans un ensemble contractuel organisé, le réseau de concession, ainsi que de standardiser et d'uniformiser les relations contractuelles à venir (13). En effet, en contrepartie de son intégration au réseau et de l'exclusivité territoriale dont il bénéficie, le concessionnaire renonce à l'essentiel de sa liberté d'exploitation en s'engageant à respecter les normes imposées par le fournisseur ainsi que sa politique commerciale. En principe, ces normes de commercialisation visent à préserver l'image des produits et à renforcer l'unité du réseau. Il en va ainsi, notamment, des obligations imposant aux distributeurs d'employer du personnel qualifié et d'assurer sa formation professionnelle (14), ou encore celles relatives à la garantie de réseau, à l'information du concédant sur l'état des ventes ou les exigences de la clientèle, voire des normes de présentation des produits contractuels ou d'aménagement du local commercial. Les contrats d'application organisent, quant à eux, de manière ponctuelle et successive, le transfert de propriété des marchandises. Autrement dit, au rebours des contrats d'application, les produits contractuels ne constituent pas directement l'objet du contrat cadre de concession (15). La fourniture de ces produits interviendra par la conclusion de contrats d'application.

Si l'on ne peut qu'approuver cet arrêt en ce qu'il a mis en exergue la spécificité des contrats cadre par rapport aux contrats d'application, l'appréciation de la première partie des motifs de la Cour de cassation relative au périmètre de la rétroactivité, est plus mitigée. L'autonomie du contrat cadre ne peut être que relative en raison de la complémentarité des contrats d'application.

II - L'autonomie juridique relative des contrats cadre par rapport aux contrats d'application

L'arrêt du 8 février 2011 amorce un revirement de jurisprudence en décidant que l'annulation des contrats cadre laisse intacts les contrats d'application intégralement exécutés. Si l'aménagement des effets de la rétroactivité de la nullité des contrats cadre peut être louée à certains égards (A), elle ne peut, en revanche, supprimer le lien entre ces deux types de convention (B).

A - L'aménagement des effets de la rétroactivité de la nullité des contrats cadre

La Chambre commerciale de la Cour de cassation rompt avec la jurisprudence antérieure en décidant que "la nullité des contrats cadre ne remet pas en cause les contrats d'application, notamment les contrats de vente et de maintenance des véhicules, dès lors qu'ils ont été intégralement exécutés". Cette position avait déjà été suivie par certaines cours d'appel qui ne déployaient la sanction de la nullité des contrats cadre que sur les contrats d'application en cours d'exécution. Ainsi, la cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 7 juin 1990, limitait les effets de la nullité pour indétermination du prix aux seuls contrats cadre, estimant que cela ne saurait "priver rétroactivement de toute efficacité les diverses opérations effectuées successivement dans le cadre de la gérance et dans celui du mandat, alors que lesdits contrats sont normalement arrivés à leur terme, après une exécution sans réserve de ses obligations par chacune des parties" (16). Cet arrêt avait cependant était cassé par la Chambre commerciale de la Cour de cassation, le 23 juin 1992 (17). La Haute juridiction estimait alors que l'annulation du contrat cadre devait emporter l'anéantissement rétroactif de l'ensemble des contrats. Dès lors que la disparition du contrat cadre ne se répercute que sur les contrats d'application en cours d'exécution, à l'exclusion de ceux qui ont été intégralement exécutés, la Cour de cassation en conclut que les concessionnaires ne pouvaient solliciter la restitution de prestations "directement liées à l'exécution des contrats d'application et qui ont pour contrepartie les marges réalisées sur les ventes augmentées des éventuelles primes d'objectifs ou les marges sur les opérations de maintenance".

En principe, et sauf à ce que le rétablissement de la situation antérieure soit impossible, l'anéantissement rétroactif de l'acte juridique annulé doit s'exercer pleinement par le jeu des restitutions réciproques. Or, l'annulation rétroactive de l'ensemble contractuel constitué par le contrat cadre et ses contrats d'application n'en reste pas moins extrêmement compliquée en pratique, puisqu'elle impose de revenir sur les prestations contractuelles exécutées en vertu de plusieurs contrats distincts quoique complémentaires et, par définition, sur une longue durée. Un aménagement du régime de la nullité par une limitation de son effet rétroactif aux contrats d'application non intégralement exécutés a alors le mérite de la simplicité. Il permet, en outre, d'éviter une remise en cause trop facile de contrats d'application valablement formés et correctement exécutés, qui ont d'ailleurs, le plus souvent, été suivis par des reventes aux consommateurs, le fournisseur et le concessionnaire ayant tous les deux perçu leur marge bénéficiaire. En d'autres termes, la limitation de l'effet rétroactif insuffle une plus grande sécurité juridique sur l'opération d'ensemble.

Est-ce à dire, pour autant, que cet arrêt reconnaît l'autonomie juridique du contrat cadre par rapport au contrat d'application ? Il n'en est rien. La solution retenue par la Cour de cassation n'est censée s'appliquer qu'aux contrats d'application "qui ont été intégralement exécutés". Les conséquences de l'anéantissement du contrat cadre se déploieront toujours à propos des contrats d'application en cours d'exécution. Si cette décision venait à être confirmée, la nullité jouera au sein de l'ensemble de contrats de la même manière que la résiliation d'une convention unique à exécution successive. Autrement dit, une telle solution, si elle venait à être confirmée, aurait pour conséquence de ne faire disparaître les contrats d'application que pour l'avenir. Une telle position pourrait trouver une justification dans le fait que les contrats d'application demeurent des contrats distincts. Autrement dit, ce sont des actes juridiques à part entière nécessitant un consentement, un objet et une cause qui leur sont propres (18). Effectivement, l'efficacité de chacune de ces conventions requiert un "double consentement", le premier à l'occasion de la conclusion du contrat cadre et le second lors de la conclusion du contrat d'application (19). Le second consentement n'est, en outre, pas systématiquement donné par les mêmes parties, lorsque, par exemple, le contrat cadre incite le distributeur à s'approvisionner auprès d'un tiers. Ainsi, toute irrégularité affectant la formation du contrat cadre ne vicie pas, pour autant, les contrats d'application, dont les conditions de formation peuvent quant à elles avoir été tout à fait régulières. Ainsi, l'on peut se rappeler des conséquences que la jurisprudence faisait produire à l'indétermination du prix dans les contrats cadre avant 1995, alors même que le prix était tout à fait déterminé dans les contrats d'application.

Au demeurant, si les contrats d'application sont suffisamment autonomes pour justifier un aménagement de l'effet rétroactif de l'annulation du contrat matrice, cette autonomie est toute relative en raison de la nature du lien existant entre ces deux types de contrats.

B - Le lien irréductible entre les contrats cadre et les contrats d'application

Cet arrêt conduit inévitablement à s'interroger sur les relations qu'entretiennent le contrat cadre et les contrats d'application, la nature de leurs liens et les conséquences qu'il convient d'y attacher. La doctrine relève depuis des années que l'analyse de ces liens est fort délicate et qu'elle constitue une des difficultés majeures de la matière. Cet ensemble de contrats est analysé comme une forte structure "hiérarchisée" dans laquelle les contrats d'application sont dans une relation de subordination au contrat cadre (20), l'annulation des premiers n'ayant aucune incidence sur le second. Le lien entre ces deux types de conventions reposerait sur une dépendance unilatérale des contrats d'application. On voit bien ici que la nature du lien entre le contrat cadre et les contrats d'application est tout à fait différente de celle posée par d'autres ensembles de contrats, par exemple entre un contrat cadre et un contrat de prêt de matériel. Un auteur a pu constater qu'il n'y avait pas de véritable interdépendance entre le contrat cadre et les contrats d'application (21). En effet, "les deux sortes de conventions entretiennent [...] des rapports évidents, même si, en principe, ils ne sauraient toucher au coeur du contrat" (22). Une réflexion d'ensemble sur cet ensemble de contrats aurait le mérite d'affiner la connaissance de cette structure contractuelle complexe, condition essentielle pour être en mesure d'introduire une plus grande sécurité juridique dans ces opérations économiques.


(1) CREDA, Le contrat-cadre, sous la direction de A. Sayag, Litec, 1er vol. Exploration comparative, 1994 ; 2ème vol. La distribution, 1995, n° 4 p. 2.
(2) La notion de restitutions n'est pourtant pas totalement absente du Code civil, les codificateurs ne s'étant intéressés à la question des restitutions qu'à propos de certaines institutions telles que la rescision de la vente pour cause de lésion, la répétition de l'indu, la garantie contre l'éviction et la garantie des vices cachés.
(3) M.-Y. Sérinet, Restitutions après anéantissement rétroactif du contrat, in Avant projet de réforme du droit des obligations, p. 44.
(4) V., en matière de distribution, Cass. com., 2 juillet 2002, n° 00-14.939, F-D (N° Lexbase : A0497AZG), à propos d'un contrat de franchise : "la nullité des contrats litigieux avait pour effet de les priver rétroactivement de tout effet, peu important qu'ils aient été résiliés entre-temps".
(5) Cass. com., 3 mai 1994, n° 92-13.378 (N° Lexbase : A7784CLU), au sujet de pompistes de marque : "la remise en état des parties n'est pas subordonnée à la possibilité d'une restitution en nature, l'impossibilité d'une telle restitution se résolvant par une restitution par équivalent en valeur".
(6) Cass. com., 23 juin 1992, n° 90-18.951, publié au Bulletin (N° Lexbase : A4733ABW).
(7) Cass. com., 3 mai 1994, n° 92-13.378 préc..
(8) J. Raynard, JCP éd. E, n° 1, 2 janvier 1997, 617.
(9) CA Paris, 13 octobre 1993, D., 1993, somm. p. 73, obs. D. Ferrier.
(10) J. Raynard, JCP éd. E, préc..
(11) J. Raynard, JCP éd. E, préc..
(12) Dans le même sens, CA Versailles, 7 février 2002, n° 1999/1548 : le franchisé est fondé à revendiquer le remboursement des frais constitués par les charges d'exploitation au cours de l'exécution du contrat de franchise dès lors qu'elles sont "directement liées à l'exploitation dudit contrat".
(13) Nos obs., La dimension collective des réseaux de distribution, dir. D. Ferrier, Thèse droit privé, Montpellier, 2008, n° 103, p. 105.
(14) CREDA, Le contrat-cadre, sous la direction de A. Sayag, Litec, La distribution, vol. 2, 1995, n° 37, p. 24.
(15) CREDA, Le contrat-cadre, op. cit., n° 44, p. 28.
(16) CREDA, Le contrat-cadre, op. cit., n° 118, p. 74.
(17) L. Leveneur, JCP éd. E, n° 9, 407, p. 55.
(18) F. Pollaud-Dulian et A. Ronzano, Le contrat-cadre, par delà les paradoxes, RTDCom., 1996, p. 180, n° 6 et n° 20 ; D. Ferrier, JCP éd. E, n° 12, 25 mars 1993, 231.
(19) J. Gatsi, Le contrat cadre, préf. M. Béhar-Touchais, LGDJ, 1996, Bibliothèque de droit privé, tome 273, n° 232 et s..
(20) S. Pellé, L'interdépendance contractuelle, Contribution à l'étude des ensembles de contrats, préf. J. Foyer et M.-L. Demeester, Nouvelle Bibliothèque des thèses, vol. 64, 2007, n° 186 , F. Pollaud-Dulian et A. Ronzano, Le contrat-cadre, par delà les paradoxes, op. cit, n° 8 ; v., également, M. Cabrillac, note sous CA Paris 12 octobre 1966 et 3 février 1967, D., 1967, jur., p. 516.
(21) S. Pellé, ibid..
(22) F. Pollaud-Dulian et A. Ronzano, op.cit., n° 30.

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Droit de la famille

[Questions à...] La dépénalisation de l'abandon de famille - Questions à Maître François Roth, avocat au barreau de Mulhouse

Lecture: 4 min

N7752BRK

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par Anne-Lise Lonné, rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition privée

Le 31 Mars 2011

Par un arrêt rendu le 16 février 2011, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a mis en exergue la dépénalisation, issue de l'article 133-III de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009, de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures (N° Lexbase : L1612IEG), du délit d'abandon de famille lequel est inscrit à l'article 227-3 du Code pénal modifié par ce texte (N° Lexbase : L2170IE4) (Cass. crim., 16 février 2011, n° 10-83.606, F-P+B N° Lexbase : A2632G9D). Ainsi que le relève la Cour suprême, "le non-paiement d'une prestation compensatoire allouée par un jugement de divorce échappe désormais aux prévisions de l'article 227-3 du Code pénal". Afin de saisir la portée de cette situation qui relève, selon Maître François Roth, d'une "bévue" du législateur, Lexbase Hebdo - édition privée a rencontré cet avocat qui avait signalé cette faille depuis la publication de la loi, et qui a accepté de répondre à nos questions. Lexbase : Pouvez-vous nous rappeler le contexte dans lequel cette décision a été rendue ?

François Roth : Avant l'entrée en vigueur de la loi du 12 mai 2009, l'ancien article 227-3 du Code pénal (N° Lexbase : L9284G9Q) réprimait le non-paiement des pensions alimentaires dans tous les cas de figure et le texte se référait en particulier aux articles et aux titres du Code civil relatifs au mariage, au divorce, à la filiation, etc.. Sous couvert de simplification du droit, la loi du 12 mai 2009 a supprimé la référence à tous ces titres du Code civil en ne faisant plus référence qu'au seul titre IX du livre 1er, relatif à l'autorité parentale. Il faut en conclure que tout ce qui ne relève pas de l'autorité parentale n'est plus concerné, de sorte que sont exclues de la pénalisation, les contributions aux charges du mariage, les pensions alimentaires dues entre époux pendant la durée de la procédure et les prestations compensatoires.

A partir du moment où le législateur a supprimé l'un des éléments légaux à savoir la référence aux titres du Code civil relatifs au mariage ou au divorce, c'est toute l'infraction qui échappe désormais à la répression.

Cela relève, au mieux, d'une erreur, au pire, d'une faute d'inattention du législateur.

La portée de cette suppression est très importante dès lors qu'il s'agit d'une loi pénale plus douce, puisqu'elle vient supprimer l'un des éléments constitutifs de l'infraction. Cette loi s'applique donc immédiatement, y compris aux faits commis avant son entrée en vigueur. C'est-à-dire qu'au jour de la publication de la loi, toutes les personnes sur le territoire national qui faisaient l'objet de poursuites pour non-paiement de pensions alimentaires entre conjoints ou de prestations compensatoires pouvaient aller plaider utilement une relaxe sur ce fondement.

Lexbase : Quel est le sens et la portée de la décision prononcée par la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 16 février dernier ?

François Roth : L'arrêt du 16 février 2011 vient confirmer cette analyse, que j'avais faite à l'époque, en des termes qui sont d'une sécheresse absolue : "l'article 133, III, de la loi du 12 mai 2009, a remplacé, au premier alinéa de l'article 227-3 du Code pénal, les références aux titres V, VI, VII et VIII du livre 1er du Code civil par la seule référence au titre IX du livre 1er du même code, lequel ne concerne que l'autorité parentale ; [...] il s'ensuit que le non-paiement d'une prestation compensatoire allouée par un jugement de divorce échappe désormais aux prévisions de l'article 227-3 du Code pénal".

La Cour de cassation ne pouvait retenir une solution différente dès lors que la répression d'une infraction devant une juridiction pénale, quelle qu'elle soit, suppose que soient réunis un élément légal, un élément matériel et, le cas échéant, un élément intentionnel. A partir du moment où l'un de ces trois éléments fait défaut, l'élément légal au cas d'espèce, il ne peut plus y avoir d'infraction, donc de sanction pénale.

Si certains ont pu soutenir qu'il y avait lieu d'interpréter les nouvelles dispositions de telle sorte que le titre IX vienne s'ajouter à l'énumération légale antérieurement prévue et non la remplacer, le texte de la loi du 12 mai 2009 était pourtant parfaitement clair puisque l'article 133-III prévoit que "au premier alinéa de l'article 227-3 du même code, les références : les titres V, VI, VII et VIII' sont remplacées par la référence : le titre IX'". Les rédacteurs n'ont tout simplement pas fait attention à la portée de cette prétendue simplification qui est "ravageuse" !

Lexbase : Comment le législateur prévoit-il de remédier à cette situation ?

François Roth : Lorsque j'avais découvert cette faille, je l'avais immédiatement signalé au député local et au sénateur du Haut-Rhin, Monsieur Jean-Marie Bockel, qui était à l'époque secrétaire d'Etat à la Justice, lequel avait pris en compte ma demande puisqu'une nouvelle modification de l'article 227-3 du Code pénal a effectivement été inscrite en discussion au Sénat, dans le cadre de la nouvelle refonte de cette simplification du droit. A l'occasion d'un premier débat au Sénat, le rapporteur de la loi semblait assez sceptique sur l'interprétation que j'en donnais, mais l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 16 février 2011 vient bien confirmer cette interprétation et l'on reste donc dans l'attente que les parlementaires veuillent bien rétablir cette "bévue".

A ma connaissance, on est toujours dans un système de navette, c'est-à-dire que la modification par retour à l'ancien système a été adoptée par le Sénat (cf. proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit). Il est envisagé de viser plus largement "une obligation alimentaire due en application du Code civil" ; cette rédaction présente le mérite de s'assurer de ne rien oublier ! Elle irait effectivement dans le sens d'une simplification dans la mesure où cela concernerait toutes les obligations alimentaires, entre conjoints, mais aussi, par exemple, celles dues par les descendants aux ascendants.

En termes de délais, on peut imaginer que cette décision de la Cour de cassation, probablement groupée avec les lobbies d'associations monoparentales, par exemple, vont accélérer les choses ; mais il est regrettable de devoir en arriver là pour rectifier ce que je qualifie d'une "incompétence législative".

Quoi qu'il en soit cela ne viendra pas résoudre le problème de la période transitoire courant jusqu'à la prochaine modification du texte, le principe étant qu'une loi pénale plus sévère n'est théoriquement jamais rétroactive, c'est-à-dire qu'elle ne s'applique qu'aux faits commis après son entrée en vigueur. Donc au cas d'espèce, cela voudrait dire qu'à compter de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, les premières infractions seront passibles de poursuites deux mois après. Mais toutes les infractions qui sont commises jusque-là ne peuvent pas être sanctionnées.

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Droit du sport

[Doctrine] "Affaire de la banderole" : la CEDH ne souhaite pas la bienvenue aux supporters parisiens

Réf. : CEDH, 22 février 2011, Req. 6468/09 (N° Lexbase : A1377G77)

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N7755BRN

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par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition publique

Le 15 Février 2012

Les juges de Strasbourg, s'ils n'ont peut-être pas tous visionné la comédie de Dany Boon "Bienvenue chez les Ch'tis" qui a triomphé en France il y a trois ans, se sont, toutefois, montrés particulièrement sourcilleux à l'égard du respect dû à la population du Nord-Pas-de-Calais, que des supporters du Paris Saint-Germain avaient copieusement injuriée par banderole interposée à l'occasion d'un match opposant leur équipe fétiche à celle du RC Lens, outrage s'étant déroulé devant la France entière puisque la rencontre avait été diffusée à la télévision. Ce fait d'armes aura été le dernier de l"Association nouvelle des Boulogne Boys", qui s'était déjà signalée par de nombreux débordements, le chef du Gouvernement ayant ensuite pris un décret actant leur dissolution, décision confirmée par le juge administratif français, puis par le juge européen le 22 février 2011. Si ces multiples décisions ne suffiront peut-être pas à ramener le calme à l'intérieur et en dehors du parc des Princes (de nombreux supporters du PSG demeurant particulièrement "remuants"), elles sont l'occasion de revenir sur la conciliation entre le respect des libertés d'association et d'expression, d'une part, et la nécessaire interdiction des propos injurieux ou diffamatoires à l'encontre de certaines catégories de la population, d'autre part. Il faut dire que les antécédents du club de supporters en cause ne plaidaient pas en sa faveur : de 2006 à 2008, des membres de l'association requérante, forte d'environ 600 supporters, s'étaient rendus coupables de jets de projectiles sur les forces de l'ordre, et avaient participé à des faits graves de violence sur des policiers ou des supporters des équipes adverses. En 2010, à l'occasion de cette fameuse soirée de finale de la coupe de la Ligue opposant les équipes de Lens et du Paris Saint-Germain au stade de France, une banderole contenant les inscriptions "pédophiles, chômeurs, consanguins, bienvenue chez les Ch'tis" fut déployée dans les tribunes où siégeaient les supporters parisiens. A la suite de ce nouvel incident, le Premier ministre décida de dissoudre l'association requérante par un décret du 17 avril 2008 (décret portant dissolution d'une association N° Lexbase : L5009IP9), se fondant, notamment, sur les dispositions de l'article L. 332-18 du Code du sport (N° Lexbase : L6119IGQ). Créé par la loi n° 2006-784 du 5 juillet 2006, relative à la prévention des violences lors des manifestations sportives (N° Lexbase : L1814HKE), et modifié par la loi la loi du 2 mars 2010, renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d'une mission de service public (loi n° 2010-201 N° Lexbase : L6036IGN), ses dispositions prévoient cette possibilité de dissolution en cas d'"actes répétés et d'une particulière gravité et qui sont constitutifs de dégradations de biens, de violence sur des personnes ou d'incitation à la haine ou à la discrimination contre des personnes à raison de leur origine, de leur orientation sexuelle, de leur sexe ou de leur appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée [...]". Dans une décision rendue le 25 juillet 2008, le Conseil d'Etat avait confirmé cette mesure de dissolution (CE 2° et 7° s-s-r., 25 juillet 2008, n° 315723, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A7938D9U). C'en était donc fini de l'existence de l'"Association nouvelle des Boulogne Boys" sur le territoire national.

Toutefois, si une telle mesure a logiquement pour objectif d'éliminer le débat et d'entraîner une privation du droit à la liberté d'expression, la jurisprudence européenne permet à une formation dissoute sur le territoire national de poursuivre son combat devant la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH, 30 juin 2009, Req. 25803/04 N° Lexbase : A2769HL7), même si celle-ci est assez peu étoffée sur la dissolution d'associations, hormis pour les partis politiques (CEDH, 13 février 2003, Req. 41340/98 N° Lexbase : A0425A7U) ou les groupes religieux (CEDH, 5 octobre 2006, Req. 72881/01 N° Lexbase : A2770HL8). Les juges strasbourgeois rejettent donc, en l'espèce, le grief tiré d'une éventuelle inexactitude des faits reprochés à l'association de supporters. La constatation, par les autorités nationales et européennes de la relation temporelle et causale avec une manifestation sportive, des actes commis en réunion, constitutifs de dégradation de biens ou de violence sur les personnes, et de manière répétée, aura donc été fatale à l'association requérante qui voit la mesure nationale de dissolution confirmée par les juges européens. Ceux-ci estiment, en effet, que le droit à un procès équitable a bien été respecté (I), et que la dissolution de l'"Association nouvelle des Boulogne Boys" est fondée sur la nécessité de faire respecter l'ordre public (II).

I - Une décision de dissolution qui respecte les impératifs procéduraux

Invoquant l'article 6 §§ 1 et 3 de la CESDH (N° Lexbase : L7558AIR), l'association requérante se plaignait de ne pas avoir disposé du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense devant la commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives (la commission), le délai de six jours imparti à son président pour présenter ses observations, étant, selon elle, trop court. Or, le rôle de la commission se limitant à recueillir les observations et à émettre, ensuite, un avis consultatif au Premier ministre, l'on était donc pas en présence d'une contestation au sens de l'article 6 de la Convention, lequel ne peut donc trouver à s'appliquer, en l'espèce, au caractère exclusivement consultatif de la commission. En cas d'instances ayant un pouvoir véritablement décisionnel, à l'inverse, les dispositions de l'article 6 devront impérativement être respectées, notamment quant à l'impartialité de cette commission. Le requérant doit alors être en mesure de s'assurer de l'absence d'un lien éventuel de l'un des membres de la commission avec la partie en cause, susceptible de vicier la procédure (CEDH, 20 janvier 2011, Req. 30183/06 N° Lexbase : A0835GQY). Concernant l'applicabilité stricto sensu de l'article 6 à la procédure suivie devant la commission, la Cour constate d'emblée que le volet pénal de l'article 6 n'est pas applicable en l'espèce puisque la procédure ne porte pas sur une "accusation en matière pénale". Quant à l'applicabilité du volet civil de cette disposition, les juges strasbourgeois indiquent que la notion de "contestations sur [des] droits et obligations de caractère civil" couvre toute procédure dont l'issue est déterminante pour des droits et obligations de caractère privé (CEDH, 16 juillet 1971, Req. 2614/65 N° Lexbase : A5087AY3).

L'on peut remarquer que juge administratif français se montre moins pointilleux quant au respect de cette impartialité. Il juge, en effet, que la dissolution ou la suspension d'une association de supporters d'un club sportif professionnel présente le caractère d'une mesure de police administrative. La conséquence est que le principe général des droits de la défense ne leur est pas applicable en l'absence de texte, pas davantage que les stipulations de l'article 6 § 1 de la Convention. La circonstance que l'association dissoute n'a pas été mise à même de répliquer aux observations présentées de manière écrite ou orale, par des représentants du préfet de police, n'entache pas d'irrégularité l'avis émis par la commission (CE référé, 13 juillet 2010, n° 339257, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A3247E4Z et n° 339293, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A3248E43).

En outre, la Cour de Strasbourg, rappelant que les autorités nationales sont mieux à même d'apprécier la portée de tels faits s'étant déroulés sur leur territoire (CEDH, 16 décembre 2010, Req. 25579/05 N° Lexbase : A2929GNS), observe que le décret litigieux n'apparaît pas insuffisamment motivé. Il fait, en effet, mention de plusieurs événements violents dans lesquels plusieurs membres de l'association requérante ont pris part, événements qui ont tous été commis en relation, ou à l'occasion, de manifestations sportives. Ainsi, dans la décision du 25 juillet 2008 précitée, la Haute juridiction administrative avait estimé que "l'auteur du décret attaqué, qui ne s'est pas fondé sur des faits matériellement inexacts et qui n'était pas tenu d'identifier individuellement les membres de l'association auteurs des agissements mentionnés ci-dessus, a fait une exacte application des dispositions précitées de l'article L. 332-18 du Code du sport, et n'a pas porté une atteinte disproportionnée à la liberté d'association au regard des motifs d'intérêt général qui justifiaient cette mesure".

II - Une ingérence dans la liberté d'association proportionnée aux conditions posées par la CESDH

L'on ne peut nier que la mesure de dissolution constitue, effectivement, une ingérence dans le droit de la requérante à sa liberté d'association protégé par l'article 11 de la Convention (N° Lexbase : L4744AQR), aux termes duquel "toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association [...]", ingérence qui ne peut être autorisée que si elle répond aux exigences du paragraphe 2 de ce même article 11, à savoir les mesures nécessaires "à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui". C'était bien le cas en l'espèce, puisque la mesure contestée était prévue par la loi, en l'occurrence l'article L. 332-18 du Code du sport, et poursuivait un but légitime, à savoir la protection de l'ordre public. Toute la question était de savoir si cette ingérence devait être considérée comme proportionnée. A cet égard, la Cour observe que les faits reprochés à plusieurs des membres du club de supporters mis en cause sont particulièrement graves et constitutifs de troubles à l'ordre public. Elle rappelle qu'en marge de plusieurs matches de football, des incidents ont opposé des membres de l'association aux forces de l'ordre. Plus particulièrement, au terme d'un match entre le Paris Saint-Germain et l'équipe de Tel-Aviv en novembre 2006, cent cinquante supporters parisiens ont commis des actes de violence à l'encontre des supporters israéliens ; des affrontements ont eu lieu à cette occasion, qui se sont terminés par l'attaque d'un policier tombé au sol. Enfin, la Cour ne peut que constater que les termes contenus dans la banderole déployée au stade de France le 29 mars 2008 étaient particulièrement injurieux à l'égard d'une certaine catégorie de la population.

En France, les juges du Palais-Royal avaient adopté des positions de la même sévérité à l'occasion de plusieurs affaires de dissolution d'associations de supporters de la même équipe de football en 2010 (CE référé, 13 juillet 2010, n° 339257, publié au recueil Lebon et n° 339293, inédit au recueil Lebon, précités). Dans ces derniers cas, cependant, les faits incriminés avaient abouti à la mort d'une personne, le degré de gravité constaté étant donc sans commune mesure avec le déploiement d'une banderole au goût douteux. Ils présentent, toutefois, selon le Conseil d'Etat, le caractère d'un acte d'une particulière gravité au sens de l'article L. 332-18 du Code du sport, justifiant à lui seul la dissolution de l'association. Le Conseil en conclut logiquement qu'une telle dissolution ne constituait pas une mesure excessive et disproportionnée au regard des risques pour l'ordre public que présentaient les agissements de certains des membres de l'association. Certains pourront évoquer un affaiblissement de la liberté d'association, un des piliers les plus importants de la vie démocratique d'un pays. L'on peut rappeler que, dans une décision datant de 1971, le Conseil constitutionnel avait déjà écarté une loi qui avait méconnu le principe de la liberté d'association, considéré comme un "principe fondamental reconnu par les lois de la République" (Cons. const., décision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971 N° Lexbase : A7886AC3). Cependant, cette liberté n'a jamais été absolue car, dès l'entre-deux-guerres, le législateur a permis la dissolution "de toutes les associations ou groupements de fait [...] qui provoqueraient à des manifestations armées dans la rue [...] ou qui auraient pour but de porter atteinte à l'intégrité du territoire national ou d'attenter par la force à la forme républicaine du Gouvernement [...]". Les juges administratifs et judiciaires n'ont, d'ailleurs, jamais hésité à faire usage de ces dispositions pour mettre fin aux agissements de groupes politiques extrémistes (CE 9° et 10° s-s-r., 17 novembre 2006, n° 296214, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A5509DST ; CE 10° et 7° s-s-r., 8 septembre 1995, n° 155161, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A5486ANI ; TGI Paris, ord. réf., 8 août 2002, n° 02/57758 N° Lexbase : A2178AZP).

Par ailleurs, d'autres groupes de supporters du Paris Saint-Germain ayant eu à subir les foudres du Conseil d'Etat se sont vu refuser le recours au Conseil constitutionnel, la question prioritaire de constitutionnalité relative à la dissolution de ces associations ayant commis des violences n'ayant pas été transmise à la rue de Montpensier (CE 2° et 7° s-s-r., 8 octobre 2010, n° 340849, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A3560GBH). Cette dissolution, répondant à la nécessité de sauvegarder l'ordre public, avait été considérée comme n'emportant, par ailleurs, aucune atteinte à la liberté individuelle ou à la séparation des pouvoirs. Toutefois, et c'est là le point fondamental de divergence avec l'affaire dite "de la banderole", étaient en cause "des actes graves ou répétés de dégradations de biens, de violence sur des personnes ou d'incitation à la haine ou à la discrimination". Concernant la banderole "anti-ch'tis", il aurait pu être plaidé une atteinte à la liberté d'expression protégée par l'article 10 de la Convention (N° Lexbase : L4743AQQ) (CEDH, 21 janvier 1999, Req. 29183/95 N° Lexbase : A7713AWL), même si celle-ci est utilisée pour proférer des stupidités. Par la présente décision, les juges de la Cour européenne des droits de l'Homme continuent donc de délimiter strictement les contours de la liberté d'expression tels qu'ils la conçoivent, bannissant, notamment, tout discours pouvant inciter à la haine raciale (CEDH, 20 avril 2010, Req. 18788/09 N° Lexbase : A0656EXL), laquelle peut même englober l'appel au boycott d'un Etat (CEDH, 16 juillet 2009, Req. 10883/05 N° Lexbase : A8882EIS). Elle accepte, cependant, que tout individu qui s'engage dans un débat public d'intérêt général puisse recourir à une certaine dose d'exagération, voire de provocation (CEDH, 7 novembre 2006, Req. 12697/03 N° Lexbase : A1924DS3). L'on peut simplement espérer qu'à l'avenir, la volonté légitime des juges strasbourgeois de protéger telle ou telle catégorie de la population d'attaques verbales ne les poussera pas à mettre la liberté d'expression trop souvent hors-jeu...

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Entreprises en difficulté

[Questions à...] Entreprises en difficulté au Royaume-Uni : le Company Voluntary Agreement - Questions à Olivier Morel, Partner, Cripps Harries Hall LLP

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par Vincent Téchené, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires

Le 31 Mars 2011

Face à la mondialisation et à l'interpénétration des économies, notamment européennes, connaître le droit des entreprises en difficulté de nos voisins est souvent un plus, notamment pour les conseils de créanciers d'entreprises étrangères qui feraient l'objet d'une "procédure collective". Cette semaine Lexbase Hebdo - édition affaires a donc voulu mettre la lumière sur la première solution offerte par le droit britannique pour sauver une entreprise en difficulté : le Company Voluntary Agreement. Nous avons donc rencontré Olivier Morel, Partner, Cripps Harries Hall LLP. Avocat français et solicitor anglais, ce dernier dirige le Pôle Entreprises françaises du cabinet Cripps Harries Hall. Fort d'une expérience de l'investissement français et étranger au Royaume-Uni de plus de 20 ans, Olivier Morel anime ce département d'une dizaine d'avocats anglais, qui offrent tous les services juridiques d'accompagnement aux entreprises françaises et étrangères au Royaume-Uni : implantation, rachat d'entreprise, signature de joint venture, négociation de baux commerciaux, rédaction de contrats de travail, de contrats commerciaux, contentieux commercial.
Pour répondre à nos dernières questions sur la comparaison avec le droit français, Olivier Morel a fait appel à Nicolas Sapir, avocat à la Cour, spécialiste contentieux commercial et procédures collectives, WSA Avocats.



Lexbase : Comment définissez-vous le "
Company Voluntary Agreement" ? Quels arguments plaident en sa faveur ?

Olivier Morel : Le "Company Voluntary Arrangementt" ("CVA") est un contrat entre la société et ses créanciers, qui s'accordent pour suspendre toute poursuite contre la société pour le paiement de ses dettes pendant une période précise fixe -au moins un an et jusqu'à cinq ans-. En contrepartie, la société s'engage à payer une proportion de ses créances pendant cette période, soit à partir de ses revenus, soit à partir de la vente d'actifs, ou des deux, comme convenu avec ses créanciers.

Au terme de la période convenue, si la société a réussi à honorer le contrat avec ses créanciers, le solde de ses dettes disparaît. La société est alors libérée de toutes ses obligations vis-à-vis de ses créanciers, qui n'auront plus le droit de récupérer le solde.

Deux arguments de poids plaident en faveur du CVA :
- les créanciers, en permettant à la société de continuer d'exercer son activité commerciale au lieu d'entamer des poursuites pour le montant total de leur créance, devraient récupérer une proportion plus importante de la dette qui leur est due que s'ils provoquent la mise en liquidation de la société, et, dans cette dernière hypothèse, l'expérience montre que les créanciers ordinaires récupèrent généralement moins de 10 % de leur créance ;
- ils sont probablement payés plus tôt que si la société est mise en liquidation.

Si la société ne respecte pas les termes du CVA, elle court le risque d'être mise en liquidation.

Lexbase : Quelles sont les modalités de la mise en place de cette procédure ?

Olivier Morel : Un Licensed Insolvency Practitioner ("LIP"), tiers indépendant, rédige le CVA, encadre les créanciers et fait office d'intermédiaire entre eux et la société. Le LIP soumet au vote des créanciers les termes du CVA qu'il propose et leur demande :
- de compléter un formulaire de preuve de dette, confirmant la somme due et les justificatifs -typiquement des factures- ;
- et d'établir une procuration autorisant une personne à voter en son nom à la réunion des créanciers (en général il donne procuration au président de la réunion).

Le CVA doit être approuvé par plus de 75 % des votes des créanciers en valeur pour être mis en oeuvre. Dans ce contexte, les créanciers n'incluent pas les créanciers préférentiels -ceux qui ont une garantie-. Une fois approuvé, le CVA engage tous les créanciers, y compris ceux qui ont voté contre l'accord, ou qui n'ont pas voté.

Une fois le CVA en place, le LIP, dont le titre officiel devient "Supervisor", contrôle les rentrées d'argent de la société et les utilise pour payer ses frais et distribuer le solde aux créanciers. Il peut s'écouler plusieurs mois entre la date de la réunion et la première distribution. Pendant la durée du CVA, le Supervisor publie des rapports annuels rendant compte de son activité à destination des créanciers.

Si la société ne respecte pas l'échéancier des paiements convenu, le Supervisor en avisera les créanciers. Si ces derniers donnent leur accord, le CVA peut être modifié, par exemple pour prendre en compte des circonstances qui ont évolué. Autrement, le CVA échouera et le Supervisor mettra alors la société en liquidation.

Lexbase : En quoi cette procédure est-elle intéressante pour les créanciers ?

Olivier Morel : Le CVA ne représente pas, bien sûr, une situation idéale pour un créancier, mais reste une bien meilleure solution alternative à la liquidation pure et simple. Dans cette dernière hypothèse, et dans l'immense majorité des cas, le seul résultat sera un versement très modeste (bien inférieur à 10 % de la créance), voire nul, après plusieurs années. Dans la grande majorité des cas, les créanciers se résignent donc à parier sur le CVA.

Lexbase : Quelles sont les différences notables avec la sauvegarde française ?

Olivier Morel et Nicolas Sapir : Les principales différences sont les suivantes. 

- Alors que le CVA est un contrat entre la société et ses créanciers, la procédure de sauvegarde est une véritable procédure collective qui suppose la saisine du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance.

- Le plan de sauvegarde n'est arrêté par le tribunal que s'il existe une possibilité sérieuse pour l'entreprise d'être sauvegardée.

- Les mesures pouvant être prises dans le cadre du plan de sauvegarde sont plus larges que pour le CVA puisque la procédure de sauvegarde est destinée à faciliter la réorganisation de l'entreprise : arrêt d'une activité, cession partielle d'actif, licenciement, etc..

- Concernant le projet de plan, l'adoption du plan est prise par chaque comité des créanciers à la majorité des deux tiers du montant des créances détenues par les membres ayant exprimé un vote. Ne prennent pas part au vote les créanciers pour lesquels le projet de plan ne prévoit pas de modification des modalités de paiement ou prévoit un paiement intégral en numéraire dès l'arrêté du plan ou dès l'admission de leurs créances.
Le vote favorable des deux comités de créanciers sur les propositions contenues dans le projet de plan ne suffit pas puisque le tribunal devra vérifier que les intérêts de tous les créanciers sont suffisamment protégés et rendra par la suite un jugement arrêtant le plan.

- La durée du plan est fixée par le tribunal. Elle ne peut excéder 10 ans (15 ans pour les agriculteurs).

- Le tribunal nomme l'administrateur ou le mandataire judiciaire en qualité de commissaire chargé de veiller à l'exécution du plan. Le tribunal peut, en cas de nécessité, nommer plusieurs commissaires. Il est chargé de veiller à l'exécution du plan. Sa seule fonction est de rendre compte de sa mission au président du tribunal. Pour ce faire, il établit un rapport annuel sur l'exécution des engagements du débiteur, qu'il dépose au greffe et qui est tenu à la disposition des créanciers. De plus, il rédigera un rapport spécial en cas d'inexécution du plan.

Lexbase : Serait-il intéressant, selon vous, de s'inspirer du CVA pour le traitement des entreprises en difficulté en France ?

Olivier Morel et Nicolas Sapir : Le CVA et la procédure de sauvegarde ont la même finalité : faciliter le redressement de l'entreprise et la poursuite de l'activité, l'un dans un cadre contractuel, l'autre dans un cadre judiciaire. A ce titre, les deux peuvent être comparées au fameux "Chapter 11" du droit américain.
Ainsi, il n'est pas forcément utile de s'inspirer du CVA pour le traitement des entreprises en difficulté en France, d'autant plus que le rôle du juge dans la procédure de sauvegarde est un gage de sécurité.

De plus, il existe déjà en France des procédures permettant la prévention des difficultés des entreprises dans un cadre contractuel (conciliation et mandataire ad hoc), mais de telles procédures doivent nécessairement être ordonnées par le juge.

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Filiation

[Brèves] "Recherche bébé à vendre..."

Réf. : Cass. civ. 1, 9 mars 2011, n° 09-72.371, FS-D (N° Lexbase : A2512G9W)

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N7741BR7

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par Adeline Gouttenoire, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directrice de l'Institut des Mineurs de Bordeaux

Le 31 Mars 2011

La situation soumise à la Cour de cassation dans l'arrêt du 9 mars 2011 se rapproche sans aucun doute de ce que l'internationalisation du droit des personnes et de la famille peut produire de pire... Des époux de nationalité française, qui avaient obtenu en France un agrément pour adopter, ont publié dans un journal américain en janvier 2004 une annonce pour trouver "le bébé de leur rêve". Une femme enceinte de six mois leur a fait connaître son intention de faire adopter son enfant à naître. Les candidats à l'adoption et la future mère se sont rencontrés deux jours avant l'accouchement. Le lendemain de cette naissance, la mère a consenti à l'adoption de son enfant par acte sous seing privé en une heure et demie et contre remise de la somme de 18 947,53 dollars ! Ce consentement a ensuite fait l'objet d'une légalisation notariée et d'un enregistrement au greffe du tribunal du Comté de Montgomery (Kansas). L'adoption a été prononcée par un jugement du 19 mai 2004. Les adoptants avaient ramené l'enfant en France un mois auparavant, soit 18 jours après que sa mère biologique ait accepté l'adoption... Il faut ajouter que les adoptants n'ont pas satisfait à l'obligation de contacter le consulat général de France afin de demander à la Mission de l'adoption internationale un visa d'entrée en France pour l'enfant, et permettant à cette mission de vérifier la régularité de la procédure d'adoption. Mais lorsque les adoptants ont voulu obtenir la transcription du jugement d'adoption plénière sur les registres d'actes civils français, ils se sont heurtés à une opposition des autorités françaises pour qui les conditions du processus d'adoption faisaient obstacle à sa reconnaissance en France. La Cour de cassation approuve les juges du fond qui se sont fondés de manière inédite sur le troisième alinéa de l'article 370-3 du Code civil (N° Lexbase : L8428ASX), selon lequel "quelle que soit la loi applicable, l'adoption requiert le consentement du représentant légal de l'enfant. Le consentement doit être libre, obtenu sans aucune contrepartie, après la naissance de l'enfant et éclairé sur les conséquences de l'adoption, en particulier, s'il est donné en vue d'une adoption plénière, sur le caractère complet et irrévocable de la rupture du lien de filiation préexistant" (I). Le contrôle de la mise en oeuvre de cette disposition par la Cour de cassation témoigne de la volonté des juges de n'accepter de faire produire effet qu'à un processus d'adoption internationale conforme aux garanties posées par le droit français (II).

I. Le fondement inédit de l'article 370-3, alinéa 3, du Code civil pour refuser la transcription du jugement d'adoption

Procédure (1). C'est le Parquet de Nantes, en la personne du procureur de la République du tribunal de grande instance de Nantes, qui est exclusivement compétent pour ordonner la transcription directe d'une décision étrangère produisant en France les effets d'une adoption simple, lorsque cette adoption concerne un adoptant français et un adopté né à l'étranger (C. civ., art. 354, al. 2 N° Lexbase : L6487DI4 ; C. pr. civ., art. 1050 N° Lexbase : L1364H4B ; IGREC n° 585 (2)). Le Parquet vérifie l'opposabilité en France de la décision étrangère qui, en matière d'état des personnes, fait en principe l'objet d'une reconnaissance de plein droit. Le cas échant, comme ce fut le cas en l'espèce, il refuse la transcription lorsque ces conditions ne sont pas, de son point de vue, satisfaites. Le Parquet ne doit pas vérifier le jugement étranger en ce qui concerne son opportunité au regard de l'intérêt de l'enfant mais seulement sa régularité internationale a priori. Face au refus de transcription du Parquet de Nantes, les adoptants peuvent assigner ce dernier devant le tribunal de grande instance de Nantes en transcription de la décision étrangère. Dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du 9 mars 2011, ce recours n'a abouti ni devant le tribunal de grande instance de Nantes, ni devant la cour d'appel de Rennes (CA Rennes, 8 septembre 2008, n° 07/05457 N° Lexbase : A7665HEM) qui ont tous deux considéré que le consentement de la mère à l'adoption de son enfant ne satisfaisait pas les exigences de l'article 370-3, alinéa 3, du Code civil.

Fondement de l'article 370-3, alinéa 3. L'un des apports essentiels de l'arrêt du 9 mars 2011 réside dans le fait qu'il constitue la première application admise par la Cour de cassation de l'article 370-3, alinéa 3, du Code civil dans le cadre d'un refus de transcription d'un jugement étranger d'adoption. Ce texte semblait, en effet, faire l'objet "d'une interprétation chaotique tant par le service central de l'état civil que les tribunaux de grande instance depuis son entrée dans le Code civil avec la loi du 6 février 2001" (3).

Contenu de l'article 370-3, alinéa 3. L'article 370-3, alinéa 3, du Code civil, qui reprend les exigences de l'article 4, c) de la Convention de la Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale (N° Lexbase : L6792BHZ), soumet toutes les adoptions internationales s'agissant du consentement parental à un contrôle a posteriori. Il s'agit de vérifier que ce consentement a été donné dans des "conditions décentes" (4), sans toutefois que des exigences de forme, ni la remise de l'enfant de moins de deux ans à un service de même nature que l'aide sociale à l'enfance (comme c'est le cas en France selon l'article 348-5 du Code civil N° Lexbase : L2863ABN) ne soit imposées.

Objectif de l'article 370-3, alinéa 3. L'objectif de l'article 370-3, alinéa 3, est précisément de s'assurer qu'aucun enfant ne fera l'objet d'une commande ou d'un arrangement contractuel qui pourrait relever du trafic ou de la vente d'enfant. Ce contrôle a posteriori vise à lutter contre les adoptions internationales qui ne satisferaient pas les garanties du droit français sur la question du consentement parental. Il est donc particulièrement logique qu'il s'applique dans la procédure relative à la transcription du jugement étranger prononçant l'adoption. C'est le seul moyen pour empêcher ce jugement de produire des effets en France ; en effet, cette décision ayant pour objet l'état des personnes ne nécessite pas d'exequatur (5).

Contrôle d'opposabilité. Dans un arrêt du 4 octobre 2005 (6), la Cour de cassation a réaffirmé le principe de l'opposabilité de la décision étrangère sous réserve de l'absence de fraude et de violation de l'ordre public en précisant que toute révision au fond était interdite au juge de l'inopposabilité. En considérant que le contrôle d'opposabilité d'un jugement étranger peut s'effectuer au regard de l'article 370-3, alinéa 3, elle admet que la mise en oeuvre de cette disposition relève bien du contrôle d'opposabilité de la décision étrangère et non d'un contrôle au fond qui pourrait aboutir à la révision du jugement. Cette analyse ne relevait pas de l'évidence puisqu'on aurait pu considérer que l'analyse des conditions de recueils du consentement de la mère biologique constituait un examen au fond de ce consentement déjà opéré par le juge étranger selon sa propre loi (7). En admettant ce contrôle du consentement du parent d'origine de l'enfant au moment de la demande de transcription du jugement, la Cour de cassation accepte indéniablement que le juge français s'octroie un droit de regard sur le processus étranger d'adoption. Les circonstances de l'arrêt commenté tendent à démontrer qu'un tel droit de regard n'est pas superflu !

II. La mise en oeuvre des exigences de l'article 370-3, alinéa 3, du Code civil pour lutter contre les adoptions illicites d'enfant

Appréciation souveraine du caractère libre et éclairé du consentement. Dans son attendu, la Cour de cassation retient plusieurs points relevés par les juges du fond qui permettent de considérer que le consentement de la mère biologique ne satisfaisait pas les exigences de l'article 370-3, alinéa 3. Elle relève tour à tour l'existence d'un arrangement contractuel entre les candidats à l'adoption et la mère de naissance, le caractère précipité du consentement et enfin l'absence d'expérience de la séparation d'avec l'enfant. La Cour de cassation considère que la cour d'appel, dont elle reconnaît l'appréciation souveraine, a pu justement en déduire "que le consentement donné par Mme Y ne revêtait pas le caractère du consentement libre et éclairé exigé par l'article 370-3, alinéa 3, du Code civil ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision de rejeter la demande de transcription du jugement sur les registres de l'état civil français".

Arrangement contractuel. En exigeant que le consentement du parent biologique soit donné après la naissance, l'article 370-3, alinéa 3, du Code civil poursuit l'objectif de s'assurer qu'aucun enfant ne fera l'objet d'une "commande" qui s'apparenterait à une convention de gestation pour le compte d'autrui (8). Or, les circonstances de l'espèce établissaient sans aucun doute que les adoptants et la mère de l'enfant s'étaient entendus avant la naissance, le recours à une petite annonce accentuant le caractère indigne du procédé.

Caractère précipité du consentement. A tous les niveaux de la procédure, les juges se montrent légitimement choqués par le fait que la mère, le lendemain de la naissance de l'enfant, ait pu consentir à l'adoption de celui-ci en 90 minutes. Les adoptants ont beau produire les documents contenant le consentement écrit de la mère, dans lesquels elle affirme être saine de corps et d'esprit et ne faire l'objet d'aucune contrainte ni violence, consentir librement et de son plein gré à ce que les requérants adopte son enfant et comprendre les conséquences résultant de ce consentement, il est difficile de se défaire de la sensation que l'abandon de l'enfant par sa mère est précipité. Comment pourrait-on en effet admettre qu'une décision aussi grave soit prise après deux rencontres à trois jours d'intervalle et le lendemain même de la naissance de l'enfant ? Le seul élément qui pourrait jouer en faveur d'un consentement réfléchi est le laps de temps de trois mois qui s'est écoulé entre la réponse de la mère à l'annonce des adoptants et son consentement définitif à l'adoption. Ce laps de temps a cependant eu lieu pendant la grossesse et non pas après la naissance de l'enfant. La Cour de cassation approuve la cour d'appel qui a considéré que le caractère précipité de la procédure et notamment du consentement donné par la mère était incompatible avec l'exigence d'un consentement libre et éclairé, la mère n'ayant pu évaluer les conséquences de tous les actes qu'elle avait signés en l'espace d'une heure et demi.

Absence de délai de rétractation. La rapidité avec laquelle la mère a consenti à l'adoption s'ajouter au fait, relevé par les juges, qu'elle n'a pas pu faire l'expérience de la séparation. Un consentement ne peut, en effet, être réellement libre et éclairé que dans la mesure où son auteur le donne en connaissance de cause. Tel n'est pas le cas lorsque ce dernier ne réalise pas la portée de son acte. C'est précisément le but poursuivi par le délai de deux mois accordé aux parents biologiques d'un enfant pour rétracter leur consentement à l'adoption de celui-ci par l'article 348-3, alinéa 2, du Code civil. Le fait que, en l'espèce, la mère ne pouvait pas se rétracter, d'autant que les adoptants ont quitté le territoire américain dix-huit jours après que la mère ait donné son consentement, a pesé lourd dans l'appréciation du caractère libre et éclairé de son consentement.

Contrepartie financière. Parmi les différents éléments avancés par les juges du fond pour caractériser l'absence de consentement libre et éclairé, la Cour de cassation, curieusement, ne reprend pas le fait que la mère a reçu une contrepartie financière de plus de 18 000 dollars alors même que l'article 370-3, alinéa 3, du Code civil mentionne l'absence de toute contrepartie. Peut-être a-t-elle été convaincue par l'argument du pourvoi selon lequel la mère n'avait, en réalité, reçu qu'une très faible partie de cette somme (2 392,74 dollars), le reste étant destiné à financer les frais d'avocat et de procédure.

Conséquences du refus de transcription. Si l'on ne peut qu'approuver l'analyse que les juges font des circonstances de l'espèce, et leur volonté de ne pas admettre que des adoptions réalisées dans de telles conditions produisent des effets en France, on ne peut s'empêcher de s'inquiéter des conséquences du refus de transcription pour l'enfant concerné. Ce refus ne remettra en effet pas en cause le jugement américain d'adoption : aux yeux du droit américain, la mère biologique de l'enfant a perdu tous ses droits sur l'enfant, à supposer qu'elle souhaite d'ailleurs les recouvrer. Les adoptants sont quant à eux les parents légaux de l'enfant. En France, en revanche, ils sont des étrangers pour lui... cet enfant ne peut notamment acquérir la nationalité française puisque les adoptants, français, ne sont pas censés être ses parents. Cette situation boiteuse, conséquence d'un refus au demeurant légitime de consacrer une volonté de mettre les autorités françaises devant le fait accompli, est inacceptable au regard des droits de l'enfant. On ne voit cependant quelle solution pourrait permettre de concilier les différents intérêts en présence dans ce type d'affaire, si ce n'est une collaboration plus étroite entre les Etats pour éviter que certains tolèrent ce que d'autres ne sauraient accepter...


(1) L.-D. Hubert, Opposabilité en France des décisions étrangères d'adoption : le rôle du parquet, AJFamille 200 p. 14.
(2) Instruction générale relative à l'état civil.
(3) P. Salvage-Gerest, Adoption internationale : halte à la présomption irréfragable de vice du consentement parental, Réflexions sur l'article 370-3, alinéa 3, du Code civil après l'arrêt de la cour d'appel de Rennes du 29 janvier 2007, Dr. fam., 2007, Etude n° 8.
(4) P. Salvage-Gerest, préc..
(5) Cass. civ. 1, 16 décembre 1997, n° 97-05.020 (N° Lexbase : A5144CU3).
(6) Cass. civ. 1, 4 octobre 2005, n° 02-20.258, F-D (N° Lexbase : A7024DKD), RFPF, 2006-1/32
(7)M. Le-Boursicot, Adoption internationale : coup de frein à la reconnaissance des jugements étrangers, RJPF, 2007-4/29.
(8) P. Salvage, art. préc..

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Fiscalité du patrimoine

[Chronique] Chronique de fiscalité du patrimoine - Mars 2011

Lecture: 7 min

N7662BR9

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par Jean-Jacques Lubin, Consultant au Cridon Paris

Le 30 Mars 2011

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose de retrouver la chronique d'actualités en fiscalité du patrimoine, réalisée par Jean-Jacques Lubin, Consultant au Cridon de Paris. Cette chronique traite, tout d'abord, d'un arrêt de la CJUE, relatif aux legs opérés par un de cujus, résident d'un Etat membre de l'Union européenne, au profit d'une association, résidente d'un autre Etat membre, et de l'entrave à la liberté de circulation des capitaux, provoquée par une disposition fiscale discriminatoire (CJUE, 10 février 2011, aff. C-25/10). Ensuite, elle reviendra sur trois arrêts du Conseil d'Etat, relatifs à l'abus de droit : les premiers illustrent les récentes affaires mettant en scène des apports-cessions, ces opérations faisant souvent l'objet d'optimisation à outrance, voire abusive (CE 3° et 8° s-s-r., 3 février 2011, n° 329839, inédit au recueil Lebon et CE 3° et 8° s-s-r., 11 février 2011, n° 314950, inédit au recueil Lebon) ; le second a pour sujet un montage consistant à transformer un dividende en une plus-value, validé par le Conseil d'Etat à la condition que son but ne soit pas exclusivement fiscal (CE 9° et 10° s-s-r., 27 janvier 2011, n° 320313, inédit au recueil Lebon).
  • Droits de succession au taux réduit. Legs au profit d'oeuvres. Entrave à la libre circulation des capitaux (CJUE, 10 février 2011, aff. C-25/10 N° Lexbase : A1167GUR)

1 - L'objet du litige et la question préjudicielle

Une association cultuelle, ayant son siège statutaire en Allemagne, a été désignée comme légataire universel d'une ressortissante belge. La testatrice, ayant résidé toute sa vie en Belgique, y est décédée.

Cette association a déposé une déclaration de succession au nom de la défunte auprès de l'administration belge et a, par la suite, payé les droits de succession, au taux marginal de 80 %, réclamés par cette administration.

En effet, il faut rappeler que la législation belge dispose que les droits de succession et de mutation par décès sont réduits "à 7 % pour les legs faits aux associations sans but lucratif, aux mutualités ou unions nationales de mutualités, aux unions professionnelles et aux associations internationales sans but lucratif, aux fondations privées et aux fondations d'utilité publique" (Code des impôts belge, art. 59, point 2).

Aux termes de l'article 60, paragraphe 1, du Code des impôts belge, le taux réduit prévu à l'article précité n'est applicable qu'aux organismes et institutions réunissant les conditions suivantes :

"a. l'organisme ou l'institution doit avoir un siège d'opération :

- soit en Belgique ;

- soit dans l'Etat membre de la Communauté européenne dans lequel le de cujus résidait effectivement, ou avait son lieu de travail au moment de son décès, ou dans lequel il a antérieurement effectivement résidé, ou eu son lieu de travail ;

b. l'organisme ou l'institution doit poursuivre dans ce siège, à titre principal et dans un but désintéressé, des objectifs de nature environnementale, philanthropique, philosophique, religieuse, scientifique, artistique, pédagogique, culturelle, sportive, politique, syndicale, professionnelle, humanitaire, patriotique ou civique, d'enseignement, de soins aux personnes ou aux animaux, d'assistance sociale ou d'encadrement des personnes, au moment de l'ouverture de la succession ;

c. l'organisme ou l'institution doit avoir son siège statutaire, son administration centrale ou son principal établissement sur le territoire de l'Union européenne".

L'association a sollicité de l'administration belge le remboursement de la différence entre le montant des droits payés et celui résultant de l'application du taux réduit. Sa demande a été rejetée au motif qu'il n'était pas suffisamment prouvé que le défunt avait résidé ou travaillé en Allemagne.

La question préjudicielle posée était alors la suivante :

"Faut-il interpréter les articles 18 (N° Lexbase : L2484IPP), 45 (N° Lexbase : L2693IPG), 49 (N° Lexbase : L2697IPL) et 54 (N° Lexbase : L2703IPS) [du TFUE] en ce qu'ils interdisent l'adoption ou le maintien, par le législateur d'un Etat membre, d'une règle ayant pour objet de réserver le bénéfice d'une taxation au taux réduit de 7 % aux associations sans but lucratif, aux mutualités ou aux unions nationales de mutualités, aux unions professionnelles et aux associations internationales sans but lucratif, aux fondations privées et aux fondations d'utilité publique, ressortissantes d'un Etat membre où le de cujus -résident wallon- résidait effectivement ou où il avait son lieu de travail au moment de son décès, ou dans lequel il a antérieurement effectivement résidé ou eu son lieu de travail ?".

Sans surprise, la Cour décide que la législation nationale belge constitue une restriction à la libre circulation des capitaux, au sens de l'article 63, paragraphe 1, du TFUE (N° Lexbase : L2713IP8).

L'application d'un taux d'imposition plus élevé à certains mouvements de capitaux transfrontaliers par rapport à celui appliqué aux mouvements à l'intérieur de la Belgique présente sans conteste ce caractère. La différence de traitement n'est justifiée par aucune raison impérieuse d'intérêt général.

2 - Les enseignements relatifs à cette solution

La présente décision n'est pas sans conséquence sur notre législation. En France, les exonérations de droits de mutation édictées par le CGI en faveur de certains organismes et établissements ne sont, en principe, applicables qu'aux collectivités françaises.

Toutefois, ces avantages peuvent bénéficier à des collectivités étrangères, lorsqu'il existe en cette matière un régime de réciprocité entre la France et le pays considéré. Cette réciprocité peut résulter soit d'une Convention internationale, soit d'un simple accord constaté par un échange de notes diplomatiques (DB 7 G-261, du 20 décembre 1996, n° 40).

Conséquemment à cet arrêt, la doctrine administrative est devenue obsolète, tout au moins en ce qui concerne les flux de capitaux entre Etats membres.

  • Apports-cessions et abus de droit fiscal : nouvelles illustrations (CE 3° et 8° s-s-r., 3 février 2011, n° 329839, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A2626GRP et CE 3° et 8° s-s-r., 11 février 2011, n° 314950, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A5190GW7)

Dans deux arrêts, le Conseil d'Etat illustre sa nouvelle jurisprudence relative aux apports-cessions. En 2010, la Haute assemblée aurait décidé que le placement, en report d'imposition, d'une plus-value, réalisée par un contribuable, lors de l'apport de titres à une société qu'il contrôle, et qui a été suivi de leur cession par cette société, était constitutif d'un abus de droit. Cette qualification était subordonnée à la condition que le montage ait pour seule finalité de permettre au contribuable, en interposant une société, de disposer effectivement des liquidités obtenues lors de la cession de ces titres, tout en restant détenteur des titres de la société reçus en échange lors de l'apport. Il n'a, en revanche, pas ce caractère s'il ressort de l'ensemble de l'opération que cette société a, conformément à son objet, effectivement réinvesti le produit de ces cessions dans une activité économique (CE, 8° et 3° s-s-r., 8 octobre 2010, n° 313139, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3503GBD et CE, 8° et 3° s-s-r., 8 octobre 2010, n° 301934, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A3490GBU).

Pour le Conseil d'Etat, deux conditions doivent donc être cumulativement remplies : la non-appréhension des liquidités de la société bénéficiaire des titres par l'apporteur, et le réinvestissement de ces dernières dans une activité économique.

La première affaire commentée est complexe : un contribuable fait l'apport de titres à une société holding de droit luxembourgeois, cette dernière ayant cédé sa participation à une société anglaise via une société maltaise, elle-même filiale d'une autre société luxembourgeoise, filiale à son tour de la première holding.

L'administration fiscale a estimé que l'apport des titres n'avait eu d'autre intérêt que de permettre au contribuable de se placer abusivement dans le champ d'application du report d'imposition, prévu par le 4 du I ter de l'article 160 du CGI, aujourd'hui abrogé (N° Lexbase : L2652HLS), et ainsi de différer, voire de supprimer, l'imposition due sur la plus-value dégagée par la cession ultérieure des titres par la holding.

Le produit de cession a été réinvesti sur plusieurs années de façon partielle. L'arrêt n'indique pas la fraction réinvestie. Cependant, les éléments constitutifs de l'abus de droit font défaut au cas présent.

Dans la seconde affaire, seulement 4 % du produit de cession avaient été réutilisés dans le financement d'une activité économique. D'importantes sommes en compte courant avait été investies dans une société, soit environ 60 % du produit de la cession des actions. Selon le Conseil d'Etat, cet apport, en l'absence de circonstances particulières de nature à lui retirer son caractère patrimonial, ne constituait pas un investissement dans une activité économique ; dès lors, l'administration pouvait faire application des dispositions de l'article L. 64 du LPF (N° Lexbase : L4668ICU).

En matière d'optimisation fiscale, les opérations d'apports-cessions sont fréquentes. Ces nouvelles illustrations sont importantes pour les praticiens et leurs clients.

  • Abus de droit : recherche d'un intérêt d'ordre financier et patrimonial durable (CE 9° et 10° s-s-r., 27 janvier 2011, n° 320313, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A7471GQR)

Autre situation d'abus de droit : la transformation d'un dividende taxable à l'impôt sur le revenu en plus-value taxable au taux proportionnel de 31,3 % (cumul du prélèvement forfaitaire libératoire de 19 % et des prélèvements sociaux qui s'élèvent à 12,3 %).

La motivation fiscale de l'opération était bien présente. Toutefois, les requérants faisaient valoir que le montage n'avait pas un but exclusivement fiscal, mais présentait, également, pour eux, un intérêt d'ordre financier et patrimonial durable, en permettant, notamment, à une société qu'ils contrôlaient, de dégager une capacité d'emprunt supérieure à celle des associés, en obtenant, dans de meilleures conditions, des financements extérieurs pour le développement de la société. On est là sur le terrain de l'exclusivisme fiscal.

Rappelons que la nouvelle définition de l'abus de droit fiscal couvre les situations de fictivité juridique et de fraude à la loi.

Selon l'administration fiscale (instruction du 9 septembre 2010, BOI 13 L-9-10 N° Lexbase : X7799AGX), la fictivité juridique est constituée par la différence objective existant entre l'apparence juridique créée par l'acte en cause et la réalité.

Selon la jurisprudence, la fraude à la loi en matière fiscale, souvent présumée par la recherche d'un but exclusivement fiscal, est constituée toutes les fois que sont réunies, d'une part, cette recherche d'un but exclusivement fiscal et, d'autre part, l'obtention d'un avantage fiscal par une application littérale des textes ou de décisions qui vient à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs (CE 3° et 8° s-s-r., 29 décembre 2006, n° 283314, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A3666DTX). C'est le cas, par exemple, du recours à un montage juridique et économique artificiel (CE 3° et 8° s-s-r., 18 mai 2005, n° 267087, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A3517DI4 ; CE 3° et 8° s-s-r., 18 février 2004, n° 247729, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A3599DBW ; CE 3° et 8° s-s-r., 27 juillet 2009, n° 295358, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1236EKY).

La recherche d'un but exclusivement fiscal, consistant à éluder ou atténuer les charges fiscales, peut notamment prendre la forme d'une réduction d'une dette d'impôt, ou de la perception indue d'un crédit d'impôt, ou encore de l'augmentation abusive d'une situation déficitaire (instruction précitée, § 12). Au cas présent, l'économie fiscale est bien réelle, mais le Conseil d'Etat décide que l'opération présentait également un intérêt d'ordre financier et patrimonial durable.

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Procédures fiscales

[Jurisprudence] L'absence de valeur probante de la liste des trois mille évadés fiscaux volée à une banque suisse

Réf. : CA Paris, 8ème ch., 8 février 2011, n° 10/14508 (N° Lexbase : A5043G9N)

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N7689BR9

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par Sophie Cazaillet, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale

Le 17 Novembre 2011

L'administration fiscale s'était fondée sur une liste volée, mentionnant le nom de trois mille français détenant un compte au sein d'une banque privée suisse, basée à Genève, pour demander une ordonnance l'autorisant à procéder à l'application de l'article L. 16 B du LPF (N° Lexbase : L0549IHS) dans les locaux d'un contribuable. Cet article prévoit que l'administration fiscale peut procéder à des visites et des saisies en cas de présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu notamment, en omettant sciemment de déclarer un revenu ou un patrimoine. Un agent de l'administration fiscale, ayant au moins le grade d'inspecteur, et habilité à cet effet par le Directeur général des finances publiques, va donc, sous le contrôle du juge des libertés et de la détention, rechercher la preuve des agissements en cause, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, dans lesquels il pourrait découvrir les pièces et documents s'y rapportant. Il peut procéder à la saisie de ces pièces, quel que soit leur support. L'ordonnance a été demandée à la suite de la découverte de l'existence d'un compte, détenu par une société, dont le contribuable était l'unique associé, basée aux Seychelles, où l'administration craint qu'elle n'a pas d'activité réelle et dissimule en réalité l'activité de conseil, représentant et mandataire financier, pour le compte de tiers, en relation avec un établissement financier de droit étranger, exercée par le contribuable, sans souscrire les déclarations fiscales y afférentes et sans passer les écritures comptables correspondantes, le tout sciemment. Autrement dit, le contribuable est soupçonné de fraude fiscale. Ces allégations sont fondées sur une liste mentionnant la détention d'un compte en Suisse, par ce contribuable, qui ne l'a pas déclaré en France. Le contribuable a formé appel de l'ordonnance devant le premier président de la cour d'appel de Paris, comme le lui permet l'article L. 16 B. En l'espèce, les agents fiscaux ont perquisitionné le domicile du contribuable dont le nom apparaissait sur la liste dérobée, l'appel n'étant pas suspensif. Or, le juge d'appel a, le 8 février 2011, rendu une ordonnance d'annulation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, au motif que la liste ayant servi de fondement à son émission n'avait pas de valeur probante, du fait qu'elle avait été obtenue par des moyens illicites.
Afin de comprendre l'aspect médiatique de cette affaire, qui lui donne toute son importance aujourd'hui, il faut appréhender le contexte dans lequel elle intervient (I), avant de revenir sur l'ordonnance en elle-même (II) et sur l'importance du critère de licéité des fondements sur lesquels elle est prise (III). I - L'aspect médiatique de l'affaire de la liste dite "des 3 000", dans un contexte de lutte véhémente contre la fraude fiscale

Eté 2008, aux Etats-Unis. Un ancien gérant, qui a travaillé au sein de la première banque de la Confédération helvétique, a livré à l'Internal Revenue Service, l'équivalent de la Direction générale des Finances publiques en France, les pratiques d'évasion fiscales mises en place par la banque depuis 2001 pour permettre aux riches contribuables américains d'échapper à l'impôt sur une partie de leurs revenus et de leur patrimoine. La source, qui avait négocié son immunité, a pourtant été condamnée à trois ans de prison, pour avoir elle-même participé à ces actions. Afin de clore ce triste chapitre de son histoire, Berne a, le 26 août 2009, après avoir, le 19 août 2009, signé un contrat avec Washington, livré aux autorités fédérales quelques 4 450 noms de clients américains soupçonnés d'évasion fiscale.

Cette affaire, qui a eu un retentissement formidable dans le monde, a été suivie de très près par le pouvoir en France. La chasse aux fraudeurs s'est ouverte. Profitant de la fragilisation du secret bancaire, la France a conclu, le 27 août 2009, un avenant à la Convention fiscale franco-suisse datant du 19 septembre 1966 (N° Lexbase : L6752BHK), qui a pris effet le 1er janvier 2010. Cet avenant prévoit l'insertion d'une clause d'échange de renseignements précisant que l'administration suisse ne peut refuser de communiquer des renseignements au motif que ceux-ci sont protégés par le secret bancaire national. Cette signature intervient après la dernière modification de l'article 26 de la Convention modèle OCDE, en juillet 2005, qui a intégré les paragraphes 4 et 5 dont l'objet est la levée du secret bancaire, et sur lequel la Suisse, mais aussi l'Autriche, la Belgique et le Luxembourg avaient émis des réserves. Auparavant, les îles britanniques Jersey et Guernesey avaient, in extremis, négocié deux conventions du même type avec la France, pour échapper à la nouvelle liste des juridictions non coopératives publiée par l'OCDE lors du sommet du "G 20" du 2 avril 2009.

Outre la signature de ces avenants, la France s'est dotée de ses propres listes recensant les paradis fiscaux. L'article 22 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009, de finances rectificative pour 2009 (N° Lexbase : L1817IGE) a créé l'article 238-0-A du CGI (N° Lexbase : L3333IGK). Cet article dispose que "sont considérés comme non coopératifs, à la date du 1er janvier 2010, les Etats et territoires non membres de la Communauté européenne dont la situation au regard de la transparence et de l'échange d'informations en matière fiscale a fait l'objet d'un examen par l'Organisation de coopération et de développement économiques et qui, à cette date, n'ont pas conclu avec la France une Convention d'assistance administrative permettant l'échange de tout renseignement nécessaire à l'application de la législation fiscale des parties, ni signé avec au moins douze Etats ou territoires une telle convention". La liste de ces Etats doit être mise à jour tous les 1er janvier, à compter de 2011.

Enfin, la France s'est adressée aux contribuables personnes physiques. A l'instar des Etats-Unis, et dans le refus des amnisties proposées notamment en Belgique et en Italie, où elle était, d'ailleurs, subordonnée au rapatriement des sommes non déclarées placées à l'étranger, le Gouvernement français a installé, le 20 avril 2009, place Saint-Sulpice, à Paris, une cellule de régularisation de la situation des contribuables résidents français détenant des avoirs non déclarés dans les paradis fiscaux. Les volontaires, peu nombreux, ont bénéficié de la non-application des dispositions pénales fiscales : cinq ans d'emprisonnement et 37 500 euros d'amende (CGI, article 1741 N° Lexbase : L1670IPK). Le bilan décevant de cette cellule a amené le Gouvernement à utiliser des moyens plus controversés contre les fraudeurs. Sans aller jusqu'aux extrémités observées en Irlande, où le pouvoir avait menacé de révéler dans la presse le nom des évadés fiscaux qui n'allaient pas se dénoncer par eux-mêmes à l'administration, Eric Woerth, alors ministre du Budget, a déclaré, le dimanche 30 août 2009, détenir une liste de trois mille noms de fraudeurs. Selon ses dires, cette liste ne serait que le commencement d'une opération visant à démasquer les coupables d'évasion fiscale illicite, notamment ceux qui expatrient leur argent sur des comptes situés dans des paradis fiscaux, sans les déclarer en France. Très vite, l'origine de cette liste a intrigué. Finalement, la vérité a révélé la provenance illicite de la liste, issue du piratage informatique de la base de données de la banque privée sise à Genève, par un salarié indélicat, qui avait remis cette liste au pouvoir français en échange d'un refuge en France. Après avoir rassemblé des documents, preuves et présomptions, une enquête a été ouverte contre chacun des noms cités, pour fraude fiscale, et les agents fiscaux ont demandé au juge des libertés et de la détention de leur délivrer des ordonnances afin qu'ils puissent effectuer des visites et des saisies chez les contribuables épinglés. Cette affaire, très médiatisée, vient de subir un coup d'arrêt après l'intervention du premier président de la cour d'appel de Paris.

II - Le régime de l'ordonnance permettant d'appliquer l'article L. 16 B du LPF, alliant efficacité des services fiscaux et protection du contribuable et de ses biens

L'ordonnance délivrée par le juge des libertés et de la détention, qui permet de mettre en application l'article L. 16 B du LPF, a été mise en place afin de protéger le contribuable face aux pouvoirs de l'administration. En effet, cette ordonnance, qui encadre les pouvoirs des agents fiscaux lors de la visite et de la saisie, indique au contribuable qu'il peut faire appel au conseil de son choix et former appel contre cette ordonnance. Les agents fiscaux, même s'ils effectuent des actes de perquisition, ne sont pas des agents de police. C'est ce que nous rappelle l'ordonnance d'annulation, la procédure de l'article L. 16 B étant une simple mesure d'instruction civile (A), qui est, depuis le 6 août 2008 (loi n° 2008-776 du 4 août 2008, de modernisation de l'économie, art. 164 N° Lexbase : L7358IAR) susceptible d'appel devant le premier président de la cour d'appel (B).

A - Une simple mesure d'instruction civile

L'administration fiscale a tenté de "blanchir" les pièces issues de la liste volée en arguant du fait que les informations en question ont été communiquées par le Parquet, en application de l'article L. 101 du LPF (N° Lexbase : L7897AE9). Cet article dispose que l'autorité judiciaire communique à l'administration fiscale toute indication dont elle a eu connaissance et qui est de nature à faire présumer l'existence d'une fraude fiscale ou d'une manoeuvre ayant eu, pour objet ou résultat, une fraude fiscale. En l'espèce, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nice a fait transmettre à l'administration, le 9 juillet 2009, les données informatiques volées par l'ancien salarié de la banque suisse. Le Parquet fait partie de l'autorité judiciaire pouvant procéder à une telle communication (Cons. const., décision 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010 N° Lexbase : A4551E7P ; CE 8° et 9° s-s-r., 10 décembre 1999, n° 181977, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A5079AXE). Toutefois, cela n'ôte pas à la liste communiquée son origine illicite. L'origine est toujours la même, et la transmission par le Parquet ne devient pas elle-même l'origine de la liste. Elle ne provient pas du Parquet, mais bien de la banque en cause. Le Conseil d'Etat avait déjà décidé, dans un arrêt de 1998, que, lorsque l'autorité judiciaire communique à l'administration fiscale des informations en violation du secret médical, les redressements qui découlent de l'utilisation de ces informations sont irréguliers (CE 9° et 8° s-s-r., 17 juin 1998, n° 156532, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A7152ASP). La violation du secret médical, autorisée à la police judiciaire, est interdite à l'administration fiscale. A fortiori, le vol d'une liste de contribuables soupçonnés fortement de fraude fiscale, peut être exploitée par le Parquet mais pas par les agents des impôts. Ce qui pourrait passer pour une incohérence est en réalité une barrière nécessaire à toutes sortes de débordements.

Le juge d'appel fait aussi application d'une autre jurisprudence, selon laquelle la procédure de l'article L. 16 B du LPF est une simple mesure d'instruction de nature civile. Il ne s'agit ni d'une opération de police judiciaire, ni d'une enquête préliminaire (Cass. mixte, 15 décembre 1988, n° 87-11.944, publié au Bulletin N° Lexbase : A9794AAY). Voilà pourquoi les pièces qui fondent la demande d'ordonnance ne peuvent avoir qu'une origine licite.

Quoiqu'il en soit, l'administration ne peut user du filtre, par ailleurs inopérant, de l'article L. 101 du LPF, car elle a eu accès à la fameuse liste avant que le Parquet ne la lui transfère, ceci étant prouvé par le contribuable qui produit le rapport d'enquête n° 2010-M-062-01 dans lequel il est fait état d'une transmission antérieure à celle du Parquet de la liste à l'administration. Celle-ci n'a pas les pouvoirs de police judiciaire qui lui permettraient d'user de documents obtenus en violation de la loi, elle est donc contrainte de s'y conformer, et de ne pas violer le Code pénal notamment.

B - Une mesure susceptible d'appel

L'ordonnance autorisant le recours à l'article L. 16 B était, avant le 6 août 2008, insusceptible d'appel. Le contribuable, subissant une visite des agents de l'impôt, ne pouvait qu'agir devant le juge de cassation (N° Lexbase : L8235DNC). La Cour européenne des droits de l'Homme a condamné la limitation des recours contre l'ordonnance, au motif que cela violait l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L7558AIR), prévoyant le droit à un procès équitable à tous les résidents des Etats signataires. En effet, le juge européen a constaté que, le juge de cassation n'étant que le juge du droit, et non le juge des faits, le contrôle juridictionnel n'était pas effectif, car limité (CEDH, 21 février 2008, Req. 18497/03 N° Lexbase : A9979D4D). Et notamment, le juge de cassation n'examinait pas les éléments de fait fondateurs de l'ordonnance, ce qui est le cas de la fameuse liste ! Il examinait la mention de l'origine des pièces, et leur licéité, mais n'opérait pas un contrôle aussi poussé que le juge du fond qui peut recueillir du contribuable visité la preuve selon laquelle la pièce a été obtenue en violation de la loi. Ainsi, sans l'office du juge européen, la liste volée n'aurait pas été sanctionnée par le juge de cassation : "selon la Cour, cela implique en matière de visite domiciliaire que les personnes concernées puissent obtenir un contrôle juridictionnel effectif, en fait comme en droit, de la régularité de la décision prescrivant la visite ainsi que, le cas échéant, des mesures prises sur son fondement ; le ou les recours disponibles doivent permettre, en cas de constat d'irrégularité, soit de prévenir la survenance de l'opération, soit, dans l'hypothèse où une opération jugée irrégulière a déjà eu lieu, de fournir à l'intéressé un redressement approprié [...] elle considère qu'à elle seule, la possibilité de se pourvoir en cassation -dont les requérants ont d'ailleurs usé- ne répond pas aux exigences de l'article 6 § 1 dès lors qu'un tel recours devant la Cour de cassation, juge du droit, ne permet pas un examen des éléments de fait fondant les autorisations litigieuses". Et en effet, la Cour de cassation aurait vérifié la légalité de la transmission par le Parquet d'une pièce, mais pas sa provenance première.

A l'issue de l'arrêt rendu par la CEDH, la "LME" du 4 août 2008 a modifié l'article L. 16 B, et a notamment prévu une voie d'appel contre l'ordonnance délivrée par le juge des libertés et de la détention. L'appel se forme devant le premier président de la cour d'appel territorialement compétente, en l'espèce celui de la cour d'appel de Paris. Cet appel n'est pas suspensif, comme c'était le cas du pourvoi en cassation (ce point n'a pas été modifié par la "LME"). Seul l'occupant des locaux visités et l'auteur présumé des agissements dont la preuve est recherchée par la mise en oeuvre de la procédure de visite et de saisie peuvent former cet appel. Son but est de contrôler la légitimité de l'atteinte au domicile subie. Ce terme de légitimité renvoie aux fondements, aux motifs de la visite. La liste des trois mille évadés fiscaux a fondé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, elle est donc au coeur de cette nouvelle procédure d'appel. L'appel doit être formé dans le délai de quinze jours à compter de la réception de l'ordonnance, par déclaration remise ou adressée, par pli recommandé ou, à compter du 1er janvier 2009, par voie électronique, au greffe de la cour. Le contribuable n'a pas besoin d'avoir recours à un avoué. La date de l'audience est fixée par le premier président de la cour d'appel saisie. En l'espèce, l'ordonnance a été délivrée par le juge des libertés et de la détention le 15 juin 2010, et a été complétée par une ordonnance du 17 juin 2010, concernant l'ouverture d'un coffre. Leurs annulations interviennent près de huit mois après la visite. Le premier président de la cour d'appel a instruit l'affaire, entendu les parties (C. pr. civ., art. 940 N° Lexbase : L3245ADK). Quelles étaient les options offertes au juge d'appel ? Celui-ci peut, soit déclarer l'appel irrecevable comme irrégulier ou tardif, soit confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention attaquée, si l'appel n'est pas fondé, soit la réformer (modifier la décision du juge des libertés et de la détention, tout en retenant la même solution, changer la motivation ou rectifier les erreurs matérielles affectant l'ordonnance) ou l'annuler, en tout ou partie, dans la mesure où l'appel lui paraît fondé (C. pr. civ., art. 542 N° Lexbase : L1789ADM). En l'espèce, le juge d'appel a annulé l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris. La procédure de visite et de saisie est donc irrégulière. Le motif est le suivant : l'ordonnance est fondée sur la liste dite "des 3 000", cette liste ayant été dérobée à une banque suisse par un ancien salarié. Ce vol, sanctionné par le Code pénal (C pén., art. 311-1 N° Lexbase : L7586ALK et suivants), n'a pas sa place dans une procédure de perquisition fiscale. Les pouvoirs accordés à l'administration sont suffisamment importants pour nécessiter une protection du contribuable face à des pratiques qui lui auraient values, s'il les avait mises en oeuvre lui-même, une condamnation pénale. Le juge d'appel a, ainsi, sanctionné le juge des libertés et de la détention qui, sans doute emporté par l'"aura" de cette affaire, et par les sommes et les pratiques en jeu, en a oublié les principes de cette procédure de l'article L. 16 B, pourtant bien connus et établis.

III - L'exigence de la licéité des pièces fondant l'ordonnance, gardienne de la mission de l'administration fiscale

L'appel de l'ordonnance autorisant l'application de l'article L. 16 B du LPF permet au premier président de la cour d'appel d'en contrôler la régularité de forme et de fond. Notamment, le juge d'appel peut se pencher sur l'origine de l'ordonnance, et contrôler les preuves et présomptions produites par l'administration fiscale. Sans véritable surprise, car suivant une jurisprudence bien établie (A), le juge d'appel a annulé l'ordonnance se fondant principalement sur les pièces issue d'un délit (B), entravant l'action des agents fiscaux mais protégeant surtout l'administration contre elle-même (C).

A - Une jurisprudence bien établie

La décision du premier président de la cour d'appel de Paris d'annuler l'ordonnance autorisant l'application de l'article L. 16 B du LPF, n'a pas étonné outre mesure. En effet, la jurisprudence, selon laquelle les pièces fondant une telle ordonnance doivent être licites, est bien établie. L'un des premiers arrêts en la matière est un arrêt rendu le 4 février 1997 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation, qui avait été saisie pour annuler neufs ordonnances autorisant des visites et saisies dans des parfumeries dont l'unique gérante contestait la régularité. Sur les neufs arrêts, un seul décide d'annuler l'ordonnance, au motif que "il résulte à l'évidence des mentions de l'ordonnance que les documents litigieux avaient été détournés par les anciens salariés [...] et que leur transmission par le procureur de la République au titre de l'article L. 101 du LPF ne pouvait rendre licite leur détention et leur production par les agents de l'administration fiscale à l'appui de leur demande de visite et saisie domiciliaires" (Cass. com., 4 février 1997, n° 95-30.008, inédit N° Lexbase : A2320CMU). Cet attendu aurait pu être repris tel quel dans l'arrêt commenté. En 1991 déjà, dans un arrêt publié au Bulletin, la Cour de cassation avait, dans une formule lapidaire, énoncé que "le juge [...] ne peut se référer qu'aux documents produits par l'administration demanderesse détenus par celle-ci de manière apparemment licite" (Cass. com., 27 novembre 1991, n° 90-10.607, 90-10.608 et 90-11.980, publié N° Lexbase : A7019C8H). En 1999, deux autres arrêts ont décidé que les pièces communiquées par l'administration au juge, afin qu'il vérifie le bien-fondé de la demande d'autorisation de visite et de saisie, doivent avoir une origine licite et être détenues de manière licite. Le premier retient que "certaines des pièces produites par l'administration fiscale à l'appui de sa requête, obtenues par elle dans l'exercice de son droit de communication auprès de France Télécom, étaient détenues de manière apparemment licite, le président du Tribunal a satisfait aux exigences de l'article L. 16 B du LPF" (Cass. com., 12 janvier 1999, n° 97-30.140, inédit N° Lexbase : A8230AHB). Le second déclare, dans ce qui est devenu un attendu de rappel, que "le juge statuant en vertu de l'article L. 16 B du LPF, ne peut se référer qu'aux éléments de preuve produits par l'administration demanderesse détenus par celle-ci de manière apparemment licite" (Cass. com., 4 mai 1999, n° 97-30.125, inédit N° Lexbase : A0319AUD). Le juge a même pu préciser sa jurisprudence, retenant que la charge de la preuve du caractère illicite de la détention par l'administration de documents ayant permis de motiver une autorisation de visite et de saisie pèse sur le contribuable visité, l'administration jouissant donc d'une présomption de licéité, dans la mesure où le juge doit mentionner, dans l'ordonnance autorisant la visite, l'origine des pièces sur lesquelles il s'est fondé (LPF, art. L. 16 B). Comme pour marquer le coup, la Cour de cassation a, dans un arrêt récent, rendu en Assemblée plénière, au visa des articles 9 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L3201ADW), 6 § 1 de la CESDH (N° Lexbase : L7558AIR) et du principe de loyauté dans l'administration de la preuve, répéter que la production d'une preuve obtenue selon un procédé déloyal rend cette preuve irrecevable (Ass. plén., 7 janvier 2011, n° 09-14.316 P+B+R+I N° Lexbase : A7431GNK). Le principe s'applique à toutes les procédures, à l'exception de la matière pénale. Le juge de cassation a donc, maintes fois, affirmé son attachement à la loyauté de la preuve. Or, une preuve obtenue par vol n'est-elle pas dépourvue de toute loyauté ? Le juge, et l'opinion, certainement, répondent que violer le Code pénal n'est pas vraiment une façon faire preuve de loyauté.

Le juge de cassation a eu l'occasion, dans un arrêt du 7 avril 2010, de donner au juge d'appel tous les pouvoirs propres à contrôler l'origine licite des preuves apportées par l'administration. Le juge d'appel statue, en effet, en fait et en droit, il est donc compétent pour contrôler l'origine des preuves fondant une ordonnance autorisant une visite domiciliaire (Cass. com. 7 avril 2010, n° 09-15.122, FS-P+B+R N° Lexbase : A5903EU8). L'administration a, pourtant, fait la sourde oreille dans cette affaire. Elle n'est pas restée impunie.

B - Une jurisprudence confirmée

Le 8 février 2011, par une décision du juge d'appel, premier président de la cour d'appel de Paris, annulant une ordonnance du juge des libertés et de la détention de Paris, autorisant l'application de l'article L. 16 B du LPF, sur le fondement d'une liste volée à la banque suisse par un de ses anciens salariés, cette jurisprudence a été appliquée une nouvelle fois. L'administration s'était pourtant fondée sur quantité de preuves et présomptions pour fonder cette demande d'ordonnance. Dix-huit pièces ont été produites. Deux vont attirer l'attention, puis les foudres du premier président de la cour d'appel de Paris. Il s'agit de deux pièces présentées en annexe A et B. Ces pièces sont, en réalité, des retraitements de la liste volée à la banque par l'un de ses anciens salariés. Celui-ci fourni à l'administration un document interne, en anglais, et un document issu des données informatiques volées. Comme vu précédemment, le fait que ces pièces aient été fournies à l'administration par le Parquet ne leur ôte pas leur origine illicite. En outre, l'administration n'a pas attendu la transmission de ces pièces par le Parquet. Cette transmission a été opérée les 9 juillet 1999, 2 septembre 2009 et 12 janvier 2010. Or, le rapport d'enquête n° 2010-M-062-01, établi par l'Inspection générale des finances, sur demande du ministère du Budget, a été rendu public le 11 juillet 2010, et mentionne la transmission par la DNEF à l'administration fiscale de la liste dite "des 3 000" au 28 mai 2009. L'argument précédent, inopérant, est donc, au surplus, inutile. Le contribuable apporte bien la preuve de l'origine illicite de cette liste, qui ne faisait aucun doute, au vu des nombreuses déclarations du ministre du Budget lui-même et de l'auteur des vols. Rappelant l'arrêt du 7 avril 2010, selon lequel le juge de cassation reconnaît les pouvoirs du juge d'appel en matière de contrôle de la licéité des preuves produites par l'administration fiscale, le premier président de la cour d'appel de Paris relève que la liste dite "des 3 000", mentionnée à de nombreuses reprises dans l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, est la pièce principale et unique qui permettait de la fonder, les autres pièces étant insuffisantes à permettre l'autorisation d'une visite domiciliaire. Dès lors, cette liste n'ayant pas de valeur probante, l'ordonnance n'est pas suffisamment fondée, la présomption de fraude fiscale étant insuffisante, elle est donc annulée. Cette ordonnance d'annulation sonne comme un couperet sur les procédures engagées par l'administration à la suite de la divulgation de la fameuse liste.

C - Une jurisprudence à pérenniser

L'administration a formé un pourvoi en cassation. Au vu de ce qui précède, il est évident que les agents fiscaux n'entrevoient, ni n'espèrent, aucun revirement de jurisprudence. Pourquoi former un pourvoi en cassation ? Pour gagner du temps. Pour que l'administration puisse prévoir les conséquences de l'annulation de l'ordonnance. En effet, en annulant l'ordonnance, le juge d'appel a invalidé la visite et la saisie fondées sur elle. L'administration doit revoir sa copie et trouver d'autres preuves et présomptions lui permettant de fonder une nouvelle demande d'ordonnance.

Quels sont les avantages et les inconvénients de cette décision pour les contribuables ? Pour le contribuable ordinaire, celui qui n'a pas de compte secret en Suisse et même pas, en France, de gestionnaire de compte en banque privée, il n'y a aucun changement. En revanche, il y en a pour les contribuables de la liste dite "des 3 000". Les redressements vont pouvoir être attaqués, puisque l'ordonnance permettant une visite et des saisies de pièces fondant le redressement est invalide, lorsqu'elle s'appuie surtout sur la fameuse liste. Pour autant, cette ordonnance admet-elle la victoire du contribuable sur l'administration ? Non, pas totalement. Les contribuables gagnent du temps. Le délai de prescription court, les transferts d'argent aussi. Voire de domicile. Les Etats qui n'ont pas conclu une convention d'assistance administrative en matière fiscale, conforme au dernier modèle OCDE, avec la France, sont encore nombreux. L'administration fiscale ne laissera pas s'évanouir dans la nature ces sommes, et lorsqu'elle aurait fait siens les moyens de fonder une procédure de vérification et un redressement, elle appliquera dans toute leur splendeur les dispositifs mis à sa disposition. En effet, le CGI impose aux contribuables français de déclarer les sommes déposées sur des comptes à l'étranger et prévoit un arsenal de sanctions, applicables pendant un délai de reprise étendu à dix ans (LPF, art. L. 169 N° Lexbase : L0499IP8). La non-déclaration du transfert de capitaux donne lieu à l'application de la pénalité de 40 % des capitaux transférés en cas de manquement délibéré ou de 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (CGI, art. 1728 b et c N° Lexbase : L1715HNT), des pénalités de retard de 0,40 % par mois (CGI, art. 1727 N° Lexbase : L1536IPL) et d'une amende de 10 000 euros par compte non déclaré (CGI, art. 1736 IV N° Lexbase : L0838IPQ). Le transfert de capitaux est en outre imposé à la CSG et à la CRDS (LPF, art. L. 69 N° Lexbase : L8559AEQ) et qualifié de revenu réputé distribué qui s'ajoute donc à l'assiette de l'impôt sur le revenu (CGI, art. 1649 alinéa 3 {"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 4890154, "corpus": "sources"}, "_target": "_blank", "_class": "color-textedeloi", "_title": "1649", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: L1744HMK"}}). Ces lourdes sanctions planent toujours sur la tête des contribuables fraudeurs, même en l'absence de visite et de saisie. En effet, l'assistance administrative internationale n'est pas exclue. La Suisse ne peut plus opposer à la France son légendaire secret bancaire, et même si ces procédures sont longues, elles sont suspensives de la prescription, et ne sont donc qu'un retard sans réelle importance pour les agents des impôts. Cette décision doit donc être mitigée pour les contribuables, qui n'ont pas sauvé ainsi leur argent. Les conséquences de cette décision sont plus importantes pour l'administration fiscale, qui est rappelée à l'ordre par le premier président de la cour d'appel de Paris. Le vol ne fait pas partie des pouvoirs, déjà importants, que lui octroie la loi fiscale.

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Sociétés

[Le point sur...] SA "non cotées", SAS et SARL : calendrier opérationnel d'approbation des comptes annuels de l'exercice clos

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par Guy de Foresta, Avocat au barreau de Lyon, Of Counsel Bignon, Lebray & Associés - Spécialiste en Droit des Sociétés

Le 31 Mars 2011

Cette présentation, qui vise à l'exhaustivité des règles pratiques imposées par la loi et les règlements aux sociétés anonymes (SA) et sociétés par actions simplifiées (SAS), sociétés à responsabilité limitée (SARL) en vue de l'approbation annuelle des comptes de leur dernier exercice clos, traduit bien l'alourdissement des obligations et du formalisme mis à la charge des sociétés commerciales depuis un certain nombre d'années. Il est vrai toutefois, qu'en sens contraire, des textes récents -la "LME" (loi n° 2008-776 du 4 août 2008, de modernisation de l'économie N° Lexbase : L7358IAR) en particulier- ont procédé à un allègement en faveur de certaines SAS et SARL.
A cet égard, la différence entre les règles détaillées et contraignantes applicables aux SA ainsi que, dans une moindre mesure, aux SARL, mais pas aux SAS qui méritent bien aussi leur nom de "simplifiée" est flagrante. Dans la limite des règles impératives du Code du travail relatives aux droits du comité d'entreprise et à leur exercice, c'est aux options retenues par les rédacteurs de statuts de SAS que sont renvoyées les règles propres à l'organisation, à la compétence et à la tenue des décisions collectives d'associés comme celles relatives aux droits d'information et de communication des associés. L'on notera que dans les SAS présidées par un associé unique personne physique ainsi que dans les EURL dont l'associé unique est également le seul gérant, les opérations d'approbation des comptes sont désormais réduites à une simple formalité de publicité.
CALENDRIER OPERATIONNEL D'APPROBATION ANNUELLE DES COMPTES DE L'EXERCICE CLOS
Délais ultimes impératifs OPERATIONS A MENER
SA SAS SARL
1 Clôture de l'exercice + 1 mois :
C. com., art. R. 225-30 (N° Lexbase : L0165HZ7) et R. 225-57 (N° Lexbase : L0192HZ7).
- Avis au CAC de la poursuite au cours de l'exercice écoulé des conventions autorisées au cours d'exercices antérieurs : C. com., art. L. 225-38 (N° Lexbase : L5909AIP), L. 225-86 (N° Lexbase : L5957AIH), R. 225-30.

- Sanctions pénales : C. com., art. L. 820-4
(N° Lexbase : L2939HCT).

- Non visées par ces dispositions sous réserves des statuts (C. com., art. L. 227-1, al. 3 N° Lexbase : L2477IBD). - Avis aux CAC, s'il en existe, de la poursuite au cours de l'exercice 2010 des conventions visées par l'article L. 223-19 du Code de commerce (N° Lexbase : L5844AIB) conclues au cours d'exercices antérieurs.
Idem EURL (C. com., art. R 223-16 N° Lexbase : L0112HZ8).

- Sanctions pénales : C. com., art. L. 820-4.

2 Selon les statuts ou les usages :
C. com., art. L. 225-64, al. 4 (N° Lexbase : L5935AIN), et R. 823-9 (N° Lexbase : L2308HZI).
Les modes et délais de convocation sont librement fixés dans les statuts.
D'une manière générale, les convocations doivent être adressées aux membres avec un délai suffisant pour leur permettre d'assister à la séance.
En pratique, l'on retient souvent un délai d'au moins huit jours.
SA à directoire :

Convocation à la réunion du directoire qui arrête les comptes de l'exercice écoulé (cf. 3 ci-après) :
- des membres du directoire (C. com., art. L. 225-36-1 N° Lexbase : L2208ATX) ;
- des commissaires aux comptes par lettre recommandée AR (C. com., art. L. 823-17 N° Lexbase : L3053HC3 et R. 823-9) ;
- et le cas échéant des délégués du comité d'entreprise (C. trav., art. L. 2323-62 N° Lexbase : L2888H9T).

- Non visées par ces dispositions sous réserves des statuts (C. com., art. L. 227-1, al. 3 N° Lexbase : L2477IBD). - Non concernées.
3 Clôture de l'exercice + 3 mois :
C. com., art. L. 225-68 (N° Lexbase : L6246ICC) et R. 225-55 (N° Lexbase : L0190HZ3).
SA à directoire :

Réunion du directoire pour établir les documents suivants devant être présentés au conseil de surveillance :
- l'inventaire ;
- le rapport de gestion et comptes annuels de l'exercice ainsi que les comptes consolidés et rapport de gestion du groupe s'il y a lieu (C. com., art. L. 232-1 N° Lexbase : L8724IET, L. 225-68 N° Lexbase : L6246ICC, L. 225-100 (N° Lexbase : L3029HNI).

Sanctions pénales : C. com., art. L. 242-8 (N° Lexbase : L6422AIP).

- établir le cas échéant les autres rapports à présenter à l'AGOA : rapport complémentaire sur l'usage des délégations en matière d'augmentation de capital (C. com., art. L. 225-129-5 N° Lexbase : L8384GQL), rapport sur les options de souscription ou d'achat d'actions (C. com., art. L. 225-184 N° Lexbase : L0862ICW), rapport sur les attributions gratuites d'actions (C. com., art. L. 225-197-4 N° Lexbase : L0980ICB) ;
- arrêter l'ordre du jour et le texte des résolutions de l'AGOA et convoquer celle-ci. (C. com., art. L. 225-103 N° Lexbase : L5974AI4).

- Non visées par ces dispositions sous réserves des statuts (C. com., art. L. 227-1, al. 3). - Non concernées.
4 Selon les statuts ou les usages -souvent AGOA - 53 jours (45 + 8) :
C. com., art. L. 225-36-1.
Les modes et délais de convocation sont librement fixés dans les statuts.
D'une manière générale, les convocations doivent être adressées avec un délai suffisant pour leur permettre d'assister à la séance.
En pratique, l'on retient souvent un délai d'au moins huit jours.

En SAS, souvent décision d'approbation des comptes - (1 mois + 8 jours).

SA à conseil d'administration :

Convocation à la réunion du conseil d'administration qui arrête les comptes de l'exercice écoulé (cf. 5 et 6 ci-après) :
- des administrateurs (C. com., art. L. 225-36-1) ;
- des commissaires aux comptes par lettre recommandée AR (C. com., art. L. 823-17 et R. 823-9) ;
- et le cas échéant des délégués du comité d'entreprise (C. trav., art. L. 2323-62).

- L'obligation de convocation pour l'arrêté des comptes ne s'applique qu'aux membres du comité d'entreprise (si la SAS en est doté), qui sous réserves des statuts, sont convoqués à une réunion de la présidence (C. com., art. L. 232-1 N° Lexbase : L8724IET et L. 227-1, al. 3 et C. trav., art. L. 2323-66 N° Lexbase : L2899H9A).

- La convocation du CAC dépend des options statutaires.

- Non concernées.
5 AGOA - 45 jours :
C. com., art. R. 232-1 (N° Lexbase : L0432HZZ) et R. 225-32 (N° Lexbase : L0167HZ9).

En SAS, souvent AGOA - 1 mois.

SA à conseil d'administration :

Réunion du conseil d'administration (C. com., art. L. 232-1 N° Lexbase : L8724IET et L. 225-103 N° Lexbase : L5974AI4) pour :
- arrêter les comptes annuels et l'inventaire (C. com., art. L. 232-1) et, le cas échéant, les comptes consolidés (C. com., art. L. 233-16 N° Lexbase : L0468HZD)
- établir le rapport de gestion (C. com., art. L. 232-1, R. 225-102 N° Lexbase : L0237HZS, R. 225-104 N° Lexbase : L0239HZU et R. 225-105 N° Lexbase : L0240HZW) et, le cas échéant, le rapport de gestion du groupe (C. com., art. L. 233-16), sous peine de sanctions pénales (C. com., art. L. 242-8 N° Lexbase : L6422AIP et L. 247-1 N° Lexbase : L6471AII) ;
- établir, le cas échéant, les autres rapports à présenter à l'AGOA : rapport complémentaire sur l'usage des délégations en matière d'augmentation de capital (C. com., art. L. 225-129-5 N° Lexbase : L8384GQL), rapport sur les options de souscription ou d'achat d'actions (C. com., art. L. 225-184 N° Lexbase : L0862ICW), rapport sur les attributions gratuites d'actions (C. com., art. L. 225-197-4 N° Lexbase : L0980ICB) ;
- arrêter l'ordre du jour et le texte des résolutions de l'AGOA et convoquer l'AGOA (C. com., art. L. 225-103).

Communication par le président du conseil d'administration aux administrateurs et au CAC de la liste et de l'objet des conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales, à l'exclusion de celles qui ne sont pas significatives en raison de leur objet ou de leurs implications financières passées entre la société et l'un de ses dirigeants, administrateurs ou actionnaires détenant plus de 10 % des droits de vote au plus tard le jour de cette réunion (C. com., art. L. 225-39 N° Lexbase : L5910AIQ).

- Réunion de la présidence ou de l'organe désigné éventuellement dans les statuts à cet effet, pour les mêmes points qu'en SA (C. com., art. L. 227-1, al. 3, L. 232-1, L. 225-103 et L. 242-8).

- Sanctions pénales (C. com., L. 244-1 et L. 242-8).

- Non concernées mais arrêté commun des comptes et du rapport de gestion en cas de pluralité de gérants.
6 Convocation de l'AGOA - 45 jours :
C. com., art. R. 232-1.

En SAS : Décision d'approbation - 38 jours
Délai "de raison", sous réserves des statuts.

En EURL :

- Approbation - 2 mois ;

- Approbation - 1 mois si en plus, l'associé unique est le seul gérant (C. com., art. L. 223-31 N° Lexbase : L2506IBG, R. 223-6 N° Lexbase : L0102HZS et R. 223-8 N° Lexbase : L0104HZU).

Mise à disposition des commissaires aux comptes au siège social (C. com., art. L. 232-1, III) et remise sur demande d'une copie des documents suivants (C. com., art. R. 232-1) :
- comptes annuels : bilan, compte de résultat, annexe ;
- rapport de gestion auquel est joint le rapport du président du conseil d'administration ;
- le cas échéant, comptes consolidés et rapport sur la gestion du groupe.

Sanctions pénales (C. com. art., L. 820-4 N° Lexbase : L2939HCT).

- Obligation analogue vis-à-vis du comité d'entreprise et/ou du commissaire aux comptes (si la SAS en est dotée ; C. com., art. L. 227-1, III, L. 232-1, III, R. 232-1 et L. 820-4 ; C. trav., art. L. 2323-8 N° Lexbase : L2739H9C). - Obligation analogue vis-à-vis du CAC (s'il en existe).

- Idem pour l'EURL, sauf rapport de gestion si l'associé unique est le seul gérant et dans les cas visés au 15 ci après (C. com., art. R. 223-28 N° Lexbase : L0124HZM).

Sanctions pénales : C. com., L.820-4.

7 AGOA - 35 jours.

AGOA - 44 jours/33 jours.

En l'absence de délai légal, le délai d'envoi de l'avis doit être suffisant pour permettre aux actionnaires qui en ont fait la demande de déposer valablement des projets de résolutions, les demandes d'inscription de ces projets devant être transmises à la société 25 jours au moins avant la date de l'assemblée (cf. 8 ci-après). En l'absence de délai légal, le délai d'envoi de l'avis doit être suffisant pour permettre aux actionnaires qui en ont fait la demande de déposer valablement des projets de résolutions, les demandes d'inscription de ces projets devant être transmises à la société 25 jours au moins avant la date de l'assemblée (cf. 8 ci-après).

- Envoi, par lettre recommandée, aux actionnaires qui ont demandé à être informés de la date de réunion des assemblées ordinaires ou de toutes les assemblées, (sous réserve qu'ils aient adressé le montant des frais d'envoi), d'un avis précisant la date prévue de l'assemblé. Par courrier électronique si les actionnaires ont opté pour ce mode de communication (C. com., art. R. 225-72 N° Lexbase : L2609IED et R. 225-63 N° Lexbase : L0198HZD). - Non visées par ces dispositions, sous réserves des statuts (C. com., art. L. 227 -1, al. 3). - Non concernées.
8 AGOA - 25 jours :
C. com., art. R. 225-73 (N° Lexbase : L2584IEG), R. 225-63 (N° Lexbase : L0198HZD), R. 225-74 (N° Lexbase : L0209HZR), R. 225-71 (N° Lexbase : L0156ID7) et R. 225-72 (N° Lexbase : L2609IED) ; C. trav., art. R. 2323-14 (N° Lexbase : L2601IE3).

Délais non impératifs en SAS

- Les actionnaires représentant 5 % du capital social ou moins, et de manière dégressive par tranches, si le capital est supérieur à 750 000 euros, une association d'actionnaires (C. com., art. L. 225-120 N° Lexbase : L6800HCT) et/ou le comité d'entreprise peuvent requérir l'inscription à l'ordre du jour de l'AGOA de projets de résolutions (C. com., art . L. 225-105 N° Lexbase : L5976AI8, R. 225-71 et R. 225-73, II ; C. trav., art. L. 2323-15 N° Lexbase : L2761H97, L. 2323-67 N° Lexbase : L2904H9G) et R. 2323-14, I° N° Lexbase : L2601IE3), par lettre recommandée avec AR ou par courrier électronique (C. com., R. 225-73, II), accompagnée du texte des projets de résolutions qui peuvent être assortis d'un bref exposé des motifs (C. com., R. 225-71). Cette demande doit être adressée 25 jours avant l'AGOA et, pour les actionnaires être accompagnée d'une attestation d'inscription en compte. L'examen de la résolution est subordonné à la transmission d'une nouvelle attestation au 3ème jour ouvré précédant l'AGOA (C. com., art. R. 225-71, dernier al.). - Pas de règles obligatoires à ce sujet pour les associés, sous réserves des statuts , mais ceux-ci doivent en fixer pour le comité d'entreprise. (C. trav., R. 2323-16 N° Lexbase : L9172ID3). - Non concernées.
9 Dans les 5 jours de la réception de la demande :
C. com., art. R. 225-63, R . 225-74 et C. trav., art. R. 2323-15 (N° Lexbase : L9288IDD).

Délais non impératifs en SAS.

- Accusé de réception par le président du conseil d'administration ou le directoire des demandes d'inscription de projets de résolutions (cf. 8 ci-dessus). - Pas de règles obligatoires à ce sujet pour les associés, sous réserves des statuts, mais ceux-ci doivent en fixer pour le comité d'entreprise (C. trav., art. R. 2323 -16). - Non concernées.
10 AGOA -16 jours :
C. com., art. R. 225-90 (N° Lexbase : L0225HZD).

Délais non impératifs en SAS.

En cas de demande d'inscription à l'ordre du jour (cf. 8 et 9 ci-avant), réunion du conseil d'administration ou du directoire à l'effet :
- d'arrêter en conséquence l'ordre du jour de l'assemblée et le texte des résolutions présentées ou agrées ;
- de statuer sur les projets de résolutions demandés (C. com., art. R. 225-74).

Etablissement par les dirigeants sociaux de la liste des actionnaires contenant les noms, prénom usuel et domicile de chaque actionnaire titulaire d'actions nominatives inscrit à cette date sur les registres d'actions nominatives et le nombre de ses actions (C. com., art. L. 225-116 N° Lexbase : L5987AIL et R. 225-90 N° Lexbase : L0225HZD).

Préparation des documents à envoyer ou à mettre à la disposition des actionnaires.

- Pas de règles obligatoires à ce sujet pour les associés, sous réserves des statuts, mais ceux-ci doivent en fixer pour le comité d'entreprise (C. trav., art. R. 2323-16).

- Non visées par ces dispositions sous réserves des statuts (C. com., art. L. 227-1, al. 3).

- Non concernées.
11 AGOA -15 jours :
C. com., art. R. 225-59 (N° Lexbase : L0194HZ9).
SA à directoire

- Réunion du conseil de surveillance pour établir le rapport contenant ses observations sur le rapport du directoire ainsi que sur les comptes de l'exercice (ce document devant être mis à la disposition des actionnaires). Les commissaires aux comptes doivent être convoqués à cette réunion en même temps que les membres du conseil de surveillance, par lettre recommandée avec AR. La liste et l'objet des conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales (à l'exclusion de celles qui ne sont pas significatives), passées entre la société et l'un des membres du directoire et/ou du conseil de surveillance ou actionnaire détenant plus de 10 % des droits de vote, doit être communiquée aux membres du conseil de surveillance et aux commissaires aux comptes par le président du conseil de surveillance au plus tard le jour de cette réunion (C. com., art. L. 225-68 N° Lexbase : L6246ICC, L. 225-86 N° Lexbase : L5957AIH, L. 225-87 N° Lexbase : L5958AII, L. 823-17 N° Lexbase : L3053HC3, R. 823-9 N° Lexbase : L2308HZI et R. 225-59 N° Lexbase : L0194HZ9).

- Non visées par ces dispositions sous réserves des statuts (C. com., art. L. 227-1, al. 3). - Non concernées.
12 AGOA - 15 jours :
C. com., art. R. 225-83 (N° Lexbase : L7026H94) et R. 225-161 (N° Lexbase : L0296HZY).
Dépôt par les CAC au siège social :
- du rapport sur les comptes annuels (C. com. art. L. 225-40 N° Lexbase : L5911AIR) ;
- le cas échéant, du rapport sur les comptes consolidés (C. com., art. R. 225-161 N° Lexbase : L0296HZY) ;
- du rapport spécial sur les conventions réglementées (C. com., art. L. 225-40 et L. 225-88 N° Lexbase : L5959AIK).
- Non visées par ces dispositions sous réserves des statuts (C. com., art. L. 227-1, al. 3). Idem en SARL et EURL, s'il existe un commissaire aux comptes (C. com., art. L. 223-19 N° Lexbase : L5844AIB).
13 AGOA -15 jours :
C. com., art. R. 225-69 (N° Lexbase : L0204HZL)

Fixé par les statuts en SAS : souvent AGOA - 8 jours

- Convocation de tous les actionnaires par lettre simple ou recommandée adressée, aux frais de la société, à chaque actionnaire ou encore par courrier électronique si l'actionnaire a opté pour ce mode de communication et contenant les mentions visées à l'article R. 225-66 du Code de commerce (N° Lexbase : L0201HZH). - Modalités et délais de convocation des associés librement fixés par les statuts (C. com., art. L. 227-1, al. 3). - Convocation des associés par lettre recommandée indiquant l'ordre du jour (C. com., art. R. 223-20 N° Lexbase : L0116HZC).
14 AGOA -15 jours :
C. com., art. R. 823-9 (N° Lexbase : L2308HZI).

Fixé par les statuts en SAS : souvent AGOA - 8 jours.

- Convocation des commissaires aux comptes par LR/AR (C. com., art. L. 823-17 N° Lexbase : L3053HC3 et R. 823-9), sous peine de sanctions pénales (C. com., art. L.  820-4 N° Lexbase : L2939HCT).

- Convocation des délégués du comité d'entreprise (C. trav., art. L. 2323-67 N° Lexbase : L2904H9G).

- Si la décision collective des associés d'approbation des comptes se fait sous forme d'assemblée générale, la convocation des CAC est obligatoire, sous peine de lourdes sanctions pénales (C. com., art. L. 832-17 et L. 820-4). Le cas échéant, convocation :
- des CAC par LR/AR (C. com., art. L. 823-17 et R. 823-9), sous peine de sanctions pénales (C. com., art. L. 820-4) ;
- des délégués du comité d'entreprise (C. trav., art. L. 2323-67).
15 A compter de la convocation de l'AGOA et jusqu'à J-5 inclus :
C. com., art. R. 225-88 (N° Lexbase : L0186IDA).
- Envoi aux actionnaires qui en font la demande des documents et renseignements visés aux articles R. 225-81 (N° Lexbase : L0216HZZ), R. 225-83 (N° Lexbase : L7026H94) et L. 820-3 (N° Lexbase : L2937HCR) du Code de commerce et à l'article L. 2323-74 du Code du travail (N° Lexbase : L2924H98). - Non visées par ces dispositions sous réserves des statuts (C. com., art. L. 227-1, al. 3). Envoi aux associés des documents suivants (C. com., art. L. 223-19 N° Lexbase : L5844AIB, R. 223-18 N° Lexbase : L0114HZA et R. 223-26 N° Lexbase : L0122HZK) :
- comptes annuels, rapport de gestion ;
- texte des résolutions proposée ;
- le cas échéant, des comptes consolidés et du rapport sur la gestion du groupe ;
- le cas échéant, des rapports des CAC sur les comptes annuels, sur les comptes consolidés (le cas échéant), et les conventions réglementées -en l'absence de CAC : rapport de la gérance sur les conventions "réglementées"- ;
- le cas échéant, des observations du comité d'entreprise sur la situation économique et sociale de la société (C. trav., art. L. 2323-8, al. 2)

NB : si l'associé unique est aussi gérant, dispense de rapport de gestion si la société n'atteint pas 2 des 3 seuils fixés par décret (C. com., art. L. 232-1, IV N° Lexbase : L8724IET, R. 232-1-1 N° Lexbase : L2046IPH) :
- total du bilan : 1 millions d'euros ;
- CA HT : 2 millions d'euros ;
- nombre moyen de salariés permanents employés au cours de l'exercice : 20.

16 A compter de la convocation de l'AGOA :
C. com., art. R. 225-89 (N° Lexbase : L4636H9L) et C. trav., art L. 2323-74 (N° Lexbase : L2924H98).
- Mise à disposition des actionnaires au siège social des documents visés aux articles L. 225-108 (N° Lexbase : L5979AIB), R. 225-83 (N° Lexbase : L7026H94), L. 225-101 (N° Lexbase : L0236HZR), L. 820-3 (N° Lexbase : L2937HCR) du Code de commerce et à l'article L. 2323-74 du Code du travail. - Mise à disposition des associés et du comité d'entreprises au minimum et sous réserve des statuts, des comptes sociaux et du rapport de gestion (société et groupe) et des rapports des commissaires aux comptes (C. com., art. L. 227-1, al. 3 et L. 232-1 N° Lexbase : L8724IET ; C. trav., art. L. 2323-8). - L'inventaire est tenu au siège social à la disposition des associés qui ne peuvent en prendre copie (C. com., art. R. 223-18).

- Communication de ces documents aux membres du comité d'entreprise (C. trav., art.L. 2323-8, L. 223-26, al. 3).

17 AGOA - 6 jours :
C. com., art. R. 225-75 (N° Lexbase : L0210HZS).
- Réception des demandes de formulaire de vote par correspondance au siège social (C. com., art. R. 225-75). - Non visées par ces dispositions sous réserves des statuts (C. com., art. L. 227-1, al. 3). - Non concernées.
18 Entre la convocation et AGOA - 4ème jour ouvré :
C. com., art. R. 225-84 (N° Lexbase : L0149IDU).
- Communication par les actionnaires de leurs questions écrites (C. com., art. L. 225-108, al. 3 N° Lexbase : L5979AIB et R. 225-84). - Non visées par ces dispositions sous réserves des statuts (C. com., art. L. 227-1, al. 3). -  Communication par les associés de leurs questions écrites C. com., art. R. 223-26, al. 3 N° Lexbase : L0122HZK)
19 AGOA - 3 jours :
C. com., art. R. 225-77 (N° Lexbase : L0158ID9).
- Réception des votes par correspondance (C. com., art. R. 225-77). - Non visées par ces dispositions sous réserves des statuts (C. com., art. L. 227-1, al. 3). - Non concernées.
20 AGOA -1 jour à 15h00 (Paris) :
C. com., art. R. 225-77 (N° Lexbase : L0158ID9).
-  Réception des votes électroniques à distance (C. com., art. R. 225-77). - Non visées par ces dispositions sous réserves des statuts (C. com., art. L. 227-1, al. 3). - Non concernées.
21 Avant l'AGOA. - En cas de questions écrites des actionnaires, réunion du conseil d'administration ou du directoire pour examiner les questions écrites des actionnaires (C. com., art. L. 225-108, al. 3 N° Lexbase : L5979AIB) - Non visées par ces dispositions sous réserves des statuts (C. com., art. L. 227-1, al. 3). - Non concernées.
22 AGOA (clôture de l'exercice + 6 mois) :
C. com., art. L. 225-100 (N° Lexbase : L3029HNI) et L. 227-9, al. 3 (N° Lexbase : L2484IBM, en SASU).

En SAS à pluralité d'associés, pas de délai obligatoire :
C. com., art. L. 227-1, al. 3 et L. 225-100, al. 1er.

  • Réunion de l'assemblée ordinaire annuelle

Rapport : présentation des rapports suivants :
- rapport de gestion de la société (de gestion du groupe) ;
- rapport des commissaires aux comptes ;
- rapports spéciaux sur les stock-options et sur les attributions d'actions gratuites ;
- rapport complémentaire sur l'utilisation des délégations de compétence et de pouvoir en matière d'augmentation de capital.

Auditions :
- audition des observations du comité d'entreprises et, s'il y a lieu, de celles du conseil de surveillance ;
- audition, s'il y a lieu, de l'avis de l'assemblée spéciale des actionnaires à dividende prioritaire.

Comptes sociaux :
- présentation des comptes annuels et des comptes consolidés ;
- approbation par les actionnaires des comptes annuels et des comptes consolidés ;
- approbation par les actionnaires de certaines dépenses somptuaires non déductibles (CGI, art. 39 N° Lexbase : L3894IAH) ;
- décision d'affectation du résultat.

Autres :
- nomination, renouvellement, révocation d'administrateurs, de membres du conseil de surveillance, de commissaire aux comptes, de membres du directoire (révocation seulement) (C. com., art. L. 225-61 N° Lexbase : L5932AIK, L. 225-18 N° Lexbase : L5889AIX, L. 225-75 N° Lexbase : L5946AI3, L. 225-228 N° Lexbase : L6068ICQ) ;
- approbation ou pas des conventions réglementées (C. com., art. L. 225-40 N° Lexbase : L5911AIR, L. 225-41 N° Lexbase : L5912AIS, L. 225-42 N° Lexbase : L5913AIT, L. 225-89 N° Lexbase : L5960AIL, L. 225-90 N° Lexbase : L5961AIM) ;
- toute autre question de sa compétence (C. com., art. L. 225-105 N° Lexbase : L5976AI8, L. 225-21 N° Lexbase : L5892AI3).

  • Approbation des comptes par décision collective des associés, en la forme retenue pour les statuts.

- Analogue à la situation en SA mais :

- Pas d'approbation obligatoire des comptes consolidés.

- Approbation ou pas des conventions réglementées au vu du rapport du commissaire aux comptes ou, à défaut de commissaire aux comptes, du président. (C. com., art. L. 227-1, al. 3, et L. 232-1).

- En SASU présidée par un associé unique personne physique, uniquement procédure simplifiée d'approbation (cf. 24, ci-après).

- Absence de sanctions pénales.

  • Réunion de l'assemblée générale ordinaire annuelle : 

- approbation des comptes ;
- affectation du résultat.

Idem en EURL (décision de l'associé unique) et si l'associé unique est aussi gérant, choix entre :
- décision d'approbation des comptes ;
- ou simple dépôt de l'inventaire et des comptes au registre du commerce dans les 6 mois de la clôture.

(C. com., art. L. 223-26 N° Lexbase : L5408G7G ; L. 223-31 N° Lexbase : L2506IBG)

- Sanctions pénales : C. com., art. L. 241-5 (N° Lexbase : L6410AIA).

23 AGOA + 15 jours :
C. com., art. L. 233-8 (N° Lexbase : L4179H9N) et R. 233-2 (N° Lexbase : L4179H9N).
- Publication dans un journal d'annonces légales du département du siège social d'un avis relative au nombre total de droits de vote existants à la date de l'AGOA (C. com., art. L. 233-8 et R. 233-2). - Non visées par ces dispositions sous réserves des statuts (C. com., art. L. 227-1, al. 3). - Non concernées.
24 AGOA + 1mois :
C. com., art. L. 232-23 (N° Lexbase : L2419IB9).
Dépôt au greffe du tribunal de commerce, en 2 exemplaires certifiés conformes (C. com., art. L. 232-23) :
- des comptes sociaux annuels ;
- du rapport de gestion, auquel est joint le rapport du président du conseil d'administration ;
- du rapport des commissaires aux comptes et, éventuellement, de leurs observations sur les modifications apportées par l'assemblée aux comptes annuels ;
- de la proposition d'affectation du résultat soumise à l'AGOA et la résolution d'affectation votée
- ainsi que, le cas échéant, des comptes consolidés, du rapport de gestion du groupe et du rapport des CAC sur les comptes consolidés et du rapport du conseil de surveillance.

Sanctions pénales : C. com., art. R. 247-3 (N° Lexbase : L0515HZ4).

- Idem qu'en SA.

- En SASU présidée par un associé unique, personne physique, le dépôt des comptes et de l'inventaire signés ainsi que de l'affectation des résultats, vaut approbation des comptes (C. com., art. L. 227-9 N° Lexbase : L2484IBM et L. 232-23).

Sanctions pénales : C. com., art. R.  247-3.

Dépôt au greffe du tribunal de commerce, en 2 exemplaires certifiés conformes (C. com., art. L. 232-22 N° Lexbase : L2486IBP) :
- des comptes annuels ;
- du rapport de gestion ;
- de la proposition d'affectation du résultat soumise à l'AGOA et de la résolution d'affectation
- le cas échéant, du rapport général du CAC, des comptes consolidés, du rapport sur la gestion du groupe, du rapport du CAC sur les comptes consolidés.

- Sanctions pénales : C. com.., art. R. 247-3.

En EURL, si l'associé unique est aussi gérant, dépôt au greffe (C. com., art. L. 223-31 N° Lexbase : L2506IBG) :
- de la décision d'approbation des comptes annuels ;
- ou bien de l'inventaire et des comptes au registre du commerce ;
- pas d'obligation de dépôt de rapport de gestion, mais mise à disposition à toute personne en faisant la demande (C. com., art. L. 233-22, 2°, al. 2 N° Lexbase : L2486IBP), sauf dispense d'établissement du rapport (cf.15, ci-avant).

Précisions :

- Ce calendrier concerne les formes sociales de société anonyme -à conseil d'administration comme à directoire et conseil de surveillance- de SAS et de SARL, que ces dernières disposent de plusieurs ou d'un seul associé (SASU et EURL).

- Il ne s'étend pas aux obligations propres aux sociétés anonymes qui offrent au public des titres financiers ou procèdent à l'admission d'instruments financiers aux négociations sur un marché boursier.

- En ce sens, il ne concerne que les SA dont toutes les actions sont nominatives.

- Le calendrier ne concerne par ailleurs que les seules obligations propres à l'approbation annuelle des comptes de l'exercice.

- En ce sens, il ne s'étend pas à celles qui pèsent sur les sociétés tenues d'établir des documents de gestion prévisionnelle (cf. C. com., art. L. 232-2).

- A cet égard, il faut néanmoins souligner que pour des raisons pratiques et pour autant qu'elles puissent l'organiser, les sociétés, lorsqu'il s'agit de SA à conseil d'administration, peuvent avoir intérêt à faire coïncider la réunion du conseil chargée d'établir les documents dans les 4 mois de la clôture de l'exercice clos au plus tard, avec celle d'arrêté des comptes mentionnés au point 5 du calendrier.

- De même, mais à l'inverse, pour la réunion du directoire d'arrêté des comptes (cf. point 3 du calendrier) et celle d'établissement de ces documents de gestion prévisionnelle.

- Pour la bonne compréhension des opérations d'approbation des comptes et de leur calendrier, il convient de veiller à bien prendre en compte les différents cas de figure qui peuvent se présenter et qui imposent des délais et des obligations distinctes : existence ou pas de comptes consolidés ; présence ou pas de comité d'entreprise ; et, pour les SAS et les SARL, pluralité d'associés ou bien associé unique et, dans ces derniers cas, dirigeant (président ou gérant) associé unique ou pas.

- S'agissant des délais visés en jours dans les colonnes du calendrier, il convient, en l'absence de dispositions spécifiques de ne pas compter le 1er jour mais de compter le dernier. Par exemple, la convocation 15 jours à l'avance d'une assemblée prévue pour le 30 juin doit être effectuée le 15 juin au plus tard (compte tenu des règles de computation des délais fixées par les articles 641 N° Lexbase : L6802H73 et 642 N° Lexbase : L6803H74 du Code de procédure civile).

- Pour les SAS, le calendrier ne mentionne que les obligations mises à la charge de ces sociétés par la loi et les règlements seuls, à l'exception de leurs dispositions statutaires qui ont vocation à fixer les règles à suivre en matière notamment d'organisation et de compétence des décisions collectives d'associés, de délais et de modalités de leurs convocations, de droit d'information et de vote des associés, d'exercice du droit d'information des commissaires aux comptes, et des droits du comité d'entreprise, s'il en existe.

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