ETUDE : L’état d’urgence sanitaire : une « circonstance exceptionnelle » en matière de contrats publics * Mise à jour le 23.06.2020
E45123LP
sans cacheDernière modification le 23-06-2020
Face à la crise sanitaire majeure actuelle, l’exécutif a été autorisé à légiférer par voie d’ordonnances par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19.
Dans un objectif affiché de soutien aux entreprises, l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020, portant diverses mesures d'adaptation des règles de passation, de procédure ou d'exécution des contrats soumis au Code de la commande publique et des contrats publics qui n'en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l'épidémie de Covid-19, vient d’être adoptée.
E08343N9
E45133LQ
L'article 4 de l'ordonnance n° 2020-560 du 13 mai 2020 fixant les délais applicables à diverses procédures pendant la période d'urgence sanitaire modifie l'article 1er de l'ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 susvisée.
Les mots : « jusqu'à la fin de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée, augmentée d'une durée de deux mois » sont remplacés par les mots : « jusqu'au 23 juillet 2020 inclus »
E45143LR
De telles dispositions sont assimilables à une suspension du Code de la commande publique. Leur caractère général pourra permettre à l’administration, en cours de procédure par exemple, de modifier tant les critères d’attribution, que la nature ou la quantité des prestations prévues au cahier des clauses administratives particulières et au cahier des clauses techniques particulières. Il est fort à craindre qu’en cette période de « circonstances exceptionnelles », le contrôle du juge sur le respect du principe d’égalité de traitement des candidats soit réduit à sa plus simple expression, si tant est que ce contrôle puisse matériellement être exercé dans un délai utile.
E45153LS
L'article 4 de l'ordonnance n° 2020-560 du 13 mai 2020 fixant les délais applicables à diverses procédures pendant la période d'urgence sanitaire ajoute un alinéa à l'article 5 de l'ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 susvisée :
« Les dispositions du présent article sont applicables aux contrats soumis au code de la commande publique ainsi qu'aux contrats publics qui n'en relèvent pas, en cours ou conclus durant la période courant du 12 mars 2020 jusqu'à la fin de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée, augmentée d'une durée de deux mois. »
L’article 6-1° autorise le cocontractant de l’administration à bénéficier d’un délai d’exécution complémentaire pour une ou plusieurs obligations du contrat, au-delà de la fin de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée, augmentée d'une durée de deux mois.
⇒ Sur la suppression des sanctions du titulaire dans l’incapacité d’exécuter le contrat
Les dispositions de l’article 6-2° suppriment la possibilité de sanctionner le cocontractant de l’administration lorsque celui-ci est dans l'impossibilité d'exécuter tout ou partie d'un bon de commande ou d'un contrat, notamment lorsqu'il démontre qu'il ne dispose pas des moyens suffisants ou que leur mobilisation ferait peser sur lui une charge manifestement excessive. Parallèlement, le pouvoir adjudicateur, pourra en cas d’impossibilité pour le titulaire d’exécuter le contrat, mais uniquement pour les besoins qui ne peuvent souffrir aucun retard, passer un marché de substitution, sans toutefois pouvoir en imputer les frais et risques au titulaire initial. Le titulaire initial ne pourra non plus rechercher la responsabilité de l’administration pour la passation de ce marché de substitution.
⇒ Sur le pouvoir de résiliation ou renonciation en cas de marché à bon de commande
De même, aux termes de l’article 6-3°, l’acheteur public pourra résilier un marché ou renoncer à un marché à bon de commande en raison des conséquences de mesures liées à l’état d’urgence sanitaire, sous condition d’indemniser le titulaire du marché des dépenses engagées liées à l’exécution du contrat. Cette mesure semble plus restrictive pour le titulaire du marché que l’hypothèse de la résiliation pour motif d’intérêt général, puisqu’elle ne comprend pas l’indemnisation de son manque à gagner, c’est-à-dire le bénéfice manqué par le titulaire en raison de l’interruption du marché.
Important. Selon la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020, relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes, ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne, par dérogation à l'article L. 2195-4 du Code de la commande publique (N° Lexbase : L8100AG4), l'acheteur ne pourra procéder à la résiliation unilatérale d'un marché public au motif que le titulaire est admis à la procédure de redressement judiciaire instituée à l'article L. 631-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L8100AG4) ou à une procédure équivalente régie par un droit étranger si cette admission intervient avant le 10 juillet 2021 inclus. |
L’article 6-4° concerne exclusivement la suspension en cours d’exécution d’un marché à forfait et impose à l’administration le règlement sans délai du marché selon les modalités et pour les montants prévus par le contrat, avec, à l'issue de la suspension, un avenant déterminant les modifications du contrat éventuellement nécessaires, sa reprise à l'identique ou sa résiliation, ainsi que les sommes dues au titulaire ou, le cas échéant, les sommes dues par ce dernier à l'acheteur. Ces dispositions, sous réserve de l’interprétation de leur caractère imprécis, semblent permettre au titulaire du marché d’obtenir le règlement de l’intégralité du marché, sans délai, à charge pour ce dernier d’avoir à rembourser l’administration d’un trop éventuel perçu, notamment en cas de résiliation, après la fin de la suspension. Si tel est bien le cas, il est peu probable que le pouvoir adjudicateur soit enclin à suspendre les marchés forfaitaires de travaux d’un montant important, surtout si ceux-ci n’en sont qu’au début de leur exécution.
⇒ Sur la suspension de l’exécution du contrat de concession
Enfin, les articles 6-5° et 6-6° de l’ordonnance concerne les concessions, et permet la suspension de l’exécution du contrat, accompagné de la suspension des versements des redevances et toutes autres sommes au concédant, le concessionnaire pouvant, en revanche, solliciter le versement d’une avance pour sommes dues à hauteur de ses besoins, si la situation le justifie. En dehors de la suspension, l’article 6-6° permet, lorsque le concédant est conduit à modifier significativement les modalités d'exécution prévues au contrat, le versement de droit d’une indemnité destinée à compenser le surcoût qui résulte de l'exécution, même partielle, du service ou des travaux, « lorsque la poursuite de l'exécution de la concession impose la mise en œuvre de moyens supplémentaires qui n'étaient pas prévus au contrat initial et qui représenteraient une charge manifestement excessive au regard de la situation financière du concessionnaire ». Les termes « charges manifestement excessive au regard de la situation financière du concessionnaire », du fait de leur imprécision, promettent d’âpres négociations entre les cocontractants et pourraient être source de contentieux.
⇒ L’article 8 de l’ordonnance précise, enfin, les modalités d’application des dispositions de celle-ci pour les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.
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