Jurisprudence : TA Grenoble, du 30-05-2023, n° 2002427

TA Grenoble, du 30-05-2023, n° 2002427

A72209XP

Référence

TA Grenoble, du 30-05-2023, n° 2002427. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/96580034-ta-grenoble-du-30052023-n-2002427
Copier

Références

Tribunal Administratif de Grenoble

N° 2002427

5ème Chambre
lecture du 30 mai 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

I- Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n°2002427 le 24 avril 2020 et le 11 octobre 2022, l'association Valloire Nature et Avenir (VNEA), représentée par Me Hercé, demande au tribunal :

1°) d'annuler la délibération du 25 février 2020 par laquelle le comité syndical du syndicat pays de Maurienne a approuvé le schéma de cohérence territoriale du pays de Maurienne ;

2°) de mettre à la charge du syndicat du pays de Maurienne la somme de 8 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'association VNEA soutient que :

- l'évaluation environnementale est insuffisante au regard des dispositions de l'article R. 141-2 du code de l'urbanisme dès lors que s'agissant des unités touristiques nouvelles (UTN) il n'est pas exposé les raisons des choix opérés au regard des solutions de substitution raisonnables et les impacts écologiques et paysagers ne sont pas suffisamment détaillés ; plus particulièrement s'agissant de l'UTN n°4, le dossier UTN initial n'a pas été repris dans l'évaluation environnementale, évoque des données erronées (qualifiant la zone humide sur site de petite) ; le diagnostic faune flore du dossier UTN minimise la présence des espèces protégées ; il en est de même de l'UTN n°3 ; l'évaluation environnementale est lacunaire s'agissant de la ressource en eau et l'assainissement alors qu'avant l'approbation du schéma de cohérence territoriale la commune a connu des problématiques de desserte d'eau potable ou de contamination de celle-ci ; l'affirmation selon laquelle aucun problème quantitatif de la ressource en eau n'existe à Valloire est erronée ; les données relatives à l'eau sont fondées sur le schéma directeur eau potable de 2011 qui présente des données obsolètes ; l'affirmation de l'absence de nécessité de produire de la neige artificielle est manifestement erronée dans un contexte de réchauffement climatique ; s'agissant de l'assainissement, les données relatives à la station d'épuration datent de 2014 et ne prennent pas en compte les constructions nouvelles qui ont été réalisées dans l'intervalle et ces données se basent sur la fréquentation du mois de février alors que celle-ci est plus importante lors de la période des fêtes ; les données ne prennent pas en compte les créations à venir de nouveaux lits dans les autres communes desservies ; l'impact paysager des projets est minimisé comme c'est le cas de l'UTN n°4 ; les déblais produits par le chantier ne font l'objet d'aucune assertion ; l'évaluation environnementale est insuffisante sur le traitement du réchauffement climatique ;

- le dossier soumis à enquête publique est incomplet au regard des dispositions de l'article R. 123-8 du code de l'environnement faute de contenir le dossier UTN établi pour le Club Med de Valloire ;

- le rapport et la motivation de l'avis de la commission d'enquête sont insuffisants au regard des dispositions des articles L. 123-15 et R. 123-19 du code de l'environnement dès lors que la commission d'enquête a rejeté ses observations alors pourtant qu'elles avaient été déposées par voie électronique en cours d'enquête et la commission n'a donc pas répondu à toutes les observations ; le rapport est insuffisamment motivé et ne retranscrit pas la teneur des observations émises ; la commission n'a posé que deux questions au sujet de l'UTN n°4 ; la commission a motivé sa position par rapport à l'UTN n°4 en reprenant mot pour mot les termes de l'évaluation environnementale ; il est insuffisamment motivé sur l'UTN n°4, infondé et incomplet ;

- la procédure est viciée dès lors qu'un bureau d'études a produit un rapport intermédiaire sur les risques naturels début octobre 2019 sans qu'il soit versé dans le dossier d'enquête publique alors que le président de la commission en a eu connaissance ; ce document est essentiel puisqu'il a justifié la levée de réserve du préfet ;

- la concertation mise en place méconnaît les articles L. 103-2 et L. 103-4 dès lors que le projet finalement soumis à enquête publique est bien différent de celui envisagé lors de la concertation ; l'UTN n°4 n'était pas évoquée en phase de concertation ; les orientations et objectifs présidant la phase de concertation du schéma de cohérence territoriale sont trop éloignés de ce qui a été finalement mis en œuvre ;

- le projet de schéma de cohérence territoriale soumis aux personnes publiques associées était incomplet puisqu'il n'intégrait pas les données relatives à l'UTN n°4 pourtant contenues dans le dossier de demande d'UTN initialement élaboré ;

- le schéma de cohérence territoriale méconnait l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme, applicable aux schémas de cohérence territoriale en vertu de l'article L. 141-1 ; le schéma ne comporte aucun objectif de réduction des gaz à effet de serre ;

- les UTN sont entachées d'erreur d'appréciation au regard de l'article L. 122-15 et notamment l'UTN n°3 ; la réhabilitation des lits existants est insuffisante ; les 22 800 lits neufs crées n'assure pas la pérennisation de ceux-ci en lits chauds ;

- le projet d'aménagement et de développement durables et le document d'orientation et d'objectifs sont incohérents en méconnaissance de l'article L. 141-5 du code de l'urbanisme ; le projet d'aménagement et de développement durables a une logique de protection et de valorisation raisonnée du territoire ; de même s'agissant de la logique de réhabilitation portée par le projet d'aménagement et de développement durables ; les UTN prévoyant l'extension des domaines skiables portent atteinte à l'objectif de préservation ; les UTN n°3 et 4 ne sont pas cohérentes avec le projet d'aménagement et de développement durables ;

- le rapport de présentation est insuffisant au regard de l'article L. 141-3 du code de l'urbanisme dès lors qu'il ne contient aucune justification économique des UTN, il n'y a pas d'analyse des besoins globaux en immobilier de loisirs, le diagnostic ne contient aucune indication sur les objectifs de consommation de l'espace en montagne ; il n'est pas fait état des risques naturels ;

- L'UTN n°4 est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le schéma de cohérence territoriale ne prend pas en compte les objectifs 4.2 et 4.3 du SRADDET ainsi du SRCE (hameau des Verneys) et méconnaît les articles L. 131-1 et L. 131-2 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistrés le 5 septembre 2022, le syndicat du pays de Maurienne (SPM), représenté par Me Duraz, conclut au rejet de la requête ou subsidiairement à ce qu'il soit fait application de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme ou n'annuler que partiellement la délibération ou de déroger exceptionnellement au principe de l'effet rétroactif de l'annulation pour 24 mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de la requérante une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- l'association requérante ne justifie pas de la qualité pour agir de son président ;

- l'association requérante ne justifie pas de son intérêt pour agir ;

- les moyens ne sont pas fondés.

Par un mémoire en intervention enregistré le 17 octobre 2022, l'association Mountain Wilderness France entend intervenir au soutien de la requête de l'association FNE-AURA et autres (n°2004369).

Elle développe des arguments supplémentaires au regard des moyens déjà soulevés en requête et aborde le cas de l'UTN n°1.

II- Par une requête, enregistrée sous le n°2004369 le 5 août 2020, l'association France nature environnement Rhône Alpes (FNE-AURA), l'association France nature environnement Savoie (FNE) et le comité de Savoie des clubs alpins et de montagne (FFCAM), représentés par Me Teixeira Cavalcante, demandent au tribunal :

1°) d'annuler la délibération du 25 février 2020 par laquelle le comité syndical du syndicat pays de Maurienne a approuvé le schéma de cohérence territoriale du pays de Maurienne ;

2°) de mettre à la charge du syndicat du pays de Maurienne la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'association FNE-AURA et autres soutiennent que :

- les convocations adressées aux membres du comité syndical ne respectent pas les dispositions de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales, en l'absence d'envoi de la note de synthèse et de preuve de la convocation des membres dans le délai de 5 jours francs ; l'annexe à la délibération ne pallie pas l'absence de note de synthèse ;

- l'évaluation environnementale est insuffisante au regard des dispositions de l'article R. 141-2 du code de l'urbanisme en raison de :

* l'insuffisance de l'analyse de l'état initial de l'environnement et les perspectives de son évolution ;

* l'insuffisance de l'analyse des incidences notables prévisibles notamment sur les zones Natura 2000 ;

* l'insuffisance de justification des choix justifiant le scenario retenu ; insuffisance des quatre scenarii présentés qui ne constituent pas des alternatives réelles entres eux ;

* l'insuffisance de présentation des mesures ERC faute d'identification des espèces menacées par les effets du projet ; aucune mesure ERC n'est prévue pour les UTN ;

* la méconnaissance du 6° de l'article R. 141-2 du code de l'environnement faute de définition des critères, indicateurs et modalités retenus pour l'analyse des résultats de l'application du schéma ;

* l'insuffisance du résumé non technique sur la présentation de la démarche d'évaluation environnementale quant à l'état initial ou les enjeux environnementaux ;

- l'Italie n'a pas été consultée en méconnaissance de l'article R. 104-26 du code de l'urbanisme ;

- le rapport de présentation méconnaît l'article L. 141-3 du code de l'urbanisme dès lors qu'il présente une analyse de la consommation foncière sur la période 2006-2016 soit trois ans avant l'adoption du schéma alors que la période était marquée par une consommation foncière en baisse.

- le rapport de présentation méconnaît le 5° de l'article R. 141-2 du code de l'urbanisme compte tenu du choix de la période d'analyse courant de 2016 à 2030 alors que le schéma n'est applicable qu'à compter de 2020 ; le schéma de cohérence territoriale prévoit ainsi des prescriptions rétroactives en matière de logement en méconnaissance de l'article L. 221-4 du code des relations entre le public et l'administration et de l'article 2 du code civil ; les projections pour l'avenir sont donc par nature erronées ; le schéma de cohérence territoriale ne comporte donc d'effets que sur une période de dix ans ; ces données impliquent une ambiguïté sur l'analyse de l'état initial à t0 et le choix de la date t0 ;

- le document d'orientation et d'objectifs prévoit la création de 380 logements en méconnaissance du rapport de présentation qui en prévoit 350 sur la même période ; le rapport de présentation n'explicite pas le choix du DOO de résorption des lits froids et tièdes ; le schéma de cohérence territoriale prévoit la réhabilitation de 11 000 lits en station et la création de 21 100 nouveaux lits soit 2,5 fois le besoin estimé ; le projet d'aménagement et de développement durables indique lui-même que la création de nouveaux lits n'a pas augmenté la fréquentation ; la nécessité de réhabiliter les lits existants en priorité n'est pas assuré par le DOO ; ce postulat renforce le risque de développement de nouvelles friches touristiques et aggrave la pression foncière sur les territoires à enjeux ; l'UTN n°2 " Albiez-Karellis " n'est pas évoquée par le rapport de présentation ;

- s'agissant des unités touristiques nouvelles (UTN), le document d'orientation et d'objectifs renvoie à tort aux documents d'urbanisme locaux pour le volet protection de l'environnement ;

- les UTN méconnaissent les articles L. 122-15, L. 141-3, L. 141-23 du code de l'urbanisme dès lors que les choix opérés ne sont pas explicité et que la localisation, les besoins en immobilier de loisir, la préservation de l'environnement ou la protection contre les risques naturels ne sont pas pris en compte ; l'UTN n°8 (domaine skiable Val Cenis) n'a fait l'objet d'aucune analyse alors qu'elle s'inscrit dans une ZNIEFF de type 1, le rapport de présentation excluant l'édification de constructions ou installations dans de tels périmètres ; l'UTN n°3 (extension du DSA Galibier-Thabor) n'a pas été délimitée en fonction des études et inventaires qui étaient en cours de réalisation et elle n'a donc fait l'objet d'aucune mesure ERC et aucune évaluation environnementale ; l'UTN n°4 (implantation d'une résidence de vacances Club Med à Valloire) n'a fait l'objet d'aucune étude quant à sa localisation alors qu'elle est située à proximité de deux sites inscrits ; l'UTN n°5 (liaison entre les domaines skiables de Valmeinier et Valfréjus) n'a fait l'objet d'aucune évaluation environnementale et d'aucune étude sur son emprise précise alors qu'elle s'intègre à la face nord du Mont Thabor, intégré au réseau Natura 2000 et concerné par des arrêtés de biotope, cette UTN a donné lieu à un avis défavorable de la commission d'enquête ; l'UTN n°7 (extension du domaine skiable d'Aussois) a un impact très fort sur le milieu et se situe à proximité immédiate du parc national de la Vanoise, la faisabilité économique n'est pas démontrée ; l'UTN n°2 (liaison Albiez Karellis et extension du domaine skiable) ne prend pas en compte les risques naturels qui ne sont par ailleurs pas évoqués dans l'évaluation environnementale et alors que le rapport de présentation mentionne à tort qu'il n'y a pas d'entité paysagère remarquable identifiée dans le secteur ; le choix des UTN ne repose pas sur des besoins en offre touristiques mais sur des considérations étrangères aux critères légaux et règlementaires ; les UTN n'ont donné lieu à aucune étude d'équilibre financier et économique.

- la délibération est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme compte tenu de l'absence d'équilibre du projet au regard des zones humides, de la gestion de l'eau, du réchauffement climatique, de l'estimation des lits touristiques et la création des UTN 2, 5, 7 et 8 ; les risques indirects ou cumulés n'ont pas été pris en compte ou sous-estimés ; aucune mesure compensatoire n'est proposée en méconnaissance de l'article L. 414-4 et s. du code de l'environnement ; le renvoi aux plans locaux d'urbanisme pour la gestion de la ressource en eau n'est pas pertinente ; l'analyse de la disponibilité de la ressource et des capacités d'assainissement n'est incorrecte ; le réchauffement climatique n'a pas été pris en compte lors de l'élaboration du schéma de cohérence territoriale ; la création d'un nombre important de lits touristiques n'est pas expliqué par le document d'orientation et d'objectifs et aucune UTN ne vise l'amélioration du parc existant ; les choix opérés ne sont pas proportionnés et ne répond pas à la problématique mise en avant par le rapport de présentation relative à l'absence d'économie présentielle ; les 5 UTN relatives à l'augmentation des domaines skiables méconnaissent le principe de préservation des paysages naturels et leur valorisation ; le document d'orientation et d'objectifs ne fait pas mention de l'équipement en neige artificielle.

Par un courrier enregistré le 4 octobre 2021, la commune d'Albiez-Montrond a déclaré vouloir intervenir en défense.

Par des mémoires enregistrés le 16 mai 2022 et 23 septembre 2022, la FFCAM, représentée par Me Raffin déclare, dans le dernier état de ses écritures, se désister purement et simplement de sa requête.

Par un mémoire en défense, enregistrés le 5 septembre 2022, le syndicat du pays de Maurienne (SPM), représenté par Me Duraz, conclut au rejet de la requête ou subsidiairement à ce qu'il soit fait application de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme ou n'annuler que partiellement la délibération ou de déroger exceptionnellement au principe de l'effet rétroactif de l'annulation pour 24 mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de la requérante une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative..

Il fait valoir que :

- le président n'a pas qualité pour représenter la FNE AURA dans la mesure où ses statuts ne prévoient pas la compétence du bureau pour l'habiliter ;

- le président de la FNE Savoie n'a pas qualité pour la représenter faute de verser le mandat du conseil d'administration ;

- la FFCAM ne justifie pas de son intérêt pour agir et le compte-rendu du comité directeur n'autorise pas formellement son président à le représenter ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 5 octobre 2022, le syndicat du pays de Maurienne (SPM), représenté par Me Duraz, déclare accepter le désistement de la FFCAM.

Un courrier a été adressé le 13 décembre 2022 aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les informant de la date ou de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et précisant la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Par ordonnance du 4 avril 2023 a été prononcée, en application des articles R. 613-1 et R. 611-11-1 du code de justice administrative, la clôture immédiate de l'instruction.

Un mémoire a été présenté le 28 avril 2023 pour la FNE-AURA et la FNE, par Me Cohendet et n'a pas été communiqué.

III- Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n°2004919 le 24 août 2020 et le 12 janvier 2023, l'association de défense des membres de la copropriété Flocons d'argent (DCFA), l'association " le devenir d'Aussois ", Mme A E et M. D C, représentés par Me Doitrand, demandent au tribunal :

1°) d'annuler la délibération du 25 février 2020 par laquelle le comité syndical du syndicat pays de Maurienne a approuvé le schéma de cohérence territoriale du pays de Maurienne ;

2°) de mettre à la charge du syndicat du pays de Maurienne la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'association DCFA et autres soutiennent que :

- il n'est pas établi que les modalités de la concertation aient été respectées ;

- la délibération tirant le bilan de la concertation est imprécise ;

- les personnes publiques associées ont pointé l'insuffisance du rapport de présentation et de l'évaluation environnementale à plusieurs titres et aucune modification de ces documents n'a été réalisée ; les choix opérés initialement et critiqués par l'autorité environnementale n'ont pas été modifiés ;

- le rapport de la commission d'enquête est lacunaire au regard de l'article R. 123-19 du code de l'environnement ; il ne précise pas si le dossier était régulièrement composé, s'il a été transmis à toutes les personnes publiques associées, s'il est resté accessible tout au long de la procédure (L. 123-12 du code de l'environnement), il vise des avis qui n'ont pas été publiés sur le site Internet, il ne précise pas si le dossier a été envoyé aux communes intéressées (R. 123-12 du code de l'environnement), il ne précise pas si les mesures édictées dans l'arrêté du 26 août 2019 ont été respectées faute de préciser si les permanences ont pu se tenir, ni que les observations du public sont restées consultables pendant l'enquête publique (R. 123-13 du code de l'environnement) ; le rapport se contente de dresser une synthèse très synthétique des observations du public et l'analyse n'a porté que sur les UTN, la commission n'a pas analysé les observations et s'est simplement rangée à la réponse du syndicat ;

- la commission d'enquête a organisé des réunions après l'enquête publique non ouvertes au public ; ces réunions constituent des ruptures d'égalité et remettant en cause l'impartialité de la commission ;

- le schéma de cohérence territoriale méconnaît l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme, qu'il est tenu de respecter en vertu de l'article L. 141-1 du code ;

- les objectifs chiffrés du document d'orientation et d'objectifs sont incohérents avec les orientations du projet d'aménagement et de développement durables ; les prévisions du schéma de cohérence territoriale sont disproportionnées.

Par un mémoire en défense, enregistrés le 5 septembre 2022, le syndicat du pays de Maurienne (SPM), représenté par Me Duraz, conclut au rejet de la requête ou subsidiairement à ce qu'il soit fait application de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme ou n'annuler que partiellement la délibération ou de déroger exceptionnellement au principe de l'effet rétroactif de l'annulation pour 24 mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de la requérante une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative..

Il fait valoir que :

- la requête est tardive ;

- les requérants ne justifient pas de leur intérêt pour agir

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Holzem,

- les conclusions de Mme B,

- et les observations de Me Cohendet représentant la FNE-AURA et autres, Me Roche, représentant la FFCAM, Me Tétu représentant l'association DCFA et autres, Me Hercé représentant l'association VNEA, M. F, représentant l'association Moutain Wilderness France et Me Duraz représentant le SPM.

Trois notes en délibéré présentées pour le syndicat du pays de Maurienne ont été enregistrées le 24 mai 2023.

Considérant ce qui suit :

1. Le 14 septembre 2015, le comité syndical du SPM a prescrit l'élaboration du schéma de cohérence territoriale du pays de Maurienne qui porte sur le territoire de sept communautés de communes. A l'issue de la phase de concertation et du débat sur le projet d'aménagement et de développement durables, le projet a été arrêté par délibération du 30 avril 2019. Le projet a été soumis à enquête publique du 16 septembre au 19 octobre 2019 et à la suite des conclusions de la commission d'enquête, le schéma de cohérence territoriale a été approuvé par délibération du comité syndical du SPM le 25 février 2020.

2. Les requêtes visées présentent toutes à juger de la légalité de la délibération approuvant le schéma de cohérence territoriale et ont fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement.

Sur les interventions :

3. D'une part, l'association Mountain Wilderness, qui a pour objet la préservation de la montagne et œuvre pour la protection de l'environnement justifie de son intérêt pour intervenir au soutien de la requête de la FNE-AURA et autres, compte tenu de la portée du schéma de cohérence territoriale et des dix unités touristiques nouvelles structurantes qu'il contient et qui ont un impact direct sur la montagne. Son intervention doit donc être admise.

4. D'autre part, la commune d'Albiez-Montrond est située dans le périmètre du schéma de cohérence territoriale et est concernée par une unité touristique nouvelle structurante. Elle a intérêt au maintien de la délibération attaquée et son intervention en défense doit donc être admise.

Sur le désistement :

5. Par mémoire du 23 septembre 2022 la FFCAM a déclaré se désister purement et simplement de ses conclusions. Rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte.

Sur la recevabilité des requêtes :

En ce qui concerne la requête n°2004369 :

6. L'article 12 des statuts de la FNE-AURA stipule que son président " représente l'Union Régionale en justice tant en demande qu'en défense ". Aucune autre stipulation des statuts ne réservant expressément à un autre organe la capacité de former une action devant le juge administratif, le président de l'association a qualité pour introduire la présente instance et représenter l'association dans celle-ci. Par suite la fin de non-recevoir tirée du défaut d'habilitation du président de la FNE-AURA à représenter cette dernière doit être écartée. Ainsi, sans qu'il y ait lieu de rechercher si les autres associations ont qualité ou intérêt pour agir contre la délibération contestée, la requête n°2004369 est recevable.

En ce qui concerne la requête n°2002427 :

7. D'une part, en vertu de l'article 1er de ses statuts l'association VNEA a pour objet la protection de " l'environnement, le cadre de vie, constructions, () eau, paysages " avec une limitation géographique (Valloire et son intercommunalité). Dans ces conditions, l'association présente un intérêt suffisamment direct pour contester la délibération approuvant le schéma de cohérence territoriale de la Maurienne qui inclut Valloire et son intercommunalité.

8. D'autre part, l'article 11 des statuts de l'association requérante désigne son président comme représentant en justice. Ainsi, M. Régis de Poortere, président de l'association, a qualité pour la représenter en justice.

En ce qui concerne la requête n°2004919 :

9. D'une part, aux termes de l'article R. 143-15 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable : " Tout acte mentionné à l'article R. 143-14 est affiché pendant un mois au siège de l'établissement public compétent et dans les mairies des communes membres concernées. Mention de cet affichage est insérée en caractères apparents dans un journal diffusé dans le département. Il est en outre publié : 1° Au Recueil des actes administratifs mentionné à l'article R. 5211-41 du code général des collectivités territoriales, s'il existe, lorsqu'il s'agit d'une délibération de l'organe délibérant d'un établissement public de coopération intercommunale comportant au moins une commune de 3 500 habitants et plus () ". Le délai de recours contentieux à l'encontre d'une délibération approuvant un schéma de cohérence territoriale court à compter de la plus tardive des dates d'affichage et de la mention de cet affichage au recueil des actes administratifs.

10. Faute d'apporter le moindre élément s'agissant des dates d'affichage et de publication de la délibération en litige, le SPM n'établit pas la tardiveté de la requête.

11. D'autre part, Mme E produit son avis d'imposition à la taxe foncière démontrant qu'elle est propriétaire d'un bien dans la résidence le Genevrey au titre de l'année 2020 située à Aussois, commune couverte par le schéma de cohérence territoriale en litige. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'intérêt pour agir des autres requérants, la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt pour agir doit être écartée.

Sur les conclusions d'annulation :

En ce qui concerne la suffisance du rapport de présentation et de l'étude environnementale :

12. D'une part, l'article R. 104-7 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable, prévoit que : " Les schémas de cohérence territoriale font l'objet d'une évaluation environnementale à l'occasion : 1° De leur élaboration () ". Aux termes de l'article L. 122-20 du code de l'urbanisme dans sa version applicable : " La création et l'extension d'unités touristiques nouvelles structurantes sont prévues par le schéma de cohérence territoriale qui en définit les caractéristiques conformément à l'article L. 141-23 ". L'article R. 141-2 de ce code, alors en vigueur, dispose que : " Le rapport de présentation expose le diagnostic prévu à l'article L. 141-3 et précise, le cas échéant, les principales phases de réalisation envisagées. / Au titre de l'évaluation environnementale, le rapport de présentation : () 3° Explique les raisons qui justifient le choix opéré au regard des solutions de substitution raisonnables tenant compte des objectifs et du champ d'application géographique du schéma au regard notamment des objectifs de protection de l'environnement établis au niveau international, communautaire ou national ; ".

13. D'autre part, en vertu des articles R. 104-19 et R. 141-3 du code de l'urbanisme, alors applicables, tant le rapport de présentation que l'évaluation environnementale sont proportionnées à l'importance du schéma de cohérence territoriale, aux effets de sa mise en œuvre ainsi qu'aux enjeux environnementaux de la zone considérée.

14. Enfin, en vertu de l'article 3 de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001, selon lequel : " Une évaluation environnementale est effectuée, conformément aux articles 4 à 9, pour les plans et programmes visés aux paragraphes 2, 3 et 4 susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement. ", toute unité touristique nouvelle locale ou structurante, inclut à un document d'urbanisme ou autorisée par le préfet est soumise à évaluation environnementale.

15. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que si un schéma de cohérence territoriale, compte tenu de sa portée et du fait qu'il n'est pas un instrument avancé de planification urbaine, peut contenir une analyse globale moins fine qu'un autre document de planification, en revanche tel n'est pas le cas des schémas de cohérence territoriale qui prévoient la création d'unités touristiques nouvelles structurantes en vertu de l'article L. 122-20 du code de l'urbanisme et qui doivent donc pour celles-ci comporter une évaluation environnementale plus spécifique, même si elle est formellement incluse à l'évaluation environnementale globale du rapport de présentation.

16. Ainsi, la justification des choix opérés au regard des solutions de substitution raisonnables devait être réalisée tant pour la partie planification globale du schéma de cohérence territoriale que pour chacune des unités touristiques nouvelles. Or, d'une part, les quatre scenarii présentés dans le volet 3 en page 32 et suivantes, ne contiennent aucune solution de substitution raisonnable. En effet, l'évaluation environnementale précise elle-même (page 52) que les scenarios 2 et 4 ne présentent pas " de contradictions irrémédiables " et ne sont donc, par nature, pas des solutions de substitution. Et les scenarii 1 et 3 ont été fusionnés, démontrant également qu'ils ne contenaient aucune solution de substitution réelle. D'autre part, l'analyse des unités touristiques nouvelles créées ne contient aucune solution de substitution raisonnable ou de justification des choix opérés. Les requérants sont donc fondés à soutenir que l'évaluation environnementale est insuffisante au regard du 3° de l'article R. 141-2 du code de l'urbanisme et que cette insuffisance a été de nature à exercer une influence sur la décision contestée.

En ce qui concerne la contradiction du document d'orientation et d'objectifs et du rapport de présentation avec les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables :

17. En vertu de l'article L. 141-5 du code de l'urbanisme, le document d'orientation et d'objectifs est tenu de respecter les orientations définies par le projet d'aménagement et de développement durables.

18. Le projet d'aménagement et de développement durables, par le défi n°2 relatif à l'adaptation d'un modèle de développement économique ouvert et transalpin et par l'orientation n°4 relative à l'activité touristique fixe comme objectif d'anticiper l'évolution des demandes des clientèles et le changement climatique en proposant des activités été/hiver, d'adapter le parc d'hébergement aux nouvelles attentes en priorisant la réhabilitation de l'existant et diversifiant une offre nouvelle d'hébergements en lits chauds, en diversifiant l'offre en fond de vallée ou dans les secteurs jugés déficitaires, optimiser, valoriser et compléter les équipements existants afin d'assurer un accueil toute saison en intégrant les exigences du développement durable et des effets du réchauffement climatique précisant notamment intégré une analyse multicritère des possibilités avec l'équilibre économique des stations et la préservation des éléments patrimoniaux et une gestion durable des ressources naturelles. Les éléments de diagnostic rappelés par le projet d'aménagement et de développement durables en lien avec ces objectifs font état de l'érosion du parc d'hébergement et de ce que les nouveaux lits ont maintenu la fréquentation sans la développer. Par ailleurs les quatre objectifs du défi 1 ont tous pour objet la préservation des espaces naturels, de la biodiversité et des paysages mais également de valoriser le patrimoine bâti existant notamment dans les " villages stations ". Il est donc exact que la philosophie globale du projet d'aménagement et de développement durables tendait à trouver des alternatives pour les activités estivales, visant à " étirer les ailes des saisons " optant pour un tourisme lissé sur l'année plutôt que concentré sur les sports de glisse et la saison hivernale, diversifier et réhabiliter l'existant et invitait à la création et la maîtrise de lits nouveaux dans un second temps seulement. Les objectifs de préservation de l'environnement et des paysages sont également fortement affirmés par le projet d'aménagement et de développement durables. Indépendamment des mesures tendant à préserver certaines zones naturelles spécifiques et à la consommation mesurée de ces espaces et des ressources naturelles, renvoyant aux documents d'urbanisme locaux pour la plupart des points abordés et alors qu'il n'est pas établi que ces incitations puissent véritablement permettre la protection des milieux naturels, des paysages et des ressources, le document d'orientation et d'objectifs fixe à 11 567 la réhabilitation des lits touristiques, sans accompagner cette réhabilitation de quelconque mesure, planification ou incitation et de création de 22 800 nouveaux lits touristiques sans entourer ces créations d'aucune garantie de préservation des espaces non urbanisés ou de maintien de ces lits en lits chauds. Dans le même temps, dix unités touristiques nouvelles structurantes sont créées dont sept dédiées à l'extension en altitude des assiettes gravitaires des domaines skiables ou à l'extension par liaison entre domaines skiables, également en dehors des assiettes gravitaires, et une pour la création de 1 050 nouveaux lits, sans égard pour les incitations claires du projet d'aménagement et de développement durables de développement d'un tourisme raisonné, respectueux des espaces naturels et tendant au développement touristique en dehors de la seule saison hivernale. L'absence totale à ce titre d'analyse d'autres perspectives raisonnables, évoquée au point 13, démontre la déconnection entre les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables et les mesures mises en place par le document d'orientation et d'objectifs. Le moyen apparaît donc fondé.

En ce qui concerne les unités touristiques nouvelles structurantes n°1, 2, 3, 5, 7 et 8 :

19. Aux termes de l'article L. 122-15 du code de l'urbanisme : " Le développement touristique et, en particulier, la création ou l'extension des unités touristiques nouvelles prennent en compte les communautés d'intérêt des collectivités territoriales concernées et la vulnérabilité de l'espace montagnard au changement climatique. Ils contribuent à l'équilibre des activités économiques et de loisirs, notamment en favorisant la diversification des activités touristiques ainsi que l'utilisation rationnelle du patrimoine bâti existant et des formules de gestion locative des constructions nouvelles. La localisation, la conception et la réalisation d'une unité touristique nouvelle doivent respecter la qualité des sites et les grands équilibres naturels ". Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle entier sur le respect de ces conditions.

20. L'UTNs n°1 prévoit la création ou l'extension de nouvelles remontées mécaniques et pistes en dehors de l'enveloppe gravitaire du domaine skiable de Saint-François-Longchamp avec un impact global évalué à 4,1 hectares en dehors du domaine skiable, en altitude, sur des zones vierges classées en ZNIEFF 2. La présence de zones humides y est notée et cette extension se situe à proximité de la zone Natura 2000 du massif de la Lauzière, pour laquelle aucune mesure particulière d'évitement d'un déport des skieurs n'est envisagée - à ce titre la référence à la pratique du ski de randonnée dans la zone ne permettant pas de considérer comme mineur l'impact attendu par les skieurs alpins dans la zone (même s'il est évalué à moins de 5%). Dans ces conditions, l'institution de cette unité touristique nouvelle est entachée d'erreur d'appréciation.

21. L'UTNs n°2 prévoit la liaison entre les domaines skiables d'Albiez et des Karellis et l'extension du domaine skiable d'Albiez et celui des Karellis avec un impact global évalué à 3,9 hectares en dehors de l'espace gravitaire des domaines skiables. Il apparaît que ce projet s'inscrit dans une ZNIEFF 2 vierge de toute installation. De plus, il ressort de l'étude FNE sur l'impact des UTN sur les zones humides, non remises en cause par les pièces du dossier, que ce projet est susceptible d'impacter jusqu'à 50 % des zones humides du secteur. Est également noté dans l'évaluation environnementale la présence d'espèces protégées et les travaux nécessaires à la création des gares d'arrivée des remontées mécaniques imposent la destruction de plusieurs habitats. Il est également noté la présence d'une trame bleue et des risques d'obstacle à l'écoulement et aux transports solides ainsi que des risques de pollution aux hydrocarbures en phase de travaux qui ne font l'objet d'aucune mesure ERC. La commission d'enquête a par ailleurs rendu un avis favorable sous réserve de suppression de la liaison Albiez/Karellis et note un impact paysager inacceptable. Enfin, alors que cette extension n'est pas située en haute altitude et nécessitera l'entretien des pistes par neige artificielle, le rapport de présentation note une tension sur la ressource en eau du secteur, qu'il est envisagé de pallier par une retenue collinaire par ailleurs prévue par d'autres projets. Dans ces conditions, l'institution de cette unité touristique nouvelle est entachée d'erreur d'appréciation.

22. L'UTNs n°3 prévoit l'extension du domaine skiable Galibier Thabor avec un impact global évalué à 12 hectares en dehors du domaine skiable à proximité immédiate d'un site classé Natura 2000. La présence de zones humides est établie par l'étude FNE qui précise que ce projet est de nature à impacter jusqu'à 40% des zones humides du secteur. La proximité immédiate de la zone Natura 2000 du Mont Thabor implique nécessairement un effet de déport d'une partie des flux de skieurs qui n'est pas ou peu évité - à ce titre la référence à la pratique du ski de randonnée dans la zone ne permet pas plus de considérer comme mineur l'impact attendu par les skieurs alpins dans la zone (même s'il est évalué à moins de 5%). Il apparaît qu'un état des lieux a été réalisé en cours d'enquête publique par la SEM Valloires et met en évidence pas moins de 19 espèces d'oiseaux protégées dont les habitats sont directement présents sur le site impacté, 2 espèces de reptiles, 3 espèces de chiroptères et 3 espèces de lépidoptères. Dans ces conditions l'unité touristique nouvelle apparaît entachée d'erreur d'appréciation.

23. L'UTNs n°5 a pour objet de réaliser une liaison skiable entre les domaines skiables Valmeinier et Valfréjus avec un impact global de 85 hectares hors enveloppe gravitaire des domaines skiables, à proximité immédiate de la zone Natura 2000 du Mont Thabor et dans une zone dépourvue de toute installation. L'évaluation environnementale, faute de diagnostic préalable, évoque seulement la possibilité de la présence d'espèces protégées dans le secteur qui ne peut être exclue compte tenue de l'importante surface impactée par le projet. L'étude FNE démontre également la présence de pas moins de 18 hectares de zones humides qui pourraient être impactées jusqu'à 66% de leurs surfaces. La commission d'enquête a par ailleurs émis un avis défavorable au regard de l'importance écologique de la zone, de l'impact du projet en termes de surface et compte tenu de l'insuffisance des mesures relatives à la sécurité des skieurs. Pour toutes ces raisons, l'unité touristique nouvelle n°5 apparaît entachée d'erreur d'appréciation.

24. L'UTNs n°7 a pour objet le remplacement d'un télésiège au sein de l'enveloppe gravitaire du domaine skiable, qui en soi ne pose pas de problème particulier, mais également la création de nouvelles remontées mécaniques permettant une extension du domaine skiable hors de l'enveloppe gravitaire pour un impact de 8,3 hectares dans une zone à proximité immédiate du parc naturel de la Vanoise, d'une ZNIEFF 1 et d'une zone soumise à un arrêté de protection du biotope. Ces zones sont concernées par la présence d'espèces protégées et notamment dans la combe de Cléry qui comporte une espèce végétale endémique très rare. Dans ces conditions cette unité touristique nouvelle est également entachée d'erreur d'appréciation.

25. L'UTNs n°8 a pour objet l'extension du domaine skiable de Val Cenis afin de créer une jonction entre les deux pans du domaine et étendre celui-ci en dehors de l'enveloppe gravitaire avec un impact hors domaine skiable de 3,9 hectares. Ces aménagements sont situés à proximité immédiate du parc naturel de la Vanoise, d'une zone Natura 2000, de la zone de protection du biotope de la combe de Cléry, déjà évoquée précédemment et d'un site inscrit. Plusieurs espèces protégées ont été inventoriées sur site et le site est qualifié de majeur pour la biodiversité. L'étude FNE expose que 3,31 hectares de zones humides pourraient être impactés par cette extension. Pour toutes ces raisons, l'unité touristique nouvelle n°8 est entachée d'erreur d'appréciation.

En ce qui concerne l'unité touristique nouvelle n°4 :

26. Cette unité touristique nouvelle est projetée afin de permettre la création d'un Club Med comprenant 1 050 lits sur un pan de montagne en amont du hameau des Verneys à Valloires, qui est un site inscrit. Le dossier initial de demande UTN fait état d'un site vierge de toute construction, boisé et comprenant une petite zone humide. Plusieurs espèces végétales protégées ont été identifiées et les enjeux écologiques sont qualifiés majoritairement de forts à très forts. De même la zone est soumise à un risque fort de glissement de terrain. La surface totale impactée par les travaux projetés est de 83 400 m² et implique la suppression ou la modification sur une surface de plus de 50 000 m² d'habitats naturels compte tenu des défrichements, terrassements et construction des bâtiments et voiries rendus nécessaires par le projet. La destruction d'individus protégés est clairement identifiée comme un risque en phase travaux et les effets sur les corridors écologiques en phase de travaux sont également qualifiés de forts. Cette unité touristique nouvelle porte donc à une zone dépourvue de construction, boisée et comprenant des espèces protégées une atteinte grave, compte tenu du dimensionnement du projet, et irrémédiable aux milieux naturels. Ainsi, cette unité touristique nouvelle est entachée d'erreur d'appréciation.

En ce qui concerne le respect du principe d'équilibre :

27. Aux termes de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable : " Dans le respect des objectifs du développement durable, l'action des collectivités publiques en matière d'urbanisme vise à atteindre les objectifs suivants : 1° L'équilibre entre : a) Les populations résidant dans les zones urbaines et rurales ; b) Le renouvellement urbain, le développement urbain maîtrisé, la restructuration des espaces urbanisés, la revitalisation des centres urbains et ruraux, la lutte contre l'étalement urbain ; c) Une utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et la protection des sites, des milieux et paysages naturels ; d) La sauvegarde des ensembles urbains et la protection, la conservation et la restauration du patrimoine culturel ; e) Les besoins en matière de mobilité ; 2° La qualité urbaine, architecturale et paysagère, notamment des entrées de ville ; 3° La diversité des fonctions urbaines et rurales et la mixité sociale dans l'habitat, en prévoyant des capacités de construction et de réhabilitation suffisantes pour la satisfaction, sans discrimination, des besoins présents et futurs de l'ensemble des modes d'habitat, d'activités économiques, touristiques, sportives, culturelles et d'intérêt général ainsi que d'équipements publics et d'équipement commercial, en tenant compte en particulier des objectifs de répartition géographiquement équilibrée entre emploi, habitat, commerces et services, d'amélioration des performances énergétiques, de développement des communications électroniques, de diminution des obligations de déplacements motorisés et de développement des transports alternatifs à l'usage individuel de l'automobile ; 4° La sécurité et la salubrité publiques ; 5° La prévention des risques naturels prévisibles, des risques miniers, des risques technologiques, des pollutions et des nuisances de toute nature ; 6° La protection des milieux naturels et des paysages, la préservation de la qualité de l'air, de l'eau, du sol et du sous-sol, des ressources naturelles, de la biodiversité, des écosystèmes, des espaces verts ainsi que la création, la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques ; 7° La lutte contre le changement climatique et l'adaptation à ce changement, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, l'économie des ressources fossiles, la maîtrise de l'énergie et la production énergétique à partir de sources renouvelables ; 8° La promotion du principe de conception universelle pour une société inclusive vis-à-vis des personnes en situation de handicap ou en perte d'autonomie dans les zones urbaines et rurales ". L'article L. 141-1 du même code, dans sa version applicable dispose que : " Le schéma de cohérence territoriale respecte les principes énoncés aux articles L. 101-1 à L. 101-3 () ".

28. Il ressort clairement du rapport de présentation que les choix opérés, s'agissant des stations de ski, par les auteurs du schéma de cohérence territoriale à partir du diagnostic sont fondés sur deux lignes de réflexion : le premier constat tient à affirmer que les collectivités publiques n'ont pas la maîtrise de la réhabilitation de lits existants. Partant de cette affirmation, la réhabilitation des lits existants est reconnue comme étant très théorique et en quelque sorte abandonnée. Pour pallier cet élément, le second constat est fait que, face à la diminution de la fréquentation des stations de ski, seuls les lits nouveaux - présentant une qualité supérieure, répondant aux besoins nouveaux de la clientèle - ont permis de stabiliser la baisse de la fréquentation sans pour autant permettre une augmentation de celle-ci. De sorte que les auteurs du schéma de cohérence territoriale sont arrivés à la conclusion que 22 800 lits nouveaux à l'horizon 2030 dans les stations de ski devaient permettre a minima le maintien de la fréquentation, alors même que les lits existants ne sont pas pleinement occupés même en haute saison. Aucune réflexion particulière n'a été menée afin de réhabiliter les curs de stations dans l'enveloppe existante et gérer le problème récurrent des lits froids ou tièdes. La conséquence directe de ce positionnement implique donc que les collectivités publiques concernées élargissent l'emprise urbanisée des stations de ski pour accueillir de nouveaux lits dont le nombre de création à l'horizon 2030 ne diminue pas par rapport aux années précédentes, sans égard pour les conséquences immédiates de telles extensions urbaines des centres station sur des zones vierges de construction et sans non plus assurer une parfaite maîtrise de ces créations de lits supplémentaires en les entourant de garanties strictes visant a minima à les maintenir en lits chauds. Compte tenu de ce constat, qui révèle une absence de maîtrise de l'étalement urbain sur des zones de montagne aux intérêts environnementaux et patrimoniaux importants ainsi qu'en l'absence de solution pérenne pour garantir l'effectivité de l'activité touristique et plus largement économique des stations dans la durée, les auteurs du schéma de cohérence territoriale ont méconnu le principe d'équilibre de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme.

Sur les conséquences des illégalités commises :

29. D'une part, aux termes de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme : " Si le juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre un schéma de cohérence territoriale, un plan local d'urbanisme ou une carte communale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'une illégalité entachant l'élaboration ou la révision de cet acte est susceptible d'être régularisée, il peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation et pendant lequel le document d'urbanisme reste applicable, sous les réserves suivantes : / 1° En cas d'illégalité autre qu'un vice de forme ou de procédure, pour les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme et les cartes communales, le sursis à statuer ne peut être prononcé que si l'illégalité est susceptible d'être régularisée par une procédure de modification ()".

30. Aux termes de l'article L. 143-29 du code de l'urbanisme : " I. Le schéma de cohérence territoriale fait l'objet d'une révision lorsque l'établissement public prévu à l'article L. 143-16 envisage des changements portant sur : 1° Les orientations définies par le projet d'aménagement stratégique ; 2° Les dispositions du document d'orientation et d'objectifs prises en application de l'article L. 141-10 ; 3° Les dispositions du document d'orientation et d'objectifs relatives à la politique de l'habitat prises en application du 3° de l'article L. 141-7 ayant pour effet de diminuer l'objectif global concernant l'offre de nouveaux logements ".

31. Les illégalités constatées ne peuvent être régularisées que par une révision du schéma de cohérence territoriale. Par suite, les dispositions précitées de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme ne peuvent trouver à s'appliquer.

32. D'autre part, l'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu. Toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif - après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l'ensemble des moyens, d'ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l'acte en cause - de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation. Il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de celle-ci contre les actes pris sur le fondement de l'acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine.

33. La circonstance invoquée que des plans locaux d'urbanisme soient en cours d'élaboration sur le fondement du schéma de cohérence territoriale adopté ne justifie aucunement, et au contraire compte tenu des moyens retenus, la modulation des effets de l'annulation prononcée. Les conclusions du SPM sur ce point doivent être rejetées.

34. Il résulte de tout ce qui précède que la délibération du 25 février 2020 par laquelle le comité syndical du syndicat pays de Maurienne a approuvé le schéma de cohérence territoriale du pays de Maurienne doit être annulée.

Sur les frais de procès :

35. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mis à la charge des requérants, qui ne sont pas dans les présentes instances, les parties perdantes, les sommes que le SPM demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du SPM des sommes de 1 800 euros à verser à l'association Valloire nature et avenir, à l'association FNE-AURA et autres comme à l'association DCFA et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er :Les interventions de l'association Mountain Wilderness et de la commune d'Albiez-Montrond sont admises.

Article 2 :Il est donné acte du désistement du comité de Savoie des clubs alpins et de montagne.

Article 3 :La délibération du 25 février 2020 par laquelle le comité syndical du syndicat pays de Maurienne a approuvé le schéma de cohérence territoriale du pays de Maurienne est annulée.

Article 4 :Le syndicat pays de Maurienne versera une somme de 1 800 euros à l'association Valloire nature et avenir.

Article 5 :Le syndicat pays de Maurienne versera une somme de 1 800 euros à l'association FNE-AURA et autres.

Article 6 :Le syndicat pays de Maurienne versera une somme de 1 800 euros à l'association DCFA et autres.

Article 7 :Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 8 :Le présent jugement sera notifié à l'association Valloire Nature et Avenir, à l'association France nature environnement Rhône Alpes, à l'association France nature environnement Savoie, au comité de Savoie des clubs alpins et de montagne, à l'association de défense des membres de la copropriété Flocons d'argent, à l'association " le devenir d'Aussois ", à Mme A E, à M. D C, à l'association Mountain Wilderness France, au syndicat du pays de Maurienne et à la commune d'Albiez-Montrond.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2023, à laquelle siégeaient :

M. Sogno, président,

Mme Bedelet, première conseillère,

Mme Holzem, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mai 2023.

La rapporteure,

J. Holzem

Le président,

C. Sogno

Le greffier,

P. Muller

La République mande et ordonne au préfet de la Savoie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°2002427-2004369-2004919

Article, 2, C. civ. Article, R613-1, CJA Article, R141-2, C. urb. Article, L131-1, C. urb. Article, L122-15, C. urb. Article, R141-2, C. envir. Article, R611-11-1, CJA Article, R123-8, C. envir. Article, L600-9, C. urb. Article, R123-19, C. envir. Article, R104-19, C. urb. Article, L101-2, C. urb. Article, L123-15, C. envir. Article, L131-2, C. urb. Article, L141-3, C. urb. Article, L141-5, C. urb. Article, L122-20, C. urb. Article, L143-29, C. urb. Article, R104-26, C. urb. Article, R141-2, 5°, C. urb. Article, L141-23, C. urb. Article, R143-15, C. urb. Article, R104-7, C. urb. Article, R141-3, C. urb. Comité syndical d'un syndicat Schéma de cohérence territoriale Évaluation environnementale Zones humides Espèce protégée Station d'épuration Dossier soumis à l'enquête publique Dossier d'enquête publique Projet soumis à enquête publique Projet d'aménagement Domaine skiable Erreur d'appréciation Effet rétroactif Effet de l'annulation Soutien par l'association Espèces menacées Documents locaux d'urbanisme Localisation Protection contre les risques naturels Construction Parc national Équilibre économique Mesures compensatoires Modification de documents d'urbanisme Statuts d'une association Établissement public compétent Acte administratif Organe délibérant des établissements Établissement public de coopération Établissement de coopération intercommunale Communes d'habitants Tardiveté de la requête Avis d'imposition Défaut d'intérêt Activité touristique Équipements existants Ressources naturelles Espaces verts Préservation de l'environnement Zone naturelle Développement du tourisme Création d'une unité touristique nouvelle Communauté d'intérêts Ski Travaux nécessaires Remontées mécaniques Risque de pollution Avis favorable Entretien Site classé Espèces d'oiseaux Émission d'un avis défavorable Glissements de terrain Travaux projetés Suppression Atteinte des objectifs Zones urbaines Zone rurale Renouvellement urbain Développement urbain Espaces urbanisés Communications électroniques Salubrité publiques Émission de gaz Perte d'autonomie Diminution Plan local Plans d'urbanisme Cartes communales Recours contentieux Dispositions des documents Politique de l'habitat Offre de logements Conséquence excessive Ordre public Rétroactivité Intérêt public Décision d'annulation Intervention de l'association

Revues (1) Podcasts (1)

Agir sur cette sélection :

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus