Jurisprudence : CJCE, 15-02-2000, aff. C-34/98, Commission c/ République française

CJCE, 15-02-2000, aff. C-34/98, Commission c/ République française

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Cour de justice des Communautés européennes

15 février 2000

Affaire n°C-34/98

Commission des Communautés européennes
c/
République française



61998J0034

Arrêt de la Cour
du 15 février 2000.

Commission des Communautés européennes contre République française.

Sécurité sociale - Financement - Législation applicable.

Affaire C-34/98.

Recueil de jurisprudence 2000 page I-0995

Sécurité sociale des travailleurs migrants - Égalité de traitement - Application, par un État membre, d'une "contribution pour le remboursement de la dette sociale" à ses résidents travaillant dans un autre État membre - Inadmissibilité

(Traité CE, art. 48 et 52 (devenus, après modification, art. 39 CE et 43 CE); règlement du Conseil n° 1408/71, art. 13)

Manque aux obligations lui incombant en vertu de l'article 13 du règlement n° 1408/71 ainsi que des articles 48 et 52 du traité (devenus, après modification, articles 39 CE et 43 CE) un État membre qui applique une "contribution pour le remboursement de la dette sociale", destinée à apurer les déficits du régime général de sécurité sociale, aux revenus d'activité et de remplacement des travailleurs salariés et indépendants qui résident dans cet État mais travaillent dans un autre État membre et qui, en vertu dudit règlement, ne sont pas soumis à la législation de sécurité sociale de l'État de résidence.

En effet, dès lors qu'une telle contribution est affectée spécifiquement et directement au financement du régime de sécurité sociale de cet État, elle relève du champ d'application du règlement n° 1408/71 et constitue un prélèvement visé par l'interdiction de double cotisation prévue par l'article 13 du règlement ainsi que par les dispositions précitées du traité que cet article vise à mettre en oeuvre.

Ni les modalités concrètes de l'affectation des sommes prélevées, ni la circonstance que le paiement de la contribution n'ouvre droit à aucune contrepartie directe et identifiable en termes de prestations, ni le nombre limité des travailleurs concernés ou le taux minime du prélèvement ne sont de nature à remettre en cause cette constatation. (voir points 36, 38-39, 48-49, 51 et disp.)

Dans l'affaire C-34/98,

Commission des Communautés européennes, représentée par M. P. Hillenkamp, conseiller juridique, et Mme H. Michard, membre du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du même service, Centre Wagner, Kirchberg,

partie requérante,

contre

République française, représentée par Mme K. Rispal-Bellanger, sous-directeur à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, et M. C. Chavance, conseiller des affaires étrangères à la même direction, en qualité d'agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet de faire constater que, en appliquant la contribution pour le remboursement de la dette sociale aux revenus d'activité et de remplacement des travailleurs salariés et indépendants qui résident en France mais travaillent dans un autre État membre et qui, en vertu du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, tel que modifié et mis à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996 (JO 1997, L 28, p. 1), ne sont pas soumis à la législation française de sécurité sociale, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 48 et 52 du traité CE (devenus, après modification, articles 39 CE et 43 CE), ainsi que de l'article 13 dudit règlement,

LA COUR,

composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, J. C. Moitinho de Almeida (rapporteur), D. A. O. Edward, L. Sevón et R. Schintgen, présidents de chambre, C. Gulmann, J.-P. Puissochet, G. Hirsch, P. Jann, H. Ragnemalm et M. Wathelet, juges,

avocat général: M. A. La Pergola,

greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 4 mai 1999,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 7 septembre 1999,

rend le présent

Arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 12 février 1998, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 169 du traité CE (devenu article 226 CE), un recours visant à faire constater que, en appliquant la contribution pour le remboursement de la dette sociale (ci-après la "CRDS") aux revenus d'activité et de remplacement des travailleurs salariés et indépendants qui résident en France mais travaillent dans un autre État membre et qui, en vertu du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, tel que modifié et mis à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996 (JO 1997, L 28, p. 1, ci-après le "règlement n° 1408/71"), ne sont pas soumis à la législation française de sécurité sociale, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 48 et 52 du traité CE (devenus, après modification, articles 39 CE et 43 CE), ainsi que de l'article 13 dudit règlement.

La réglementation communautaire

2 Aux termes de l'article 4, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 1408/71:

"1. Le présent règlement s'applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent:

a) les prestations de maladie et de maternité;

b) les prestations d'invalidité, y compris celles qui sont destinées à maintenir ou à améliorer la capacité de gain;

c) les prestations de vieillesse;

d) les prestations de survivants;

e) les prestations d'accident du travail et de maladie professionnelle;

f) les allocations de décès;

g) les prestations de chômage;

h) les prestations familiales.

2. Le présent règlement s'applique aux régimes de sécurité sociale généraux et spéciaux, contributifs et non contributifs, ainsi qu'aux régimes relatifs aux obligations de l'employeur ou de l'armateur concernant les prestations visées au paragraphe 1."

3 L'article 1er, sous j), du règlement n° 1408/71 définit le terme "législation" comme désignant "pour chaque État membre, les lois, les règlements, les dispositions statutaires et toutes les autres mesures d'application, existants ou futurs, qui concernent les branches et les régimes de sécurité sociale visés à l'article 4 paragraphes 1 et 2 ou les prestations spéciales à caractère non contributif visées à l'article 4 paragraphe 2 bis".

4 L'article 13 du même règlement dispose:

"1. Sous réserve de l'article 14 quater, les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu'à la législation d'un seul État membre. Cette législation est déterminée conformément aux dispositions du présent titre.

2. Sous réserve des articles 14 à 17:

a) la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d'un État membre est soumise à la législation de cet État, même si elle réside sur le territoire d'un autre État membre ou si l'entreprise ou l'employeur qui l'occupe a son siège ou son domicile sur le territoire d'un autre État membre;

b) la personne qui exerce une activité non salariée sur le territoire d'un État membre est soumise à la législation de cet État même si elle réside sur le territoire d'un autre État membre;

..."

La réglementation nationale

5 La CRDS a été instituée par l'article 14-I de l'ordonnance n° 96-50, du 24 janvier 1996, relative au remboursement de la dette sociale (JORF du 25 janvier 1996, p. 1226, ci-après l'"ordonnance").

6 Sont redevables de la CRDS, notamment sur leurs revenus d'activité ou de remplacement, toutes les personnes physiques ayant leur domicile fiscal en France aux fins de l'établissement de l'impôt sur le revenu.

7 Au sens de l'article 4 B du code général des impôts, sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal, celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire, ainsi que celles qui ont en France le centre de leurs activités économiques.

8 L'assiette de la CRDS, dont le taux est de 0,5 %, comprend notamment, en ce qui concerne les revenus d'activité et de remplacement, les salaires, les pensions de retraite et d'invalidité, les allocations de chômage, les revenus professionnels et les prestations familiales légales.

9 En vertu de l'article 15-III, point 1, de l'ordonnance, et sous réserve des conventions internationales destinées à éviter les doubles impositions, les revenus d'activité et de remplacement de source étrangère soumis en France à l'impôt sur le revenu sont également assujettis à la CRDS. Les déclarations afférentes auxdits revenus doivent être effectuées auprès de l'administration fiscale compétente pour déterminer et mettre en recouvrement la contribution correspondante.

10 Selon l'article 6-I de l'ordonnance, le produit de la CRDS est affecté à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (ci-après la "Cades"), qui est un établissement public créé par cette même ordonnance et placé sous la double tutelle du ministre de l'Économie et des Finances et du ministre de la Sécurité sociale. La Cades a pour mission principale d'apurer la dette d'un montant de 137 milliards de FRF contractée par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ci-après l'"ACOSS") à l'égard de la Caisse des dépôts et consignations (ci-après la "CDC") et qui a été transférée à la Cades à compter du 1er janvier 1996. Cette dette correspond au financement par la CDC des déficits accumulés en 1994 et 1995 par le régime général de sécurité sociale et à celui de son déficit prévisionnel de l'exercice 1996. La Cades a dû également verser pour la seule année 1996 une somme de 3 milliards de FRF à la Caisse nationale d'assurance maladie et maternité des travailleurs non salariés des professions non agricoles.

11 En outre, conformément à l'article 4-III de l'ordonnance, la Cades doit effectuer, pour chacune des années 1996 à 2008, des versements au budget général de l'État à hauteur de 12,5 milliards de FRF. Il ressort du rapport au président de la République relatif à l'ordonnance que ces versements compensent des versements d'un montant équivalent qui étaient précédemment à la charge du Fonds de solidarité vieillesse afin d'apurer une dette antérieure de l'ACOSS.

12 Les fonds permettant à la Cades d'accomplir sa mission proviennent du produit de la CRDS, qui est prélevée non seulement sur les revenus d'activité et de remplacement, mais également sur d'autres catégories de revenus, tels ceux du patrimoine, ou sur les ventes de certains métaux précieux, ainsi que d'autres produits, comme ceux provenant de la gestion et de la vente du patrimoine immobilier des organismes de sécurité sociale et de l'émission d'obligations.

La procédure précontentieuse

13 Par lettre du 6 décembre 1996, la Commission a mis en demeure le gouvernement français de présenter ses observations sur la compatibilité avec le droit communautaire de l'application de la CRDS aux revenus d'activité et de remplacement des travailleurs résidant en France mais travaillant dans un autre État membre, lesquels ne sont pas soumis à la législation française de sécurité sociale, conformément au règlement n° 1408/71.

14 Selon la Commission, la règle de l'unicité de la législation applicable se trouve remise en cause par l'application de la CRDS à des revenus qui ont déjà été grevés par l'ensemble des prélèvements sociaux dans l'État membre d'emploi qui est seul compétent en matière de sécurité sociale en vertu de l'article 13 du règlement n° 1408/71. La perception de la CRDS sur de tels revenus constituerait par ailleurs une discrimination incompatible avec les libertés garanties par les articles 48 et 52 du traité.

15 Par lettre du 3 mars 1997, les autorités françaises ont répondu que la position de la Commission méconnaît les caractéristiques et l'objet de la CRDS. En particulier, les redevables de celle-ci ne bénéficieraient en contrepartie d'aucune prestation de sécurité sociale. Selon les autorités françaises, la CRDS doit être qualifiée d'impôt au regard de la jurisprudence de la Cour.

16 Dans son avis motivé du 23 juillet 1997, la Commission a maintenu son argumentation en précisant notamment que celui-ci porte uniquement sur les revenus d'activité et de remplacement des travailleurs salariés ou indépendants exerçant leur activité dans un autre État membre. Elle a par conséquent invité la République française à se conformer à cet avis motivé dans un délai de deux mois à compter de sa notification.

17 Par lettre du 21 octobre 1997, les autorités françaises ont réitéré leur thèse selon laquelle la CRDS ayant un caractère fiscal, elle n'entre pas dans le champ d'application du règlement n° 1408/71 et, en tant qu'elle vise également les travailleurs frontaliers, ne méconnaît pas le principe de libre circulation des travailleurs.

18 Les autorités françaises ne s'étant pas conformées à l'avis motivé dans le délai imparti, la Commission a décidé d'introduire le présent recours.

Sur le recours

19 Le présent recours ne concerne la perception de la CRDS que dans la mesure où elle porte sur les revenus d'activité et de remplacement obtenus par des travailleurs salariés et indépendants résidant en France et relevant fiscalement de cet État membre à l'occasion d'une activité professionnelle exercée dans un autre État membre et qui, de ce fait, sont soumis au régime de sécurité sociale de cet État d'emploi conformément aux dispositions du règlement n° 1408/71.

20 Selon la Commission, ladite perception constitue un double prélèvement social contraire tant à l'article 13 du règlement n° 1408/71 qu'aux articles 48 et 52 du traité.

Sur le grief tiré de la violation de l'article 13 du règlement n° 1408/71

21 Selon la Commission, la CRDS, qui est destinée à contribuer au financement de l'ensemble des branches du régime général de sécurité sociale français et couvre donc les diverses branches de sécurité sociale énumérées à l'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71, constitue une cotisation de sécurité sociale qui relève du champ d'application de ce règlement.

22 La Commission soutient que la triple circonstance que la CRDS est en partie destinée à combler la dette sociale occasionnée par le financement de prestations qui ont été servies au cours des années passées, que le recouvrement de la CRDS est effectué, s'agissant des travailleurs concernés par le présent recours, par voie de rôle comme en matière d'impôt sur le revenu et non pas directement par les organismes chargés de recouvrer les cotisations du régime général de sécurité sociale et que les montants collectés transitent par la Cades ne saurait faire échapper le prélèvement en cause au champ d'application du règlement n° 1408/71.

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