Jurisprudence : CE 3/5 SSR, 07-01-1991, n° 75680

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 75680

Association pour la sauvegarde de Cohennoz-le-Cernix

Lecture du 07 Janvier 1991

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Vu la requête sommaire enregistrée le 11 février 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'ASSOCIATION POUR LA SAUVEGARDE DE COHENNOZ-LE-CERNIX, dont le siège social est chez M. Gressier, Le Cernix, à Crest Voland (73840) ; l'ASSOCIATION POUR LA SAUVEGARDE DE COHENNOZ-LE-CERNIX demande que le Conseil d'Etat : 1°) annule le jugement du 4 décembre 1985 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 février 1984 du commissaire de la République de la Savoie accordant à la S.A. Merlin immobilier le permis de construire deux immeubles d'habitation dans le hameau de Cernix, 2°) annule ladite décision ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le décret n° 77-1281 du 22 novembre 1977 ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu : - le rapport de M. Bandet, Conseiller d'Etat, - les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de l'ASSOCIATION POUR LA SAUVEGARDE DE COHENNOZ-LE-CERNIX, et de Me Pradon, avocat de la S.A. Merlin immobilier, - les conclusions de M. Pochard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que par un arrêté du 11 février 1984 le maire de Cohennoz a accordé à la société anonyme Merlin immobilier le permis de construire deux immeubles d'habitation dans le hameau de Cernix sur le territoire de cette commune ; que l'ASSOCIATION POUR LA SAUVEGARDE DE COHENNOZ-LE-CERNIX fait appel du jugement du 4 décembre 1985 du tribunal administratif de Grenoble rejetant sa demande dirigée contre cet arrêté ;

Considérant que l'association soutient que le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen qu'elle avait invoqué selon lequel, en vertu des dispositions du paragraphe 12.C de la circulaire du 24 août 1979 relative à la mise en euvre de l'arrêté du 24 août 1979 portant application du chapitre 2 de la directive d'aménagement national relative à la protection et à l'aménagement de la montagne approuvée par le décret n° 77-1281 du 22 novembre 1977, le préfet aurait dû, en tout état de cause, saisir le comité technique institué par l'arrêté du 24 août 1979 dès lors que l'opération constituerait une unité touristique nouvelle de nature à entraîner une modification substantielle de la population et de l'économie locale et du paysage montagnard ; que le tribunal administratif a omis de statuer sur ce moyen ; que le jugement du 4 décembre 1985 doit, en conséquence, être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande déposée par l'association devant le tribunal administratif de Grenoble ;

Sur le moyen tiré de la violation de la directive d'aménagement national relative à la protection et à l'aménaement de la montagne approuvée par le décret du 22 novembre 1977 :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'opération autorisée par l'arrêté litigieux, qui porte sur la construction de deux immeubles à usage d'habitation comprenant 106 studios d'une superficie totale hors euvre nette de 2 988,10 m 2, ne saurait être regardée, alors même qu'il devait être tenu compte de l'opération autorisée antérieurement dans cette partie de la commune, comme aboutissant à la constitution d'une unité touristique nouvelle au sens de ladite directive d'aménagement national ; que dans ces conditions, son autorisation n'était soumise ni à l'obligation, édictée par la directive susmentionnée d'une prise en considération préalable des ministres de l'aménagement du territoire, de l'équipement, du logement, de la culture, de l'agriculture, de l'intérieur et du tourisme, ni, en tout état de cause, à l'examen du comité technique institué par l'arrêté du 24 août 1979 ; que, par suite, le moyen susanalysé ne peut qu'être écarté ;

Sur les moyens tirés de la violation du plan d'urbanisme directeur de la commune du 30 juin 1971 :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L.124-1 du code de l'urbanisme en vigueur à la date de la décision contestée, les plans d'urbanisme directeurs devaient être remplacés par des plans d'occupation des sols rendus publics avant le 1er juillet 1978 ; qu'il suit de là que le plan d'urbanisme directeur de la commune du 30 juin 1971 a cessé de produire ses effets le 1er juillet 1978, quand bien même aucun plan d'occupation des sols n'a été rendu public avant cette date ; que, dès lors, les moyens tirés, d'une part, du dépassement du coefficient d'utilisation du sol, d'autre part, de l'insuffisance des places de stationnement des voitures au regard du plan d'urbanisme directeur doivent être écartés ;

Sur le moyen tiré de l'illégalité du certificat d'urbanisme du 6 mai 1983 :

Considérant que si, aux termes de l'article R. 315-54 du code de l'urbanisme : "Les divisions du terrain en vue de l'implantation de bâtiments qui ne constituent pas des lotissements au sens de l'article R. 315-1 (alinéas 1er et 2) doivent, à l'exception des divisions visées à l'article R. 315-2, être précédées de la délivrance d'un certificat d'urbanisme portant sur chacun des terrains provenant de la division.", l'absence ou l'illégalité d'un tel certificat est sans incidence sur la légalité du permis de construire délivré sur une parcelle résultant de cette division ;

Sur le moyen tiré de l'insuffisance des réseaux d'eau de la commune :

Considérant qu'aux termes de l'article L.421-5 du code de l'urbanisme en vigueur à la date de la décision attaquée : "Lorsque, compte tenu de la destination de la construction projetée, des travaux portant sur des réseaux d'eau ... sont nécessaires pour la desserte de ladite construction, le permis ne peut être accordé si l'autorité qui le délivre n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public lesdits travaux doivent être exécutés" ; que par une lettre du 4 février 1984 adressée au directeur départemental de l'équipement le maire de la commune a précisé que cette construction serait réalisée par la commune en 1985 ; qu'ainsi le moyen manque en fait ;

Sur les moyens tirés de la violation des articles L.332-6 et L.332-7 du code de l'urbanisme :

Considérant que la seule circonstance que la commune de Cohennoz pouvait, sur le fondement de l'article L.332-6 du code de l'urbanisme, exiger une participation de la S.A. Merlin immobilier à la création de la station d'épuration et ne l'aurait pas fait ne suffit pas à entacher d'illégalité le permis attaqué ;

Considérant que les dispositions de l'article L.332-7 sont applicables aux lotisseurs ; que le moyen tiré de la violation de cet article est donc inopérant à l'encontre du permis de construire attaqué ;

Sur le moyen tiré de l'illégalité des délibérations du conseil municipal du 16 septembre 1983 :

Considérant que les vices dont, selon l'association, seraient entachées les délibérations relatives, d'une part, au projet de construction d'un réservoir d'eau nécessaire à l'extension du hameau de Cernix et d'un réservoir d'incendie, d'autre part, au projet de réalisation du réseau d'assainissement du hameau et d'une station d'épuration, du fait de la participation de M. Rabord, conseiller municipal et propriétaire du terrain sur lequel doivent être construits les immeubles litigieux sont, en tout état de cause, sans influence sur la légalité du permis attaqué ;

Sur les moyens tirés de l'absence de voies d'accès à la construction litigieuse : Considérant, d'une part, que la circonstance que la cession à la S.A. Merlin immobilier d'une servitude de passage pour permettre l'accès à la construction, prévue par l'attestation notariée du 23 septembre 1983, que vise le permis attaqué, n'ait pas encore été réalisée à la date du permis est sans influence sur la légalité de ce dernier ; Considérant, d'autre part, que compte tenu de la consistance du projet, il n'y avait pas lieu d'établir une servitude de cour commune ; qu'ainsi le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article R. 421-7 du code de l'urbanisme relatives à une telle servitude ne saurait être retenu ;

Sur le moyen relatif au terrain d'assiette de la construction litigieuse :

Considérant que si l'association soutient que les constructions autorisées empiéteraient sur des terrains appartenant à d'autres propriétaires, il n'appartient pas à l'autorité administrative de s'immiscer dans un litige d'ordre privé susceptible de s'élever entre des particuliers ; qu'elle ne pouvait ni trancher ce litige, ni se fonder sur son existence pour refuser d'examiner la demande qui lui était présentée ; qu'il appartenait seulement à la personne qui contestait le droit du demandeur d'intenter devant l'autorité judiciaire telle action que de droit contre ce dernier ; qu'il suit de là qu'à la date d'octroi du permis, la S.A. Merlin immobilier apparaissait comme étant propriétaire de l'ensemble du terrain d'assiette de la construction projetée ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le bénéficiaire du permis de construire ne serait pas propriétaire desdits terrains ne saurait être accueilli ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ASSOCIATION POUR LA SAUVEGARDE DE COHENNOZ-LE-CERNIX n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 11 février 1984 du maire de Cohennoz accordant à la S.A. Merlin immobilier le permis de construire deux immeubles à usage d'habitation dans le hameau de Cernix ;

Article 1er : Le jugement du 4 décembre 1985 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : La demande de l'ASSOCIATION POUR LA SAUVEGARDE DE COHENNOZ-LE-CERNIX devant le tribunal administratif est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION POUR LA SAUVEGARDE DE COHENNOZ-LE-CERNIX, à la S.A. Merlin immobilieret au ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer.

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