Jurisprudence : CE 5/3 SSR, 20-06-1984, n° 35552

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 35552

Association "Les amis de la terre" Association Nature et Progrès

Lecture du 20 Juin 1984

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)



Sur le rapport de la 5ème Sous-Section

Vu, la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 9 juillet 1981, présentée pour l'Association des Amis de la Terre et l'Association Nature et Progrès, représentées par leur président en exercice et tendant à ce que le Conseil d'Etat:

1°) annule le jugement en date du 23 juin 1981 par lequel le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a rejeté leur demande dirigée contre un arrêté en date du 10 septembre 1980 par lequel le préfet de l'Aube a accordé à Electricité de France le permis de construire une centrale nucléaire de deux tranches de 1300 mégawatts avec ses bâtiments d'accompagnement et ses installations et travaux divers sur le territoire de la commune de Nogent-sur-Seine;

2°) annule pour excès de pouvoir cette décision et en ordonne le sursis à exécution;


Vu le code de l'urbanisme;


Vu le code des tribunaux administratifs;


Vu la loi du 10 juillet 1976;


Vu le décret n° 55-1064 du 4 août 1955;


Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953;


Vu la loi du 30 décembre 1977.

Considérant que le délai de recours contentieux prévu à l'alinéa 1er de l'article 1er du décret du 11 janvier 1965 court, lorsqu'il s'agit d'un permis de construire, à compter de l'expiration d'un délai de deux mois suivant le premier jour de l'affichage dudit permis de construire en mairie; que, toutefois, pour que le délai de recours puisse courir, la publication doit être complète et régulière et comporter notamment l'affichage de la mention du permis de construire sur le terrain, dès la délivrance dudit permis, dans les conditions prévues à l'article A.421-7 du code de l'urbanisme; qu'aux termes de cet article "L'affichage du permis de construire sur le terrain est assuré par les soins du bénéficiaire du permis de construire sur un panneau rectangulaire dont les dimensions sont supérieures à 80 centimètres. Ce panneau indique le nom, la raison sociale, la dénomination sociale dudit bénéficiaire, la date et le numéro du permis, la nature des travaux et, s'il y a lieu la superficie du terrain, la superficie du plancher autorisée ainsi que la hauteur de la construction exprimée en mètres par rapport au sol naturel. . .";

Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier que le permis de construire délivré à Electricité de France par arrêté du préfet de l'Aube en date du 10 septembre 1980 pour la construction d'une centrale nucléaire de deux tranches de 1 300 MW avec ses bâtiments d'accompagnement et des installations diverses sur le territoire de la commune de Nogent-sur-Seine a fait l'objet à compter du 2 octobre 1980 d'un affichage sur le terrain sur un panneau qui, s'il comportait la date de délivrance du permis et mentionnait sommairement la nature des travaux, indiquait un numéro de permis erroné et ne contenait pas l'ensemble des mentions prévues à l'article A.421-7 du code de l'urbanisme précité; que cette publication ne peut dans ces conditions être regardée comme complète et régulière, et qu'ainsi le délai du recours contentieux n'a pu courir; que les associations "Les amis de la terre" et "Nature et progrès" sont par suite fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a rejeté leur demande au motif que celle-ci, enregistrée au greffe dudit tribunal le 19 février 1981, était atteinte par la forclusion; que ledit jugement doit dès lors être annulé;

Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu d'évoquer pour statuer immédiatement;

Considérant, en premier lieu, qu'en vertu des dispositions de l'article R. 510-1 premier alinéa, du code de l'urbanisme, l'agrément auquel ces dispositions soumettent toute opération tendant à la construction, la reconstruction ou l'extension de certains locaux ou installations ou de leurs annexes, et à la production duquel est notamment subordonnée, en vertu des dispositions de l'article R. 510-8, la délivrance du permis de construire, n'est exigible que pour celles des opérations visées qui sont entreprises dans la région parisienne telle qu'elle est définie par la loi n° 64-707 du 10 juillet 1964 ainsi que dans les communes énumérées du departement de l'Oise; que le département de l'Aube n'étant pas compris dans la région parisienne, l'agrément ci-dessus mentionné n'était pas exigible préalablement à la délivrance du permis de construire attaqué;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de l'urbanisme: "Lorsque la construction est subordonnée à une autorisation d'occupation du domaine public l'autorisation est jointe à la demande de permis de construire"; qu'il résulte des pièces du dossier que la construction de la centrale de Nogent-sur-Seine n'était subordonnée à aucune autorisation d'occupation du domaine public; que l'extraction de matériaux du lit de la Seine, à la supposer nécessaire, devait donner lieu, en application des dispositions des articles 25 et 26 du code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure, à une procédure distincte de celle au terme de laquelle le permis de construire est délivré; que le moyen tiré d'une violation des dispositions de l'article R. 421-1 du code de l'urbanisme doit par suite être écarté;

Considérant, en troisième lieu, qu'en vertu des dispositions de l'article R. 421-3 du code de l'urbanisme, lorsque les travaux projetés concernent des installations classées soumises à autorisation ou à déclaration, la demande de permis de construire doit être accompagnée de la justification du dépôt de la demande d'autorisation ou de la déclaration; qu'en l'espèce, il ressort de la lettre adressée par Electricité de France au ministre de l'industrie le 14 février 1979 et du récépissé de cette lettre en date du 5 mars 1979, documents joints à la demande de permis de construire déposée par Electricité de France le 10 avril 1980, qu'une telle justification se trouvati apportée pour ceux des bâtiments et ouvrages entrant au nombre des installations classées régies par la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 et compris dans les projets de travaux faisant l'objet de la demande de permis de construire dont il s'agit;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article R.130-1 du code de l'urbanisme; ". . . toute coupe ou tout abattage d'arbres compris dans un espace boisé classé est subordonné à une autorisation expresse délivrée par le préfet"; qu'il ressort des pièces du dossier que la zone où Electricité de France devait procéder à des abattages en vue de la réalisation des travaux projetés n'a pas été classée en espace boisé par le plan d'occupation des sols de Nogent-sur-Seine, rendu public le 30 juin 1980; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'absence d'une autorisation d'abattage, au dossier de la demande de permis de construire, constituerait une méconnaissance des dispositions de l'article R.421-3-1 du code de l'ubanisme doit être écarté;

Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme: "Le dossier joint à la demande de permis de construire comporte en outre, l'étude d'impact définie à l'article 2 du décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 pour les projets d'une superficie hors oeuvre nette égale ou supérieure à 3 000 mètres carrés et situés dans une commune non soumise à un plan d'occupation des sols rendu public ou approuvé ou dans une zone d'aménagement concerté dont le plan d'aménagement n'est pas approuvé"; que le plan d'occupation des sols de la commune de Nogent-sur-Seine a été rendu public par arrêté préfectoral en date du 30 juin 1980; que par suite les moyens tirés de l'insuffisance de l'étude d'impact qu'Electricité de France avait jointe à sa demande de permis de construire sont inopérants;

Considérant, en sixième lieu, que les installations autorisées par le permis de construire attaqué, destinées à la production d'énergie nucléaire, n'étaient pas, quelle que fût leur importance, au nombre des immeubles de grande hauteur définis à l'article R.122-2 du code de la construction et de l'habitation et auxquels sont applicables les dispositions des articles R. 421-47 et R. 421-48 du code de l'urbanisme; que le moyen tiré d'une méconnaissance de ces dispositions doit par suite être écarté;

Considérant, en septième lieu, qu'il résulte des pièces du dossier que le projet de création de la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine a fait l'objet d'une instruction mixte à l'échelon central qui a été clôturée par un procès-verbal en date du 4 janvier 1980; que par suite le moyen tiré de l'absence d'instruction mixte à l'échelon central prévue par le décret n° 55-1064 du 4 août 1955 modifié manque en fait;

Considérant, en huitième lieu, que le moyen tiré de ce que l'avis du service de la navigation de la Seine en date du 5 août 1980 aurait comporté des réserves quant à la délivrance du permis de construire attaqué manque en fait;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article R.111-2 du code de l'urbanisme: "Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leur dimension sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou la sécurité publique"; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en accordant le permis attaqué le préfet ait, compte tenu des prescriptions sévères imposées aux constructeurs par la législation et la réglementtation spécifiques aux installations nucléaires de base, commis une erreur manifeste d'appréciation;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les associations requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêté attaqué du préfet de l'Aube en date du 10 septembre 1980.

DECIDE

ARTICLE 1ER - Le jugement du tribunal administratif de Châlons-sur-Marne en date de 23 juin 1981 est annulé.

ARTICLE 2. - La demande présentée par les associations "Les amis de la terre" et "Nature et progrès" devant le tribunal administratifs de Châlons-sur-Marne et le surplus des conclusions de la requête de ces associations sont rejetés.

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