Jurisprudence : CE 3/5 SSR, 08-01-1997, n° 163035

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 163035

ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DES HABITANTS DES ESSARTS ET AUTRES RIVERAINS et autres

Lecture du 08 Janvier 1997

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du contentieux, 3ème et 5ème sous-sections réunies),
Sur le rapport de la 3ème sous-section, de la Section du Contentieux,

Vu 1°, sous le n° 163035, l'ordonnance du 15 novembre 1994, enregistrée le 22 novembre 1994 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nantes a transmis au Conseil d'Etat le dossier de la requête présentée devant cette cour le 1er ao–t 1994 par l'ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DES HABITANTS DES ESSARTS ET AUTRES RIVERAINS, dont le siège est situé à la mairie de Grand-Couronne, représentée par son président, par M. Manuel ALMEIDA, demeurant 2, rue Nelson Mandela à Grand-Couronne (76530) et par M. Daniel BENOIT, demeurant Immeuble les Houx à Grand-Couronne (76530) ;

Vu ladite requête tendant : 1°) à l'annulation du jugement du 22 juin 1994 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande dirigée contre l'arrêté du 5 janvier 1994 par lequel le maire de Grand-Couronne a délivré à la société Intertitan Emporiki Diethnis S.A. un permis de construire ; 2°) à l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision ; 3°) à la condamnation de la commune de Grand-Couronne à leur verser 9 000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu 2°, sous le n° 165123, la requête enregistrée le 30 janvier 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DES HABITANTS DES ESSARTS ET AUTRES RIVERAINS, dont le siège est situé à la mairie de Grand-Couronne, représentée par son président, par M. Manuel ALMEIDA, demeurant 2, rue Nelson Mandela à Grand-Couronne (76530) et par M. Daniel BENOIT, demeurant immeuble les Houx à Grand-Couronne (76530) ; l'ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DES HABITANTS DES ESSARTS ET AUTRES RIVERAINS, M. ALMEIDA et M. BENOIT demandent au Conseil d'Etat : 1°) de décider qu'il sera sursis à l'exécution de l'arrêté du 5 janvier 1994 par lequel le maire de Grand-Couronne a délivré à la société Intertitan Emporiki Diethnis S.A. un permis de construire ; 2°) de condamner la commune de Grand-Couronne à leur verser une somme de 9 000 F HT au titre de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code des Ports maritimes ;

Vu la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 ;

Vu la loi n° 87-565 du 22 juillet 1987 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Courtial, Maître des Requêtes, - les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre le même arrêté en date du 5 janvier 1994 par lequel le maire de Grand-Couronne a délivré à la société Intertitan Emporiki Diethnis S.A. un permis de construire ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur la requête n° 163035 : Considérant, d'une part, que l'ouvrage métallique dont la construction est autorisée par l'arrêté litigieux est destiné au chargement et au déchargement de ciment dans un hangar auquel il est adossé dans l'enceinte du Port autonome de Rouen ; qu'eu égard à la nature de cette activité, MM. ALMEIDA et BENOIT qui résident à proximité justifiaient d'un intérêt leur donnant qualité pour demander l'annulation de l'arrêté susmentionné du maire de Grand-Couronne ; qu'ils sont, par suite, fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté comme irrecevables les conclusions de leur demande tendant à l'annulation dudit arrêté ; Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 600-3 du code de l'urbanisme : "En cas de (....) recours contentieux à l'encontre d'un document d'urbanisme ou d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code, (....) l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation... Cette notification (....) doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception dans un délai de quinze jours francs à compter du (....) recours. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article" ; que ces dispositions ne sont entrées en vigueur qu'à compter du 1er octobre 1994, date fixée par le décret du 16 ao–t 1994 à l'intervention duquel le législateur a entendu subordonner la mise en application de cette procédure ; que l'ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DES HABITANTS DES ESSARTS ET AUTRES RIVERAINS a présenté au tribunal administratif ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté litigieux le 7 mars 1994, antérieurement à l'entrée en vigueur des dispositions précitées ; que, par suite, c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté comme irrecevables lesdites conclusions au motif qu'elle n'aurait pas respecté la procédure prévue à l'article L. 600-3 du code de l'urbanisme ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées tant par MM. ALMEIDA et BENOIT que par l'ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DES HABITANTS DES ESSARTS ET AUTRES RIVERAINS devant le tribunal administratif de Rouen ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, d'une part, la société Intertitan Emporiki Diethnis S.A. a obtenu l'autorisation d'occuper pour une durée de cinq ans un terrain et un hangar situés sur le domaine public en vertu d'une convention, signée le 9 juillet 1993 par le directeur du Port autonome de Rouen auquel le conseil d'administration de cet établissement public avait délégué, comme l'y autorisent les dispositions de l'article R. 113-3 du code des ports maritimes, compétence pour accorder les autorisations d'occupation du domaine public dont la durée n'excède pas cinq ans ; que, d'autre part, conformément aux prescriptions de l'article 3.04 du cahier des charges annexé à la convention, l'édification de l'ouvrage technique litigieux a été préalablement autorisée par le directeur du Port autonome ; qu'eu égard aux caractéristiques de l'ouvrage, aisément démontable, les autorisations ainsi obtenues constituaient un titre suffisant pour présenter une demande de permis de construire ;

Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit, les titres dont justifie la société ne sont pas des concessions d'outillage ; que, par suite, les moyens tirés de ce que la procédure préalable à la conclusion de telles concessions aurait été méconnue sont inopérants ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-3-2 du code de l'urbanisme : "Lorsque les travaux projetés concernent une installation soumise à autorisation ou à déclaration en vertu de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relatives aux installations classées pour la protection de l'environnement, la demande de permis de construire doit être accompagnée de la justification du dépôt de la demande d'autorisation ou de la déclaration" ; que, conformément àces dispositions, le dossier de la demande de permis de construire comprenait le récépissé du dépôt de la déclaration présentée au titre de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement ; que si l'association requérante soutient que l'installation en cause relèverait pour l'application de la loi du 19 juillet 1976, non du régime de la déclaration, mais du régime de l'autorisation, compte tenu de la puissance électrique nécessaire, cette circonstance, à la supposer établie, serait sans incidence sur la légalité du permis de construire, qui a été délivré au vu d'un dossier régulièrement constitué au regard des dispositions précitées de l'article R. 421-3-2 du code de l'urbanisme ;

Considérant que si l'association requérante invoque une méconnaissance, par l'arrêté attaqué, des dispositions de la loi du 22 juillet 1987 relative, notamment, à la prévention des risques majeurs, elle n'assortit pas ce moyen des précisions permettant d'en apprécier le bien fondé ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : "Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publiques" ; qu'il ne résulte pas des pièces du dossier qu'en autorisant la construction de l'ouvrage permettant le transfert du ciment entreposé dans le hangar dans les citernes des camions, le maire de Grand-Couronne ait entaché son arrêté d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que, compte tenu des précautions prises pour éviter les émissions de poussière de ciment dans l'atmosphère et des mesures de sécurité prévues, cette nouvelle installation n'était pas de nature, par elle-même ou en raison de sa situation dans le voisinage d'un dépôt d'anhydride sulfureux, à accroître sensiblement les risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publiques dans la zone industrielle et portuaire ;

Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre fin de non-recevoir opposée à l'ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DES HABITANTS DES ESSARTS ET AUTRES RIVERAINS, la demande de cette association et de MM. ALMEIDA et BENOIT tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 janvier 1994 du maire de Grand-Couronne doit être rejetée ;

Sur la requête n° 165123 :

Considérant que le rejet des conclusions à fin d'annulation de la décision attaquée rend sans objet la demande de sursis à exécution de cette décision ;

Sur les conclusions des parties tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que la commune de Grand-Couronne et la société Intertitan Emporiki Diethnis S.A. qui ne sont pas, dans la présente instance, des parties perdantes, soient condamnées à payer à l'ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DES HABITANTS DES ESSARTS et MM. ALMEIDA et BENOIT la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamnerl'ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DES HABITANTS DES ESSARTS et MM. ALMEIDA et BENOIT à payer à la commune de Grand-Couronne et à la société Intertitan Emporiki Diethnis S.A. les sommes qu'elles réclament au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 165123.

Article 2 : Le jugement du 22 juin 1994 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 3 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Rouen par l'ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DES HABITANTS DES ESSARTS ET AUTRES RIVERAINS et MM. ALMEIDA et BENOIT est rejetée.

Article 4 : Les conclusions de l'ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DES HABITANTS DES ESSARTS ET AUTRES RIVERAINS, de la commune de Grand-Couronne et de la société Intertitan Emporiki Diethnis S.A. au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DES HABITANTS DES ESSARTS ET AUTRES RIVERAINS, à M. Manuel ALMEIDA, à M. Daniel BENOIT, à la commune de Grand-Couronne, à la société Intertitan Emporiki Diethnis S.A. et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.

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