Jurisprudence : CE 3/8 SSR, 27-03-2015, n° 374159



CONSEIL D'ETAT


Statuant au contentieux


374159


SOCIETE S2J


Mme Maryline Saleix, Rapporteur

Mme Nathalie Escaut, Rapporteur public


Séance du 11 mars 2015


Lecture du 27 mars 2015


REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 8ème et 3ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 8ème sous-section de la section du contentieux


Vu la procédure suivante :


La société S2J a demandé au tribunal administratif de Nancy d'ordonner la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a déclarés au titre de la période allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 pour un montant de 155 412 euros. Par un jugement n° 1100309 du 10 juillet 2012, le tribunal administratif a rejeté sa demande.


Par un arrêt n° 12NC01538 du 31 octobre 2013, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant à l'annulation de ce jugement ;


Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 décembre 2013, 24 mars 2014 et 17 février 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société S2J demande au Conseil d'Etat :


1°) d'annuler cet arrêt ;


2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;


Vu :


- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;


- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;


- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :


- le rapport de Mme Maryline Saleix, maître des requêtes en service extraordinaire,


- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;


La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Didier, Pinet, avocat de la société S2j ;




1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société S2J, qui exerce une activité de marchand de biens, a sollicité, par réclamation présentée le 31 décembre 2009, la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle estimait avoir déclarée à tort au titre de la période correspondant aux années 2007 et 2008, pour un montant de 155 412 euros ; qu'elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 31 octobre 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 10 juillet 2012 du tribunal administratif de Nancy rejetant sa demande de restitution de cette taxe ;


Sur l'étendue du litige :


2. Considérant que, par une décision en date du 7 août 2014, postérieure à l'introduction du pourvoi, l'administration a prononcé le dégrèvement des droits de taxe sur la valeur ajoutée en litige pour les sommes de 64 668 euros au titre de l'année 2007 et 10 863 euros au titre de l'année 2008 ; que, par suite, les conclusions du pourvoi sont, à due concurrence de ces sommes, devenues sans objet ; qu'il n'y a plus lieu, dans cette mesure, d'y statuer ;


Sur le surplus des conclusions du pourvoi :


3. Considérant qu'aux termes de l'article 257 du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur avant sa modification par l'article 16 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010 : " Sont également soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : (.) 6° Sous réserve du 7° : a) Les opérations qui portent sur des immeubles, des fonds de commerce ou des actions ou parts de sociétés immobilières et dont les résultats doivent être compris dans les bases de l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux ; (.) 7° Les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles. / Ces opérations sont imposables même lorsqu'elles revêtent un caractère civil. 1. Sont notamment visés : a) Les ventes et les apports en société de terrains à bâtir, des biens assimilés à ces terrains par le A de l'article 1594-0 G ainsi que les indemnités de toute nature perçues par les personnes qui exercent sur ces immeubles un droit de propriété ou de jouissance, ou qui les occupent en droit ou en fait ; . / Ces dispositions ne sont pas applicables aux terrains acquis par des personnes physiques en vue de la construction d'immeubles que ces personnes affectent à un usage d'habitation (.) " ;


4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que celles du 7° n'étant pas applicables aux cessions de terrains à bâtir acquis par des personnes physiques en vue de la construction d'immeubles que ces personnes affectaient à un usage d'habitation, ces opérations étaient soit exonérées de taxe sur la valeur ajoutée, soit soumises à la taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement des dispositions du 6° lorsqu'elles étaient réalisées par des personnes relevant de ces dernières ; que, dans ces conditions, dès lors qu'était invoquée devant lui l'incompatibilité des dispositions excluant l'application du 7° à ces opérations avec la directive du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, il appartenait au juge du fond d'examiner les motifs d'incompatibilité invoqués, et de vérifier, le cas échéant, au regard des motifs qu'il aurait estimé fondés, si cette incompatibilité imposait de taxer l'ensemble de ces opérations exclusivement sur le fondement du 7° ou si, s'agissant de celles réalisées par les personnes relevant du 6°, la taxation sur la marge prévue par la combinaison de ce dernier avec les dispositions de l'article 268 du code général des impôts suffisait à rétablir, dans cette mesure, la compatibilité des dispositions précitées avec cette directive ; que la société S2J est fondée à soutenir qu'en écartant le moyen tiré de cette incompatibilité comme inopérant, sans se livrer à cet examen, la cour administrative d'appel de Nancy a commis une erreur de droit ;


5. Considérant, toutefois, que les dispositions du 7° de l'article 257 précité du code général des impôts prévoyant que ce 7° n'était pas applicable aux cessions de terrains acquis par des personnes physiques en vue de la construction d'immeubles que ces personnes affectent à un usage d'habitation n'étaient incompatibles avec la directive du 28 novembre 2006 qu'en tant qu'elles aboutissaient à faire échapper entièrement à cette taxe les opérations en cause, dès lors qu'en application des dispositions combinées de l'article 135 § 1, point k) et de l'article 2 de cette directive, toute livraison de terrains à bâtir réalisée à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel doit être soumise à la taxe sur la valeur ajoutée ; que, cependant, tel n'était pas le cas des opérations ainsi visées lorsqu'elles étaient réalisées par des marchands de biens, ces dispositions n'ayant pas pour effet, pour de telles opérations, d'aboutir à une exonération, mais seulement, compte tenu des dispositions du 6°, de les soumettre au régime de taxation sur la marge prévu par la combinaison de ce dernier et de l'article 268 du code général des impôts ; que le régime ainsi prévu au 6° était lui-même compatible avec la directive précitée, dont l'article 392 autorise les Etats membres à prévoir que, pour la livraison de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n'a pas eu droit à déduction à l'occasion de l'acquisition, la base d'imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d'achat ; que, par suite, la société S2J n'est pas fondée à soutenir que l'incompatibilité des dispositions du 7° mentionnées ci-dessus imposait d'écarter l'application du 6° aux opérations de cession de terrains à bâtir à des personnes physiques en vue de la construction d'immeubles que ces personnes affectaient à un usage d'habitation qu'elle a réalisées au cours des années 2007 et 2008 ; que ce motif, qui n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait, doit être substitué à celui retenu par l'arrêt attaqué, dont il justifie légalement le dispositif ;


6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le surplus des conclusions du pourvoi de la société S2J tendant à l'annulation de l'arrêt attaqué doit être rejeté ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;




D E C I D E :


Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du pourvoi de la société S2J à concurrence des dégrèvements prononcés en cours d'instance et mentionnés dans les motifs de la présente décision pour un montant total de 75.531 euros.


Article 2 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la société S2J est rejeté.


Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société S2J et au ministre des finances et des comptes publics.



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