Jurisprudence : CA Aix-en-Provence, 12-11-2013, n° 13/06157

CA Aix-en-Provence, 12-11-2013, n° 13/06157

A4133KPR

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CA Aix-en-Provence, 12-11-2013, n° 13/06157 . Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/11236225-ca-aixenprovence-12112013-n-1306157
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Abstract

La convention d'honoraires stipulant un honoraire de résultat de 8 % sur les sommes à allouer en capital ou sur le montant capitalisé des sommes allouées sous forme de rente constitue indubitablement un acte de disposition et non de simple administration et requiert l'autorisation du juge des tutelles.



COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE Opp. Taxes
ORDONNANCE SUR CONTESTATION
D'HONORAIRES D'AVOCATS
DU 12 NOVEMBRE 2013
N°2013/ 735

Rôle N° 13/06157 Dominique Z
C/
Emeric Y
Grosse délivrée
le
à
Me Philippe X
Me Lea W
Décision déférée au Premier Président de la Cour d'Appel
Décision fixant les honoraires de M. Emeric Y rendue le
20 Février 2013 par le Bâtonnier de l'ordre des avocats de TOULON.
DEMANDERESSE
Madame Dominique Z, en qualité de tuteur ad hoc de Monsieur Mario V,
demeurant CORNIL
représentée par Me Philippe CLARISSOU, avocat au barreau de TULLE substitué par Me Ludovic ROUSSEAU de la SCP BOISSONNET ROUSSEAU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
DÉFENDEUR
Monsieur Emeric Y, avocat
demeurant TOULON
représenté par Me Lea MARGUET, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*

DÉBATS ET DÉLIBÉRÉ
L'affaire a été débattue le 25 Septembre 2013 en audience publique devant
Monsieur Jean Yves MARTORANO, Conseiller,
délégué par Ordonnance du Premier Président.
Greffier lors des débats Madame Jessica FREITAS.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Novembre 2013.
ORDONNANCE
Contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 12 Novembre 2013,
Signée par Monsieur Jean Yves MARTORANO, Conseiller et Madame Jessica FREITAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***

EXPOSÉ
les faits constants résultant des productions et de l'ordonnance querellée
Le petit Mario V, alors âgé de 9 ans et 5 mois, ayant été, le 22 février 1997, renversé par un véhicule automobile, un jugement du tribunal de grande instance de Tulle du 3 juillet 2003, condamnait, à la demande de sa mère, Madame Sylvie V (agissant en qualité d'administratrice légale sous contrôle judiciaire et ayant missionné un avocat local), le conducteur et son assureur à réparer le préjudice subi ; par arrêt du 15 janvier 2004, la cour d'appel de Limoges confirmait ce jugement, les deux décisions n'ayant fixé que pour quatre années expirant le 8 septembre 2005, l'indemnité pour tierce personne et n'ayant pas liquidé l'indemnisation de ce chef dans la mesure où l'enfant était placé dans un centre d'accueil spécialisé, et qu'il existait un doute quant aux conditions d'accueil et d'hébergement lorsqu'il aurait atteint sa majorité ;
En décembre 2005, Madame V, ès qualités de tutrice de son fils devenu majeur, désignée à cette fonction par décision du juge des tutelles du 07 décembre 2005, saisissait à nouveau, aux fins de liquidation de l'indemnisation au titre de la tierce personne, le tribunal de grande instance de Tulle qui par jugement du 14 février 2007, fixait l'indemnisation de ce chef de préjudice à la somme de 518.036,18 euros en capital et 4.802,15 euros de rente trimestrielle viagère ;

Madame V, es qualité, relevait appel de la décision et changeait d'avocat, saisissant Maître Emeric Y et signant avec lui, le 10 avril 2007, une convention d'honoraires stipulant un honoraire fixe de 1.000 euros HT et un honoraire de résultat de 8% sur les sommes à allouer en capital ou sur le montant capitalisé des sommes allouées sous forme de rente ;
la cour d'appel, par arrêt du 10 juin 2008, confirmait dans son principe le jugement, le réformant uniquement sur le mode de calcul de la capitalisation et ordonnant que le préjudice soit indemnisé uniquement par le versement d'un capital fixé à 1.217.909,90 euros ;
Sur pourvoi, formé sur conseil de Maître Emeric Y, la cour de cassation, par décision du 20 juin 2010, cassait cet arrêt au motif que le défaut d'autorisation du conseil de famille ou du juge des tutelles empêchait de retenir la validité de l'accord sur le mode d'indemnisation, légalement qualifié de transaction, et renvoyait à la même cour d'appel autrement composée qui, par arrêt du 9 mars 2011, aujourd'hui passé en force de chose jugée, constatait que le juge des tutelles n'avait pas été saisi pour autoriser la transaction portant sur les sommes relatives à l'indemnisation de la tierce personne et fixait à 4.046.127,84 euros la somme devant revenir à la victime et après déduction des sommes déjà versées ordonnait une indemnisation complémentaire de 2.828.217,94 euros ;
Le 02 février 2009 puis le 06 avril 2011, Madame Sylvie V, ès qualités de tutrice, autorisait Maître Emeric Y à prélever sur les sommes encaissées, d'abord la somme de 61.413,11 euros puis, en exécution du dernier arrêt, la somme de 270.603,88 euros au titre de l'honoraire de résultat stipulé dans la convention d'honoraires ;
Le 29 décembre 2011, le juge des tutelles, estimant que ce dernier montant était excessif et considérant qu'il y avait, sur ce point, conflit d'intérêts entre la tutrice et le majeur protégé, nommait Madame Dominique Z en qualité de tuteur ad hoc chargée de saisir un avocat et de diligenter la procédure visant à obtenir la réduction des honoraires de Maître Emeric Y ;
le litige, pour plus ample exposé duquel il est renvoyé aux écritures résumées ci-après

Vu la décision de fixation d'honoraire n° 12001507, rendue le 20 février 2013 par le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Toulon, sur demande de Madame Dominique Z agissant en qualité de tuteur ad hoc de Monsieur Mario V (nommée à cette fonction comme il vient d'être dit) présentée par lettre reçue au secrétariat de l'ordre le 21 juin 2012, après recueil des observations des parties et prorogation du délai selon décision du 16 octobre 2012, par référence aux dispositions de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 et en application de la convention d'honoraires du 10 avril 2007, estimant en outre que l'honoraire librement acquitté après service rendu n'était pas susceptible d'être contesté, ayant fixé à la somme de 276.606,19 euros HT soit 330.821 euros TTC les honoraires dus à Maître Emeric Y et constaté que cette somme avait été entièrement réglée ;
Vu, présenté par l'intermédiaire de son avocat, le recours formé par Madame Dominique Z agissant en la même qualité, par lettre recommandée expédiée le 19 mars 2013 et enregistré au greffe le 21 mars 2013, contre ladite décision du bâtonnier, notifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception reçue à une date non précisée par les parties ;
Vu, développées oralement, les conclusions en date du 25 septembre 2013 par lesquelles Madame Dominique Z, es qualité, soutient que même signée avant la promulgation du décret du 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle, la convention d'honoraires du 10 avril 2007 est nulle comme ne relevant pas des actes d'administration, alors, de surcroît, que la réforme légale de la protection juridique des majeurs est entrée en vigueur le 1er janvier 2009, c'est à dire avant les décisions ayant octroyé d'importantes sommes au jeune Monsieur Mario V, et qu'il appartenait donc à Me Y de faire application des dispositions législatives nouvelles devant régir le règlement de ses honoraires, et de présenter la convention au juge des tutelles afin d'autorisation, ou d'inciter le tuteur à le faire, en déduit que les honoraires litigieux devaient être fixés en application des critères énumérés à l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 et en fonction des usages professionnels qui imposent à l'avocat le respect d'une obligation de délicatesse et de modération, le conduisant, au regard de la situation du client à demander un honoraire constituant une juste rémunération du travail accompli sans jamais être excessif, souligne subsidiairement, d'une part, que l'assiette de calcul de l'honoraire de résultat litigieux ne pouvait englober les sommes obtenues par le précédent conseil, d'autre part, que même résultant d'une convention valide, l'honoraire peut être réduit par le juge s'il est exagéré au regard du service rendu, ce qui, selon-elle, est le cas en l'espèce puisque, lors de la désignation de Maître Emeric Y, le principe de l'indemnisation était acquis, seules restant à déterminer les modalités de calcul et sollicite donc l'infirmation de la décision querellée, la fixation des honoraires litigieux à la somme de 59.800 euros TTC, soit par réduction de l'honoraire résultant de la convention d'honoraires, soit, sur annulation de cette dernière, au titre des diligences réalisées et du caractère pertinent des interventions de Maître Emeric Y, et la condamnation de celui-ci au remboursement du trop perçu de 210.803,88 euros ;
Vu, développées oralement, les conclusions en date du 25 septembre 2013 par lesquelles Maître Emeric Y s'interroge sur 'l'immixtion' du juge des tutelles dans une affaire d'honoraires, stigmatise la méconnaissance et le défaut de maîtrise du dossier du majeur protégé par ce magistrat dans la mesure où, selon-lui, les honoraires prélevés sont conformes aux intérêts en cause et au caractère exceptionnel du résultat obtenu, soulève la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité de ' partie au litige ' du juge des tutelles et du libre paiement des honoraires après service rendu, rappelle les règles légales et jurisprudentielles applicables à la fixation d'honoraires, fait état de décisions de juges des tutelles ayant admis des convention d'honoraires similaires et même prévoyant des honoraires fixes plus importants, soutient que l'assiette de calcul de l'honoraire de résultat devait inclure toutes les sommes non admises par le tribunal, alors surtout que lorsqu'il a pris en charge ce dossier le seul principe acquis était le versement de l'indemnisation sur la base d'une aide humaine de 6H/24H pour moitié sous forme de capital et pour l'autre sous forme de rente, et ce sur la base du barème de capitalisation TD 88-90 moins favorable aux victimes que celui dont il a obtenu l'application, prétend que le pouvoir de modération de l'honoraire conventionnel - dont il ne conteste pas que le bâtonnier et le premier président sont investis - ne s'exerce qu'en cas d'abus manifeste, ce qui, selon-lui, n'est pas le cas en l'espèce, mais en tout état, jamais sur un honoraire convenu et payé après service rendu, estime qu'en admettant même que la convention d'honoraires soit nulle, les importantes diligences réalisées et l'application des autres critères légaux doivent conduire à fixer ses honoraires au montant retenu par le bâtonnier, et sollicite en conséquence la confirmation de la décision de ce dernier et la condamnation de Madame Dominique Z, es qualité, au paiement de la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

SUR QUOI
- sur la recevabilité
Attendu que les éléments du dossier ne font pas apparaître d'irrégularité du recours formé dans les délais et selon les formes prescrites par l'article 176 du décret du 27 novembre 1991 et qui sera en conséquence déclaré recevable ;
Qu'en effet si la date de réception de l'acte de notification de la décision querellée n'est pas connue, il faut constater que moins d'un mois s'est écoulé entre la décision elle-même, signée le 20 février 2013, et l'expédition du recours intervenue, selon le cachet humide de la poste, le 19 mars 2013 ;
- sur la fin de non recevoir
Attendu que si le mécontentement de Maître Emeric Y face à la procédure de fixation de ses honoraires peut être compris, en revanche les développements contenus dans ses écritures à l'encontre non du contenu de la décision du juge des tutelles - qui naturellement peut, mais essentiellement dans le cadre d'un recours dirigé contre cette décision, être sujet à critiques -, mais à l'encontre de la personne même du magistrat, dépassent le cadre de la défense légitime de ses intérêts ;
Que le mécontentement mal contenu de Maître Emeric Y l'incite d'ailleurs a soutenir des arguments que le simple bon sens juridique commande d'écarter ;
Qu'en effet le juge des tutelles n'est pas 'partie à l'instance' en contestation d'honoraires comme le soutient Maître Emeric Y, puisque précisément, dans le cadre de l'exercice de ses pouvoirs, il a, par une décision dont il n'est ni allégué ni démontré qu'elle ait été l'objet d'un recours, nommé un administrateur ad hoc pour la défense des intérêts de Monsieur Mario V, majeur protégé, et que c'est naturellement ce dernier, représenté par ledit administrateur, qui est partie à l'instance ;
Attendu, par ailleurs, que le paiement d'honoraires après service rendu est un moyen de fond et ne constitue pas, au sens de l'article 122 du code de procédure civile, une fin de non recevoir, car il n'entraîne pas défaut de droit d'agir ;
Que la fin de non recevoir proposée ne peut dés lors qu'être rejetée ; - sur le fond
Attendu qu'après prorogation intervenue avant l'expiration du premier délai de quatre mois, le bâtonnier a rendu sa décision dans le délai de huit mois dont il disposait et après avoir recueilli préalablement les observations de l'avocat et de la partie ; que sa décision est dés lors régulière en la forme ;
de la régularité des paiement effectués par le tuteur
Attendu que même s'ils ne sont que la conséquence de l'engagement souscrit le 10 avril 2007 dans la convention d'honoraires, les paiements effectués par Madame Sylvie V ès qualités de tutrice, doivent être examinés, pour l'appréciation de leur validité, avant que soit abordée la question de l'appréciation de la régularité de ladite convention d'honoraires ;
Qu'en effet s'il est reconnu par les parties que ladite convention d'honoraires a été signée avant le 1er janvier 2009, date d'entrée en vigueur de la loi n°2007-308 du 05 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, en revanche les paiements effectués sous forme d'autorisations de prélèvement données les 02 février 2009 et 06 avril 2011, ont, eux, été réalisés après l'entrée en vigueur, intervenue à la même date que la loi qu'il complète, du décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 'relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle, et pris en application des articles 452, 496 et 502 du code civil' ;
Or Attendu que ce décret, qui définit les actes d'administration comme 'les actes d'exploitation ou de mise en valeur du patrimoine de la personne protégée dénués de risque anormal', et les actes de disposition comme ceux ' qui engagent le patrimoine de la personne protégée, pour le présent ou l'avenir, par une modification importante de son contenu, une dépréciation significative de sa valeur en capital ou une altération durable des prérogatives de son titulaire', et dont les annexes 1 et 2 sont établies sous forme de tableaux, classe les 'paiements des dettes y compris par prélèvement sur le capital ' non dans la liste de l'annexe 1, colonne 1, relative aux actes regardés comme actes d'administration (c'est à dire, selon la doctrine
1
1 Anne Karm, ... des Facultés de Droit, in JurisClasseur Notarial LexisNexis Fasc. 34 n°10 MAJEURS PROTÉGÉS . ' Curatelle et tutelle . ' Effets patrimoniaux de la curatelle et de la tutelle . ' Classification des actes ( date de fraîcheur 19 Janvier 2010)
, dont nous adoptons la formulation, comme bénéficiant d'une présomption irréfragable et devant donc être, en toute hypothèse, regardés comme des actes d'administration), mais dans la liste de l'annexe 2, colonne 1 répertoriant les 'actes regardés comme des actes d'administration sauf circonstances d'espèce', c'est à dire, selon le même auteur, comme bénéficiant d'une présomption simple de qualification qui peut être écartée si 'les circonstances d'espèce ne permettent pas au tuteur de considérer qu'ils répondent au critère de l'alinéa 1er [des articles 1 et 2 du même décret]', 'en raison de leurs conséquences importantes' ou, au contraire, 'en raison de leurs faibles conséquences"sur le contenu ou la valeur du patrimoine de la personne protégée, sur les prérogatives de celle-ci ou sur son mode de vie' et laissant donc au tuteur, sous sa responsabilité, le pouvoir de disqualifier l'acte improprement regardé comme un acte d'administration et de demander une autorisation pour agir ;
Attendu en l'espèce, qu'estimant régulière la convention d'honoraires qu'elle avait conclue avec Maître Emeric Y, Madame Sylvie V n'en devait pas moins, au moment du règlement de la dette issue de cette convention, examiner, au regard du droit positif alors applicable, si les paiements qu'elle allait effectuer par autorisation de prélèvement, constituaient ou non des actes d'administration, et, dans le doute, notamment quant aux éventuelles conséquences importantes de ces paiements sur le contenu ou la valeur du patrimoine de Monsieur Mario V, saisir le juge des tutelles ;
Attendu qu'à l'évidence, même rapportée à l'indemnisation globale obtenue par Monsieur Mario V de plus de quatre millions d'euros, la somme totale de 332.016,99 euros versée à Maître Emeric Y avait des conséquences importantes sur le patrimoine du majeur protégé, alors surtout que la somme obtenue était en grande partie composée du capital nécessaire au paiement de la tierce personne dont ce dernier a besoin de façon continue de jour comme de nuit ; que le fait que ce capital ait été obtenu par l'industrie de Maître Emeric Y est parfaitement indifférent à l'appréciation de l'importance des conséquences de l'amputation de ce capital pour la qualification de l'acte de paiement de ses honoraires ;
Qu'ainsi donc, indépendamment de la question de la régularité de la convention d'honoraires, il apparaît que les règlements litigieux, -qui n'étaient pas des actes d'administration-, effectués par Madame Sylvie V ès qualités de tutrice, sans autorisation du juge des tutelles sont nuls et que c'est à tort que Maître Emeric Y se prévaut, - et que le bâtonnier dans sa décision querellée a fait application du principe -, de l'interdiction de remise en cause d'honoraires ayant fait l'objet, après service rendu, d'un paiement auquel Madame Sylvie V ne pouvait librement consentir ;
de la régularité de la convention d'honoraires
Attendu que, même appréciée au regard de la législation antérieure à la loi susvisée du 05 mars 2007, la convention d'honoraires litigieuse stipulant un honoraire de résultat de 8% sur les sommes à allouer en capital ou sur le montant capitalisé des sommes allouées sous forme de rente constitue indubitablement un acte de disposition et non de simple administration et requerrait l'autorisation du juge des tutelles ;
Que le courrier du 22 avril 2009 du juge des tutelles, visé et reproduit par le bâtonnier dans sa décision querellée, et qui indiquait à Madame Sylvie V " j'ai bien pris connaissance des observations et explications de Maître Y concernant l'opportunité du pourvoi en cassation pour le dossier relatif à votre fils. Dans la mesure où celui-ci me semble effectivement étayé, je ne vois pas d'objection à ce que vous puissiez procéder à un tel recours pour le compte et dans l'intérêt de votre fils et que les honoraires soient réglés sur les sommes perçues. Il n 'y aura donc pas lieu au rachat partiel originairement sollicité. Ce courrier vaut autorisation de ma part. " n'implique nullement que ce magistrat ait eu connaissance de la convention d'honoraires et l'ait acceptée ;
Qu'au demeurant l'autorisation préalable par le juge des tutelles d'accomplir un acte de disposition doit être donnée par une décision motivée sujette à recours ; qu'une lettre par laquelle ce juge fait connaître un simple accord de principe ne saurait tenir lieu de l'autorisation ainsi exigée ;
Attendu que n'ayant pas reçu l'autorisation de signer la convention d'honoraires du 10 avril 2007
Madame Sylvie V, es qualité, ne pouvait s'engager et cette convention est dés lors nulle et de nul effet ;
de la fixation des honoraires dus à Maître Emeric Y
Attendu que l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 énonce en son alinéa 1er que les honoraires de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client et en son alinéa 2, dont l'énumération des critères est limitative, qu'à défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ; qu'enfin il précise, en son alinéa 3, qu'est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d'un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu ;
Qu'il en résulte que nonobstant la référence ' aux usages ' aucun honoraire de résultat n'est dû s'il n'a pas été expressément stipulé dans une convention préalablement conclue entre l'avocat et son client ;
Attendu, en l'espèce, qu'en l'état de la nullité de la convention d'honoraires du 10 avril 2007, il y a lieu de fixer les honoraires de Maître Emeric Y par application des critères légaux sus-visés ;
Attendu qu'il sera préalablement précisé que, ainsi que l'indiquent en substance régulièrement les décisions des bâtonniers, il faut rappeler que si la rémunération de l'avocat peut paraître importante à une personne habituée à raisonner en termes de salaire dont la totalité perçue représente la rémunération d'un travail personnel, l'avocat, professionnel libéral, doit prélever sur les honoraires toutes les dépenses se rattachant à l'activité de son cabinet et que sa rémunération elle-même n'est plus que ce qui reste une fois ces dépenses assurées, ou -autrement exprimé
2
Raymond ... in JurisClasseur Procédure civile Fasc. 83-4 AVOCATS . ' Obligations et prérogatives, Cote 04,2011
- que l'avocat est devenu, dans notre société moderne, un prestataire de services qui attend de son industrie qu'elle le fasse vivre, après avoir payé des salaires, des impôts, des cotisations et toutes les charges qui lui incombent ;
Attendu, s'agissant du critère tiré de la situation de fortune du client, que les parties n'ont pas été très prolixes dans leurs écritures et à la barre, sur ce point ; que cependant la lecture des pièces permet d'apprendre que le client de Maître Emeric Y, représenté par sa mère en qualité de tutrice, était un jeune majeur dépourvu de ressources personnelles ;
Que, s'agissant de la difficulté de l'affaire, celle confiée à Maître Emeric Y portait sur l'indemnisation d'un préjudice personnel important et très discuté nécessitant des connaissances spécifiques ; que de surcroît il intervenait en succession d'un confrère et devait reprendre le dossier sur ses derniers errements avec nécessité d'obtenir la cassation d'une première décision permettant un réexamen de fond complet par la juridiction de renvoi ;
Que, s'agissant des frais exposés par l'avocat, ceux engagés par Maître Emeric Y ont été les suivants ouverture du dossier, frais de secrétariat pour la rédaction des lettres et actes divers, frais téléphonique et frais de gestion de cabinet redevances d'abonnements ( EDF, Internet, banques de données juridiques, frais de personnel 2 avocats collaborateurs, 1 juriste, 3 secrétaires), déplacements ;
Que, s'agissant de la notoriété de Maître Emeric Y, elle est établie, notamment au regard de la nature de l'affaire qui lui a été confiée relative à une victime cérébrolésée, par ses titres universitaires Lauréat de la faculté, DIU de traumatismes cranio-cérébraux, par son ancienneté de barre et par les nombreuses publications et participations à divers colloques qui en font un spécialiste reconnu de la matière ;
Qu'enfin, s'agissant des diligences accomplies, elles ont été détaillées dans les conclusions établies par Maître Emeric Y, et ne sont d'ailleurs pas contestées par Madame Dominique Z es qualité, de la façon suivante
- consultation préalable 2 heures
- ouverture du dossier 1 heure
- temps de recherche 24 heures
- conclusions 11.06.2007 10 heures
- préparation dossier de plaidoirie audience du 13 mai 2008 3 heures
- plaidoirie du 13 mai 2008 1 heure
- temps déplacement pour plaidoirie 2 jours
- rendez-vous téléphonique Maître ... 9 janvier 2009 1 heure
- consultation écrite 9 janvier 2009 3 heures
- conclusions cour d'appel de Limoges rédigées le 18 février 2010 6 heures
- conclusions récapitulatives rédigées le 22 octobre 2010 5 heures
- conclusions récapitulatives n° 2 rédigées le 13 décembre 2010 4 heures
- préparation dossier de plaidoirie audience du 19 janvier 2011 3 heures
- plaidoirie du 19 janvier 2011 1 heure
- temps déplacement pour plaidoirie 2 jours
Attendu qu'au regard de l'ensemble des critères légaux détaillés et appliqués ci-dessus, il y a lieu de fixer le montant des honoraires de Maître Emeric Y à la somme de 110.000 euros HT, soit 131.560,00 euros TTC ;
Que Maître Y ayant perçu la somme de [ 61.413,11 euros + 270.603,88 euros = ] 332.016,99 euros, doit donc restituer à Madame Dominique Z agissant en qualité de tuteur ad hoc de Monsieur Mario V, le trop perçu de [ 332.016,99 euros - 131.560,00 euros = ] 200.456,99 euros TTC ;
Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser chacune des parties supporter l'intégralité de ses frais non compris dans les dépens ;
Attendu que les dépens seront à la charge de la partie succombante.

PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par ordonnance contradictoire, sur recours en matière de contestation d'honoraires,
Déclarons recevable le recours formé par Madame Dominique Z agissant en qualité de tuteur ad hoc de Monsieur Mario V,
Rejetons la fin de non recevoir proposée par Maître Emeric Y,
Infirmant la décision rendue le 20 février 2013 par le Bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Toulon et statuant à nouveau,
Déclarons nuls au regard de l'annexe 2, colonne 1 du décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008, les paiements d'honoraires effectués les 02 février 2009 et 06 avril 2011 sans autorisation du juge des tutelles ;
Déclarons de nul effet la convention d'honoraires en date du 10 avril 2007 non approuvée par le juge des tutelles ;
Fixons à la somme de 110.000 euros HT, soit 131.560,00 euros TTC ( cent trente et un mille cinq cent soixante ) le montant total des honoraires dus par Madame Dominique Z agissant en qualité de tuteur ad hoc de Monsieur Mario V ;
Disons en conséquence qu'ayant perçu la somme de 332.016,99 euros TTC, Maître Emeric Y doit restituer à Madame Dominique Z agissant en qualité de tuteur ad hoc de Monsieur Mario V, la somme de 200.456,99 euros TTC ( deux cent mille quatre cent cinquante six euros et quatre vingt dix neuf centimes ), et, en tant que de besoin, le condamnons au paiement de cette somme ;
Disons n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamnons Maître Emeric Y aux dépens.
Ainsi prononcé par la mise à disposition de la présente décision au greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence à la date indiquée ci-dessus dont les parties comparantes avaient été avisées à l'issue des débats.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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