Jurisprudence : Cass. crim., 25-10-2000, n° 00-82.152, Cassation partielle sans renvoi

Cass. crim., 25-10-2000, n° 00-82.152, Cassation partielle sans renvoi

A5022AWW

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Chambre criminelle
Audience publique du 25 Octobre 2000
Pourvoi n° 00-82.152
Aliberti Rogeret autres
Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 25 Octobre 2000
Cassation partielle sans renvoi
N° de pourvoi 00-82.152
Président M. Cotte

Demandeur Aliberti Rogeret autres
Rapporteur Mme ....
Avocat général Mme Commaret.
Avocat la SCP Waquet, Farge et Hazan.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
CASSATION PARTIELLE sans renvoi sur le pourvoi formé par ... Roger, ... Jean-Claude, ... Régis, ... Didier, Houlette Edouard-Jean, ... Alain, contre l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, chambre correctionnelle, en date du 16 février 2000, qui, pour vols aggravés, violation de sépultures, violation de sépultures aggravée, atteintes à l'intégrité de cadavres et en outre pour recel, en ce qui concerne les deux premiers, les a condamnés chacun à 24 mois d'emprisonnement dont 22 mois avec sursis, 10 000 francs d'amende, à l'interdiction définitive d'exercer une fonction publique et qui a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 311-1, 311-4, alinéa 12°, 321-1 et 321-21°, du Code pénal, 718 et 724 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les prévenus coupables de vols commis par une personne chargée d'une mission de service public, dans l'exercice de la mission, et déclaré en outre Roger ... et Jean-Claude ... coupables de recels par une personne utilisant les facilités que procure l'exercice d'une activité professionnelle, en condamnant les prévenus ;
" aux motifs adoptés que l'inhumation des défunts avec leurs bijoux et leurs prothèses dentaires démontre la volonté de leurs proches de ne pas les déposséder de ces objets dont ils étaient propriétaires ; qu'en l'absence de famille, aucun élément ne permet de présumer une renonciation des défunts à leur droit de propriété sur ces objets ; qu'en conséquence ceux-ci ne peuvent être considérés comme abandonnés, et sont dès lors toujours susceptibles d'être l'objet d'une soustraction frauduleuse au détriment des défunts, de leurs proches ou du domaine public ; que les prévenus ont admis avoir récupéré des bijoux ou dents en or pour les conserver à titre personnel ;
" et aux motifs propres que l'audition des fossoyeurs permettait de recueillir l'aveu en ce qui concerne les vols ; que si les prévenus faisaient valoir que c'est leur hiérarchie qui leur donnait l'ordre de procéder à la destruction des caveaux se trouvant sur les terrains communs, où se trouvent des concessions abandonnées et les fosses communes, il reste que les fossoyeurs devaient se comporter en bons agents du service public, et agir en conscience de leurs devoirs, notamment de probité, et ne sauraient faire rejeter sur leur employeur les fautes qui leur sont reprochées ; que les prévenus savaient que les objets qu'ils récupéraient appartenaient aux familles ou aux défunts, de sorte qu'ils ne peuvent se prévaloir de leur bonne foi pour éviter la qualification de vol ;
" alors, d'une part, que si tous les fossoyeurs poursuivis ont admis avoir récupéré des objets dans les débris provenant du déblayage des concessions abandonnées et des fosses communes, aucun des prévenus n'a admis l'existence de vols ; qu'en affirmant que l'audition des fossoyeurs aurait permis de recueillir l'aveu de vols, la cour d'appel a dénaturé les procès-verbaux d'audition des prévenus, et violé les textes susvisés ;
" alors, d'autre part, que la chose abandonnée n'est pas susceptible de vol ; qu'il est constant que les fossoyeurs étaient chargés, dans le cadre de leur fonction, de déblayer à la pelleteuse les terrains communs où se trouvaient des emplacements en fin de concession et des fosses communes, pour refaire de la place, et qu'à cette occasion, le "fatras" extirpé de la pelle mécanique était trié, la terre étant conservée et les ossements, débris de bois et autres restes détruits à la chaux ou au feu ; qu'à ce stade, ces débris voués à la destruction ne pouvaient donc faire l'objet d'une propriété quelconque et devaient être considérés comme des choses abandonnées ; qu'en estimant le contraire pour dire que les objets récupérés étaient susceptibles de vol, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors, de troisième part, que le vol, soustraction frauduleuse de la chose d'autrui, suppose l'existence d'un propriétaire ; que la succession s'ouvrant par la mort, le défunt ne peut avoir la qualité de propriétaire ; qu'en retenant néanmoins l'existence de vol "au détriment des défunts", la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors, de quatrième part, que l'élément intentionnel du délit de vol s'apprécie au moment de la soustraction ; qu'en affirmant que les fossoyeurs avaient conscience que les objets récupérés appartenaient "aux familles ou aux défunts", sans expliquer sur le fait que la destruction des débris y compris des restes humains, dont les fossoyeurs étaient chargés, impliquait précisément l'absence de propriété sur les objets qu'ils récupéraient avant destruction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" alors, enfin, que la cour d'appel n'a pas caractérisé, à l'égard des prévenus, le moindre acte précis et daté, qui serait intervenu en dehors des opérations de déblayage ; qu'il s'ensuit qu'en retenant globalement, à l'encontre de tous les prévenus, des vols par bris de cercueils dans les caveaux, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables de vols aggravés, l'arrêt attaqué énonce qu'ils se sont appropriés, dans l'exercice de leurs fonctions de fossoyeurs, des débris d'or et de bijoux trouvés au cours de travaux de nettoyage de fosses communes et de concessions non renouvelées ainsi que dans des caveaux et cercueils, objets qu'ils savaient ne pas être abandonnés ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations et constatations, et abstraction faite d'un motif erroné mais surabondant relatif à la qualité de propriétaires des défunts, la cour d'appel a caractérisé, à l'égard de chacun des demandeurs, le délit de vol par personne chargée d'une mission de service public ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-1 et 225-17, alinéas 1, 2 et 3 du Code pénal, 61 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 523 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble méconnaissance du principe de la présomption d'innocence
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les prévenus coupables de violation de sépultures, violation de sépultures accompagnée d'atteintes à l'intégrité de cadavres, et d'atteinte à l'intégrité de cadavres, et les a condamnés de ce chef ;
" aux motifs adoptés que concernant les violations de sépultures, certaines déclarations recueillies prouvent l'existence, depuis de nombreuses années, de déviances consistant à sauter sur des cercueils ou à les forcer avec un instrument, pour y prendre des bijoux ou des dents en or que les éléments du dossier ne démontrent pas que ces pratiques constatées en 1992 et 1993 aient cessé, dès lors qu'aucun fossoyeur à l'exception de Régis ... n'affirme de façon péremptoire avoir modifié son comportement à partir de 1994, de sorte qu'il apparaît établi que les infractions s'étaient poursuivies en période non couverte par la prescription ; que concernant l'atteinte à l'intégrité des cadavres, les prétendues trouvailles des prévenus ont nécessairement, au moins pour certaines, exigé de leur part une action libératrice des objets modifiant la structure des cadavres dont l'intégrité s'est trouvée, dès lors, atteinte ;
" et, aux motifs propres, que selon certaines déclarations de témoins, les fossoyeurs éventraient les cercueils et y fouillaient pour avoir de l'or ; que certains prévenus ont déclaré être au courant des fouilles de cercueils et ont mis en cause d'autres prévenus ; que selon les déclarations du directeur du service funéraire, les fossoyeurs, qui recevaient une fiche de travail pour une exhumation, avaient toute latitude pour décider du moment de l'ouverture de la tombe, ouverture qui se faisait généralement la veille de l'opération projetée, ce qui laissait le temps pour descendre dans les tombes et y opérer des recherches ;
" alors, d'une part, que la juridiction pénale qui retient la culpabilité d'un prévenu doit indiquer avec exactitude quels sont les faits qui lui sont personnellement imputés, en précisant la date de leur commission ; qu'en se fondant sur des témoignages faisant état de bris de cercueils et de dépouillement de cadavres, sans indiquer quels sont les faits précis imputés à chacun des prévenus et sans préciser la date de la commission des faits, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de Cassation à même d'apprécier l'éventuelle culpabilité de chacun des prévenus, ni l'éventuelle prescription concernant la totalité ou une partie des faits, et a, dès lors, violé les textes susvisés ;
" alors, d'autre part, qu'en relevant expressément que des faits de bris de cercueils et de dépouillement des cadavres avaient été constatés jusqu'en 1992/1993, soit en période couverte par la prescription, tout en retenant la culpabilité des prévenus au motif qu'ils ne démontraient pas avoir mis fin à ces pratiques à partir de 1994, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et méconnu la présomption d'innocence, en violation des textes susvisés ;
" alors, enfin, que les délits de violation de sépulture et d'atteinte à l'intégrité de cadavres supposent une intention de porter atteinte au respect dû aux morts ; qu'en retenant la culpabilité des prévenus, sans préciser en quoi les actes matériels qu'elle leur impute impliquaient une intention de porter atteinte au respect dû aux morts, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'élément intentionnel des infractions " ;
Attendu que, par les motifs reproduits au moyen, l'arrêt attaqué a caractérisé l'élément intentionnel des délits de violation de sépultures et d'atteintes à l'intégrité des cadavres, qui résulte de l'accomplissement volontaire d'un acte portant directement atteinte au respect dû aux morts ;
Que, dès lors, le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 311-14 du Code pénal
" en ce que l'arrêt attaqué a prononcé à l'encontre des prévenus l'interdiction définitive d'exercer une fonction publique ;
" alors que conformément à l'article 311-42° du Code pénal, l'interdiction d'exercer une fonction publique, dans les cas prévus aux articles 311-3 à 311-5 du même Code, ne peut être que de 5 ans au plus ; qu'en l'espèce, les prévenus étaient poursuivis et reconnus coupables sur le fondement de l'article 311-4 du Code pénal ; qu'en prononçant néanmoins une interdiction définitive d'exercer une fonction publique, la cour d'appel a violé le texte susvisé " ;
Vu l'article 111-3 du Code pénal ;
Attendu que, selon ce texte, nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi ;
Attendu qu'après avoir déclaré les demandeurs coupables de vols commis par des personnes chargées d'une mission de service public dans l'exercice de leurs fonctions, délit prévu par les articles 311 et 311-4 du Code pénal, l'arrêt attaqué les condamne notamment à l'interdiction définitive d'exercer une fonction publique ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi une peine complémentaire excédant le maximum de 5 ans prévu par l'article 311-142° du Code pénal, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de Cassation étant en mesure d'appliquer la règle de droit appropriée, ainsi que le lui permet l'article L 131-5 du Code de l'organisation judiciaire, et de mettre fin au litige ;

Par ces motifs ;
CASSE ET ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Montpellier, en date du 16 février 2000, mais en ses seules dispositions ayant prononcé l'interdiction définitive d'exercer une fonction publique, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Fixe à 5 ans la durée de l'interdiction d'exercer une fonction publique prononcée contre Roger Aliberti, Jean-Claude Codis, Régis Combet, Didier Gely, Edouard-Jean ... et Alain ... ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.

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