Jurisprudence : Cass. crim., 03-04-1995, n° 93-81569, publié au bulletin, Rejet

Cass. crim., 03-04-1995, n° 93-81569, publié au bulletin, Rejet

A8340ABI

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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION
Cass. crim.
3 Avril 1995
Pourvoi N° 93-81.569
X et autre
REJET du pourvoi formé par X, Y, contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 10 mars 1993, qui, pour recel, les a condamnés, le premier nommé à 10 000 francs d'amende, le second à 5 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 80, 105, 802 du Code de procédure pénale dans leur rédaction applicable à la cause, 593 du même Code, 6 et 42 de la loi du 29 juillet 1881, défaut de motifs, manque de base légale, violation des droits de la défense
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de son inculpation, invoquée par X ;
" aux motifs que la responsabilité pénale personnelle de X, directeur de la publication du journal Z, pouvait être mise en cause sous la prévention de recel, du fait de la publication dans ledit journal des documents fiscaux concernant A, en dehors de toute présomption légale de responsabilité pénale ; que cette mesure d'inculpation a permis à l'intéressé d'organiser sa défense ;
" alors, d'une part, qu'une inculpation ne peut être prononcée qu'en présence d'indices précis et concordants de nature à faire penser que l'inculpé se serait personnellement rendu coupable d'une infraction ; que X faisait valoir qu'à la date de son inculpation 8 mars 1991 il n'existait aucun indice quelconque de culpabilité à son encontre ; que la cour d'appel qui refuse d'annuler son inculpation sans rechercher si, à sa date, les indices réunis justifiaient une telle mesure, n'a donné aucune base légale à sa décision ;
" alors, d'autre part, que le directeur de publication n'est responsable que des infractions spécifiques du droit de la presse, prévues et réprimées par la loi du 29 juillet 1881 ; qu'aucune infraction de droit commun, même commise par voie de presse, ne peut lui être imputée ès qualités ; qu'en justifiant l'inculpation de X du chef de recel de violation du secret professionnel et de vol par sa seule qualité de directeur de publication, la cour d'appel a violé les articles 6 et 42 de la loi de 1881 précitée ;
" alors, enfin, qu'une mesure d'inculpation injustifiée ou prématurée porte nécessairement atteinte aux droits de la défense, en ce que précisément, elle oblige l'inculpé à organiser une défense que, parce qu'aucun indice de culpabilité n'existe contre lui, il n'avait pas à fournir, et qu'elle présente comme concernée par la procédure une personne contre laquelle des indices de culpabilité n'existent pas " ;
Attendu que, sous réserve des dispositions de l'article 105 du Code de procédure pénale qui ne prohibe que les mises en examen tardives, seules susceptibles de porter atteinte aux droits de la défense, le moment où elles doivent être prononcées relève de l'appréciation du juge d'instruction, selon l'état de l'information ;
D'où il suit que le moyen, qui en outre invoque une violation de l'article 42 de la loi du 29 juillet 1881, non appliquée en l'espèce, est inopérant ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles L 103 du Livre des procédures fiscales, 378 et 460 du Code pénal, 5, 6 et 42 de la loi du 29 juillet 1881, 593 du Code de procédure pénale, des articles 7 de la déclaration des droits de l'homme et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné X et Y, tant sur le plan pénal que sur le plan civil, du chef de recel de violation du secret professionnel ;
" alors, d'une part, que l'infraction de recel suppose l'existence de l'infraction principale à l'aide de laquelle l'objet prétendument recelé a été obtenu ; qu'il résulte de l'article L 103 du Livre des procédures fiscales que le secret professionnel qu'il édicte trouve son fondement dans la nécessité du respect de la vie privée ; que les éléments du patrimoine d'une personne menant une vie publique ou parapublique ne relèvent pas de sa vie privée ; que la publication des revenus du président-directeur général d'une des principales firmes automobiles françaises n'était donc pas protégée par le secret professionnel et ne tombait pas sous le coup des dispositions de l'article 103 du Livre des procédures fiscales ;
" alors, d'autre part, que le recel ne peut être retenu que si l'origine délictueuse de l'objet recelé est certaine ; que le secret professionnel prévu par l'article L 103 du Livre des procédures fiscales ne s'impose qu'aux "personnes appelées à l'occasion de leurs fonctions ou attributions à intervenir dans l'assiette, le contrôle, le recouvrement ou le contentieux des impôts, droits, taxes et redevances prévus au Code général des impôts" ; que si la cour d'appel tient pour acquis que la divulgation des avis d'imposition litigieux serait le fait d'un fonctionnaire des services fiscaux, cette supposition relève de la pure hypothèse, constitutive d'une violation de la présomption d'innocence, dès lors que la définition de l'infraction est fonction de la qualité de la personne qui l'a commise, qu'il est acquis que nul n'a identifié l'auteur de la divulgation et qu'il n'est pas exclu que le document ait pu parvenir en la possession d'une personne non soumise au secret professionnel ;
" alors, de surcroît, que des informations qui ne peuvent faire l'objet d'une appréhension matérielle sont insusceptibles d'être l'objet d'un recel ; que la cour d'appel, qui relaxe les journalistes du chef de vol et ne caractérise aucune infraction portant sur les documents eux-mêmes, se borne ainsi à caractériser un recel d'informations, un tel recel échappant à la loi pénale, faute d'élément matériel de détention ; que cet élément matériel ne peut être légalement constitué par la "publication" des documents, le seul fait de divulguer une information qui aurait été en violation d'un secret ne tombant pas sous le coup de la loi pénale ;
" alors, au surplus, que le recel suppose un élément moral, caractérisé par la connaissance chez son auteur de l'origine frauduleuse de l'objet qu'il détient ; que la cour d'appel ne caractérise pas cet élément moral, la prétendue connaissance de l'origine frauduleuse des documents ne pouvant résulter ni du fait que, se bornant à exécuter son devoir de journaliste, Y a vérifié l'authenticité des documents et des informations avant d'en assurer la publication, ni que X et Y n'auraient pu ignorer que le document provenait du "dossier fiscal", dès lors qu'il n'est pas constaté qu'ils auraient su, d'une part, que les documents auraient été strictement internes à l'Administration, et, d'autre part, qu'ils en auraient été irrégulièrement extraits ;
" alors, enfin, que l'élément intentionnel ne se trouve pas davantage caractérisé dans la personne de X, sa prétendue connaissance de l'origine irrégulière des informations ne pouvant résulter ni de sa seule qualité de directeur de la publication pour les infractions strictement spécifiques au droit de la presse, ni de ce qu'il aurait donné lui-même le bon à tirer après avoir pris connaissance des documents " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, le 27 septembre 1989, a paru dans l'hebdomadaire Z un article signé de Y, intitulé " A met un turbo dans son salaire ", comportant la reproduction partielle, en fac-similé, de trois avis d'imposition de A pour les années 1986, 1987 et 1988, où figurait le montant déclaré de ses revenus salariés ; que, sur plainte avec constitution de partie civile de A, Y, journaliste au journal Z, et X, directeur de publication, ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel sous la prévention de recel d'informations provenant d'une violation du secret professionnel par un fonctionnaire des Impôts non identifié et de recel de photocopies provenant d'un vol ;
Attendu que, pour les déclarer coupables, non de recel de vol ou d'informations mais du seul recel de photocopies des avis d'imposition de A, provenant d'une violation du secret fiscal, l'arrêt attaqué constate qu'il résulte de l'information qu'un agent des services fiscaux est à l'origine de la divulgation des documents litigieux, que l'existence du délit de violation de secret professionnel, auquel sont astreints les fonctionnaires des Impôts en vertu de l'article L 103 du Livre des procédures fiscales, est établie et qu'il n'importe que l'auteur de ce délit n'ait pu être identifié ; que les juges ajoutent que Y a précisé s'être assuré de l'authenticité des pièces fiscales qui lui étaient parvenues en photocopie sous pli anonyme, et qu'il a soumis son article, comportant leur reproduction matérielle, à X, lequel, après en avoir pris connaissance, a personnellement délivré le " bon à tirer " ; qu'ils énoncent enfin que les prévenus, compte tenu de la nature des documents et des vérifications effectuées par le journaliste, n'ignoraient pas l'origine délictueuse des documents par eux publiés ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, déduits d'une appréciation des faits qui échappe au contrôle de la Cour de Cassation, les juges du second degré, ayant constaté la détention par les prévenus, en connaissance de cause, de documents provenant d'une violation du secret professionnel institué par l'article L 103 du Livre des procédures fiscales, n'ont pas encouru les griefs allégués ;
Que, notamment, il ne saurait être reproché à la cour d'appel d'avoir méconnu l'article 460 du Code pénal alors applicable et ne réprimant que le recel de choses, dès lors que, si elle a déclaré caractérisé, en l'espèce, un recel de photocopies, elle a écarté, à bon droit, la prévention de recel d'informations qui avait été retenue par l'ordonnance de renvoi des journalistes devant le tribunal correctionnel ;
Qu'en effet une information, quelle qu'en soit la nature ou l'origine, échappe aux prévisions tant de cet article 460 que de l'article 321-1 du Code pénal entré en vigueur le 1er mars 1994 et ne relèverait le cas échéant si elle fait l'objet d'une publication contestée par ceux qu'elle concerne que des dispositions légales spécifiques à la liberté de la presse ou de la communication audiovisuelle ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.

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