Jurisprudence : Cass. crim., 26-05-1992, n° 91-84.187, Cassation



Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 26 Mai 1992
Cassation
N° de pourvoi 91-84.187
Président M. Zambeaux, conseiller le plus ancien faisant fonction

Demandeur X
Rapporteur M. ...
Avocat général M. Galand
Avocat la SCP Waquet, Farge et Hazan
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
CASSATION sur le pourvoi formé par X, contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Nancy, en date du 2 juillet 1991, qui, après avoir rejeté une exception de nullité, l'a renvoyé devant le tribunal correctionnel de Nancy, du chef de complicité de diffamation publique envers un particulier.
LA COUR,.
Vu l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de Cassation, en date du 13 décembre 1989, portant désignation de juridiction ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 29, 32, 35, 55, 56 et 65 de la loi du 29 juillet 1881, violation de l'article 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense, manque de base légale
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé de prononcer la nullité du procès-verbal de première comparution de l'inculpé, en date du 5 octobre 1990, et de tous les actes subséquents et de constater l'extinction de l'action publique pour cause de prescription ;
" aux motifs que le magistrat instructeur n'a nullement recherché pour le compte de l'inculpé la preuve de la vérité des faits diffamatoires ; qu'il s'est contenté de solliciter de X la remise de quelques documents mais cette demande n'était que la conséquence logique des déclarations de X se référant précisément à certains actes ;
" alors qu'il n'appartient pas aux juridictions d'instruction de rechercher si les faits relevés comme diffamatoires sont vrais ou faux ; qu'au surplus, les juges n'ont pas le pouvoir de compléter ou de parfaire l'établissement de la preuve de la vérité des faits que la loi laisse à la seule initiative des personnes poursuivies en même temps qu'elle en règle les conditions d'admissibilité ; que, dès lors, en l'espèce, le juge d'instruction ne pouvait recevoir les déclarations de l'inculpé, fussent-elles spontanées, sur la vérité des faits diffamatoires et pouvait encore moins lui demander de verser au dossier les éléments sur lesquels il se fondait pour prouver cette vérité ; qu'un tel procédé qui tient en échec les dispositions de la loi, porte atteinte nécessairement aux droits de la défense en laissant au plaignant un délai bien supérieur à celui prévu par l'article 56 de la loi du 29 juillet 1881 pour préparer la contre-preuve ; qu'ainsi, la cour d'appel ne pouvait refuser de prononcer la nullité du procès-verbal de première comparution et de toute la procédure subséquente " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que d'après les articles 35 et 55 de la loi du 29 juillet 1881, la vérité du fait diffamatoire ne constitue un fait justificatif de la diffamation que dans la mesure où la preuve en est administrée par le prévenu en conformité des dispositions qu'ils édictent ; que cette preuve ne pouvant résulter que du débat contradictoire auquel il est procédé devant les juges du fond, il n'appartient pas aux juridictions d'instruction de la rechercher, ni de la recevoir, à peine d'excès de pouvoir ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le journal quotidien régional Y, daté du 3 novembre 1989, a publié un article signé AK, intitulé Z nouvel épisode X-A, rendant compte d'une plainte pour faux en écritures portée par A, conseiller municipal, contre X, maire en exercice, qui aurait notamment déclaré à l'auteur de l'article " Si cela continue, je vais finir par porter plainte contre le secrétaire général de mairie qui ne fait pas son travail, il va falloir faire le tri dans tout cela " ;
Que le 4 novembre 1989, le même quotidien a publié un second article, non signé, intitulé " Affaire de Z une autre plainte et le secrétaire général est démis ", faisant notamment état d'une plainte en dénonciation calomnieuse déposée par le maire, et de la mise à l'écart du secrétaire général de la mairie, à propos de laquelle le maire aurait déclaré " les élus de la majorité ont demandé au maire de prendre les dispositions utiles de réorganisation des services administratifs, pour mettre fin aux dysfonctionnements et aux erreurs devenues trop fréquentes, et qui nuisent à l'image de marque de la ville, et à l'intérêt de sa population " ;
Attendu que B, secrétaire général de la mairie, ainsi mis en cause, a adressé au juge d'instruction de Thionville, le 8 novembre 1989, une plainte avec constitution de partie civile contre X, du chef de " diffamation " en articulant les propos incriminés dans chacun des articles de presse, et en visant l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 ; que sur requête du procureur de la République, en date du 14 novembre 1989, la chambre criminelle de la Cour de Cassation a désigné la chambre d'accusation de la cour d'appel de Nancy, pour être chargée de l'instruction ; qu'après réitération de la plainte avec constitution de partie civile, le 7 février 1990, et versement de la consignation prescrite, le 6 mars 1990, le procureur général a requis le 15 mars 1990 l'ouverture d'une information, du chef de diffamation publique envers un particulier, en visant l'article 32, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 ; que, par arrêt du 3 avril 1990, la chambre d'accusation a désigné son président pour instruire l'affaire ; qu'à l'occasion de sa première comparution devant le magistrat chargé de l'instruction, qui l'a inculpé le 5 octobre 1990, X a accepté de s'expliquer immédiatement, tant sur les faits diffamatoires que sur leur vérité ; que le procès-verbal d'interrogatoire de première comparution précise qu'à la demande du magistrat instructeur, l'inculpé a produit une pièce, et accepté d'en verser une autre, relatives à la vérité des faits ; que deux pièces ont été en réalité annexées audit procès-verbal, tandis que treize autres ont été ultérieurement produites par l'inculpé ;
Attendu que, pour examiner, comme elle en avait le pouvoir, l'exception de nullité dudit procès-verbal soulevée devant elle par le conseil de l'inculpé, et pour la rejeter, la chambre d'accusation énonce que " le 5 octobre 1990, le magistrat instructeur n'a nullement recherché pour le compte de l'inculpé la preuve de la vérité des faits diffamatoires ", mais qu'il s'est borné à recevoir les déclarations spontanées de celui-ci, en présence de son conseil, et à solliciter la remise des documents qui en constituaient le complément logique ; que les juges, relevant en outre l'absence de protestation de l'avocat de l'inculpé, en déduisent que le procès-verbal critiqué ne se trouve entaché d'aucune irrégularité de forme ou de fond de nature à motiver son annulation ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que des pièces relatives à la preuve de la vérité des faits diffamatoires avaient été remises à tort au magistrat instructeur, tant par l'inculpé que par la partie civile, et irrégulièrement incorporées au dossier de l'information, la chambre d'accusation, qui a également omis d'annuler les interrogatoires de l'inculpé et les auditions de la partie civile concernant l'administration de la preuve, a méconnu les principes ci-dessus rappelés ;
Que la cassation est encourue de ce chef ;

Et attendu que la prescription des actions publique et civile ayant été suspendue à l'égard de la partie civile, durant l'information, il y a lieu à renvoi ;

Par ces motifs
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Nancy, en date du 2 juillet 1991, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Colmar

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