ETUDE : Flash info. Clause de force majeure et Covid-19 : suspension d’un contrat de vente d’électricité pendant la période de la crise sanitaire par la mise en jeu d’une clause de force majeure dérogeant à la définition légale de celle-ci * Rédigé le 07.08.2020

ETUDE : Flash info. Clause de force majeure et Covid-19 : suspension d’un contrat de vente d’électricité pendant la période de la crise sanitaire par la mise en jeu d’une clause de force majeure dérogeant à la définition légale de celle-ci * Rédigé le 07.08.2020

E99773RX

sans cacheDernière modification le 04-01-2021

ETUDE : Flash info. Clause de force majeure et Covid-19 : suspension d’un contrat de vente d’électricité pendant la période de la crise sanitaire par la mise en jeu d’une clause de force majeure dérogeant à la définition légale de celle-ci * Rédigé le 07.08.2020

  • ► Doit être suspendue, pendant la période de confinement résultant des mesures prises pour endiguer l’épidémie de coronavirus, l’exécution d’un accord-cadre ayant pour objet l’achat, par un distributeur d’électricité à la société EDF, d’un certain volume d’énergie à un prix déterminé par le jeu de la clause de force majeure par laquelle les parties, dérogeant à la définition légale de celle-ci, ont ajouté aux conditions de la force majeure celle de l’impossibilité, pour la partie qui s’en prévaut, d’exécuter le contrat dans des conditions raisonnables ; condition caractérisée en l’espèce par les lourdes pertes financières subies par l’acheteur du fait de la baisse de la consommation d’électricité pendant cette période (CA Paris, 28 juillet 2020, n° 20/06689 N° Lexbase : A97463RE).
  • En l’espèce, sur le fondement du dispositif légal d’accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ci-après l'ARENH) ayant pour objet d’ouvrir les marchés de fourniture d'électricité à la concurrence et d'étendre le bénéfice de l'exploitation du parc nucléaire français historique à tous les fournisseurs d'électricité qui en font la demande, un accord-cadre a été conclu entre la société Electricité de France (ci-après la société EDF) et la société Total direct énergie (ci-après la société Total) ayant pour objet l’achat, par cette dernière à la première, d’un volume d'énergie déterminé en fonction des prévisions de consommation de ses clients à un prix fixé par arrêté des ministres chargés de l'économie et de l'énergie.

     

    Dans cet accord-cadre, a été insérée une clause prévoyant la possibilité, pour les parties, de suspendre ou résilier cet accord du fait de la survenance de plusieurs évènements limitativement énumérés parmi lesquels figure la survenance un évènement de force majeure. Dérogeant à l’article 1218 du Code civil (N° Lexbase : L0930KZH) consacrant les conditions et les effets de la force majeure, les parties ont, dans une disposition contractuelle, donné leur propre définition de la force majeure susceptible d’affecter l’exécution de leur contrat. En effet, en vertu de l’article 10 de l’accord-cadre, la force majeure a été définie comme « un événement extérieur, irrésistible et imprévisible rendant impossible l'exécution des obligations des parties dans des conditions économiques raisonnables ».

     

    Se prévalant de lourdes pertes évaluées à un minimum de cinq millions d’euros subies pendant la période de confinement décrétée en raison de l’épidémie de coronavirus ayant eu pour conséquence une diminution de la consommation d'électricité en France, particulièrement sur le segment industriel, ainsi qu'une baisse des prix de l'électricité sur les marchés de gros, la société Total, a, le 27 mars 2020, notifié par LRAR, à son cocontractant, la suspension, à compter de cette date, de l’accord-cadre les liant par la mise en jeu de la clause de force majeure en alléguant son impossibilité d'exécuter ses obligations dans des conditions économiques raisonnables.

     

    Trois jours plus tard, soit le 1er avril 2020, la société EDF a informé la société Total de son refus de procéder à la suspension de l’accord-cadre au motif, d’une part, que les critères de la force majeure n'étaient pas remplis puisque le fournisseur n'était pas dans l'impossibilité totale d'exécuter son obligation contractuelle et que ce dernier n’était pas fondé à se prévaloir de la force majeure pour s’exonérer de l’exécution d’une obligation pécuniaire. D’autre part, la société EDF a également soutenu, pour rejeter la suspension de l’accord, que la réduction de la consommation des clients ne saurait justifier une suspension totale de l'accord-cadre et rappelé qu'elle-même demeurait tenue d'assurer les livraisons.

     

    S’opposant au refus de son cocontractant de suspendre l’exécution de l’accord-cadre par le jeu de la clause de force majeure, la société Total a, alors, engagé une action à l’encontre de celui-ci afin d’obtenir la suspension du contrat pour cause de force majeure.

     

    Par ordonnance, le juge des référés a fait droit à la demande de la société Total en jugeant que, bien que les « conditions économiques raisonnables » dans lesquelles les parties doivent pouvoir exécuter leurs obligations ne sont pas définies dans l’accord, le fait qu’elles conditionnent la caractérisation d’un cas de force majeure permet de supposer un bouleversement des conditions économiques antérieures qui se traduit par la survenance de pertes significatives nées de l'exécution du contrat. Aussi, le juge a décidé que les conditions de la force majeure, telles que définies dans le contrat, étaient réunies en l’espèce dans la mesure où l’impossibilité de stocker l'électricité qui conduit le fournisseur à devoir vendre à un prix inférieur au coût d'acquisition qui, lui, ne varie pas, entraînait, pour celui-ci, des pertes significatives immédiates et définitives sur une durée indéterminée caractérisant, dès lors, son impossibilité d’exécuter ses obligations dans des conditions économiques raisonnables.

     

    S’opposant à la position adoptée par le juge des référés, la société EDF a interjeté appel de cette décision et a, en application d’une stipulation contractuelle prévoyant que la suspension de l'accord pendant plus de deux mois emporte droit à résiliation anticipée du contrat, notifié à son cocontractant la résiliation du contrat.

     

    Dans la mesure où l’article 1218 du Code civil définissant les conditions et les effets de la force majeure n’est pas d’ordre public, les parties sont libres d’y déroger en définissant elles-mêmes ce qu’il convient d’entendre pas un évènement de force majeure et en prévoyant à l’avance les conséquences de la survenance d’un tel évènement sur leurs relations contractuelles. Tel est le cas en l’espèce ; les parties ayant donné une définition de la force majeure à mi-chemin entre la définition légale de la force majeure et celle de l’imprévision en ajoutant aux conditions légales de la force majeure que sont les caractères, extérieur, irrésistible et imprévisible de l’évènement, la condition que cet évènement rende impossible l'exécution, par les parties, de leurs obligations dans des conditions économiques raisonnables.

     

    Aussi, c’est au regard de cette définition contractuelle et non sur le fondement de l’article 1218 du Code civil que les juges du fond ont eu à apprécier si les conditions de la force majeure étaient remplies permettant de suspendre l’exécution du contrat.

     

    Après avoir retenu que les modalités de forme imposées par le contrat ont bien été respectées par la société Total qui a notifié la demande de suspension du contrat par le jeu de la clause de force majeure à son cocontractant ainsi qu’à la commission de régulation de l'énergie, la cour d’appel confirme l’ordonnance rendue par le juge de référés en jugeant que l’acheteur était bien fondé à mettre en jeu la clause de force majeure ayant pour conséquence la suspension du contrat.

     

    En effet, sans rechercher si l’évènement allégué, à savoir l’épidémie de coronavirus et les mesures prises pour l’endiguer, remplissait les conditions, prévues par le contrat, d’extériorité, d’irrésistibilité et d’imprévisibilité conditionnant sa qualification de cas de force majeure, les juges du fond décident que la condition de l’impossibilité d’exécuter le contrat dans des conditions économiques raisonnables, imposée par le contrat par dérogation à la définition légale de la force majeure mais non définie par celui-ci, est caractérisée en l’espèce. Pour motiver sa décision, la juridiction du second degré retient que l’épidémie de coronavirus et les mesure sanitaires prises en conséquence ont eu une incidence très importante sur la consommation d'électricité et le niveau du prix de celle-ci. Ainsi, la cour d’appel confirme la caractérisation du refus de la société EDF de suspendre l’exécution du contrat de trouble manifestement illicite et confirme la suspension de l’accord-cadre à compter du 17 mars 2020, date de notification du jeu de la clause de force majeure par la société Total.

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