ETUDE : Les salariés placés en activité partielle : une nouvelle catégorie objective ? * Rédigée le 09.07.2020

ETUDE : Les salariés placés en activité partielle : une nouvelle catégorie objective ? * Rédigée le 09.07.2020

E81013Q4

sans cacheDernière modification le 06-11-2020

Plan de l'étude

  1. Introduction
  2. Quand le pouvoir vient d'en bas et la confiance d'en haut...
  3. Le maintien obligatoire des garanties complémentaires de frais de santé et de prévoyance « lourde »
  4. L’assiette minimale légale des cotisations et des prestations
  5. L’assiette supra légale
  6. La répartition des cotisations salariés/employeur plus favorable
  7. Les conséquences pratiques
  8. L’application rétroactive de la loi
  9. Les risques encourus

1. Introduction

E81023Q7

  • ⇒ Cette étude a été réalisée sur la base d'un article rédigé par Quentin Frisoni paru dans la revue Lexbase, éd. sociale, n° 831 du 9 juillet 2020 (N° Lexbase : N4058BYX).
  • L’évolution de la pandémie de Covid-19 a conduit le Gouvernement à prendre, sur le plan sanitaire, des mesures contraignantes de confinement total à compter du 17 mars 2020, et sur le plan social, à améliorer le dispositif existant de l’activité partielle afin de permettre aux entreprises de faire face à la baisse d’activité d’une ampleur sans précédent. Au pic de cette crise, près de 14 millions de salariés (Etude de la DARES publiée 24 juin 2020 sur le site du ministère du Travail, [en ligne]) ont ainsi été placés en activité partielle et ont perçu un revenu de remplacement versé par l’employeur, lequel est remboursé, dans une certaine limite, par l’État.

     

    En matière de protection sociale complémentaire, la suspension du contrat de travail des salariés en activité partielle et, dans ce cas, l’absence de perception d’un revenu soumis à cotisations de Sécurité sociale au sens de l’article L. 242-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L4986LR4) a très rapidement soulevées diverses problématiques :

     

    • les salariés en activité partielle doivent-ils bénéficier d’un maintien des régimes de protection sociale complémentaire de leur entreprise ?
    • en cas de maintien, comment calculer les cotisations d’assurance dont l’assiette est définie par référence au salaire assujetti à cotisations de Sécurité sociale ?
    • si un sinistre se réalise, le montant des prestations sera-t-il nécessairement impacté à la baisse ?

2. Quand le pouvoir vient d'en bas et la confiance d'en haut...

E81033Q8

  • LOI n° 2020-734 du 17 juin 2020
    Dans un communiqué de presse du 8 avril 2020, dépourvu de toute force contraignante, le CTIP (Centre technique des institutions de prévoyance), la FNMF (Fédération nationale de la mutualité française) et la FFA (Fédération française de l’assurance) avaient estimé qu’il était « essentiel que les salariés en chômage partiel puissent continuer à bénéficier d’une couverture complémentaire santé et prévoyance (incapacité, invalidité, décès). »

     

    Pour les contrats d’assurance dont l’assiette des cotisations est définie en référence à l’article L. 242-1 précité, la position commune des organismes assureurs prévoyait alors que « les assiettes des cotisations […] d[evaient] inclure les indemnités versées au titre de l’activité partielle ». Une note en bas de page du communiqué précisait que « l’allocation complémentaire d’activité partielle n’[était] donc pas incluse dans l’assiette ».  

    Parallèlement, les organisations syndicales se sont mobilisées pour proposer aux organisations patronales un projet d’accord national interprofessionnel (Projet du 10 avril 2020) :

    • ayant pour objet de garantir aux salariés le maintien de leurs garanties de frais de santé et de prévoyance « lourde » complémentaires le temps de leur placement en activité partielle ;
    • stipulant que le financement du maintien serait assuré conjointement par l’employeur et le salarié, dans les mêmes proportions qu’antérieurement, par des cotisations assises sur la rémunération antérieure du salarié servant de base au calcul de l’indemnité d’activité partielle légale.

     

    Toutefois, faute de convergence de point de vue avec les organisations patronales, ce projet n’a jamais abouti et les organisations syndicales ont porté ce projet devant le ministère du Travail.

     

    C’est dans ce contexte que le 7 mai dernier, le Conseil des ministres sur le cadrage du projet de loi portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l’épidémie de Covid-19 a habilité le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour permettre aux salariés en activité partielle de bénéficier du « maintien de garanties de protection sociale complémentaire applicables le cas échéant dans l’entreprise, nonobstant toute clause contraire des accords collectifs ou des décisions unilatérales et des contrats collectifs d’assurance pris pour leur application, pour une durée n’excédant pas six mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire, ainsi que l’adaptation des conditions de versement et du régime fiscal et social des contributions dues par l’employeur dans ce cadre » (Article 1er, 3°, b) du projet de loi portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l’épidémie de covid-19, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d’État, le 7 mai 2020).

     

    Finalement, plutôt que de légiférer par voie d’ordonnance, le Gouvernement a préféré inscrire directement dans la loi « un cadre juridique clair en matière de maintien des garanties collectives pour les salariés en activité partielle » (Exposé des motifs de l’amendement n° 125 présenté par le Gouvernement le 25 mai 2020, [en ligne]). L’article 12 de la loi n° 2020-734 du 17 juin) vient ainsi instituer à leur profit, de manière temporaire et rétroactive, du 12 mars au 15 juillet 2020 (Paragraphe IV de l’article 12 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020) :

     

    • une obligation de maintien de certaines garanties collectives de protection sociale complémentaire de l’entreprise ;
    • mais surtout, des modalités de détermination de l’assiette des cotisations et des prestations y afférentes,

     

    qui s’imposent à la fois, aux employeurs, aux salariés et aux organismes complémentaires.

3. Le maintien obligatoire des garanties complémentaires de frais de santé et de prévoyance « lourde »

E81043Q9

  • LOI n° 2020-734 du 17 juin 2020

    Aux termes du paragraphe I de l’article 12 de la loi du 17 juin, les salariés, et le cas échéant leurs ayants droit, bénéficiant de régimes collectifs de frais de santé et de prévoyance « lourde » (incapacité, invalidité, décès) complémentaires, formalisés par voie de décision unilatérale de l’employeur, d’accord collectif ou référendaire, doivent continuer à en bénéficier lorsqu’ils sont placés en activité partielle.

     

    Ces dispositions d’ordre public :

     

    • s’appliquent aux régimes de frais de santé et de prévoyance « lourde », qu’ils soient à adhésion obligatoire ou facultative, à l’exclusion notable des régimes de retraite supplémentaire à cotisations définies pour lesquels le Gouvernement estime que « l’absence de cotisations ou de primes pendant une durée déterminée n’est pas de nature à priver de droits les salariés bénéficiant du régime, au contraire des autres risques visés » (cf. exposé des motifs de l’amendement n° 125 présenté par le Gouvernement le 25 mai 2020, préc.) ;
    • rendent inapplicables toute clause contraire de l’acte de droit du travail formalisant le régime ou du contrat d’assurance le garantissant ;
    • ne trouvent pas à s’appliquer lorsque le régime est plus favorable. Tel est le cas, par exemple, en cas de garantie « exonération de cotisations » souscrite au bénéfice des salariés dont la suspension du contrat de travail est indemnisée, ce qui est souvent le cas au sein des régimes de prévoyance « lourde ».

4. L’assiette minimale légale des cotisations et des prestations

E81053QA

  • LOI n° 2020-734 du 17 juin 2020
    Selon l’alinéa 1er de l’article 12, paragraphe II :

     

    • si l’assiette des cotisations et des prestations des régimes de frais de santé et de prévoyance « incapacité, invalidité, décès » de l’entreprise est définie en partie ou en totalité par référence aux revenus d’activité soumis à cotisations sociales au sens de l’article L. 242-1 du Code de la Sécurité sociale ou à CSG au sens de l’article L. 136-1 du même code (N° Lexbase : L0432LCY) ;
    • alors l’assiette des cotisations et des prestations des salariés placés en activité partielle doit être reconstituée en substituant aux revenus d’activité l’indemnité brute mensuelle d’activité partielle légale, à l’exclusion de l’indemnité d’activité partielle complémentaire versée, le cas échéant, par l’employeur à ses salariés.

     

    En effet, l’article 12 prévoit expressément que, dans cette hypothèse, « l’indemnité brute mensuelle due en application de l’article L. 5122-1 du Code du travail (N° Lexbase : L9343LND) » est substituée aux « revenus d’activité ».

     

    Or, l’article L. 5122-1 précité dispose que : « […] les salariés […] placés en activité partielle […] reçoivent une indemnité horaire, versée par leur employeur, correspondant à une part de leur rémunération antérieure dont le pourcentage est fixé par décret en Conseil d'État. […] ».

     

    A ce titre, l’article R. 5122-18 du Code du travail (N° Lexbase : L3124LBC) précise que « le salarié placé en activité partielle reçoit une indemnité horaire, versée par son employeur, correspondant à 70 % de sa rémunération brute servant d'assiette de l'indemnité de congés payés […] ».

     

    Autrement dit, en application d’une lecture stricte de l’article 12 de la loi du 17 juin, à la date à laquelle nous rédigeons cet article, seules les indemnités légales d’activité partielle doivent, par principe, être prises en compte dans le calcul des cotisations et des prestations de frais de santé et de prévoyance « lourde ».

    Dans ce cas, aucun acte de formalisation n’est nécessaire, il s’agit d’une obligation légale de cotiser sur une assiette minimale au profit des salariés placés en activité partielle et ce, pendant une période limitée (du 12 mars au 15 juillet 2020).

5. L’assiette supra légale

E81063QB

  • LOI n° 2020-734 du 17 juin 2020

    L’alinéa 2 du paragraphe II de l’article 12 dispose que l’employeur peut, s’il le souhaite, prévoir une cotisation sur une assiette supérieure à l’assiette minimale légale précitée, en intégrant notamment :

     

    • la part complémentaire de l’indemnité d’activité partielle versée à ses salariés,
    • ou en retenant la rémunération perçue antérieurement au placement en activité partielle.

     

    Dans ce cas, la détermination de l’assiette doit être formalisée :

     

    • par un acte de droit du travail (convention collective, accord collectif ou décision unilatérale de l’employeur) ;
    • et par un avenant au contrat d’assurance souscrit.

6. La répartition des cotisations salariés/employeur plus favorable

E81073QC

  • LOI n° 2020-734 du 17 juin 2020
    En cas de financement paritaire des régimes de frais de santé et de prévoyance lourde, l’alinéa 2 du paragraphe II de l’article 12 institue la possibilité pour l’employeur d’appliquer « une répartition plus favorable aux salariés ».

     

    Ainsi, la loi permet à l’employeur, là encore, s’il le souhaite, d’augmenter sa part de cotisations afin de diminuer corrélativement celle prise en charge par les salariés placés en activité partielle.

     

    Dans cette hypothèse, même si la loi ne le prévoit pas expressément, cette nouvelle clé de répartition des cotisations devrait, selon nous, être formalisée au sein de l’acte de droit du travail instituant le régime.

     

    La question pourrait se poser de savoir si l’éventuelle modification de la répartition employeur / salarié ne devrait pas s’appliquer à l’ensemble des salariés bénéficiaires du régime. Pour répondre à cette question, prenons un peu de hauteur et ne perdons pas de vue que le législateur est précisément intervenu pour pallier les carences que l’activité partielle pouvait entraîner sur le niveau des cotisations et des prestations des régimes de frais de santé et de prévoyance complémentaires. En effet, nul besoin d’une nouvelle loi pour permettre un tel dispositif au profit de l’ensemble des salariés, lequel est déjà encadré par la réglementation en vigueur.

7. Les conséquences pratiques

E81093QE

8. L’application rétroactive de la loi

E81083QD

  • LOI n° 2020-734 du 17 juin 2020
    Compte tenu de la rétroactivité au 12 mars 2020 des dispositions de l’article 12 de la loi du 17 juin, il convient de distinguer les différents cas de figure suivants :

     

9. Les risques encourus

E81103QG

  • LOI n° 2020-734 du 17 juin 2020
    En cas de non-respect des dispositions de l’article 12 de la loi du 17 juin 2020, les risques encourus peuvent être synthétisés de la manière suivante :

     

  • En guise de conclusion...

     

    Dans le cadre de la crise sanitaire et du recours massif à l’activité partielle, le législateur est intervenu pour créer, à titre exceptionnel et de manière temporaire, « une nouvelle catégorie objective », celle des salariés placés en activité partielle, pouvant ainsi bénéficier, de manière spécifique, d’un financement patronal (assiette et répartition des cotisations) et de garanties (assiette des prestations) qui leurs sont propres, sans remettre en cause le régime social de faveur attaché au financement patronal des régimes de frais de santé et de prévoyance complémentaire.

     

    Cette intervention législative aura permis de :

     

    • de sécuriser la pratique des entreprises qui depuis le mois de mars reconstituent les assiettes des cotisations de leurs régimes de frais de santé et de prévoyance « lourde » sur la base des indemnités légales d’activité partielle, notamment en application de la position commune des organismes assureurs du 8 avril 2020 ;
    • d’éviter une baisse du niveau des prestations de prévoyance « lourde » lorsque l’assiette servant à leur calcul est définie en miroir avec celle des cotisations et donc en référence au revenu d’activité soumis à charges sociales ;
    • de conserver l’équilibre technique des contrats d’assurance en cause, compte tenu du nombre significatif de salariés placés en activité partielle depuis le mois de mars.

     

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