ETUDE : Comment obtenir l’indemnisation des pertes d’exploitation par son assureur ?* Rédigée le 25.06.2020

ETUDE : Comment obtenir l’indemnisation des pertes d’exploitation par son assureur ?* Rédigée le 25.06.2020

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avec cacheDernière modification le 04-01-2021

Plan de l'étude

  1. * Webinaire* Jeudi 25 juin 2020 à 14h30 (Bientôt en ligne sur notre chaîne Youtube)
  2. Introduction
  3. L’analyse de l’ordonnance de référé du tribunal de commerce de Paris du 22 mai 2020
  4. Les apports de ces décisions

1. * Webinaire* Jeudi 25 juin 2020 à 14h30 (Bientôt en ligne sur notre chaîne Youtube)

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    Webinaire : Comment obtenir l'indemnisation de vos pertes d'exploitation liées à la crise du Covid-19? 

    Regards croisés avocat / expert en audit de risques d’exploitation. 

     

    Un webinaire animé par Maître Valérie Morales, avocat associée chez Marvell avocats et Madame Clarisse Bréant, Expert financier et auditeur risques pertes d’exploitation.

    Quels sont les apports de l’ordonnance de référé du Tribunal de Commerce de Paris du 22 mai 2020 (Maison Rostang/Axa) ?

    Comment procéder vis-à-vis de son assureur ?

    Les points de vigilance dans l’audit de la police d’assurance ?

    Faire chiffrer sa perte d’exploitation : principes d’indemnisation et règles de calcul.

    La mise en jeu de la garantie pertes d’exploitation : comment constituer son dossier avec l’avocat et l’expert-financier?

     

    Retrouvez l'enregistrement de notre webinaire sur notre chaîne Youtube, cliquez ici.

     

     

2. Introduction

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  • ⇒ Cette étude a été réalisée sur la base d'un article rédigé par Valérie Morales et Stéphanie Fleury-Gazet paru dans la revue Lexbase, éd. privée, n° 828 du 18 juin 2020 (N° Lexbase : N3775BYH).
  • L'épidémie de Covid-19 a stoppé net l’activité des entreprises puisque depuis le 14 mars 2020, les commerces « non essentiels à la nation » ont été contraints de fermer. De nombreuses entreprises sont ainsi confrontées à une perte de leurs revenus et de leur chiffre d’affaires. Certaines entreprises ayant souscrit un contrat d’assurance perte d’exploitation ont alors activé la garantie auprès de leur assureur. Ces demandes ont été relayées par plusieurs députés lors des questions à l’Assemblée nationale à Monsieur le ministre de l’Economie et des Finances. L’Etat tente également de faire pression sur les sociétés d’assurance. Lors de son allocution télévisée du 13 avril 2020, le Président de la République Emmanuel Macron a d’ailleurs indiqué : « les assurances doivent être au rendez-vous de cette mobilisation économique. J’y serai attentif ».

     

    Toutefois, les assurances ont d’abord répondu de façon quasi-unanime que cette pandémie était inassurable au motif que le principe de l’assurance reposait sur le concept de la mutualisation (indemniser ceux qui sont touchés par un sinistre grâce aux primes de ceux qui ne sont pas concernés), lequel ne pouvait plus fonctionner en présence d’une pandémie touchant tous les assurés.

     

    Cependant, certains assureurs ont fait marche arrière : notamment le Crédit Mutuel en débloquant une somme de 200 millions d’euros pour indemniser ses clients professionnels au titre des pertes d’exploitation. Le CIC et le Crédit Agricole ont aussi suivi cette démarche.

     

    La décision de référé rendue le 22 mai 2020 par le tribunal de commerce de Paris condamnant AXA à indemniser la perte d’exploitation d’un restaurateur a ravivé les espoirs des restaurateurs et spécialistes de l’évènementiel (T. com. Paris, 22 mai 2020, aff. n° 2020017022 N° Lexbase : A02603ML : cf. la brève parue dans Lexbase, éd. priv., n° 825 N° Lexbase : N3418BYA ; cf. également, D. Krajeski, Confinement et couverture des pertes d’exploitation d’un restaurateur : la demande de provision est en partie acceptée, Lexbase, éd. priv., n° 826, 2020 N° Lexbase : N3586BYH).

3. L’analyse de l’ordonnance de référé du tribunal de commerce de Paris du 22 mai 2020

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  • Dans cette affaire, un restaurateur s’est d’abord vu refuser par AXA l’application de sa garantie ; il a donc saisi le juge des référés pour obtenir l’indemnisation de ses pertes d’exploitation résultant de la fermeture administrative de ses établissements et a obtenu gain de cause.

     

    Il a ainsi sollicité :

    • le versement d’une provision ;
    • la désignation d’un expert pour évaluer le montant des dommages constitués par la perte de la marge brute pendant la période d’indemnisation et les frais supplémentaires d’exploitation pendant la période d’indemnisation.

     

    La société AXA s’est opposée à ces demandes en développant l’absence d’urgence et l’existence de contestations sérieuses, arguments rejetés par le juge des référés.

  • Sur l’urgence
  • Le juge des référés a confirmé l’urgence en se fondant sur l’attestation de l’expert-comptable faisant état d’une situation financière gravement obérée (un déficit de trésorerie de 201 413 euros auquel il conviendra d’ajouter la somme de 45 903 euros à la fin du mois de mai correspondant au montant de l’avance de l’indemnité d’activité partielle pour la totalité des salariés).
  • Sur les contestations sérieuses
  • Tous les moyens de l’assureur ont été écartés par le juge des référés.

     

    AXA a tenté, tout d’abord, de faire valoir le caractère inassurable du risque pandémique tant au plan économique que juridique. L’argument est immédiatement balayé par le tribunal, qui relève qu’une telle question, ne le concernait pas ici, dans le cadre de cette action en référé. Il explique devoir simplement se prononcer sur l'application d'un contrat d'assurance précis comportant des conditions générales, des conditions particulières le tout constituant la loi des parties et ceci, sans avoir à trancher de contestations sérieuses. 

     

    Il relève que l'assureur ne s'appuie sur : 

    → aucune disposition légale d’ordre public qui ne prévoyait le caractère inassurable des conséquences d’une pandémie ; 

    → et que le risque de pandémie ne faisait pas partie des exclusions de garanties listées dans le contrat d’assurance liant les parties.

     

    Axa a tenté de faire valoir : 

    1. que l’application de la clause « fermeture administrative » devait avoir pour fait générateur la réalisation préalable d’un évènement garanti au titre de la perte d’exploitation. Mais le juge des référés a jugé qu’aucune stipulation contractuelle ne prévoyait un préalable à l’activation de la garantie perte d’exploitation pour cause de fermeture administrative.
    2. que le contrat ne couvrait que le cas d’une fermeture administrative ordonnée par le Préfet et non par le ministre de la Santé. Le juge des référés a considéré que dans les deux cas, il s’agissait d’une décision administrative et que les clauses du contrat ne comportaient aucune exclusion en cas de décision prise par le Ministre.
    3. que la fermeture totale de l’établissement n’était pas imposée par l’arrêté du 14 mars 2020 car seul l’accueil du public était interdit. Selon l’assureur, le restaurateur aurait pu ainsi maintenir une activité de vente à emporter et de livraison. Le juge des référés a retenu d’une part que le restaurateur n’avait jamais pratiqué la vente à emporter ni la livraison. Et que d’autre part, si une telle activité était possible, cela ne supprimait pas l’interdiction de recevoir du public qui est fondamentale pour un restaurant. 

     

    Ces moyens ont été écartés par le juge des référés.

    Le juge des référés a déclaré recevable l'action du restaurateur et a condamné l’assureur au versement d’une provision de 45 000 euros sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard.

    Cependant, la demande d'indemnisation de l'assuré était chiffrée à la somme de 72 878,33 euros couvrant la période du 14 mars au 15 juillet 2020.

     

    Pourquoi une telle différence dans le chiffrage ?

    Le juge des référés a retenu que le préjudice était incertain entre le 1er juin et le 15 juillet 2020 au motif que la date de réouverture des restaurants n’était pas encore fixée. Une expertise judiciaire a été ordonnée afin d’évaluer le montant de la marge brute et les frais supplémentaires d’exploitation « pendant la période d’indemnisation » (sans précision de date).

    Dans un communiqué de presse du 22 mai 2020, la société AXA a indiqué qu’elle interjetait appel de cette décision.

     

    D‘autres décisions ont, depuis, été rendues sur le sujet, notamment une ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce de Lyon, à propos d’un autre contrat AXA ; les parties ont été renvoyées devant le juge du fond, en présence d’une clause d’exclusion considérée comme ambiguë. 

4. Les apports de ces décisions

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  • L’ordonnance du 22 mai 2020, bien que provisoire et frappée d’appel, apporte beaucoup d’espoir aux entreprises/commerçants qui subissent de lourdes pertes d’exploitation et envisagent d’actionner leur assurance. Pour y parvenir, nous pensons nécessaire de rappeler qu’un certain nombre de précautions doivent être prises afin de constituer un dossier avec son avocat et son expert financier.
  • D’abord, faire auditer son contrat d’assurance
  • 1° Dans quels contrats trouve-t-on une garantie perte d’exploitation ?

    La garantie perte d’exploitation est un contrat d’assurance non obligatoire.

    L’assurance perte d’exploitation peut être :

    • soit une assurance autonome, qui fait ainsi l’objet d’un contrat spécifique à ce type de garantie ;
    • soit être rattachée à un autre contrat (dommages matériels tels que bris de machine, inondation, vol, incendie, ou encore fermeture administrative) et constituer ainsi une garantie accessoire.

    De la nature du contrat souscrit par l’assuré, vont évidemment dépendre les conditions de prise en charge de la garantie perte d’exploitation.

     

    2° Les conditions de prise en charge

    Sous réserve naturellement des clauses de chaque contrat, les conditions de prise en charge varieront selon la nature de la garantie : 

    • en cas de garantie perte d’exploitation autonome, a priori l’assuré peut actionner cette garantie ;
    • en cas de garantie accessoire à une fermeture administrative : cette garantie n’est a priori pas soumise à la condition préalable d’un dégât matériel et elle pourrait donc être actionnée. Reste à vérifier si la garantie s’étend aussi à la période de réouverture post déconfinement compte tenu des conditions sanitaires strictes ;
    • en revanche, en cas de garantie accessoire à un dommage matériel : un dommage matériel devra être intervenu de manière préalable (inondation, incendie, etc…) pour actionner la garantie.

    L’assuré sera donc confronté à une difficulté dans ce cas puisque par hypothèse, la crise sanitaire actuelle est indépendante de tout autre sinistre préalable.

     

    3° Les exclusions expresses

    L’assuré doit se référer attentivement aux clauses d’exclusion prévues dans son contrat. En effet, bien souvent, les contrats d’assurance stipulent que les épidémies et pandémies sont exclues de la garantie. Mais l’exclusion doit être aussi entendue strictement et toute ambiguïté relevée par un juge doit profiter à l’assuré. L’assuré ne doit pas se fier aux apparences de prime abord, donc.

     

    4° L’imprévision ou la force majeure (Pour aller plus loin : l'interview du prof. Didier Krajeski, disponible en podcast sur Lexradio).

    L’assureur pourrait-il invoquer l’un ou l’autre de ces mécanismes pour se désengager ? A priori, non !

    En effet, pour pouvoir recevoir application, la force majeure nécessite la preuve d’une impossibilité d’exécuter. Or, les obligations imposées par les parties au contrat d’assurance ont pu être exécutées pendant l’épidémie due au Covid-19.

    Quant à la théorie de l’imprévision, elle ne pourrait tout au plus être applicable qu’aux contrats d’assurance souscrits après le 1er octobre 2016 et l’on voit mal comment elle pourrait trouver application puisque la circonstance imprévisible est de l’essence-même de tout contrat d’assurance.

  • Ensuite, déclarer son sinistre à l’assurance
  • Il est recommandé de déclarer son sinistre à l’assurance par courrier recommandé en précisant qu’il s’agit d’une demande de règlement d’indemnité d’assurance.

     

    La déclaration de ce sinistre doit intervenir dès que l’assuré a eu connaissance du sinistre et dans les délais prévus au contrat, sous peine de déchéance. Ce délai ne peut être inférieur à cinq jours ouvrés (C. ass., art. L. 113-2 N° Lexbase : L9563LGB). Toutefois, la déchéance ne peut être opposée à l’assuré que si l’assurance établit que le retard dans la déclaration lui a causé un préjudice. Elle ne peut également être opposée dans tous les cas où le retard est dû à un cas fortuit ou de force majeure.

     

    L’assureur devra répondre à cette demande et préciser pourquoi il refuse sa garantie, si telle est sa position.

  • Puis, faire chiffrer sa perte d’exploitation liée au Covid-19
  • Naturellement, là encore, l’assuré est lié par les termes de son contrat, lequel peut limiter le plafond de la garantie ou la nature des dommages couverts.

     

    On peut cependant, sous réserve des termes de chaque contrat, rappeler que la perte d’exploitation prend en compte les pertes subies, les gains manqués ainsi qu’éventuellement la perte de chance.

     

    Son évaluation est relativement complexe et il convient alors de faire appel à un expert-financier pour présenter une demande précise, chiffrée et étayée de pièces à l’appui.

     

    Les pertes subies comprennent principalement les pertes matérielles ainsi que les surcoûts :

    • les pertes matérielles sont les plus simples à identifier ; il s’agit principalement des stocks périssables (produits frais ou décors de spectacle annulés) ;
    • les surcoûts seront évalués au cas par cas. Certains frais supplémentaires pourront être inclus dans la perte d’exploitation (achat de protection) et d’autres non.

     

    Les gains manqués correspondent à la perte de marge sur coût variable.

     

    L’entreprise pourrait également souffrir d’un préjudice lié à une perte de chance de conclusion d’un contrat, d’un appel d’offres, etc..

     

    Tous ces éléments seront examinés attentivement au regard des termes du contrat pour déterminer le montant du préjudice réparable.

  • En guise de conclusion...

    On le voit : face à la résistance de l’assureur, la possibilité d’actionner la garantie perte d’exploitation nécessite l’analyse préalable des clauses du contrat d’assurance par un avocat.

    L’assuré pourra alors solliciter l’allocation d’une provision et engager les procédures nécessaires pour obtenir l’indemnisation intégrale des préjudices subis, ou saisir le tribunal pour contester les clauses ambigües de son contrat.

     

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