ETUDE : Covid-19 et adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles à l'urgence sanitaire * Mise à jour le 10.06.2020

ETUDE : Covid-19 et adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles à l'urgence sanitaire * Mise à jour le 10.06.2020

E08373NC

sans cacheDernière modification le 04-01-2021

Plan de l'étude

  1. Introduction
  2. Les règles relatives à la prévention
  3. L’appréciation de l’état de cessation des paiements
  4. La prolongation de la durée de la période d’observation
  5. La durée des plans

1. Introduction

E08383ND

  • ⇒ Cette étude a été réalisée sur la base d'un article rédigé par Pierre-Michel Le Corre paru dans la revue Lexbase, éd. affaires, n° 636 du 28 mai 2020 (N° Lexbase : N3372BYK). Elle a fait l'objet d'une mise à jour à la date du 10 juin 2020.
  • LOI n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 (1)
    LOI n° 2020-546 du 11 mai 2020Afficher plus (2)
    Présentation générale. Diverses mesures gouvernementales d’importance ont été prises, dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire décidé à la suite de l’épidémie du Coronavirus, en vertu de l’article 3 la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020. Selon, l’alinéa 1er de l’article 4 de cette même loi, l’état d’urgence sanitaire est déclaré pour une durée de deux mois à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi. Il débute donc le 24 mars et se termine le 23 mai 2020 à minuit. La loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 (Loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire a été promulguée le 11 mai après passage devant le Conseil constitutionnel, JORF du 12 mai 2020) a prorogé l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 juillet inclus. Il se termine donc le 10 juillet 2020 à minuit. 

    En vertu de la loi du 23 mars 2020, le Gouvernement a notamment pris une ordonnance spécifique au droit des entreprises en difficulté, l’ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 (JORF du 28 mars 2020, texte n° 3), qui porte adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles à l'urgence sanitaire (G. Teboul, L’adaptation du droit des entreprises à la crise du coronavirus, D., 2020, 785 ; J. Allais et M. Houssin, L’adaptation du droit de la faillite à la crise sanitaire liée au COVID-19, JCP éd. E, 2020, 1161 ; O. Buisine, Covid-19 - De quelques mesures exceptionnelles d’adaptation temporaire du droit des entreprises en difficulté, Rev. proc. coll., mars/avril 2020, étude 8 ; Covid-19 : adaptation temporaire du droit des entreprises en difficulté, Act. proc. coll., 2020/8, comm. 103 ; Fin-Langer et Petit, Adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises - Mesures intéressant le livre VI du Code de commerce, Act. proc. coll. 2020/8, comm. 105 ; N. Borga, L’ordonnance du 27 mars 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises, Gaz. Pal., 7 avril 2020, n° 14, p. 19 ; J. Théron, Présentation de l’adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises par l’ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020, Gaz. Pal., 28 avril 2020, n° 16, p. 88 ; G. Berthelot, Covid-19 : les rythmes du droit des entreprises en difficulté à l’épreuve du temps, JCP éd. E, 2020, études 1205).

    Il s’est agi de trouver des solutions afin d’éviter l’ouverture massive de procédures collectives, en jouant sur l’état de cessation des paiements. Une seconde ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 a « pour objet de consolider les dispositions de l’ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020, d’une part, et, d’autre part, d’adapter les dispositions du livre VI du Code de commerce afin de les rendre plus efficaces pour traiter les difficultés des entreprises en fonction des spécificités liées à la nature exceptionnelle de la crise sanitaire » (Rapport au Président de la République, p. 1).

    L’article 9 de cette ordonnance retouche l’ordonnance du 27 mars 2020. Nous présenterons donc cette dernière dans sa version en vigueur après l’ordonnance modificative. De prochaines études présenteront les autres mesures de l’ordonnance du 20 mai 2020.

    Nous nous intéresserons ici plus spécialement aux règles intéressant la prévention, l’appréciation de l’état de cessation des paiements, la durée de la période d’observation et la durée des plans.

2. Les règles relatives à la prévention

E08393NE

  • Deux procédures doivent ici être présentées : la procédure de conciliation et la procédure de règlement amiable agricole.
  • La procédure de conciliation
  • Ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020
    Ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020
    • Prolongation de la durée de la conciliation

    L’article L. 611-6, alinéa 4, du Code de commerce (N° Lexbase : L8621LQD) prévoit que la mission du conciliateur n’excède pas quatre mois, cette durée pouvant être portée, par décision motivée à cinq mois.

    L’article 1, II de l’ordonnance du 27 mars 2000, dans la rédaction que lui donne l’article 9 de l’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020, indique que « La période mentionnée à la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 611-6 du Code de commerce est prolongée de plein droit d’une durée de cinq mois ».

    Il faut donc comprendre que la conciliation peut durer quatre mois, prorogeable par décision motivée jusqu’à cinq mois, prolongeable, du fait de l’ordonnance du 27 mars 2020, d’une durée de cinq mois. Faute de texte contraire, il faut décider que cette prolongation de durée débute dès que la période de conciliation est expirée.

    L’article 1, II de l’ordonnance du 27 mars 2020 reste muet sur le début de son application. Les règles d’application de la loi dans le temps commandent que le texte s’applique à compter de son entrée en vigueur soit le 29 mars 2020. Il intéressera donc les procédures de conciliation dont la durée aurait expiré à compter du 29 mars 2020 ou ouvertes à compter de cette même date.

    Le texte reste également muet sur la durée de son application. Cependant, il faut, nous semble-t-il, le lire à la lumière de l’alinéa 2. En effet, l’alinéa 2 s’emploie à aménager la situation si l’accord de conciliation n’est pas trouvé dans le délai légal, ce qui intéresse par conséquent la date buttoir de la conciliation. Il précise que « jusqu’à l’expiration du délai prévu au I, et sans préjudice des dispositions du dernier alinéa de l’article L. 611-7 du même code (N° Lexbase : L1071KZP), la dernière phrase du deuxième alinéa de l’article L. 611-6 n’est pas applicable ». Par conséquent, jusqu’au 23 août 2020, la procédure de conciliation ne prend pas fin, faute d’accord, même si sa durée a expiré.

    En combinant les alinéas 1er et 2 de l’article 1, II de l’ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 modifiée, on comprend que, jusqu’au 23 août 2020, la durée des procédures de conciliation en cours au 29 mars 2020 ou ouvertes à compter de cette date seront prolongées de 5 mois.

    Les délais sont exprimés en mois. Par conséquent, en application de l’article 641, alinéa 2, du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6802H73), le délai expire le jour du dernier mois qui porte le même quantième que le jour de l’événement qui fait courir le délai.

    Prenons maintenant un exemple. La durée de la conciliation prend fin le 15 avril 2020. Le principe de prolongation peut donc s’appliquer. Pour combien de temps ? Pour cinq mois. Dans notre exemple, la conciliation qui prenait fin initialement le 15 avril 2020 est prolongée de plein droit jusqu’au 15 septembre 2020.

    La mesure va ainsi permettre d’allonger sensiblement la durée de la recherche de l’accord, non seulement pour les procédures de conciliation dont la durée n’était pas expirée au 29 mars 2020, mais encore pour celles ouvertes à compter du 29 mars 2020. La solution résulte de l’article 5, I selon lequel « La présente ordonnance s'applique aux procédures en cours ». Cette précision a pour seul objet de contrarier le principe classique selon lequel les textes intéressant le droit des entreprises en difficulté ne s’appliquent qu’aux procédures ouvertes avant son entrée en vigueur. Il ne condamne donc pas la possibilité d’application aux procédures ouvertes après l’entrée en vigueur de l’ordonnance.

    Le législateur précise toutefois que la solution posée vaut « sans préjudice des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 611-7 du même code », ce qui signifie que si le conciliateur est convaincu, avant l’expiration du délai prolongé, qu’un accord ne sera pas trouvé, il doit présenter sans délai un rapport au président du tribunal.

    En écartant la totalité de la dernière phrase du deuxième alinéa de l'article L. 611-6, il faut aussi comprendre de l’article 1, II de l’ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020, que, par exception, il sera possible, d’enchaîner immédiatement, après l’échec d’une première conciliation, sur une seconde conciliation, sans attendre trois mois entre les deux procédures.

  • La procédure de règlement amiable agricole
  • Ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020
    • Désignation du conciliateur du règlement amiable agricole en dépit de l’état de cessation des paiements

    Selon l’article 3 de l’ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020, « Pour l'application des articles L. 351-1 (N° Lexbase : L3911AEL) à L. 351-7 du Code rural et de la pêche maritime, jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire :
    1° Le juge ne peut refuser de désigner un conciliateur au motif que la situation du débiteur s'est aggravée postérieurement au 12 mars 2020
     ».

    Ici encore, on comprend, comme pour l’interprétation de l’article 1 de l’ordonnance, et même si le texte ne le dit pas, que la mesure est applicable à compter du 29 mars 2020, date d’entrée en vigueur de l’ordonnance du 27 mars 2020.

    L’ouverture du règlement amiable agricole suppose que le débiteur soit confronté à des difficultés financières qui viennent d’apparaître ou qui sont prévisibles (C. rur., art. L. 351-1, al. 1er). Le règlement amiable agricole ne pourra être ouvert que si le débiteur n’est pas en état de cessation des paiements.

    Le dispositif mis en place par l’article 3 de l’ordonnance autorise au contraire la nomination du conciliateur agricole même si le débiteur est en état de cessation des paiements, dès lors que cet état est apparu postérieurement au 12 mars 2020, et cela jusqu’à l’expiration d’un délai de trois mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire, soit le 10 octobre 2020.

    • Possibilité du constat ou de l’homologation de l’accord de règlement amiable agricole en dépit de la subsistance de l’état de cessation des paiements.

    Le même article 3 de l’ordonnance prévoit que « Pour l'application des articles L. 351-1 à L. 351-7 du Code rural et de la pêche maritime, jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire :

    2° Lorsque l'accord ne met pas fin à l'état de cessation des paiements, ce dernier est apprécié en considération de la situation du débiteur à la date du 12 mars 2020 ».

    Ici encore, il faut comprendre, comme pour l’interprétation de l’article 1er de l’ordonnance, et même si le texte ne le dit pas, que la mesure est applicable à compter du 29 mars 2020.

    Aux termes de l’alinéa 1er de l’article L 351-6 du Code rural et de la pêche maritime (N° Lexbase : L2736LBX), « le président du tribunal, si le débiteur ne se trouve pas en cessation des paiements ou si l'accord y met fin, constate l'accord conclu en présence du conciliateur ou, sur son rapport, met fin à sa mission. A la demande du débiteur, le président du tribunal peut homologuer l'accord ».

    L’accord de règlement amiable agricole, qu’il soit constaté ou homologué, suppose donc l’absence de cessation des paiements, soit que l’état de cessation des paiements n’ait jamais existé, soit que, le plus souvent, l’accord y mette fin. On comprend donc la dérogation de premier plan introduite par l’article 3 de l’ordonnance : l’accord pourra être constaté ou homologué même s’il ne met pas fin à la cessation des paiements, pendant la période comprise entre le 24 mars 2020 et l’expiration d’un délai de trois mois suivant la cessation de l’état d’urgence sanitaire, soit le 10 octobre 2020 à minuit.

    Mais il n’en sera ainsi que pour autant que l’état de l’état de cessation des paiements n’est pas apparu avant le 12 mars 2020, raison pour laquelle l’article 3 de l’ordonnance précise que l’état de cessation des paiements sera alors apprécié en considération de la situation du débiteur à la date du 12 mars 2020.

    Le débiteur agriculteur exécutera ensuite l’accord dans ses termes, les poursuites individuelles et mesures d’exécution étant suspendues.

    Le législateur espère que la situation s’améliorera pendant l’exécution de l’accord. Si tel n’est pas le cas, il faudra passer à l’étape suivante, celle du traitement judiciaire des difficultés de l’agriculteur.

3. L’appréciation de l’état de cessation des paiements

E08403NG

  • Principe de la cristallisation de l’état de cessation des paiements au 12 mars 2020
  • Ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020
    L’article 1, I de l’ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 dispose que « Jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée :
    1° L'état de cessation des paiements est apprécié en considération de la situation du débiteur à la date du 12 mars 2020, sans préjudice des dispositions des deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article L. 631-8 du Code de commerce (N° Lexbase : L7315IZX), de la possibilité pour le débiteur de demander l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ou le bénéfice d'un rétablissement professionnel, et de la possibilité de fixer, en cas de fraude, une date de cessation de paiements postérieure ».

    L’article L. 631-1, alinéa 1er, du Code de commerce (N° Lexbase : L3381IC9) dispose qu’« il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 (N° Lexbase : L8806LQ9) ou L. 631-3 (N° Lexbase : L7313IZU) qui, dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements ». Ainsi, classiquement, l’état de cessation des paiements se définit par une comparaison entre l’actif disponible à très court terme et le passif exigible. Si la balance penche du côté du passif exigible, il y a état de cessation des paiements.

    Dans cette appréciation, tout le passif exigible est pris en compte. Sur ce premier élément intervient l’ordonnance. L’état de cessation des paiements sera apprécié à la date du 12 mars 2020, sans prendre en compte les dettes devenues exigibles à compter de cette date.

    De même, l’actif disponible sera apprécié au 12 mars, sans tenir compte de sa diminution postérieure.

    Cette façon de procéder perdurera entre le 29 mars 2020, date d’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 et le 23 août 2020 inclus.

    L’interprétation de la circulaire d’application de l’ordonnance du 27 mars 2020 est différente. Elle regroupe en effet les mesures de l’article 1 de l’ordonnance n° 2020-341 sous l’expression « mesures qui s’appliquent pendant l’état d’urgence sanitaire et s’étendant trois mois après sa cessation » (Circ. DACS, n° 03/20, du 30 mars 2020, de présentation des articles 1er, 2, 3 et 5 de l'ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles à l'urgence sanitaire et modifiant certaines dispositions de procédure pénale N° Lexbase : L6211LWX, p. 8). Cela reviendrait donc à apprécier l’état de cessation des paiements tel qu’il existe au 12 mars 2020 à compter du 24 mars et non du 29 mars 2020. Sauf le plus grand respect à avoir envers une circulaire, l’interprétation des principes d’application de la loi dans le temps ne le permet pas.

    C’est en tout cas une « cristallisation de l’état de cessation des paiements au 12 mars 2020 » que met en place le législateur (Circ. préc., p. 8).

  • Raisons de la cristallisation de l’état de cessation des paiements au 12 mars 2020
  • Pourquoi avoir instauré cette cristallisation de l’état de cessation des paiements au 12 mars 2020 ? Le législateur ne le dit pas ; mais la ratio legis est évidente.

    Cette cristallisation de l’état de cessation des paiements au 12 mars 2020 a d’abord et avant tout pour objectif de répondre à la problématique des ouvertures de procédures collectives. S’il n’est pas procédé de cette façon, pendant cette période extrêmement difficile que traversent et vont traverser les entreprises en France, de très nombreuses vont se retrouver en état de cessation des paiements et ne guère avoir d’autres choix que de demander l’ouverture d’un redressement judiciaire, s’il est encore temps, une liquidation judiciaire ou un rétablissement professionnel dans les autres cas.

    Lorsque l’on connaît le faible taux de réussite des redressements judiciaires, on a de bonnes raisons d’avoir peur. Il faut donc les éviter à tout prix. Or le redressement judiciaire peut être évité si les chefs d’entreprise, grâce à la cristallisation de l’état de cessation des paiements au 12 mars 2020, utilisent les mesures de prévention. Il faut donc prendre la mesure comme une invitation à utiliser le mandat ad hoc et la conciliation, voire la sauvegarde, tant qu’il est encore temps.

    Notons accessoirement que la cristallisation de l’état de cessation des paiements au 12 mars 2020 intéresse aussi la question des conversions de sauvegarde en redressement judiciaire pour apparition de l’état de cessation des paiements en cours de période d’observation.

    Elle intéresse également la question de la résolution des plans sur caractérisation de l’état de cessation des paiements. En ne prenant pas en compte l’évolution de l’état de cessation des paiements pendant la période de la crise sanitaire, cela permet d’éviter de très nombreuses résolutions de plans, et par conséquent leur cortège de liquidations judiciaires.

    Elle a enfin un impact sur la sanction d’interdiction de gérer pour défaut de déclaration de l’état de cessation des paiements dans le délai de 45 jours et sur la faute de gestion induite de ce comportement dans le cadre d’une action en responsabilité pour insuffisance d’actif.

  • Maintien de la possibilité de reporter la date de cessation des paiements
  • Bien que l’état de cessation des paiements soit cristallisé à la date du 12 mars 2020, dès lors qu’il apparaît au plus tôt à cette date, cela n’interdira pas de faire remonter la date de cessation des paiements antérieurement, ce que signifie l’expression « sans préjudice des dispositions des deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article L. 631-8 du Code de commerce (N° Lexbase : L7315IZX) ».

    Par conséquent, si l’état de cessation des paiements préexiste au 12 mars 2020, la remontée de date de cessation des paiements sera possible.

    La lettre du texte autorise plus :  le fait que l’état de cessation des paiements est apprécié en considération de la situation du débiteur à la date du 12 mars 2020, sans préjudice des dispositions des deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article L. 631-8 du Code de commerce, autorisera la remontée de la date de cessation des paiements entre le 12 mars 2020 et le 23 août 2020. Les acteurs économiques doivent intégrer cette donnée.

    Ils pourront s’en prémunir en cas de conciliation homologuée, car il ne sera pas possible au tribunal, dans le cadre d’une procédure collective ultérieure, de fixer une date cessation des paiements antérieure à la décision passée en force de chose jugée homologuant l’accord.

    En outre, si une sauvegarde est ouverte malgré la cessation des paiements existant lors de son ouverture, elle ne pourra ultérieurement être convertie en redressement judiciaire au prétexte que la cessation des paiements préexistait, dès lors cette préexistence n’est pas antérieure au 12 mars 2020, faute de quoi le dispositif serait privé de sens.

    De même, si l’état de cessation apparaît en cours de sauvegarde, sa neutralisation par l’ordonnance doit conduire à décider de l’impossibilité de convertir en redressement pour apparition de l’état de cessation des paiements en période d’observation, durant la période comprise entre le 12 mars 2020 et le 23 août 2020.

    Le risque véritable se trouve donc dans la conciliation non homologuée ouverte entre le 12 mars 2020 et le 23 août 2020, suivie d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire.

  • Possibilité d’ouvertures de procédures justifiant l’état de cessation des paiements malgré la neutralisation de l’état de cessation des paiements
  • Le fait que l’état de cessation des paiements soit cristallisé au 12 mars 2020 n’interdit cependant pas, précise 1, I de l’ordonnance, « la possibilité pour le débiteur de demander l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ou le bénéfice d'un rétablissement professionnel ». Cela veut donc dire que le débiteur pourra ainsi solliciter une telle procédure, alors même que, au regard de l’ordonnance, il ne serait pas encore en état de cessation des paiements. Cela lui permettra spécialement la prise en charge des mesures de licenciements économiques par l’AGS.

    Il faut comprendre cependant que le seul acteur de la saisine aux fins d’ouverture d’une procédure collective, pendant cette période de cristallisation de l’état de cessation des paiements au 12 mars 2020, est le débiteur (J. Théron, art. préc., p. 88).

  • Réserve de la fraude
  • L’ordonnance réserve cependant le cas de la fraude, et la possibilité de fixer, en pareil cas, une date de cessation de paiements postérieure.

4. La prolongation de la durée de la période d’observation

E08413NH

  • Prorogation de plein droit de la période d’observation
  • Ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020
    Ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020
    L’article 2, II de l’ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020, modifié par l’article 9 de l’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 dispose que : « Sont prolongés, jusqu’à l’expiration du délai prévu au I, d’une durée de trois mois :
    1° Les durées relatives à la période d’observation
     ».

    Le délai prévu au I est fixé au 23 juin inclus.

    Il faut semble-t-il procéder en deux temps. D’abord comprendre qu’il y a un principe de prolongation, puis qu’il y a place à un délai de prolongation.

    Le principe de prolongation trouvera à jouer « jusqu'au 23 juin 2020 inclus ».  Mais à partir de quand ? Le point de départ de la protection n’est pas précisé.

    Les principes d’application de la loi dans le temps commandent d’appliquer le texte dès son entrée en vigueur, soit le 29 mars 2020 (Pour cette solution, N. Borga, art. préc., n° 18). Cette date est différente de celle retenue par la circulaire d’application, qui regroupe les mesures visées à l’article 2 sous l’expression « mesures qui s’appliquent pendant la période d’état d’urgence sanitaire + un mois - période juridiquement protégée » (Circ. préc., p. 10). La circulaire semble donc retenir la date du 24 mars 2020, date du début de l’état d’urgence sanitaire.

    L’article 2, II de l’ordonnance règle ensuite la question de la durée de la prolongation : trois mois.

    Il faut donc comprendre que, entre le 29 mars 2020 et le 23 juin 2020, la durée de la période d’observation est prolongée de trois mois. Il devra s’agir d’une période d’observation qui expire entre le 29 mars 2020 et le 23 juin 2020.

    On appliquera les règles de computation des délais exprimés en mois (C. proc. civ., art. 641, al. 2 N° Lexbase : L6802H73).

    Prenons maintenant un exemple. La période d’observation prend fin le 15 avril 2020. Le principe de prolongation peut donc s’appliquer. Pour combien de temps ? Pour trois mois. Dans notre exemple, la période d’observation qui prenait fin initialement le 15 avril 2020 est prolongée de plein droit jusqu’au 15 juillet 2020.

    Le pluriel employé par le législateur – « les durées relatives à la période d'observation » – semble autoriser, faute de distinction du texte, la prolongation de la période d’observation des procédures de sauvegardes accélérées. La raison de douter de cette interprétation tient au fait qu’une disposition spéciale régit les sauvegardes accélérées : l’article 3 de l’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020, qui contredit la solution. Au demeurant, elle dénaturerait singulièrement ces procédures de sauvegarde qui n’auraient alors plus rien d’accéléré.

    Le pluriel utilisé par le législateur – « les durées relatives à la période d'observation » – permet en revanche de considérer que la période initiale, la période normalement renouvelée et même la période exceptionnellement renouvelée à la demande du procureur de la République sont toutes prolongées de plein droit.

    Une solution identique est posée pour la durée prévue par l'article L. 661-9 du même code (N° Lexbase : L4175HBA), explicitement visée par l’article 2, II, 1° de l’ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020.

    Selon l’alinéa 1er, de cet article, un nouveau délai de période d’observation peut être accordé par la cour d’appel en cas d’infirmation du jugement d’ouverture et de renvoi de l’affaire devant le tribunal. Cette période ne peut excéder trois mois. Il ne s’agit pas d’une prolongation de la période d’observation déjà écoulée, mais bien d’un délai nouveau

    En outre, selon l’alinéa 2 du même article, la durée de la période d’observation est prolongée jusqu’à l’arrêt de la cour d’appel, en cas d’arrêt de l’exécution provisoire à la suite d’un appel du jugement de liquidation sur conversion, du jugement arrêtant ou rejetant le plan de sauvegarde et de redressement. Dans ces deux hypothèses, la durée de la période d’observation ne sera prolongée que si le premier président de la cour d’appel, saisi d’une demande d’arrêt de l’exécution provisoire, y fait droit.

    Dans ces deux cas, la durée de la période d’observation prorogée ou nouvelle sera prolongée dans les mêmes conditions que ce qui a été précisé ci-dessus.

5. La durée des plans

E08423NI

  • Possibilités d’augmenter la durée des plans de sauvegarde et de redressement
  • Ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020
    Ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020
    La durée des plans de sauvegarde et de redressement, à l’exception de ceux intéressant les exploitations agricoles exploitées sous formes individuelles ou sociétales, est de 10 ans, à moins que ces plans ne soient adoptés après vote des comités de créanciers.

    Les délais de paiement imposés aux créanciers ne peuvent être supérieurs à cette même durée.

    L’article 1, III de l’ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020, dans la rédaction que lui donne l’article 9 de l’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020, dispose que, « s’agissant des plans arrêtés par le tribunal en application des dispositions de l’article L. 626-12 (N° Lexbase : L8804LQ7) ou de l’article L. 631-19 (N° Lexbase : L8856I3E) du Code de commerce :
    1° Jusqu’à l’expiration du délai prévu au I, le président du tribunal, statuant sur requête du commissaire à l’exécution du plan, peut prolonger ces plans dans la limite d’une durée de cinq mois. Sur requête du ministère public, la prolongation peut toutefois être prononcée pour une durée maximale d’un an
     ».

    Jusqu’à l’expiration du délai prévu au I, cela signifie jusqu’au 23 août 2020.

    Faute de texte contraire, le point de départ de la protection doit être celui de la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance du 27 mars 2020, soit le 29 mars 2020 (Pour cette solution, N. Borga, art. préc., n° 18). Par conséquent, le principe de prolongation s’appliquera, à notre sens, entre le 29 mars 2020 et le 23 août 2020.

    La circulaire d’application de l’ordonnance a une interprétation différente. Elle regroupe en effet les mesures visées à l’article 1 sous l’expression « mesures qui s’appliquent pendant la période d’état d’urgence sanitaire et s’étendent trois mois après sa cessation » (Circ. préc., p. 8). Par conséquent, le début de la protection serait fixé au 24 mars 2020.

    Le texte entend préciser la durée de la protection : dans la limite d’une durée de cinq mois.

    On appliquera les règles de computation des délais exprimés en mois (C. proc. civ., art. 641, al. 2 N° Lexbase : L6802H73).

    Prenons maintenant un exemple. Le plan prend fin le 15 avril 2020. Le principe de prolongation peut donc s’appliquer. Pour combien de temps ? 5 mois. Dans notre exemple, le plan qui prenait fin le 15 avril 2020 peut être prolongé jusqu’au 15 septembre 2020.

    Cette prorogation de la durée du plan emporte, ipso facto, prolongation, à due concurrence, de la durée de la mission du commissaire à l’exécution du plan.

    Cette prolongation de la durée du plan n’intervient pas de plein droit.

    Pour l’obtenir, il faudra, avant le 23 août 2020, saisir la juridiction. Pour tenir compte des contraintes liées à l’urgence sanitaire, il n’y aura pas lieu de saisir le tribunal, mais seulement, par requête, le président du tribunal. Cette saisine devra être l’œuvre du commissaire à l’exécution du plan.

    La durée du plan, fixée par le tribunal, peut aussi être prolongée pour une durée maximale d'un an. La saisine, non du tribunal, mais de son président, devra ici encore intervenir avant le 23 août 2020. Elle prendra la forme d’une requête, qui ne pourra émaner que du ministère public. La solution rappelle le renouvellement exceptionnel de la période d’observation.

    Le législateur a enfin prévu une possibilité de prorogation sollicitée après le 23 août 2020. En ce cas, l’article 1er, III, de l’ordonnance n° 2020-341, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020, dispose que « 2° Après l'expiration du délai prévu au I, et pendant un délai de six mois, sur requête du ministère public ou du commissaire à l'exécution du plan, le tribunal peut prolonger la durée du plan pour une durée maximale d'un an ».

    La prolongation du délai du plan pourra être sollicitée pendant un délai de six mois à compter du 23 août 2020, soit jusqu’au 23 février 2021. La prorogation de la durée du plan sera possible pour une année au maximum. Cette prorogation sera demandée, par requête, par le commissaire à l’exécution du plan ou par le ministère public.

  • Effets de la prolongation de la durée du plan sur les dividendes
  • Ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020
    La prolongation des plans a été explicitée par la circulaire (Circ. préc., p. 9). Elle justifiera un rééchelonnement des échéances prévues par le plan, exigibles après la date de la décision de prolongation du plan ou après le 12 mars 2020, sans avoir besoin d’utiliser la technique de la modification substantielle dans les moyens du plan, qui reste exploitable.

    Ainsi, en présence d’un plan adopté pour dix ans, qu’il reste trois dividendes linéaires à payer, si le débiteur obtient un allongement d’un an, il pourra payer un quart de ce qui reste dû chaque année au lieu d’un tiers. Il y a donc un rééchelonnement de la dette. En termes de trésorerie, l’impact de la mesure pour le débiteur sera d’autant plus important que le nombre de dividendes restant à payer est faible.

    En revanche, l’allongement de la durée du plan sur le fondement de l’article 1, III de l’ordonnance du 27 mars 2020 ne permet pas, nous semble-t-il, de reporter le paiement des dividendes du plan. Pour l’obtenir, le débiteur devra solliciter une modification substantielle dans les moyens du plan.

    Prendre en urgence des mesures pour sauver les entreprises en difficulté n’est pas chose simple. Nous avons déjà pu constater la multiplicité de lectures de l’ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020. A chaque lecteur, sa lecture. Gageons donc que le présent commentaire pourrait en susciter de nombreux autres…

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