ETUDE : Covid-19 et la protection sociale complémentaire en 10 questions-réponses * Mise à jour le 22.06.2020
E64363LX
avec cacheDernière modification le 06-11-2020
Indépendamment des difficultés qu’elle pose sur les plans humain, économique et social, la pandémie confronte les entreprises à des situations qu’elles n’avaient pas l’habitude d’appréhender. Les mesures exceptionnelles mises en œuvre dans les semaines qui ont précédé l’état d’urgence sanitaire et depuis sa déclaration, l’activité partielle retenue à grande échelle par de très nombreux secteurs d’activité amènent à s’interroger sur le sort des dispositifs et des avantages de protection sociale en cette période. Pour faciliter la lecture de cette chronique, une présentation sous forme de questions/réponses a été retenue ?
E07973NT
E64373LY
Aucune disposition légale ou réglementaire, ni aucune doctrine administrative de droit du travail, ne traite du sort des régimes de protection sociale pendant la suspension du contrat de travail pour activité partielle. La seule obligation légale concerne la couverture « frais de santé » minimale à tous ses salariés, sans aucune distinction selon le statut de leur contrat de travail (CSS, art. L. 911-7). Nombre d’obligations conventionnelles (de branche ou d’entreprise) de prévoyance « lourde », n’évoque pas davantage le cas particulier des salariés dont le contrat de travail est suspendu, quelle qu’en soit la cause. Pour autant, les principes de non-discrimination suivant la nature du contrat de travail devraient conduire à organiser la couverture des salariés en activité partielle.
D’ailleurs, les règles d’exonération de cotisations sociales du financement patronal des régimes collectifs et obligatoires de protection sociale complémentaire se sont toujours intéressées à la suspension du contrat de travail lorsque les salariés continuent à être rémunérés en tout ou partie par l’employeur durant cette période (CSS, art. L. 242-1, II, 4°).Précisions
La circulaire de la Direction sociale (DSS) n°DSS/5B/2009/32 du 30 janvier 2019 (N° Lexbase : L93841CK) précise (fiche n°7) que :
« Le bénéfice des garanties mises en place dans l’entreprise doivent être maintenues au profit des salariés dont le contrat de travail est suspendu pour la période au titre de laquelle ils bénéficient :
- Soit d’un maintien, total ou partiel, de salaire ;
- Soit d’indemnités journalières complémentaires financées au moins pour partie par l’employeur, qu’elles soient versées directement par l’employeur ou pour son compte par l’intermédiaire d’un tiers.
La contribution de l’employeur, calculée selon les règles applicables à la catégorie de personnes dont relève le salarié, doit être maintenue pendant toute la période de suspension du contrat de travail indemnisée (sauf si le système prévoit un maintien de la garantie à titre gratuit)
Le salarié dont le contrat de travail est suspendu doit acquitter la part salariale de la cotisation, calculée selon les règles prévues par le régime (sauf si la garantie est maintenue à titre gratuit) ».
Dans une lettre-circulaire « questions-réponses » n° 2011-036 du 24 mars 2011 (certes dépourvue de valeur contraignante), l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (ACOSS) avait directement visé la « suspension du contrat de travail […] en cas de chômage partiel » (devenu activité partielle en 2013) parmi les cas de suspension du contrat de travail indemnisée par l’employeur devant donner lieu à maintien des garanties complémentaires sous peine de remise en cause du caractère collectif et obligatoire du régime (Q/R n° 48).
D’une manière générale, l’ACOSS avait énoncé que la suspension indemnisée du contrat de travail « vise les salariés dont le contrat de travail est suspendu, quelle qu’en soit la cause, raison médicale ou autre, et bénéficiant de la part de l’employeur d’un revenu, quelle qu’en soit la nature (revenu d’activité ou de remplacement). »
La réponse à cette première question doit donc être positive.
E64383LZ
Un grand nombre de contrats d’assurance détermine la cotisation due en pourcentage de la rémunération de chaque salarié (ce qui est toujours le cas en matière de prévoyance « lourde »), assujettie à cotisation sociales par référence à l’article L. 242-1 du Code de la Sécurité sociale. C’est moins fréquent pour les cotisations destinées à financer les couvertures « frais de santé » où la cotisation est le plus souvent forfaitaire (déterminée en pourcentage du plafond mensuel de la Sécurité sociale) et reste ainsi due quelle que soit la nature de la rémunération. Or, par application des articles L. 5122-4 (N° Lexbase : L0693IXX), L. 5422-10 (N° Lexbase : L0232LMK) et L. 5428-1 (N° Lexbase : L0257LMH) du Code du travail, l’indemnité d’activité partielle étant exclue de l’assiette des cotisations de Sécurité sociale définie à l’article L. 242-1 du Code de la Sécurité sociale, elle n’entre corrélativement pas dans l’assiette des cotisations d’assurance aux termes mêmes du contrat.
A savoir. En application stricte des stipulations contractuelles, les entreprises ne sont donc pas tenues de verser de cotisations sur les indemnités d’activité partielle en raison d’une assiette nulle, à tout le moins lorsque le passage en activité partielle est total. Dans le cadre de leurs obligations d’information et de conseil, les organismes assureurs doivent garantir à leurs entreprises clientes la conformité de leurs contrats aux règles d’exonération de cotisations sociales. Il convient donc d’amender les contrats pour autoriser la cotisation au moins sur l’indemnité versée au salarié au titre de l’activité partielle. |
A l’avenir, cette hypothèse devrait à notre sens être envisagée dans les conditions générales de ces contrats. La question ne se posera pas si les salaires pris en compte sont définis par référence au revenu imposable, l’indemnité d’activité partielle restant soumise à l’impôt.
E64393L3
En pareille hypothèse, la modification du contrat d’assurance devrait donc suffire. Par ailleurs, les contrats de travail disposent souvent que le salarié bénéficiant du statut collectif en vigueur dans l’entreprise accepte le précompte des cotisations correspondantes. En revanche, pour les entreprises qui souhaitent maintenir une cotisation sur une assiette reconstituée, notamment afin d’éviter toute diminution de prestations, la rédaction d’un avenant à l’acte de mise en place pourrait être recommandée, sous réserve du risque URSSAF que cela pourrait soulever si tous les salariés ne sont pas en activité partielle totale.
E64403L4
E64413L7
L’article L. 3232-3 du Code du travail dispose : « La rémunération mensuelle minimale est égale au produit du montant du salaire minimum de croissance tel qu'il est fixé en application des articles L. 3231-2 à L. 3231-12, par le nombre d'heures correspondant à la durée légale hebdomadaire pour le mois considéré. Elle ne peut excéder, après déduction des cotisations obligatoires retenues par l'employeur, la rémunération nette qui aurait été perçue pour un travail effectif de même durée payé au taux du salaire minimum de croissance. »
A notre sens, les cotisations complémentaires rendues obligatoires par l’entreprise elle-même ou par accord collectif, tant en santé et prévoyance doivent également être déduites. Le législateur n’a en effet pas limité la notion de cotisations obligatoires à celles qui sont d’origine légale. Il n’y aura dès lors pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas. Retenir une autre solution conduirait le salarié à percevoir un salaire net plus important que s’il avait travaillé.
E64423L8
Cas de figure | Nature de l'arrêt | Verseme IJSS | Versement complémentaire (C. trav., art. L. 1226-1 N° Lexbase : L8858KUM). |
Salarié malade | Arrêt maladie classique | Oui, dès le premier jour d'arrêt. |
Arrêt de travail du 12 mars au 23 mars 2020 : Oui, sans condition d'ancienneté, mais avec un délai de carence de 3 jours. Arrêt de travail à compter du 24 mars jusqu'au 24 mai 2020 : Oui, sans condition d'ancienneté, ni de délai de carence. |
Salarié non malade mais en isolement | Arrêt de travail dérogatoire |
Oui, dès le premier jour d'arrêt. Pendant 20 jours. |
Oui, sans condition d'ancienneté, ni de délai de carence si en cours au 12 mars 2020 ou ayant pris effet après. |
Salarié non malade devant gardé un enfant de moins de 16 ans suite à la fermeture d'un établissement scolaire | Arrêt de travail dérogatoire |
Oui, dès le premier jour d'arrêt initialement pendant 14 jours, puis pour la durée de fermeture de l'établissement scolaire. Jusqu'au 30 avril 2020 (sous réserve de l'adoption définitive du PLF rectificatif). |
Oui, sans condition d'ancienneté, ni de délai de carence si en cours au 12 mars 2020 ou ayant pris effet après. Pour la durée de la fermeture de l'établissement scolaire jusqu'au 30 avril 2020. A partir du 1er mai, prise en charge au titre de l'activité partielle (sous réserve de l'adoption définitive du PLF rectificatif). |
Salarié non malade devant gardé un enfant handicapé entre 16 et 18 ans suite à la fermeture de son établissement scolaire | Arrêt de travail dérogatoire |
Oui, dès le premier jour d'arrêt initialement pendant 14 jours, puis pour la durée de fermeture de l'établissement scolaire. Jusqu'au 30 avril 2020 (sous réserve de l'adoption définitive du PLF rectificatif). |
Oui, sans condition d'ancienneté, ni de délai de carence si en cours au 12 mars 2020 ou ayant pris effet après. Pour la durée de la fermeture de l'établissement scolaire jusqu'au 30 avril 2020. A partir du 1er mai, prise en charge au titre de l'activité partielle (sous réserve de l'adoption définitive du PLF rectificatif). |
Salarié non malade présentant un « risque élevé » | Arrêt de travail dérogatoire |
Oui, dès le premier jour d'arrêt. Jusqu'au 30 avril 2020 (sous réserve de l'adoption définitive du PLF rectificatif). |
Oui, sans condition d'ancienneté, ni de délai de carence jusqu'au 30 avril 2020. A partir du 1er mai, prise en charge au titre de l'activité partielle (sous réserve de l'adoption définitive du PLF rectificatif). |
L’indemnisation due au titre des arrêts dérogatoires (attention aux dispositions conventionnelles pour les arrêts maladie) est de 90 % de la rémunération brute que le salarié aurait perçue s'il avait continué à travailler pour toute la durée de l’arrêt (CSS, art. D. 1226-4 N° Lexbase : L2559IAZ, mod. par l’art. 1er, 2° du décret n° 2020-434 du 16 avril 2020). Cela ne vaut que pour les salariés qui seraient normalement au travail. Si l’entreprise a sollicité le recours à l’activité partielle, le salarié en arrêt dérogatoire devrait cesser d’être pris en charge à compter de la prise d’effet de l’activité partielle et être indemnisé à ce titre pour la période restant à courir.
E65193LZ
E65203L3
Les organismes assureurs ne sont tenus d’intervenir que pour les arrêts de travail liés à la maladie ou à l’accident. La prise en charge d’autres types d’arrêts n’est jamais prévue par les contrats de protection sociale. Il en est de même s’agissant des contrats dits de « mensualisation » qui prennent en charge tout ou partie du maintien de salaire dû aux salariés par l’employeur en cas de maladie ou d’accident. Les dispositions du contrat et notamment les délais de franchise prévus qui peuvent être plus ou moins longs seront respectés. Face à la situation exceptionnelle, les organismes assureurs ont cependant pris un certain nombre d’engagements indépendamment des dispositions contractuelles notamment pour la prise en charge des arrêts Covid-19 des personnes vulnérables et sous conditions qu’ils soient intervenus avant la décision du confinement généralisé, et pour un certain nombre d’entre eux, des arrêts liés à la garde d’enfants. Des engagements complémentaires ont été annoncés dans certaines branches professionnelles qui ont procédé à des recommandations d’organismes.
A savoir. Il est essentiel que chaque employeur interroge son organisme assureur et construise, avec lui, le régime indemnitaire de ses salariées en fonction de la situation totalement inédite |
E65363LN
L’activité partielle ne crée aucun droit à la retraite à la date du 22 avril 2020. Des dispositions de solidarité sont néanmoins prévues.
• pour la retraite de base du régime général, le mécanisme de « périodes assimilées » prévu aux articles L. 351-3 et R. 351-12 du Code de la Sécurité sociale permet la validation d’un trimestre par tranche de 50 jours d’indemnisation au titre de l’activité partielle, comme toujours dans la limite de quatre trimestres par an. Ces trimestres sont pris en compte pour l’atteinte du taux plein et pour le coefficient de proratisation. En revanche, l’indemnité d’activité partielle n’est pas intégrée au salaire annuel moyen pour le calcul des 25 meilleures années.
• pour la retraite complémentaire AGIRC-ARRCO, les heures indemnisées au titre de l’activité partielle au-delà de 60 heures par an donnent lieu à l’attribution de points « gratuits » en application de l’article 67 de l’ANI de 2017. Ces points sont calculés en majorant les rémunérations perçues pendant l’année par un coefficient tenant compte du nombre d’heures, au-delà de 60, ayant été indemnisés au titre de l’activité partielle. La majoration de rémunération ainsi obtenue est ensuite multipliée par le taux contractuel de cotisation, puis le résultat est divisé par la valeur d’achat du point de l’année considérée.Précisions
Pour la retraite supplémentaire, l’indemnité d’activité partielle peut rester soumise aux conditions de retraite supplémentaire au même titre que les autres cotisations de protection sociale liée à la couverture santé ou à la prévoyance. Il conviendra de se reporter aux dispositions de l’acte du droit du travail encadrant les garanties et au contrat d’assurance ou au plan d’épargne retraite (voir la question 2).
E65383LQ
Indépendamment de la disponibilité des équipements ou encore de tests de dépistage fiables, ces derniers feront-ils l’objet d’une prise en charge par l’assurance maladie et par les complémentaires santé ? A notre sens, les masques ou le gel hydroalcoolique ne le devraient pas. Ils ne l’avaient pas été lors de la grippe H1N1. Qu’en sera-t-il des tests ? Pour l’instant, les tests (au moins les tests PCR (réaction en chaîne par polymérase), les tests sérologiques étant toujours en phase d’évaluation) pour être pratiqués doivent être prescrits par un médecin. Ils sont alors remboursés par l’assurance maladie et donc, par les complémentaires santé qui doivent prendre en charge dans le cadre du contrat responsable le ticket modérateur. S’ils sont généralisés ou demandés par les salariés avant de reprendre le travail, qu’en sera-t-il ? A ce stade, il est difficile de le prévoir.
A crise d’envergure, mesures exceptionnelles et évolutives pour s’adapter au plus près des besoins et des attentes exprimées par la société civile, les entreprises, les salariés ou leurs représentants. Être en veille constante sur ces sujets restera indispensable pendant encore de nombreuses semaines, voire de nombreux mois.
Utilisation des cookies sur Lexbase
Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.
Parcours utilisateur
Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.
Données analytiques
Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.