ETUDE : Les relations collectives de travail dans l’entreprise à l’épreuve du Covid-19 * Mise à jour le 18.06.2020

ETUDE : Les relations collectives de travail dans l’entreprise à l’épreuve du Covid-19 * Mise à jour le 18.06.2020

E64323LS

sans cacheDernière modification le 23-12-2020

Plan de l'étude

  1. Introduction
  2. Le droit de la représentation du personnel
  3. Le droit de la négociation collective

1. Introduction

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  • ⇒ Cette étude a été réalisée sur la base d'un article rédigé par Gilles Auzero paru dans la revue Lexbase, éd. sociale, n° 821 du 23 avril 2020 (N° Lexbase : N3014BYB). Elle a fait l'objet d'une mise à jour à la date du 18 juin 2020.
  • Ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020
     

    Confinés chez eux en raison de l’épidémie de Covid-19, certains salariés continuent, tant bien que mal, à assurer leurs fonctions à distance au moyen du télétravail, tandis que d’autres sont contraints d’être en activité partielle. Il convient de ne pas oublier ceux qui, avec un courage certain, continuent d’occuper leur poste de travail. Il en résulte un paysage contrasté, dans lequel des entreprises se trouvent complètement à l’arrêt, alors que d’autres fonctionnement de manière (quasiment) normale ou avec une partie seulement de leur personnel. De ce fait, les relations collectives de travail n’ont pas plus cessé avec la proclamation de l’état d’urgence sanitaire. Sans doute ne se nouent-elles plus nécessairement dans l’enceinte physique de l’entreprise, mais elles restent vivaces.

     

    Ainsi, les représentants du personnel peuvent continuer à exercer leur mandat au service de l’intérêt collectif des salariés dont ils ont la charge. Le fait qu’ils puissent être en activité partielle n’y change rien, puisque seul leur contrat de travail est alors suspendu et non leur mandat. Par suite ils sont, le cas échéant, en droit d’user de leurs heures de délégation. Si tout cumul de l’indemnité d’activité partielle et du salaire est exclu, on peut penser qu’au titre de ses heures de délégation le représentant du personnel doit percevoir sa rémunération habituelle étant rappelé que, par l’effet de la loi, « le temps passé en délégation est de plein droit considéré comme temps de travail ».

     

    En lien avec l’action des représentants du personnel, c’est aussi la négociation collective qui peut avoir lieu durant l’état d’urgence sanitaire. A l’évidence, cette période n’est pas propice à l’engagement d’une telle négociation. Mais, on est tenté de dire que l’employeur peut ne pas avoir le choix. A cet égard, on se bornera à rappeler que l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 portant mesures d'urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos dispose qu’un accord d'entreprise, ou, à défaut, un accord de branche peut déterminer les conditions dans lesquelles l'employeur est autorisé, dans la limite de six jours de congés et sous réserve de respecter un délai de prévenance qui ne peut être réduit à moins d'un jour franc, à décider de la prise de jours de congés payés acquis par un salarié, y compris avant l'ouverture de la période au cours de laquelle ils ont normalement vocation à être pris, ou à modifier unilatéralement les dates de prise de congés payés.

     

    On l’aura donc compris, l’état d’urgence sanitaire n’a pas mis un terme aux relations collectives dans l’entreprise. Mais encore fallait-il, compte tenu des circonstances exceptionnelles que nous traversons, que leur régime juridique soit quelque peu adapté. Le « législateur » s’y est employé, que ce soit du point de vue du droit de la représentation du personnel ou du droit de la négociation collective.

2. Le droit de la représentation du personnel

E64343LU

La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 a, entre autres dispositions, autorisé la Gouvernement « à prendre par ordonnances, dans un délai de trois mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure, pouvant entrer en vigueur, si nécessaire, à compter du 12 mars 2020, relevant du domaine de la loi » (art. 13). De manière plus précise, la loi précitée permettait, notamment, de « modifier les modalités d'information et de consultation des instances représentatives du personnel, notamment du comité social et économique, pour leur permettre d'émettre les avis requis dans les délais impartis, et de suspendre les processus électoraux des comités sociaux et économiques en cours ». Fort de cette habilitation, le Gouvernement a adopté l’ordonnance n° 2020-389 du 23 mars 2020, portant mesures d'urgence relatives aux instances représentatives du personnel.

  • Les processus électoraux
  • Art. L2314-4, Code du travail
    LOI n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 (1)Afficher plus (1)
    ⇒ Suspension et report

     

    En application de l’article L. 2314-4 du Code du travail, lorsque le seuil de onze salariés a été franchi pendant douze mois consécutifs, l’employeur informe le personnel tous les quatre ans de l’organisation des élections par tout moyen permettant de conférer date certaine à cette information. Le document diffusé précise la date envisagée pour le premier tour, qui doit se tenir, au plus tard, le quatre-vingt-dixième jour suivant la diffusion.

     

    Ainsi que le précise l’article 1er, I, de l’ordonnance n° 2020-389 du 1er avril 2020 portant mesures d'urgence relatives aux instances représentatives du personnel, lorsque l'employeur a engagé la procédure définie à l'article précitée avant la date d'entrée en vigueur de la présente ordonnance, « leprocessus électoral en cours est suspendu à compter du 12 mars 2020 jusqu'à une date fixée à trois mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré en application de l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée et, le cas échéant, prorogé sur le fondement des articles L. 3131-12 N° Lexbase : L5643LWW à L. 3131-14 N° Lexbase : L8569LWB du Code de la santé publique ». Suspendu rétroactivement à compter du 12 mars 2020, le processus électoral n’est donc appelé à reprendre vigueur qu’à compter du 25 août 2020. Il se peut toutefois que l’état d’urgence soit prorogé voire, mais cela ne semble guère envisageable au moment où ces lignes sont écrites, interrompu avant le terme initialement fixé.

     

    L’hypothèse de la suspension doit être distinguée du report. Celui-ci concerne la situation dans laquelle l’obligation pesant sur l’employeur d’engager le processus électoral naît après l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 1er avril 2020. L’article 2 de l’ordonnance indique que le processus électoral est engagé par l’employeur « dans les trois mois qui suivent la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire ». Ce report s’applique plus précisément lorsque, postérieurement au 3 avril 2020 :

    • le seuil de onze salariés est atteint (C. trav., art. L. 2311-2 N° Lexbase : L8241LGC) ;

    • un salarié ou une organisation syndicale demande l’organisation des élections (C. trav., art. L. 2314-8 N° Lexbase : L0987LTQ) ;

    • l’employeur est tenu d’organiser des élections partielles (C. trav., art. L. 2314-10 N° Lexbase : L8500LGW).

     

    S’agissant des élections partielles, il y a lieu de noter que, par dérogation à l'article L. 2314-10 du Code du travail, lorsque le mandat des membres de la délégation du personnel du comité social et économique expire moins de six mois après la date de fin de la suspension du processus électoral, il n'y a pas lieu à l'organisation de ces élections, que le processus électoral ait été engagé ou non avant ladite suspension (art. 4).

  • ⇒ Les modalités de la suspension des élections

     

    Selon l’article 1er de l’ordonnance du 1er avril 2020, la suspension affecte « les délais impartis à l'employeur par les articles L. 2314-4, L. 2314-5, L. 2314-8 et L. 2314-29 du Code du travail ». S’agissant de l’article L. 2314-4 du Code du travail (N° Lexbase : L8506LG7) précédemment évoqué, la suspension ne concerne que l’obligation d’information de l’employeur et l’organisation du premier tour des élections. Cela suppose donc, par hypothèse, que la condition d’effectif ait été atteinte au moment de la suspension. Par suite, et ainsi que l’a relevé à juste titre un auteur, « la diminution des effectifs pendant les mois d'urgence sanitaire (provoquée par le non-renouvellement des contrats à durée déterminée notamment) n'a donc pas d'incidence sur l'obligation d'organiser l'élection ».

     

    Vont également être suspendus les délais visés par l’article L. 2314-5 du Code du travail (N° Lexbase : L8505LG4), en l’occurrence :

    • le délai de deux mois avant l’expiration du mandat des délégués en exerce imparti pour inviter les organisations syndicales à la négociation du protocole préélectoral ;

    • le délai de 15 jours pour organiser le premier tour des élections ;

    • le délai de 15 jours au terme duquel l’invitation à négocier doit être parvenue aux organisations syndicales.

     

    Les délais prévus par l’article L. 2314-8 (N° Lexbase : L0987LTQ) intéressent l’engagement du processus électoral à la demande d’un salarié ou d’un syndicat (1 mois à compter de la réception de la demande) et l’obligation pour l’employeur d’engager ce même processus après qu’un procès-verbal de carence a été établi (six mois après l’établissement du PV). Est enfin visé, et donc suspendu, le délai de 15 jours entre les deux tours des élections (C. trav., art. L. 2314-29 N° Lexbase : L8481LG9). L’ordonnance précise à cet égard que « lorsqu'elle intervient entre la date du premier tour et la date du second tour des élections professionnelles, la suspension du processus électoral prévue au I n'a pas d'incidence sur la régularité du premier tour » (art. 1er, II). Le premier tour étant régulier, la représentativité des organisations syndicales pourra être déterminée, que le quorum ait été atteint ou pas. Il reste à savoir si les syndicats représentatifs pourront désigner des délégués syndicaux sans attendre.

     

    La suspension du processus électoral n'aura pas plus d'incidence sur la régularité du premier ou du second tour des élections professionnelles, lorsque ceux-ci se sont déroulés entre le 12 mars 2020 et la date d'entrée en vigueur de l’ordonnance. Dès lors que seul le premier tour a été organisé et qu’un second est nécessaire, celui-ci aura lieu à une date relativement éloignée. Aussi, l’ordonnance prend-elle soin de préciser que les conditions d'électorat et d'éligibilité s'apprécient à la date d'organisation de chacun des tours du scrutin. Il conviendra donc, le cas échéant, de réviser les listes électorales.

  • Ordonnance n° 2020-737 du 17 juin 2020
    ⇒ Possibilité pour l'employeur d'anticiper la reprise des processus électoraux

     

    L'ordonnance n° 2020-737 du 17 juin 2020, modifiant les délais applicables à diverses procédures en matière sociale et sanitaire afin de faire face aux conséquences de la propagation de l'épidémie de covid-19 prévoit également que l'employeur peut anticiper la reprise des processus électoraux, actuellement suspendus depuis le 12 mars 2020 et jusqu'au 31 août 2020 inclus, dans le respect des préconisations sanitaires destinées à protéger la santé des personnes. Il peut en fixer alors la date entre le 3 juillet et le 31 août 2020.

     

    Dans ce cas, il doit en informer les salariés, les organisations syndicales et, lorsqu’elle a été saisie, l’autorité administrative, quinze jours au moins avant la date fixée pour la reprise.

     

    A défaut, le processus reprend le 1er septembre 2020.

  • Ordonnance n° 2020-389 du 1er avril 2020
    ⇒ Recours administratifs et judiciaires

    L’ordonnance vient suspendre divers délais dans lesquels l'autorité administrative et le juge judiciaire doivent être saisis d'éventuelles contestations ainsi que les délais dont dispose l’autorité administrative pour rendre ses décisions. Sont concernées les contestations relatives à la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts, que cette détermination soit intervenue dans une entreprise ou une unité économique et sociale, et les contestations relatives à la répartition du personnel dans les collèges électoraux et la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel.

     

    ⇒ Formalités accomplies entre le 12 mars et le 3 avril 2020

    L’ordonnance sous examen étant entrée en vigueur le 3 avril 2020, il est tout à fait possible que, pour reprendre les termes de ladite ordonnance, certaines « formalités » prescrites par des dispositions légales aient été accomplies entre le 12 mars et le 3 avril. De manière opportune, l’ordonnance vient préciser que : « la suspension du processus électoral prend effet à compter de la date la plus tardive à laquelle il a été fait application de l'une de ces dispositions ». Cette disposition a pour effet, outre d’assurer la validité des « formalités » en cause, de déplacer le point de départ de la période de suspension. Mais, de notre point de vue, son terme est le même, à savoir et comme il a été dit précédemment, trois mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire.

     

    En bonne logique, l’ordonnance prévoit, par ailleurs, que lorsque l'autorité administrative a été saisie d’un recours après le 12 mars 2020, en application des articles R. 2313-1 (N° Lexbase : L0617LIP), R. 2313-2 (N° Lexbase : L4713LTQ), R. 2313-4 (N° Lexbase : L0497LIA), R. 2313-5 (N° Lexbase : L4715LTS) et R. 2314-3 (N° Lexbase : L4718LTW) du Code du travail, le délai dont elle dispose pour se prononcer commence à courir à la date de fin de la suspension du processus électoral. De même, lorsque l'autorité administrative s'est prononcée après le 12 mars 2020, en application des mêmes textes, le délai de recours contre sa décision commence à courir à la date de fin de la suspension du processus électoral.

  • ⇒ Prorogation des mandats et protection des représentants du personnel

     

    Compte tenu des suspensions et reports dont il a été fait précédemment état, les mandats des représentants élus des salariés en cours au 12 mars 2020 ne pourront pas, en principe, être renouvelés à la date prescrite ordinairement. Aussi, l’article 3 de l’ordonnance prend-il soin de rappeler que « ces mandats sont prorogés jusqu'à la proclamation des résultats du premier ou, le cas échéant, du second tour des élections professionnelles ». Il est regrettable que l’ordonnance n’ait pas envisagé le mandat des représentants syndicaux. On sait toutefois que, s’agissant du délégué syndical, son mandat prend fin « au plus tard lors du premier tour des élections de l’institution représentative du personnel renouvelant l’institution dont l’élection avait permis de reconnaître la représentativité de l’organisation syndicale » (C. trav., art. L. 2143-11 N° Lexbase : L6613IZX).

     

    Par suite, il faut certainement considérer que tant que le premier tour n’a pas eu lieu, par l’effet de la suspension ou du report du processus électoral, son mandat est automatiquement prorogé. Mais, sans doute faut-il alors admettre que, si le premier tour a bien eu lieu et que seul est reporté dans le temps le second tour, le mandat a pris fin. Les mêmes considérations valent pour le représentant de la section syndicale dont le mandat prend fin, « à l’issue des premières élections professionnelles suivant sa désignation » (C. trav., art. L. 2142-1-1 N° Lexbase : L6225ISD). S’agissant du représentant syndical au comité social et économique, son sort doit suivre celui des représentants élus. Assurer la prorogation de leur mandat revient à assurer la pérennité de l’instance dont ils font partie et, par là-même, le mandat des représentants syndicaux. Notons enfin que l’article 3 de l’ordonnance vient garantir le statut protecteur des représentants du personnel nonobstant les dispositions relatives à la suspension et au report.

  • La consultation du comité social et économique
  • Ordonnance n° 2020-389 du 1er avril 2020
    Décret n° 2020-419 du 10 avril 2020
    ⇒ Dispositions générales

     

    Dans la mesure où, pour d’évidentes raisons, les réunions du CSE ne peuvent plus se tenir de manière normale, l’ordonnance du 1er avril ouvre la voie à des réunions « à distance », de nature à permettre à l’institution représentative en cause de remplir son rôle. On ne sera pas surpris qu’il soit, à cet égard, prévu d’avoir recours à la visioconférence que le Code du travail envisage d’ores et déjà. En effet, la loi permet le recours à cette technique pour les réunions du CSE, du CSE central d’entreprise, du comité de groupe, ainsi que du comité d’entreprise européen et du comité de la société européenne. Il ne peut être autorisé, de façon générale, que par accord entre l’employeur et les membres élus de ces comités. En l’absence d’accord, ce recours est limité à trois réunions par année civile.

     

    En application de l’article 6 de l'ordonnance n° 2020-389 du 1er avril 2020 portant mesures d'urgence relatives aux instances représentatives du personnel du 1er avril 2020, « par dérogation aux dispositions des articles L. 2315-4 et L. 2316-16 du Code du travail, le recours à la visioconférence est autorisé pour l'ensemble des réunions du comité social et économique et du comité social et économique central, après que l'employeur en a informé leurs membres ». Le texte ne renvoyant qu’aux articles L. 2315-4 (N° Lexbase : L8518LGL) et L. 2316-16 (N° Lexbase : L8423LG3), la dérogation ne paraît de prime abord ne concerner que le CSE et le CSE central d’entreprise. Il n’en est en réalité rien puisque ce même article 6 précise subséquemment que « le recours à la visioconférence est autorisé dans les mêmes conditions pour l'ensemble des réunions des autres instances représentatives du personnel régies par les dispositions du Code du travail ». Il est donc aussi permis de déroger aux articles L. 2334-2 (N° Lexbase : L5582KGT), L. 2341-12 (N° Lexbase : L5434KGD) et L. 2353-27-1 (N° Lexbase : L5435KGE). Au-delà, la visioconférence pourra être mobilisée afin de voir et entendre les membres de la commission santé, sécurité et conditions de travail, les représentants de proximité, les délégués syndicaux, etc.

     

    L’ordonnance permet également de recourir à la conférence téléphonique, pour l'ensemble des réunions des instances représentatives du personnel régies par les dispositions du Code du travail, après que l'employeur en a informé leurs membres. Faute pour l’ordonnance d’en disposer différemment, la conférence téléphonique peut tout à fait être substituée et/ou préférée à la visioconférence au choix, peut-on le penser, de l’employeur. En revanche, et sauf si un accord collectif le prévoit, il ne peut être fait usage de la messagerie instantanée qu’en cas d'impossibilité de recourir à la visioconférence ou à la conférence téléphonique.

    Les modalités concrètes du recours à la conférence téléphonique et à la messagerie instantanée sont fixées par le décret n° 2020-419 du 10 avril 2020 relatif aux modalités de consultation des instances représentatives du personnel pendant la période de l'état d'urgence sanitaire qui exige notamment que le dispositif technique garantisse l'identification des membres de l’instance représentative du personnel, ainsi que leur participation effective en assurant la retransmission continue et simultanée du son des délibérations ou la communication instantanée des messages écrits au cours des délibérations. Dans tous les cas, lorsqu'il est procédé à un vote à bulletin secret, le dispositif de vote mis en œuvre doit répondre aux conditions prévues au troisième alinéa de l'article D. 2315-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0500LID).

  • Ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020
    ⇒ Dispositions particulières

     

    Sans qu’il soit nécessaire de s’appesantir sur la question, on rappellera que l’ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020, portant mesures d'urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos a autorisé l’employeur à déroger au droit commun en ces matières, soit qu’il s’agisse d’imposer des jours de repos aux salariés, d’écarter les durées maximales de travail ou encore la règle du repos hebdomadaire. A n’en point douter, ces dérogations doivent être soumises pour avis au comité social et économique. Une telle procédure était toutefois difficile à concilier avec l’urgence présidant à l’adoption et à la mise en œuvre de ces mesures. Aussi, sans exclure l’intervention du comité social et économique, le « législateur » l’a-t-il aménagée. On devine sans peine qu’a principalement été écartée l’obligation faite à l’employeur de consulter le comité avant d’arrêter sa décision.

    Confirmation en est donnée par l’article 7 de l’ordonnance du 1er avril 2020, qui vient ajouter un alinéa à l’article 5 de l’ordonnance du 25 mars 2020. Selon ce texte, « l'employeur qui use de la faculté offerte aux articles 2, 3 ou 4 de la présente ordonnance en informe le comité social et économique sans délai et par tout moyen. L'avis du comité est rendu dans le délai d'un mois à compter de cette information. Il peut intervenir après que l'employeur a fait usage de cette faculté ». On retrouve les mêmes assouplissements lorsque l’employeur entend écarter les durées maximales de travail ou les durées de repos quotidien, ainsi que la règle du repos dominical.

3. Le droit de la négociation collective

E64353LW

Exigeant, par nature, des échanges entre personnes physiques, la négociation collective se heurte aux conséquences de l’épidémie de covid-19 et, spécialement, à la nécessité de préserver l’état de santé des individus. La question est évoquée dans « les questions-réponses du ministère du Travail publié dans le cadre de la crise épidémique coronavirus - COVID-19 ». A cela, il faut ajouter quelques précisions apportées par l’ordonnance n° 2020-428 du 15 avril 2020, portant diverses adaptations sociales pour faire face à l’épidémie de covid-19.

  • Les préconisations de l’administration
  • Règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil, 23-07-2014
    Selon le ministère, « s’il y a un caractère d’urgence à la négociation (respect du calendrier législatif ou conventionnel des négociations, nécessités liées à la réponse à la crise sanitaire) et que la réunion des négociateurs peut être organisée en respectant les consignes de sécurité sanitaire et les gestes barrières, ces derniers peuvent bénéficier de l’autorisation de déplacement dérogatoire, au même titre que les salariés dont l’activité n’est pas compatible avec le télétravail et qui doivent se rendre sur leur lieu de travail ».

     

    Cela étant précisé, il est toutefois recommandé à toutes les entreprises et les branches professionnelles d’organiser les réunions de négociation collective à distance. Cela nous ramène aux dispositifs techniques vus précédemment. Dans la mesure où la visioconférence, la conférence téléphonique et la messagerie instantanée sont ouvertes à tous les représentants du personnel, elles pourront être utilement mobilisées pour mener une négociation collective. A l’évidence, le recours à la messagerie instantanée ne sera pas le plus adéquat. Au-delà de ces considérations techniques, et ainsi que le rappelle à très juste titre le ministère, il conviendra de respecter l’exigence élémentaire de loyauté. A cet égard, doivent absolument être proscrites les négociations séparées.

     

    Le ministère s’attache également à préciser les modalités de la signature de l’acte juridique issu des négociations. Est tout d’abord évoquée la signature électronique, voie sans doute la plus commode et la plus sûre. Selon l’administration du travail, « les entreprises et les branches professionnelles peuvent mettre en place un dispositif de signature électronique répondant aux exigences du Règlement européen n° 910-2014 et de l’article 1367 du Code civil N° Lexbase : L1033KZB - à savoir : être liée au signataire de manière univoque, permettre d’identifier le signataire, avoir été créée à l’aide de données de création de signature électronique que le signataire peut, avec un niveau de confiance élevé, utiliser sous son contrôle exclusif, être liée aux données associées à cette signature de telle sorte que toute modification ultérieure des données soit détectable ». Si cette voie ne peut être empruntée, il est ensuite fait état d’une autre possibilité, consistant à envoyer le projet soumis à signature à l’ensemble des parties à la négociation afin que chacune le signe manuellement.

     

    S’agissant enfin de la consultation des salariés, dont on sait qu’elle est omniprésente en matière de négociation collective que ce soit pour assurer la validité d’un accord collectif n’ayant pas recueilli la signature des syndicats majoritaires ou pour approuver un projet d’accord soumis directement aux salariés, le ministère préconise sans surprise le recours à un dispositif électronique en rappelant que celui-ci « doit garantir deux éléments fondamentaux : la confidentialité du vote et l’émargement des personnes consultées, afin d’éviter le vote multiple. En effet, à la différence des représentants de salariés, les salariés faisant l’objet d’une consultation ne sont pas des salariés protégés. C’est pourquoi les dispositifs de consultation, à l’exception de ceux liés à la participation, l’intéressement et l’épargne salariale, (conclus dans les conditions mentionnées aux articles L. 3312-5 N° Lexbase : L8617LGA et L. 3322-6 N° Lexbase : L8616LG9) prévoient impérativement la confidentialité des votes ».

  • Les précisions « légales »
  • Ordonnance n° 2020-428 du 15 avril 2020
    Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020Afficher plus (2)
    Ainsi qu’il a été dit précédemment, l’ordonnance n° 2020-428 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions sociales pour faire face à l'épidémie de Covid-19 apporte quelques précisions bienvenues. Pour être tout à fait précis, son article 8 ajoute un article 11 bis, à l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période. Le champ d’application des modifications est doublement borné, le I, de l’article 11 bis de l’ordonnance du 15 avril 2020 disposant que « les dispositions du présent article sont applicables aux accords collectifs conclus jusqu'à l'expiration du délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée, le cas échéant prolongé dans les conditions prévues par cet article, et dont l'objet est exclusivement de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de Covid-19 ainsi qu'aux conséquences des mesures prises pour limiter cette propagation ».

     

    Important. L'ordonnance n° 2020-737 du 17 juin 2020, modifiant les délais applicables à diverses procédures en matière sociale et sanitaire afin de faire face aux conséquences de la propagation de l'épidémie de Covid-19 prolonge jusqu'au 10 octobre 2020 l'adaptation des délais relatifs à la conclusion et à l'extension d'accords collectifs conclus qui ont pour objet de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de Covid-19.

     

    On comprend donc qu’un accord qui serait conclu pendant l’état d’urgence sanitaire, mais qui n’aurait pas pour objet exclusif les stipulations visées n’est pas concerné par les dispositions subséquentes, dont on est tenté de dire qu’elles tiennent toutes entières dans une contraction de certains délais. Cela est au demeurant aisément compréhensible dès lors que l’urgence est au cœur de la période que nous traversons. Ainsi, le délai de 15 jours pendant lequel les organisations syndicales majoritaires peuvent de s’opposer à l’entrée en vigueur d’une convention de branche est réduit à huit jours (C. trav., art. L. 2232-6 N° Lexbase : L1876INS). Est également réduit à huit jours le délai d'un mois mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 2232-12 (N° Lexbase : L8604LGR). Il s’agit du délai dont disposent une ou plusieurs des organisations syndicales ayant signé un accord collectif et recueilli plus de 30 % des suffrages pour indiquer qu'elles souhaitent une consultation des salariés visant à valider l'accord. Quant au délai de huit jours au terme duquel, en application du troisième alinéa de l’article précité, la consultation peut être organisée, il est ramené à cinq jours.

     

    S’agissant des modes de négociation dérogatoires, le délai minimum de quinze jours au terme duquel l’employeur peut consulter les salariés sur le projet d’accord qui leur a soumis est ramené à cinq jours (C. trav., art. L. 2232-21 N° Lexbase : L1416LKN). Enfin, le délai d'un mois mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 2232-25-1 du même code (N° Lexbase : L7766LGQ) est réduit à huit jours. Il s’agit du délai au terme duquel les élus font savoir à l’employeur s’ils souhaitent négocier et, le cas échéant, s’ils ont reçu mandat à cet effet.

     

    La modification est importante, en ce qu’elle permet aux employeurs de recourir efficacement à certaines facultés ouvertes par les textes, notamment à la possibilité de décider de la prise de jours de congés payés acquis par un salarié, y compris avant l'ouverture de la période au cours de laquelle ils ont normalement vocation à être pris, ou à modifier unilatéralement les dates de prise de congés payés. Possibilité dont on a vu qu’elle exige la signature d’un accord collectif et dont l’intérêt aurait été largement atténué si l’employeur avait dû attendre un mois avant d’entamer des négociations.

     

    Mais l’intérêt de la modification en cause est limité par l’effet du V de l’article 11 bis, aux termes duquel « lesdispositions du présent article s'appliquent aux délais qui n'ont pas commencé à courir à la date d'entrée en vigueur de la présente ordonnance ». On comprend en effet que l’employeur qui, antérieurement à cette date, a fait savoir aux représentants du personnel qu’il entendait négocier doit nécessairement respecter le délai d’un mois. Il est vrai que si ce souhait a été manifesté très peu de temps après l’adoption de l’ordonnance du 25 mars 2020, le délai d’un mois arrivera à échéance quasiment en même temps que le délai de huit jours applicable désormais.

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