ETUDE : L’impact du Covid-19 et du report des délais sur les opérations de crédit * Rédigée le 07.05.2020

ETUDE : L’impact du Covid-19 et du report des délais sur les opérations de crédit * Rédigée le 07.05.2020

E34093LT

sans cacheDernière modification le 06-07-2021

Dans le contexte actuel de pandémie de Covid19, l’exécution des contrats devient subitement plus compliquée, voire impossible dans certains cas.
L’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, modifiée par l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020, est venue prescrire diverses règles dérogatoires et temporaires relatives aux délais et mesures expirant pendant la période de confinement sanitaire imposée pour limiter la propagation de l’épidémie de covid-19. Ces ordonnances règlent notamment les effets en matière d’opérations de crédit, c’est-à-dire de crédits à la consommation et de crédit immobiliers.

Plan de l'étude

  1. Introduction
  2. Retour sur le mécanisme de report des délais et la « période juridiquement protégée »
  3. Report des délais et relations contractuelles entre prêteur et emprunteur
  4. Report des délais et actions en justice

1. Introduction

E15773NQ

  • ⇒ Cette étude a été réalisée sur la base d'un article rédigé par Jérôme Lasserre Capdeville paru dans la lettre juridique n° 823 du 7 mai 2020 (N° Lexbase : N3188BYQ).

2. Retour sur le mécanisme de report des délais et la « période juridiquement protégée »

E34103LU

  • Le législateur et le pouvoir exécutif sont intervenus, et ce à de multiples reprises, pour tenter d’encadrer les effets juridiques liés aux mesures de confinement.
  • La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020
  • LOI n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 (1)
    La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie du Covid-19, a ainsi habilité le Gouvernement à prendre, « dans un délai de trois mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure, pouvant entrer en vigueur, si nécessaire, à compter du 12 mars 2020, relevant du domaine de la loi […] afin de faire face aux conséquences, notamment de nature administrative ou juridictionnelle, de la propagation de l'épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, toute mesure : […] Adaptant, interrompant, suspendant ou reportant le terme des délais prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, déchéance d'un droit, fin d'un agrément ou d'une autorisation ou cessation d'une mesure, à l'exception des mesures privatives de liberté et des sanctions […] ».
  • L’ordonnance « délais » n° 2020-306 du 25 mars 2020
  • Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020
    Ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020Afficher plus (1)
    L’ordonnance du 25 mars 2020 a adopté un régime de suspension « hybride » effectif pendant une période déterminée.

     

    ⇒ Définition de la « période juridiquement protégée »

    Dès lors, sur le fondement de cette loi, a été adoptée l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, relative à la propagation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période. Ce texte a fait, en outre, l’objet de quelques modifications par l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020, portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de Covid-19. Ce nouvel encadrement juridique est alors à l’origine d’un certain nombre de règles notables. En premier lieu, l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 vient prévoir une période de gel ou d’immunité que la circulaire du 26 mars 2020 qualifie de « période juridiquement protégée ». Plus précisément, selon ce même article 1er, cette période court du 12 mars 2020 (à 0 heure) jusqu’à « l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 ». Initialement, compte tenu des dispositions de ce dernier article, la durée de l’état d’urgence sanitaire est prévue pour s’achever le 24 mai 2020 à 0 heure. Par conséquent, la « période juridiquement protégée » doit se terminer un mois plus tard, soit le 23 juin à minuit. Il convient cependant de souligner que la date d’achèvement de ce régime dérogatoire n’a été fixée qu’à titre provisoire. Ainsi, en date du 9 mai 2020, le parlement a adopté la prolongation de l’état d’urgence sanitaire, reportant le terme de la « période juridiquement protégée » au 10 août 2020.

     

    ⇒ Le report des délais

    L’ordonnance du 25 mars 2020 modifiée vient proroger un nombre important de délais, geler les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires et les clauses de déchéance, et enfin prolonger les délais contractuels ou légaux prévus pour résilier un contrat ou s’opposer à son renouvellement.

3. Report des délais et relations contractuelles entre prêteur et emprunteur

E34113LW

  • La crise sanitaire a entraîné des conséquences incontestables sur les opérations de crédit. Dès lors, il ne peut être fait l’économie de l’analyse des reports de délais, sous l’angle du droit régissant le crédit à la consommation et le crédit immobilier, à toutes les étapes de la vie du contrat de crédit.
  • Le maintien des délais au stade de la formation des contrats de crédit
  • Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020
    Ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020Afficher plus (2)
    Les mesures de report des délais sont-elles applicables aux dispositions légales relatives à la conclusion des contrats de crédit ? Une réponse négative s’impose. En effet, si l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ne disait rien sur ce point, il est à noter que l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 est à l’origine, quant à elle, d’une solution ayant une incidence en la matière à travers l’exclusion expresse des délais de réflexion et de rétraction.

     

    ⇒ Exclusion des délais de réflexion

    En matière de crédit immobilier, l’offre, qui doit être maintenue pendant une durée minimale de 30 jours à compter de sa réception par l’emprunteur, est logiquement soumise à l’acceptation de l'emprunteur et des cautions, personnes physiques, déclarées. Or, depuis la loi n° 79-596, dite loi « Scrivener 2 », du 13 juillet 1979 (N° Lexbase : L2593DZ3), notre droit protège le consommateur de crédit immobilier contre le risque d’un engagement irréfléchi : l’emprunteur et les cautions ne peuvent ainsi accepter l’offre que 10 jours après l’avoir reçue. En obligeant de la sorte la partie faible à réfléchir à son engagement, on veut s’assurer qu’elle ne donne pas son consentement « à la légère » ou du moins « sur un coup de tête ». On parle de délai de « réflexion ». Cette règle est d’ordre public et les parties intéressées ne sauraient y renoncer. L’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 est venue préciser que les solutions prévues par l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, c’est-à-dire la prorogation des délais prescrits par la loi ou le règlement, ne sont pas applicables aux délais de réflexion. Cette solution vaut alors, notamment, pour le délai de réflexion précité. Il en va de même pour le délai de réflexion applicable à la renégociation d’un contrat de crédit immobilier en présence d’un avenant.

     

    ⇒ Exclusion des délais de rétractation

    Le droit régissant le crédit à la consommation prévoit, au bénéfice de l’emprunteur, un droit de rétractation pendant un certain délai. Ainsi, selon l’article L. 312-19 du Code de la consommation, « l’emprunteur peut se rétracter sans motifs dans un délai de quatorze jours calendaires révolus à compter du jour de l'acceptation de l'offre de contrat de crédit comprenant les informations prévues à l'article L. 312-28 (N° Lexbase : L9593LGE) ». Ce n’est alors que si ce pouvoir de se rétracter n’est pas utilisé par l’emprunteur que le contrat de crédit à la consommation devient parfait. En effet, alors que, normalement, un contrat est formé à partir de l’échange des consentements des parties, le droit s’écarte de cette solution en matière de crédit à la consommation. Ainsi, pour l’article L. 312-24 du Code de la consommation, « le contrat accepté par l’emprunteur ne devient parfait qu’à la double condition que celui-ci n’ait pas fait usage de sa faculté de rétractation et que le prêteur ait fait connaître à l’emprunteur sa décision d’accorder le crédit, dans un délai de sept jours ».

     

    Or, dans ce cas également, l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 est venue préciser que les solutions prévues par l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ne sont pas applicables aux délais de rétractation. Il en va de même pour les « délais prévus pour le remboursement de sommes d’argent » en cas d’exercice du droit de rétractation. Ces délais s’achèvent par conséquent dans les conditions habituelles, même s’ils expirent durant la période juridiquement protégée au sens de l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020. Selon le rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020, une telle exclusion se justifie par le fait qu’un tel « délai laissé par certains textes avant l’expiration duquel son bénéficiaire peut rétracter son consentement à un contrat, n’est pas un acte "prescrit" par la loi ou le règlement "à peine" d’une sanction ou de la déchéance d’un droit ». Le rapport ajoute qu’une autre lecture, sur ce point, « aurait pour effet de paralyser nombre de transactions »

     

    Nous ne sommes pas convaincus par l’exclusion en question et les justifications qui en sont données. En premier lieu, si l’on prend le cas du délai de rétractation de l’article L. 312-19, force est de constater que celui-ci est bien reconnu par la loi, et que si l’emprunteur laisse ce délai s’écouler, il perd nécessairement son droit de remettre en cause le contrat de crédit en question à l’aide de la rétractation.

    En second lieu, il n’est pas question, en matière de crédit à la consommation, de paralyser les conventions. Celles-ci peuvent, dans tous les cas, être mises en œuvre, même si elles ne sont pas encore « parfaites » comme l’indique l’article L. 312-24 du Code de la consommation. Par exemple, l’article L. 312-25 du même code (N° Lexbase : L1337K7N) permet la remise des fonds à l’emprunteur à partir du 8ème jour, quand bien même le délai de rétraction n’est pas encore entièrement écoulé. Surtout, il est particulièrement rare en pratique que le client, qui souhaite logiquement obtenir son crédit à la consommation, remette en cause ce dernier par l’utilisation de son droit de rétractation. La paralysie évoquée par le rapport au Président de la République est donc bien peu probable dans notre cas.

    Un encadrement plus protecteur de cette situation nous aurait donc paru préférable, surtout en cette période de crise se traduisant par la fermeture d’un certain nombre d’agences bancaires, mais aussi par une forte limitation de la liberté des citoyens d’aller et de venir. L’exclusion décidée par l’ordonnance du 15 avril 2020 en la matière n’échappe donc pas à la controverse.Précisions

    Cette exclusion intéressant l’ensemble des délais de réflexion emporte notre conviction. En effet, comme le déclare très justement, le rapport au Président de la République accompagnant l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 (N° Lexbase : L6859LWX), « il ne s’agit pas d’un acte devant être réalisé pendant un certain délai à peine de sanction mais seulement d’un temps imposé au futur contractant pour réfléchir à son engagement ». La période de confinement n’a donc pas d’incidence particulière ici. A l’expiration du délai de réflexion prévu par l’article L. 313-34, le destinataire de l’offre pourra parfaitement accepter l’offre, même si ce délai expire pendant la « période juridiquement protégée » définie à l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ([LXB+L5730LW7]). La solution est, en revanche, moins convaincante à l’égard des délais de rétractation.

  • Le report des délais au stade de l’exécution du contrat
  • Art. L312-39, Code de la consommation
    Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020
    Quel impact de l’état d’urgence sanitaire sur certaines clauses contractuelles, et notamment les clauses de déchéance du terme ou de résiliation du contrat de prêt, fréquentes dans les conventions régissant ces formes de crédits ?

     

    ⇒ Rappel : les clauses de déchéance du terme et de résiliation dans les contrats de crédit

    En matière de crédit à la consommation, l’article L. 312-39, alinéa 1er, du Code de la consommation prévoit que le prêteur pourra exiger, en cas de défaut de paiement à l’échéance de l’emprunteur, c’est-à-dire en cas de défaillance de ce dernier, « le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés ». L’article L. 312-39, alinéa 2, indique pour sa part que le prêteur exigeant le remboursement immédiat du capital pourra également demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, « dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l'application de l’article 1231-5 du Code civil (N° Lexbase : L0617KZU) », sera fixée suivant un barème déterminé par décret. L’article D. 312-16 (N° Lexbase : L0615K9N) dispose ainsi que cette indemnité est égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance.

     

    En second lieu, en matière de crédit immobilier, il résulte de l’article L. 313-51 du même Code (N° Lexbase : L3281K9E), qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur sera en droit de « demander la résolution du contrat ». Il pourra ainsi exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, ainsi que le paiement des intérêts échus. De plus, jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes à restituer produiront des intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. Enfin, le prêteur pourra demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, ici encore sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 du Code civil, sera limitée par un montant déterminé par décret. Aujourd'hui, cette indemnité ne peut dépasser 7 % des sommes dues au titre du capital restant dû ainsi que des intérêts échus et non versés (C. consom., art. R. 313-28 N° Lexbase : L0661K9D).

     

    Ainsi, en pratique, dans l’ensemble de ces cas, le banquier dispensateur de crédit ne manquera pas de prévoir, dans la convention de prêt, une clause de déchéance du terme ou une clause de résiliation du contrat en cas de défaillance de l’emprunteur. Or, ces mêmes clauses sont directement visées par certaines des mesures instaurées provisoirement par les ordonnances étudiées.

     

    ⇒ Initialement : un report « forfaitaire » fixé à un mois des effets des clauses de déchéance du terme et de résiliation

    L’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 purge temporairement pour toutes obligations (même celles qui sont simplement contractuelle) certaines inexécutions de toutes sanctions. Ainsi, pour l’alinéa 1er de cet article, « […] les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu'elles ont pour objet de sanctionner l'inexécution d'une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n'avoir pas […] produit effet, si ce délai a expiré pendant la période définie au I de l'article 1er », c’est-à-dire la « période juridiquement protégée ».

     

    En revanche, il convient de souligner que ces sanctions ne sont pas définitivement écartées. Elles sont simplement suspendues un temps. En effet, l’alinéa 2 de l’article vient immédiatement préciser que « ces clauses produisent leurs effets à compter de l'expiration d'un délai d'un mois après la fin de cette période si le débiteur n'a pas exécuté son obligation avant ce terme ». Par conséquent, si le débiteur souhaite échapper aux sanctions visées, il devra obligatoirement régulariser sa situation dans un certain délai suivant la fin de la « période juridiquement protégée ». Or, ce délai a connu une évolution.

     

    ⇒ Evolution : un report ajusté des effets des clauses de déchéance du terme et de résiliation

    Dans sa version initiale, l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 prévoyait un délai « forfaitaire » d’un mois. Cette solution a cependant été remise en cause par l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020. Cette dernière est en effet venue prévoir un délai variable égal au temps qui restait au débiteur pour payer lorsque la « période juridiquement protégée » s’est ouverte le 12 mars 2020. Selon le nouvel alinéa 2 de l’article 4 de l’ordonnance du 25 mars 2020 : « si le débiteur n’a pas exécuté son obligation, la date à laquelle […] ces clauses produisent leurs effets est reportée d’une durée, calculée après la fin de cette période, égale au temps écoulé entre, d’une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part, la date à laquelle elle aurait dû être exécutée ».

     

    A titre d’exemple, imaginons une clause résolutoire, résultant d’une obligation née le 1er avril, devant prendre effet, en cas d’inexécution, le 15 avril. Ce délai de 15 jours sera ici reporté à la fin de la « période juridiquement protégée » pour que le débiteur puisse encore valablement s’acquitter de son obligation avant que la clause résolutoire ne prenne effet. Selon la circulaire du Garde des Sceaux du 17 avril 2020, cette modification de l’alinéa 2 de l’article 4 de l’ordonnance permet d’appréhender de manière plus précise les situations impactées par la crise sanitaire actuelle, en tenant compte de l’impact réel qu’auront eu les mesures prises par les autorités pour lutter contre l’épidémie de Covid-19 sur l’exécution des contrats.Précisions

    Deux observations s’imposent ici. En premier lieu, selon le rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 (N° Lexbase : L6859LWX), les parties aux contrats sont libres d’écarter l’application de cet article 4 par des clauses expresses, « notamment si elles décident de prendre en compte différemment l’impact de la crise sanitaire sur les conditions d’exécution du contrat ». Elles peuvent également décider de renoncer à se prévaloir des dispositions de cet article. La circulaire mentionnée précédemment précise qu’une telle renonciation « doit faire l’objet d’une manifestation univoque de volonté ».

    En second lieu, cette solution envisagée par l’article 4, alinéa 2, ne vaut que pour le cas dans lesquels l’inexécution de l’obligation est intervenue pendant la période protégée. En effet, si l’alinéa 3 du même article envisage l’inexécution d’obligations intervenue avant la période protégée, cette hypothèse ne joue que pour les astreintes et les clauses pénales. Les clauses résolutoires et les clauses de déchéance ne sont pas concernées par cet alinéa. Les effets de ces clauses sont, il est vrai, dans un tel cas acquis ; ils ne sauraient alors être remis en cause.

    De telles difficultés demeurent susceptibles d’être prises en compte par des dispositifs de « droit commun », comme par exemple les délais de grâce envisagés par l’article 1343-5 du Code civil (N° Lexbase : L0688KZI). On rappellera d’ailleurs qu’en présence de crédits à la consommation et de crédits immobiliers, l’article L. 314-20 du Code de la consommation (N° Lexbase : L4232LSK) prévoit expressément que : « L’exécution des obligations du débiteur peut être, notamment en cas de licenciement, suspendue par ordonnance du juge des contentieux de la protection dans les conditions prévues à l'article 1343-5 du Code civil ». Les difficultés financières résultant, pour les emprunteurs, de la crise liée au Covid-19, et notamment des mesures de confinement mises en œuvre pour en limiter la propagation, devraient très certainement entraîner, dans les mois qui viennent, une augmentation du recours à ce dispositif.

4. Report des délais et actions en justice

E34183L8

  • L’ordonnance du 25 mars 2020 entraîne la prorogation des actions en justice prescrites, le plus souvent, à peine de forclusion et de prescription, à l’égard des prêteurs comme des emprunteurs, en matière de crédit à la consommation et de crédit immobilier.
  • Les hypothèses concernées
  • Art. R312-35, Code de la consommation
    LOI n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile (1)Afficher plus (2)
    Les parties à un contrat de crédit peuvent être amenées à exercer des actions en justice l’une contre l’autre. Or, celles-ci sont logiquement encadrées par des délais légaux. Plusieurs hypothèses peuvent ainsi être distinguées à la lecture du droit applicable au crédit à la consommation et au crédit immobilier.

     

    ⇒ Actions en matière de crédit à la consommation

    Concernant le crédit à la consommation, deux hypothèses bien différentes sont à mentionner.

     

    Tout d’abord, intéressons-nous à l’action en paiement du prêteur contre l’emprunteur défaillant. Aux termes de l’article R. 312-35 du Code de la consommation, « les actions en paiement engagées devant lui à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion ». Cet article prévoit ainsi un délai de forclusion relativement court s’imposant au prêteur. La solution est alors importante : si ce dernier tarde à agir en justice, il perd le droit d’exercer son action. Au final, il ne pourra prétendre ni au remboursement des intérêts échus et non réglés, ni au remboursement du capital.

     

    Depuis la loi « Lagarde » du 1er  juillet 2010, l’article R. 312-35 prévoit que les actions en paiement doivent être formées « dans les deux ans de l’évènement qui leur a donné naissance », et cet évènement est lui-même précisé par l’article en question. Ce dernier envisage d’ailleurs plusieurs situations. Par exemple, en cas de crédit par remise de fonds « classique », le point de départ du délai sera la date du «premier incident de paiement non régularisé ». Ensuite, l’emprunteur peut également exercer des actions contre le prêteur à qui il reprochera un manquement à la loi applicable. Il s’agira, le plus souvent, d’une action en déchéance du droit aux intérêts. Dans un tel cas, le délai de prescription envisagé par l’article L. 110-4 du Code de commerce (N° Lexbase : L4314IX3) devra s’appliquer, dans la mesure où le contrat de crédit unit une société commerciale, en l’occurrence la banque, et un non-commerçant. Ce délai, qui a longtemps été de dix ans, a été ramené à cinq ans à la suite de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile. Cette solution a également vocation à s’appliquer aux actions en responsabilité menées par l’emprunteur contre le prêteur. Il en a été ainsi, par exemple, pour les actions fondées sur un manquement du banquier à son devoir de mise en garde.

     

    ⇒ Actions en matière de crédit immobilier

    Des règles un peu différentes sont à relever concernant le crédit immobilier. Il en va plus particulièrement ainsi concernant l’action du prêteur contre l’emprunteur. Celle-ci demeure en effet soumise au délai de prescription « spécial » de deux ans de l’article L. 218-2 du Code de la consommation, celui-ci s’adressant, d’une façon générale, aux actions engagées par les professionnels, « pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs ». On rappellera que, concernant le crédit immobilier, le point de départ de ce délai a donné lieu à une évolution jurisprudentielle. Désormais, il est acquis qu’« à l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance ». Par conséquent, « si l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives, l'action en paiement du capital restant se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité » (Cass. civ. 1, 11 février 2016, quatre arrêts, n° 14-28.383, F-P+B+R+I N° Lexbase : A7326PKK ; n° 14-27.143, F-P+B+R+I N° Lexbase : A7325PKI ; n° 14-29.539, F-P+B+R+I N° Lexbase : A7327PKL ; n° 14-22.938, F-P+B+R+I N° Lexbase : A7324PKH).

     

    L’action de l’emprunteur contre le prêteur, en matière de crédit immobilier, fait appel, quant à elle, aux mêmes règles que celles observées précédemment avec le crédit à la consommation . Le délai de prescription de cinq ans de l’article L. 110-4 du Code de commerce s’imposera ainsi. Or, pour l’ensemble de ces actions, les textes nouveaux prévoient une prorogation des délais.

  • La prorogation des délais de justice
  • Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020
    L’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 a mis en place une prorogation des délais échus entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, c’est-à-dire la « période juridiquement protégée » (soit le 23 juin à minuit). Ainsi, l’ordonnance étudiée ne suspend pas les délais, mais procède à leur prorogation. Concrètement, elle les prolonge en considérant que « sont faits "à temps" les actes qui interviennent dans un certain délai supplémentaire suivant la fin de la période juridiquement protégée ». Plus précisément, selon cet article 2, « tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification, ou publication prescrits par une loi ou un règlement », sous peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance quelconque, et qui devait être accompli au cours de cette période, est «réputé avoir été fait à temps » s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, « le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois ».

     

    En d’autres termes, ne seront pas ici jugés tardifs, les actes utiles réalisés dans le délai supplémentaire imparti. Il s’agit donc simplement de permettre d’accomplir a posteriori (et comme si le délai avait été respecté) ce qu’il a été impossible de faire pendant la période d’urgence sanitaire augmentée d’un mois. On notera que cette solution n’est applicable que si le délai pour agir est « prescrit » par la loi ou le règlement, « à peine » d’une sanction ou de la déchéance d’un droit. Or, tel est le cas du délai de forclusion de 2 ans de l’article R. 312-35 (N° Lexbase : L4279LTN), le délai de prescription de 5 ans l’article L. 110-4 du Code de la consommation ou encore le délai de prescription de 2 ans de l’article L. 218-2 du Code de la consommation (N° Lexbase : L1585K7T). En conséquence, tous ces délais intéressant notamment les contrats de crédit sont susceptibles de profiter de la solution mise en place par l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020.

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.