ETUDE : Billets d’avion annulés : le remboursement ou l’émission d’un avoir ?

ETUDE : Billets d’avion annulés : le remboursement ou l’émission d’un avoir ?

E32683LM

sans cacheDernière modification le 15-06-2020

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Plan de l'étude

  1. Introduction
  2. Les règles d’annulation en matière de droits des passagers du transport aérien
  3. Une modification à venir de la réglementation en période exceptionnelle ?

1. Introduction

E82663LQ

  • Ordonnance n° 2020-315 du 25 mars 2020
    L'épidémie de Covid-19 a entraîné l’annulation de nombreuses prestations touristiques.
    S’agissant des voyages à forfait et des prestations de voyage liés, le Gouvernement a pris une ordonnance n° 2020-315 publiée au Journal officiel du 26 mars 2020 autorisant les professionnels du voyage à proposer un avoir, qui sera valable 18 mois, et ce, afin d’éviter des remboursements immédiats en cascade qui auraient placé les professionnels du tourisme dans une situation intenable sur le plan de la trésorerie.
    Or, les vols secs ne sont pas concernés par cette ordonnance. 
    La plupart des compagnies aériennes refusent de rembourser le prix des billets annulés et proposent l’émission d’avoirs, valables pendant une longue période, précisément pour préserver leur trésorerie dans l’immédiat.
    En ont-elles le droit ? non, mais les transporteurs aériens tentent d’imposer les avoirs et de faire modifier la réglementation, le tout au mépris des droits des passagers.

2. Les règles d’annulation en matière de droits des passagers du transport aérien

E32693LN

La réglementation relative aux droits des passagers aériens résulte d’un Règlement européen n° 261/2004 du 11 février 2004 qui s’applique :
o Aux passagers disposant d’une confirmation de réservation et d’un titre de transport valide ;
ET
o Aux trajets pour lesquels l’aéroport d’origine est situé dans un pays membre de l’UE/ aux trajets pour lesquels l’aéroport d’arrivée et le siège social de la compagnie aérienne sont situés dans un pays membre de l’UE.

Tous les vols aux départs de la France sont soumis à ce Règlement.

  • Le principe de remboursement ou de réacheminement
  • Règlement (CE) n° 261/2004 Parlement européen et du Conseil, 11-02-2004
    En cas d’annulation du vol, l’article 8 du Règlement (CE) n° 261/2004 Parlement européen et du Conseil, du 11 février 2004, établissant des règles communes en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol, et abrogeant le règlement (CEE) n° 295/91 propose aux passagers le choix entre :

    • Le remboursement dans un délai de 7 jours en espèces ou par virement ;
    • Le réacheminement vers la même destination dans les meilleurs délais et dans des conditions comparables ;
    • Le réacheminement à une date ultérieure.

    C’est au passager de choisir la solution qu’il préfère et il ne peut donc se voir imposer l’émission d’un avoir par la compagnie aérienne.

    L’avoir n’est pas envisagé.

  • L’exonération de l’indemnisation en cas de circonstances extraordinaires
  • Règlement (CE) n° 261/2004 Parlement européen et du Conseil, 11-02-2004

    Les articles 5 et 7 du Règlement européen prévoient que le passager peut également être indemnisé lorsque son vol est annulé moins de deux semaines avant l’heure de départ prévu.

    Toutefois, le transporteur peut s’exonérer de cette indemnisation en cas de « circonstances extraordinaires qui n'auraient pas pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises ».

    La réglementation européenne reste assez floue sur la notion de circonstances extraordinaires. Cela concerne l’ensemble des raisons empêchant ou retardant la réalisation du vol malgré le fait que le transporteur ait mis tous les moyens à sa disposition pour le réaliser, soit :

    • Les conditions météorologiques défavorables ne permettant pas la réalisation du vol (vents violents, tempêtes de neige, foudre…)
    • Les situations d’instabilité politique
    • Les risques liés à la sécurité
    • Les grèves affectant les opérations de la compagnie aérienne (grève des contrôleurs aériens, des bagagistes...)
    • Les restrictions totales ou partielles du trafic aérien (fermeture d'une piste à cause d'une sortie de piste, alerte terroriste...)
    • Tout autre circonstance exceptionnelle : collision aviaire, sabotage, crise sanitaire...
    A savoir. Dès lors, l’épidémie de Covid-19 permettrait uniquement aux compagnies aériennes de s’exonérer de l’indemnisation complémentaire. Elles restent toutefois tenues au remboursement des billets tel que prévu à l’article 8 du Règlement.
  • L’absence de dérogation au principe du remboursement
  • Le recours aux circonstances particulièrement extraordinaires permet-il de proposer un avoir ?

    La Cour de justice de l’Union Européenne a déjà eu l’occasion de se pencher sur cette question. Lors de la fermeture de l’espace aérien de plusieurs Etats membres en raison de l’éruption du volcan islandais, les compagnies ont été contraintes d’annuler leurs vols.

    Durant cette période, la société RYANAIR n’avait pas respecté ses obligations de prise en charge des passagers conformément au Règlement européen.

    A la suite d’une question préjudicielle, la Cour de Justice a, par arrêt du 31 janvier 2013 (CJUE, 31 janvier 2013, aff. C-12/11 N° Lexbase : A4599I44), énoncé que :

    « Le règlement n° 261/2004 ne contient aucune indication permettant de conclure qu’il reconnaît, au-delà des « circonstances exceptionnelles » mentionnées à l’article 5, paragraphe 3 de ce règlement, une catégorie distincte d’évènements « particulièrement extraordinaires » qui aurait pour conséquence d’exonérer le transporteur aérien de toutes ses obligations ».

    Dès lors, aucune circonstance ne peut autoriser les compagnies aériennes à violer leurs obligations en refusant de rembourser les billets annulés.

3. Une modification à venir de la réglementation en période exceptionnelle ?

E32703LP

  • Dans le contexte actuel, quelques pays européens, et notamment l’Allemagne et les Pays-Bas, ont cependant pris des Décrets afin d’autoriser les compagnies aériennes à proposer des avoirs (alors même que les Etats ne peuvent déroger à un Règlement européen).

    Le but poursuivi est clairement d’éviter les liquidations judiciaires de ces compagnies : en l’absence de recette en raison de l’annulation de tous les vols, elles n’ont pas les liquidités suffisantes pour rembourser les passagers.

    Les compagnies aériennes tentent ainsi de faire pression sur les autorités nationales et européennes pour obtenir une modification du Règlement européen.

    Le 8 avril 2020, Monsieur Jean-Baptiste DJEBBARI, Secrétait d’Etat aux transports auprès de la Ministre de la Transition écologique et solidaire a indiqué :

    « Nous travaillons à mettre en place des avoirs, qui seront valides jusqu'à la fin de l'année 2021, de manière à ce que les billets achetés auprès de compagnies aériennes et qui sont annulés puissent faire l'objet d'avoirs.

    [...] Ce qui est prévu par la loi et par le règlement européen peut être modifié et c'est la raison pour laquelle nous travaillons entre homologues européens. Avec mon collègue allemand, nous avons porté un projet de révision en urgence du règlement européen qui gère ces questions-là. J'entends ce que dit votre interlocuteur, mais le rôle du politique est que la loi, la norme, le droit s'adaptent à la réalité du moment, et donc aux compagnies aériennes, aux agences de voyage en difficulté. »

    Au niveau européen, la position du Commissaire Européen à la justice, Monsieur Didier REYNDERS, est la suivante :

    « Si la réglementation européenne est claire - le remboursement est obligatoire - vu le contexte de la crise sanitaire et économique, la Commission européenne travaille sur une alternative qui permettrait d'alléger la pression sur les tours opérateurs et les compagnies aériennes, en grande difficulté ».

    La proposition d’un avoir pourra ainsi devenir la règle pendant cette période exceptionnelle.

    Toutefois, il y a également une forte pression des associations de défense des consommateurs pour que le remboursement des billets d’avion reste la règle.

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