ETUDE : Le harcèlement moral

ETUDE : Le harcèlement moral

E0256E7M

avec cacheDernière modification le 25-01-2024

Le harcèlement moral est la conduite abusive d'une personne, qui par des gestes, paroles, comportements répétés a pour conséquence une dégradation des conditions de travail du salarié, portant atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique et mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Le harcèlement moral est un délit, punissable par la loi.

Etude réalisée en collaboration avec Pauline Larroque-Daran, Avocat Associé et Solène Hervouët, Avocat, Factorhy Avocats

Plan de l'étude

  1. Synthèse
  2. Infographie relative au harcèlement moral et sexuel
  3. Les définitions du harcèlement moral
  4. Les éléments constitutifs du harcèlement moral
    1. L’auteur et la victime du harcèlement
    2. La nature des agissements répréhensibles
      1. Des actes répétitifs
      2. L’objet ou les effets des actes de harcèlement moral
      3. Quelques illustrations jurisprudentielles
  5. Les obligations de l'employeur
  6. Les autres intervenants en matière de prévention
    1. Rôle du CSE
    2. Le rôle du médecin du travail
    3. Le rôle de l'inspecteur du travail
    4. Le rôle des DREETS
  7. La procédure de médiation
  8. Les sanctions et contentieux
    1. Sanction de l'auteur du harcèlement moral
    2. Sanction du dénonciateur de mauvaise foi
    3. La responsabilité de l'employeur
    4. La charge de la preuve
    5. Le contrôle du juge
    6. Quelques illustrations jurisprudentielles
    7. Le droit d'action en justice des organisations syndicales représentatives
  9. Le harcèlement moral, arrêt de travail et accident du travail

1. Synthèse

Introduction

Le harcèlement moral est devenu depuis quelques années une problématique fortement médiatisée conduisant les entreprises à revoir leur stratégie entrepreneuriale à ce sujet afin d’éviter toute condamnation. Initialement, le harcèlement moral ne faisait l’objet d’aucune définition légale. Il a fallu attendre la loi n°2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale pour qu’une définition soit introduite par le législateur (N° Lexbase : L1304AW9). 

Les salariés disposent donc, désormais, d'armes légales pour lutter contre le harcèlement moral au travail. Notons que loi n° 2003-6 du 3 janvier 2003, portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques (N° Lexbase : L9374A8P) a remodelé les dispositions relatives au harcèlement.

Les définitions légales du harcèlement moral

Le harcèlement moral est considéré au même titre que le harcèlement sexuel comme une forme de violence au travail qui est réprimée tant par le Code du travail à l’article L. 1152-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0724H9P) que par le Code pénal (C. pén., art. 222-33-2 (N° Lexbase : L9324I3Q). Dans le cadre de ces deux articles, le législateur a volontairement défini de manière large le harcèlement moral afin de recouvrer de multiples situations et non seulement les éventuels abus d’autorité de l’employeur.

Selon l’article L.1152-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0724H9P) constitue une situation de harcèlement moral le fait pour le salarié de subir des « agissements répétés » « qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ». 

Selon l’article 222-32-2 du Code pénal, « le fait de harceler autrui par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.

Le harcèlement moral est donc considéré comme un délit pénal. Un accord national interprofessionnel du 26 mars 2010 sur le harcèlement et les violences au travail est venu renforcer la définition de celui-ci, en obligeant l’employeur et les salariés à agir dès l’apparition des premiers signes de violence ou de harcèlement. Enfin, la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations (N° Lexbase : L8986H39) interdit tout type de discrimination, directe ou indirecte, pour l’ensemble des activités, que celles-ci soient économiques ou non économiques.

Les éléments constitutifs du harcèlement moral

L’article L. 1152-2 du Code du travail (N° Lexbase : L8841ITM) prévoit plusieurs conditions pour qu’une situation de harcèlement puisse être caractérisée à savoir :

  • des agissements répétés. L’article du Code du travail ne définit pas la notion d’agissement de sorte qu’il revient aux juges d’apprécier souverainement en fonction des faits d’espèce si le comportement du présumé auteur est constitutif d’un harcèlement. L’ANI du 26 mars 2010 apporte des précisions sur les agissements pouvant constituer un harcèlement moral en énonçant que le harcèlement survient en raison d’abus, de menaces et / ou d’humiliation répétés ou délibérés dans des circonstances liées au travail. En tout état de cause, un seul agissement ne suffira pas à retenir une situation de harcèlement moral, la répétition des agissements étant une condition essentielle (Cass. soc., 15 avril 2008, n° 07-40.290, F-D N° Lexbase : A9760D7M ; Cass. soc., 13 avril 2010, n° 08-45.614 N° Lexbase : A0566EWU).
  • ayant pour effet :
    •  une dégradation des conditions de travail ;
    • une atteinte aux droits et à la dignité du salarié, à sa santé physique ou mentale ou à son avenir professionnel.


Cette formulation n'est pas sans rappeler celle prévue par l'article L. 1153-2 du Code du travail (N° Lexbase : L8842ITN) en cas de harcèlement sexuel. L'article L. 1152-5 (N° Lexbase : L0732H9Y) prévoit, en outre, que tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral est passible d'une sanction disciplinaire.

Les obligations de l’employeur

Il appartient à l’employeur de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral (C. trav., art. L. 1152-4 N° Lexbase : L5790I3T) et de protéger la « santé physique et mentale des travailleurs » (C. trav., art. L. 4121-1 N° Lexbase : L8043LGY). L’accord du 26 mars 2010, étendu par l’arrêté du 23 juillet 2010, oblige ainsi les employeurs à prendre toutes les mesures nécessaires en vue de prévenir des agissements de harcèlement moral.

 

Le règlement intérieur doit aussi rappeler les dispositions relatives à l’interdiction de toute pratique de harcèlement moral.Par ailleurs, si l’employeur était auparavant tenu à une obligation de sécurité de résultat en matière de harcèlement moral, la Cour de cassation est revenue sur sa position mettant fin à sa responsabilité de plein droit en la matière (Cass. soc., 1er juin 2016, n° 14-19.702, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2663RR3).

 

Le manquement de l’employeur à son obligation de prévention et son obligation de sécurité est sanctionné par des dommages et intérêts distincts de ceux accordés du fait du harcèlement moral.

Les autres intervenants en matière de prévention

Les pouvoirs des représentants du personnel sont renforcés afin de lutter contre le harcèlement moral au travail. En effet, le CSE a compétence pour proposer des actions de prévention en matière de harcèlement moral (C. trav., art. L. 4612-3 N° Lexbase : L6802K9S) ; il a pour mission supplémentaire de contribuer à la prévention et à la protection de la santé « physique et mentale » des salariés (C. trav., art. L. 4612-1 N° Lexbase : L7242K94).

 

Le droit d'alerte du CSE est applicable en cas de harcèlement moral (C. trav., art. L. 2312-59 N° Lexbase : L8292LG9). Il est, désormais, prévu que les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise peuvent exercer en justice toutes actions qui naissent de l'article L. 1153-1 (N° Lexbase : L8840ITL) (harcèlement sexuel) et de l'article L. 1152-1 (N° Lexbase : L0724H9P) (harcèlement moral) en faveur d'un salarié de l'entreprise ; elles doivent, toutefois, justifier d'un accord écrit de l'intéressé qui peut toujours intervenir à l'instance et y mettre fin à tout moment (C. trav., art. L. 1154-2 N° Lexbase : L0749H9M).

 

Enfin, les services de santé au travail ont pour mission exclusive d'éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail. A cette fin, ils conseillent les employeurs, les travailleurs et leurs représentants sur les dispositions et mesures nécessaires afin de prévenir le harcèlement sexuel ou moral (C. trav., art. L. 4622-2 N° Lexbase : L7345LHI).

La procédure de médiation

Une procédure de médiation peut être engagée par toute personne de l'entreprise s'estimant victime de harcèlement moral ou sexuel (C. trav., art. L. 1152-6 N° Lexbase : L0734H93). Cette procédure, introduite par la loi de modernisation a été légèrement modifiée par la loi portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques. Cette dernière a, ainsi, supprimé les deuxième, troisième et dernier alinéas de l'article L. 122-54 du Code du travail (N° Lexbase : L0587AZR, devenu L. 1152-6). Ainsi, les dispositions relatives au choix du médiateur, à la procédure de convocation des parties ainsi que celles relatives à l'application au médiateur des pouvoirs reconnus au conseiller du salarié sont supprimées.

Les sanctions et actions judiciaires

Les sanctions applicables à l’auteur du harcèlement moral

Tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral est passible d'une sanction disciplinaire (C. trav., art. L. 1152-5 N° Lexbase : L0732H9Y). Ainsi, en cas de reconnaissance d’une situation de harcèlement moral, l’employeur pourra sanctionner le salarié auteur par une mesure de licenciement.

Sur le terrain pénal, le harcèlement moral en entreprise est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende (C. pén., art. 222-33-2 N° Lexbase : L9324I3Q). Cette peine peut être plus lourde en fonction de la présence de circonstances aggravantes (C. pén., art. 222-33-2-2 N° Lexbase : L6228LLA).

Les sanctions applicables au dénonciateur de mauvaise foi

Le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance de la fausseté des informations (Cass. soc., 10 mars 2009, n° 07-44.092, FP-P+B+R N° Lexbase : A7131EDH). L'intention de nuire n'est pas nécessaire pour retenir la mauvaise foi du salarié (Cass. soc., 11 décembre 2019, n° 18-18.207 N° Lexbase : A1524Z8X ; Ord. n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, art. 4 N° Lexbase : L7629LGN). 

La Cour de cassation a considéré que l’absence de mention de la mauvaise foi dans la lettre de licenciement n'empêche pas l'employeur de l'alléguer devant le juge (Cass. soc., 16 septembre 2020, n° 18-26.696 N° Lexbase : A36573UY). 

La responsabilité de l’employeur

Or, en cas de nullité du licenciement, l'employeur est condamné à verser l'indemnité dont le montant doit être compris entre les montants minimaux et maximaux prévus par l'article L. 1235-3 (N° Lexbase : L8061LGN), lorsque le licenciement est en outre, dépourvu de cause réelle.

Dès lors que l'employeur a eu, à l'égard du salarié, une attitude répétitive constitutive de violences morales et psychologiques, le salarié peut rompre son contrat de travail pour harcèlement moral et en imputer la rupture à son employeur (Cass. soc., 26 janvier 2005, n° 02-47.296 N° Lexbase : A2960DGQ). La résiliation judiciaire du contrat de travail prononcée aux torts de l'employeur, en raison notamment du harcèlement moral dont la salariée a été victime sur son lieu de travail, produit les effets d'un licenciement nul (Cass. soc., 20 février 2013, n° 11-26.560, F-P+B N° Lexbase : A4354I8R).

Par ailleurs, la carence d'un employeur, laissant perdurer des vexations, insultes à caractère raciste, est fautive. En réparation du préjudice moral entretenu par l'incurie de l'employeur, la victime peut donc réclamer des dommages et intérêts (CA Versailles, 31 mars 2011, n° 10/00710 N° Lexbase : A7391HMP).

En outre, sur le plan civil, le Code du travail prévoit que toute rupture du contrat de travail qui résulterait d'agissements répétés de harcèlement moral, toute disposition ou tout acte contraire à l'article L. 1152-1 du Code du travail, est nul de plein droit (C. trav., art. L. 1152-3 N° Lexbase : L0728H9T, art. L. 1152-1 N° Lexbase : L0724H9P).

La charge de la preuve et le contrôle des juges

Aux prud’hommes, la reconnaissance judiciaire d’une situation de harcèlement moral se fait en 3 temps :

  • le salarié doit d’abord présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement (C. trav., art. L. 1154-1 (N° Lexbase : L6799K9P). Il « incombe à la partie défenderesse, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement » ;
  • S’il y a présomption de harcèlement, l’employeur doit ensuite démontrer que les faits matériellement établis par le salarié ne correspondent pas une situation de harcèlement.


Au vu de l'ensemble de ces éléments, et après avoir examiné la matérialité de chacun des faits invoqués par le salarié, le juge conclura ou non à l'existence d'un harcèlement (Cass. soc., 25 janvier 2011, n° 09-42.766, FS-P+B+R N° Lexbase : A8506GQ4 ; Cass. soc., 25 janvier 2011, n° 09-70.992 N° Lexbase : A8541GQE ; Cass. soc., 12 octobre 2016, n° 15-18.276 N° Lexbase : A9624R7L).

Enfin, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. C’est au juge d’apprécier souverainement l’existence ou non d’un harcèlement moral. Ainsi, diverses preuves sont admissibles afin de prouver un harcèlement moral (attestation produite par un membre du CSE, témoignage, lettre de licenciement…).

Les témoins et dénonciateurs sont protégés par la loi. En effet, ils ne peuvent pas faire l’objet de mesures discriminatoires, sous peine d’une condamnation de l’auteur ou des auteurs de ces mêmes mesures.

Le harcèlement moral, arrêt de travail et accident de travail

Lorsqu’un salarié est licencié à la suite d’un arrêt de travail ayant pour cause principal du harcèlement moral, le licenciement prononcé est nul. Il en est de même pour l’inaptitude constatée à la suite d’un harcèlement moral. Par ailleurs, la Cour de cassation reconnaît la qualification d'accident du travail en cas de suspension du contrat de travail. Ainsi, si le salarié apporte la preuve du lien entre sa tentative de suicide lors de son arrêt de travail et ses conditions de travail laissant présumer l’existence d’un harcèlement moral, alors celui-ci pourra voir sa demande qualifiée en accident de travail.

 

Le salarié qui apporte la preuve que son arrêt de travail était la conséquence d’une dégradation de ses conditions de travail, peut voir sa demande qualifiée en accident de travail. De plus, le salarié victime de harcèlement moral peut se voir attribuer des dommages et intérêts

2. Infographie relative au harcèlement moral et sexuel

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3. Les définitions du harcèlement moral

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  • La définition issue du Code pénal
  • Le harcèlement moral est désormais qualifié de délit par le législateur. L’article 222-33-2 du Code pénal (N° Lexbase : L9324I3Q) dispose que : « le fait de harceler autrui par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende ».

    Cette définition a été précisée par l’article 222-33-2-2 du Code pénal (N° Lexbase : L6228LLA). De plus, le tribunal peut ordonner, à titre complémentaire, l’affichage du jugement aux frais de la personne condamnée dans les conditions prévues à l’article 131-35 du Code pénal (N° Lexbase : L3255IQM). Cette peine est également encourue par les personnes physiques ou morales coupables de l’une des infractions prévues par les articles 222-33 (sur le harcèlement sexuel, N° Lexbase : L6229LLB), et 222-33-2 (sur le harcèlement moral, N° Lexbase : L9324I3Q).

    Pour rappel, l’action doit nécessairement être dirigée contre l’auteur direct des agissements de harcèlement. A contrario, en matière civile, la responsabilité de l’employeur peut être engagée même s’il n’est pas l’auteur du harcèlement. Effectivement, l’employeur ne peut être pénalement responsable d’actes de harcèlement que si celui-ci a commis ces actes personnellement.
  • La définition issue du Code du travail
  • Le harcèlement moral se caractérise par des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale N° Lexbase : L1304AW9).

    Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage, ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir les agissements répétés de harcèlement moral (N° Lexbase : L8841ITM). Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 (N° Lexbase : L0724H9P) et L. 1152-2 du Code du travail (N° Lexbase : L8841ITM), toute disposition ou tout acte contraire est nul.

    Les dispositions des articles L. 1152-1 (N° Lexbase : L0724H9P) à L.1152-3 du Code du travail (N° Lexbase : L0728H9T) ne s'appliquent pas à des faits antérieurs à la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002, de modernisation sociale (Cass. soc., 14 décembre 2005, n° 03-47.593, F-D, N° Lexbase : A9908DLK).
  • La définition issue de l’accord interprofessionnel du 26 mars 2010
  • Depuis le 1er août 2010, l’accord national interprofessionnel sur le harcèlement et les violences au travail oblige l’employeur et les salariés à agir dès l’apparition des premiers signes de violence ou de harcèlement. Cet accord indique qu’aucun salarié n’a le droit de subir des agissements de harcèlement ou de violence dans le cadre de son travail. Les dispositions de cet accord ont été étendues par l’arrêté du 23 juillet 2010. Cet arrêté rend obligatoire les dispositions de l’accord pour tous les employeurs et tous les salariés compris dans son champ d’application (industrie, commerces et services, y compris les artisans, l’accord ayant été signé par le Medef, la CGPME et l’UPA ; arrêté du 23 juillet 2010 portant extension d'un accord national interprofessionnel sur le harcèlement et la violence au travail N° Lexbase : L9690IMT).

    Le but de l’accord est à la fois d’attirer l’attention des employeurs et salariés sur le harcèlement et la violence au travail, mais aussi de leur énoncer les grandes lignes d’une politique de prévention

     

    Cet accord a pour but :
    • d’améliorer la sensibilisation, la compréhension et la prise de conscience des employeurs, des salariés et de leurs représentants à l’égard du harcèlement et de la violence au travail, afin de mieux anticiper ces phénomènes, les réduire, et si possible les éliminer ;

    • d’apporter aux employeurs, aux salariés et à leurs représentants, un cadre concret pour l’identification, la prévention et la gestion des problèmes de harcèlement et de violence au travail.

  • La loi du 27 mai 2008 sur les discriminations
  • L’interdiction de la discrimination a été introduite, en droit interne, par la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations (N° Lexbase : L8986H39). Cette loi est le résultat de la transposition de plusieurs directives communautaires, rendue nécessaire à la suite de mises en demeure par la Commission européenne. Celle-ci estimait que la France n’avait pas tiré toutes les conséquences de la législation européenne.

    Ainsi, la loi du 27 mai 2008 a intégré, en droit interne, les directives suivantes :
    ♦ la Directive 2000/43/CE du 29 juin 2000, relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique (N° Lexbase : L8030AUX) ;

    ♦ la Directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail (N° Lexbase : L3822AU4) ;

    ♦ la Directive 2002/73/CE du 23 septembre 2002, relative à la mise en œuvre du principe d'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelle et les conditions de travail ([LXB=​​​​​​​L9630A4G]) ;

    ♦ la Directive 2006/54/CE du 5 juillet 2006, relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail, qui procède à la refonte des directives antérieures (N° Lexbase : L4210HK7).

    Cette loi interdit tout type de discrimination, directe ou indirecte, pour l’ensemble des activités, qu’elles soient économiques ou non économiques. Depuis la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, de modernisation de la justice du XXIe siècle (N° Lexbase : L1605LB3), ce texte définit la liste des motifs de discrimination directe et indirecte sur le plan civil.

    Il a vocation à s’appliquer aux activités professionnelles salariées ou indépendantes.

  • La Chambre sociale de la Cour de cassation apporte des précisions utiles quant au contentieu relatif au licenciement d'un salarié tiré d'un grief de dénonciation de faits de harcèlement. Ces précisions permettent d'apprécier différemment la définition du harcèlement moral. 
  • La Haute juridiction considère que si la dénonciation de faits de harcèlement moral est évidente et ne pouvait pas être légitimement ignorée par l’employeur à la lecture de l’écrit adressé par le salarié, ce dernier ne peut pas être licencié pour ce motif, peu important qu’il n’ait pas qualifié lesdits faits de harcèlement moral lors de leur dénonciation, sauf mauvaise foi.

     

    Désormais, le contentieux relatif au licenciement d’un salarié tiré d’un grief de dénonciation de faits de harcèlement va s’axer sur le caractère évident d’une telle dénonciation dans l’écrit du salarié, peu important que les termes « harcèlement moral » n’aient pas été utilisés par ce dernier.

    Cette solution répond à la fois :

    • à la faculté pour l'employeur d'invoquer devant le juge, sans qu'il soit tenu d'en avoir fait mention au préalable dans la lettre de licenciement, la mauvaise foi du salarié licencié pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral 
    • à la protection conférée au salarié licencié pour un motif lié à l'exercice non abusif de sa liberté d'expression, dont le licenciement est nul pour ce seul motif à l'instar du licenciement du salarié licencié pour avoir relaté, de bonne foi, des agissements de harcèlement.

     

    En l'espèce, l’employeur ne pouvait légitimement ignorer que la salariée avait dénoncé des faits de harcèlement moral. En effet, la lettre de licenciement reprochait à la salariée d’avoir adressé à des membres du conseil d’administration une lettre pour dénoncer le comportement de son supérieur hiérarchique. La salariée illustrait son propos de plusieurs faits ayant entraîné, selon elle, une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé (Cass. soc., 19 avril 2023, n° 21-21.053, FP-B+R N° Lexbase : A02239QC).

4. Les éléments constitutifs du harcèlement moral

E5233YUD

Le harcèlement est caractérisé par 3 principaux éléments :
- des agissements répétés,
- une dégradation des conditions de travail du salarié,
- une atteinte aux droits et à la dignité du salarié, à sa santé physique ou mentale ou à son avenir professionnel.

  • Le harcèlement est caractérisé par 3 éléments :
  • Art. L1152-1, Code du travail
    ♦ les agissements répétés,

    ♦ une dégradation de ses conditions de travail,

    ♦ une atteinte aux droits et à la dignité du salarié, à sa santé physique ou mentale ou à son avenir professionnel.

     

    Ainsi, par exemple, la cour d'appel qui ne justifie pas en quoi les agissements de M. X à l'égard du salarié, étaient susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, ne caractérise pas les agissements de harcèlement moral (Cass. crim., 08-04-2014, n° 12-85.800, FS-P+B+I N° Lexbase : A7638MIQ).

     

    A noter que les juges du fond apprécient souverainement l'existence d'un harcèlement moral (Cass. soc., 23-11-2005, n° 04-46.152, F-P N° Lexbase : A7593DLS).

4-1. L’auteur et la victime du harcèlement

  • Les auteurs du harcèlement moral
  • L'employeur. Le harcèlement moral peut être le fait de l'employeur mais aussi de son représentant ou de son supérieur hiérarchique (Cass. soc., 16 juillet 1987, n° 85-40.014, N° Lexbase : A2961CU9). L'employeur est donc responsable des faits de harcèlement moral commis par toute personne exerçant, de fait ou de droit, une autorité sur les salariés (Cass. soc., 19 octobre 2011, n° 09-68.272, FS-P+B N° Lexbase : A8752HYS). Ainsi, une salariée peut être indemnisée du préjudice moral résultant des mauvais traitements infligés par l'épouse de l'employeur (Cass. soc., 10 mai 2001, n° 99-40.059 N° Lexbase : A4172ATP).

    Le subordonné. Le harcèlement peut également être le fait d'un subordonné envers son supérieur hiérarchique (Cass. soc., 6 février 1980, n° 78-41497, B, N° Lexbase : A9101AYQ).

    Le collègue. Un collègue de travail peut également à l'origine de faits de harcèlement moral.

    Un tiers à l’entreprise. Aussi, un tiers peut être désigné comme l'auteur du harcèlement moral dès lors qu'il est chargé par l'employeur, par le biais d'un contrat de franchise, de mettre en place de nouveaux outils de gestion, de former la responsable du restaurant et son équipe et peut dès lors exercer une autorité de fait sur les salariés (Cass. soc., 1 mars 2011, n° 09-69.616, F-P+B N° Lexbase : A1528HCL).

    Exigence d'une relation de travail. Le délit de harcèlement moral de l'article 222-33-2 du Code pénal ne peut être caractérisé en l'absence d'une relation de travail, s'agissant d'un travailleur exerçant son activité de manière indépendante par rapport à l'auteur des faits (Cass. crim., 13 décembre 2016, n° 16-81.253, FS-P+B N° Lexbase : A2108SXD).
  • Les victimes de harcèlement moral
  • Doivent bénéficier de la protection contre le harcèlement moral :
    • les salariés,
    • les personnes en formation ou en stage.

    Bénéficient également de la protection contre le harcèlement moral :
    • les employés de maison,
    • les concierges et employés d'immeubles à usage d'habitation,
    • les assistants maternels et assistants familiaux,
    • les fonctionnaires et agents publics non titulaires selon un régime adapté.

    Les agissements de harcèlement moral ne doivent pas nécessairement concerner un seul salarié si celui-ci fait partie des personnes qui en sont victimes et les agissements répréhensibles qui, touche le salarié mais également ses collègues, peuvent donner lieu à une action individuelle pour harcèlement moral (Cass. soc., 28 mars 2012, n° 10-24.441, F-D (N° Lexbase : A9869IGM).
  • Les bénéficiaires de la protection contre le harcèlement moral sont protégés contre le fait de subir ou refuser de subir des faits de harcèlement moral, mais également pour avoir témoignés de tels agissements ou les avoir relatés.
  • Le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis (Cass. soc., 7 février 2012, n° 10-18.035, FS-P+B+R N° Lexbase : A3661ICL).

    Dénonciation de harcèlement et nullité du licenciement (oui). Ayant relevé que l'employeur avait prononcé un avertissement puis engagé la procédure de licenciement dans un délai de moins de quinze jours suivant la relation par la salariée de faits constituant selon elle une situation de harcèlement moral et que cette dénonciation avait de toute évidence pesé sur l'engagement à très court terme de la procédure de licenciement , la cour d'appel, qui a suffisamment caractérisé le lien existant entre ces faits, en a exactement déduit la nullité du licenciement (Cass. soc., 16 juin 2016, n° 14-26.965, F-D N° Lexbase : A5581RTU).

    Dénonciation de faits de harcèlement (rôle du juge des référés). Le juge des référés, saisi d'une demande de réintégration d'un salarié licencié pour avoir dénoncé des faits de harcèlement le concernant, doit se prononcer, comme il le lui est demandé, sur la mauvaise foi du salarié lorsqu'il avait dénoncé les faits de harcèlement moral, pour déterminer si son licenciement constituait un trouble manifestement illicite (Cass. soc., 25 novembre 2015, n° 14-17.551, FS-P+B N° Lexbase : A0736NYW).

4-2. La nature des agissements répréhensibles

4-2-1. Des actes répétitifs

  • Le caractère répété des agissements
  • Pour qu’une situation de harcèlement moral soit constatée, il faut que des agissements répétés aient été observés. L’article du Code du travail ne donne pas de définition précise de ce que recouvre la notion « d’agissement », il revient donc aux juges d’apprécier souverainement les circonstances d’espèce pour constater la présence d’une situation de harcèlement moral. La jurisprudence n’impose pas que ces agissements soient de nature différente, il peut s’agir de faits similaires (Cass. crim., 26 janvier 2016, n° 14-80.455 N° Lexbase : A3388N7M).

     

    Illustrations jurisprudentielles

    Cass. soc., 24 janvier 2006, n° 03-44.889, F-D (N° Lexbase : A5499DMM).

    Les critiques systématiques des compétences et du travail d'un salarié qu'il privait régulièrement et pour des périodes prolongées d'affectation précise, aux fins de l'isoler du reste de la communauté de travail constituent des actes répétés de harcèlement.

    Cass. soc., 26 janvier 2005, n° 02-47.296, F-P+B (N° Lexbase : A2960DGQ).

    C'est à bon droit que la cour d'appel a attribué au salarié des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse après avoir relevé que l'employeur a eu à l'égard du salarié une attitude "répétitive" constitutive de violences morales et psychologiques qui permettaient au salarié de rompre son contrat de travail et d'en imputer la rupture à l'employeur.

    Cass. soc., 22 mars 2007, n° 04-48.308, F-D (N° Lexbase : A7372DUL).

    Est victime de harcèlement moral la salariée qui n'a précédemment fait l'objet d'aucun reproche et qui est sanctionnée par quatre avertissements dont aucun n'est fondé et dont il est résulté une dégradation de ses conditions de travail.

    Cass. soc., 16 avril 2008, n° 06-41.999, FS-P+B (N° Lexbase : A9602D7R).

    Constitue un harcèlement moral le fait de déclasser la salariée à la faveur de l'entrée en vigueur d'une nouvelle classification conventionnelle des emplois et de lui adresser sur une période de plusieurs mois, outre plusieurs mises en garde, trois avertissements irréguliers.

    Cass. soc., 8 juillet 2009, n° 08-41.638, F-D (N° Lexbase : A7535EIW).

    Constitue également un harcèlement moral le fait pour un supérieur hiérarchique de s'être livré de manière répétée et dans des termes humiliants à une critique de l'activité d'une salariée, en présence d'autres salariés.

     

    L’ANI du 26 mars 2010 est venu compléter la définition du Code du travail en prévoyant que le harcèlement survient en raison d’abus, de menaces et / ou d’humiliation répétés ou délibérés dans des circonstances liées au travail.

  • La notion de temps
  • Le législateur n’a pas entendu imposer de période de temps durant lesquelles les agissements auraient été exercés. Ainsi, les faits constitutifs de harcèlement moral peuvent se dérouler sur une brève période. (Cass. soc., 26 mai 2010, n° 08-43.152, F-P, Sté Autocasse Bouvier c/ L. : Bull. civ. V, n° 111 [LXB= A7227EXX] ; Cass. soc., 3 avril 2013, n° 11-27.054, F-D [LXB= A6380KBW]) mais également avec un espacement important dans le temps. (Cass. soc., 25 septembre 2012, n° 11-17.987, F-D [LXB= A6080ITD]) .
  • L'acte isolé ne suffit pas
  • Un seul agissement même grave ne suffit pas à retenir une situation de harcèlement moral, la répétition des agissements est une condition déterminante. (Cass. soc., 15 avril 2008, n° 07-40.290, F-D N° Lexbase : A9760D7M ;  Cass. soc., 13 avril 2010, n° 08-45.614, F-D N° Lexbase : A0566EWU ; Cass. soc., 22 janvier 2014, n° 12-29.131, F-D N° Lexbase : A0058MDI).

E6452YUI

4-2-2. L’objet ou les effets des actes de harcèlement moral

  • La dégradation des conditions de travail
  • Selon l'article L 1152-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0724H9P), pour être qualifiés de harcèlement moral, les agissements doivent avoir pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail. Généralement, il s’agit de dégradation des conditions de travail en raison de relations individuelles du salarié victime avec l’auteur des agissements. Cependant, une situation de harcèlement moral peut également prendre appuie sur des modes de gestion ou de management appliqués en interne. On parle alors de harcèlement moral managérial ou institutionnel (Cass. soc., 10 novembre 2009, n° 07-45.321, FS-P+B ; T. corr. Paris, 20 décembre 2019 N° Lexbase : A1629ENN). La simple possibilité d'une dégradation des conditions de travail suffit à consommer le délit de harcèlement moral (Cass. crim., 6 décembre 2011, n° 10-82.266, F-P+B N° Lexbase : A0348H9R ; Cass. crim., 23 janvier 2018, n° 16-87.709, F-D N° Lexbase : A8603XBA).

     

    A noter également que les dispositions relatives au harcèlement moral sont applicables pendant toute la durée de la relation de travail, peu important que le salarié soit dispensé d'activité (congé de fin de carrière) (Cass. soc., 26 juin 2019, n° 17-28.328, FS-P+B N° Lexbase : A3048ZHD).

     

    Les conséquences de la dégradation des conditions de travail sont de trois ordres : 
    • de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié ;
    • d'altérer sa santé physique ;
    • ou de compromettre son avenir professionnel.

    Ces conditions ne sont pas cumulatives (Cass. soc., 10 mars 2010, n° 08-44.393, F-D N° Lexbase : A1734ETE). Ainsi, dans un arrêt, le juge ayant constaté que les agissements de l'employeur avaient altéré la santé de la salariée, il n'avait pas à rechercher si la dégradation des conditions de travail portait cumulativement atteinte à ses droits et à sa dignité. Le harcèlement moral est qualifié lorsque la situation de travail d’un salarié se dégrade progressivement, sans aucune raison valable. Ci-dessous quelques exemples jurisprudentiels. 

     

    Illustrations jurisprudentielles

    Cass. soc., 27 octobre 2004, n° 04-41.008 (N° Lexbase : A7443DDZ).

    La cour d'appel, qui a constaté que la salariée avait fait l'objet d'un retrait sans motif de son téléphone portable à usage professionnel, de l'instauration d'une obligation nouvelle et sans justification de se présenter tous les matins au bureau de sa supérieure hiérarchique, de l'attribution de tâches sans rapport avec ses fonctions, faits générateurs d'un état dépressif médicalement constaté nécessitant des arrêts de travail, a, par une appréciation souveraine, estimé que la conjonction et la répétition de ces faits constituaient un harcèlement moral.

    Cass. soc., 7 juillet 2015, n° 13-26.726, F-D (N° Lexbase : A7458NM8).

    Peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en œuvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu'elles se manifestent, pour un salarié déterminé, par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Le salarié invoquait en outre un état d'affaiblissement physique et psychologique qui a donné lieu à un arrêt de travail.

    Cass. crim., 23 janvier 2018, n° 16-87.709, F-D (N° Lexbase : A8603XBA).

    Encourt la cassation l'arrêt qui, pour juger non caractérisé le délit de harcèlement moral, a retenu que les conséquences de la dégradation des conditions de travail devaient être avérées, alors que la simple possibilité de cette dégradation suffit à consommer le délit de harcèlement moral.

  • L’atteinte aux droits ou à la dignité
  • Au regard de la jurisprudence, les atteintes à la dignité sont souvent liées aux conditions de travail et peuvent se manifester par une mise au placard, des brimades, des mesures vexatoires, des humiliations. Pour illustration l’atteinte à la dignité est constituée lorsque :
    • le supérieur recourt à des propos blessants, des attaques inutiles usant d'un ton excédant celui qu'autorise en certains cas le lien de subordination existant entre les parties (Cass. crim., 25 septembre 2007, n° 06-84.599, F-P+F+I N° Lexbase : A7483DYS). 
    • les actes ont lieu devant des témoins (Cass. crim., 21 juin 2005, n° 04-86.936, F-P+F N° Lexbase : A9438DIE).
    • le salarié se voit isolé par l’employeur (Cass. soc., 29 juin 2005, n° 03-44.055, F-D N° Lexbase : A8540DI7, Cass. soc., 10 novembre 2009, n° 07-42.849, FS-P+B N° Lexbase : A2061ENN, Cass. soc., 30 mars 2011, n° 09-41.583, FS-P+B N° Lexbase : A3892HM4).
    • un salarié tient des propos injurieux et narquois visant à dévaloriser une autre salariée, (Cass. soc., 16 avril 2015, n° 13-27.271, F-D N° Lexbase : A9356NGM).
    • un salarié adresse à une salariée, des photos ou des messages à caractère sexuel, ayant pour conséquence de porter atteinte à sa dignité, est constitutif d’un harcèlement moral (Cass. crim., 25 avril 2017, n° 15-86.849, F-D N° Lexbase : A2646WBM, Cass. crim., 17 octobre 2017, n° 16-86.075, F-D N° Lexbase : A4431WWZ).

    Récemment, les juges ont fait émerger la notion de « bore-out » entrant dans la catégorie du harcèlement moral. (CA Paris, Pôle 6, 11ème ch., 2 juin 2020, n° 18/05421 N° Lexbase : A67303M9). En l’occurrence le salarié avait été confronté à une pratique de mise à l’écart à son égard caractérisée par le fait d’avoir été maintenu pendant les dernières années de sa relation de travail sans se voir confier de réelles tâches correspondant à sa qualification et à ses fonctions contractuelles. Ce bore-out résultant de mesure d’isolement doit donc être appréhendé au titre de l’obligation de sécurité incombant à l’employeur étant précisé que ces situations d’isolement sont placés au cœur des débats avec le recours massif au télétravail pendant cette période de crise sanitaire.
  • L’altération de la santé physique ou mentale
  • Les agissements de harcèlement moral commis par un salarié peuvent également porter atteinte à la santé de la victime. Pour illustration :

     

    Illustrations jurisprudentielles

    Cass. crim., 28 mai 2013, n° 12-81.468, F-P+B (N° Lexbase : A3008KIA).

    Est considéré comme un harcèlement le fait pour un salarié d'avoir fait l'objet d'une procédure de licenciement abandonnée et mis en cause violemment par le président de l'entreprise après avoir soutenu un collègue victime de harcèlement moral et ayant entraîné une altération de sa santé.

    Cass. crim., 6 février 2007, n° 06-82.601, F-P+F (N° Lexbase : A3111DUR).

    Il y a également harcèlement moral lorsque l'employeur a procédé de façon répétée à des brimades à l'encontre d'un délégué syndical (tâches dévalorisantes ne correspondant pas à sa qualification, retenues sur salaire injustifiées, ...) et lorsque ce comportement a empêché l'intéressé d'exercer pleinement ses fonctions de chef d'équipe, l'a discrédité auprès de ses collègues de travail et l'a placé dans une situation financière difficile, à tel point que sa santé mentale s'en est trouvée altérée et qu'il a été contraint, à la suite des faits, d'interrompre son activité.

    Cass. soc., 28 janvier 2010, n° 08-42.616, FS-P+B (N° Lexbase : A7668EQ3).

    Par ailleurs, le fait pour un employeur de ne pas prendre en compte la santé du salarié peut également constituer un harcèlement. Ainsi, le fait d'imposer à une salariée, déclarée apte au travail mais avec réserves à la suite d’un accident du travail, de manière répétée et au mépris des prescriptions du médecin du travail, le port de lourdes charges et de lui avoir proposé à cinq reprises des postes de reclassement d'un niveau inférieur, constitue de la part de l'employeur un harcèlement moral.

    Cass. soc., 23 mars 2011, n° 08-45.140, F-D (N° Lexbase : A7587HIT).

    Est constitutif d’un harcèlement moral le fait de mener son salarié dans un état de surmenage, d’épuisement professionnel et de dépression.

    Cass. soc., 17 novembre 2011, n° 10-25.704, F-D (N° Lexbase : A9503HZY).

    Le harcèlement moral est caractérisé lorsqu’un employeur, ayant connaissance de l’état de grossesse d’une salariée, met en péril la vie de la salariée en question.

    Cass. soc., 18 janvier 2011, n° 09-42.671, F-D (N° Lexbase : A2807GQZ).

    Lorsqu'un employeur critique en permanence une salariée, encourage par son attitude les collègues de travail de celle-ci à lui tenir des propos déplacés ou injurieux, la fait surveiller et interdit au reste du personnel de se rendre dans son bureau, ces agissements entraînent une dégradation des conditions de travail de l'intéressée portant atteinte à sa dignité et altérant sa santé.

    Cass. soc., 18 mars 2016, n° 14-26.827, F-D (N° Lexbase : A3606Q83).

    Le salarié ayant subi une baisse de sa rémunération et une réduction de ses prérogatives depuis janvier 2008, des retards fréquents et des omissions de paiement de certains éléments de salaire ainsi qu'un défaut de visite médicale périodique consécutif à la non-adhésion de l'employeur à un service de visite médicale, la cour d'appel a pu en déduire que ces faits étaient susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité comme à sa santé ou de compromettre son avenir professionnel, et de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.

  • La compromission de l’avenir professionnel
  • Les agissements de harcèlement moral peuvent également avoir pour effet de compromettre l'avenir professionnel de la victime. Est constitutif d’un harcèlement moral le fait de sanctionner subitement, sans véritable raison, un salarié présent depuis une longue date en entreprise, alors que son travail est sans reproche. Ci-dessous les illustrations jurisprudentielles :

     

    Illustrations jurisprudentielles

    Cass. soc., 22 mars 2007, n° 04-48.308, F-D (N° Lexbase : A7372DUL).

    Est victime de harcèlement moral la salariée qui n'a précédemment fait l'objet d'aucun reproche et qui est sanctionnée par quatre avertissements dont aucun n'est fondé et dont il est résulté une dégradation de ses conditions de travail.

    Cass. soc., 13 juillet 2017, n° 16-13.734, F-D (N° Lexbase : A9943WM9).

    En ayant relevé qu'à la suite de la dénonciation des agissements de harcèlement moral de son supérieur par le salarié, jamais sanctionné au cours des dix années précédentes, l'employeur a pris à son encontre deux mesures disciplinaires successives et que les faits reprochés étaient intervenus concomitamment aux agissements de harcèlement moral, une cour d'appel, qui a suffisamment caractérisé le lien existant entre ces faits, en a exactement déduit la nullité du licenciement.

    Cass. soc., 13 juillet 2017, n° 16-13.734, F-D (N° Lexbase : A9943WM9).

    Est constitutif d’un harcèlement moral la succession de mesures disciplinaires exercées à l’encontre d’une salariée protégée.

    Cass. soc., 19 octobre 2010, n° 09-42.391, F-D (N° Lexbase : A4260GCR).

    Est constitutif de harcèlement moral l’employeur qui impose à son salarié une mutation malgré son refus, et qui l’oblige à se présenter dans les locaux de la société tierce.

    Cass. soc., 15 mars 2011, n° 09-72.541, F-D (N° Lexbase : A1633HDT).

    Le fait de divulguer des informations personnelles relatives à la santé d’un salarié, ainsi que de diminuer les responsabilités et déclasser la salariée en question, sans raison apparente, constitue un harcèlement moral.

    Cass. soc., 20 octobre 2011, n° 10-15.623, F-D (N° Lexbase : A8851HYH).

    Est constitutif d’un harcèlement moral le fait de demander, à répétition, à un salarié d’effectuer des tâches n’ayant aucun rapport avec sa qualification première.

    Cass. soc., 13 novembre 2014, n° 13-18.843, F-D (N° Lexbase : A2973M3I).

    Caractérise des agissements de harcèlement moral le fait, pour l'employeur d'envoyer plusieurs lettres notamment de mise en demeure au salarié, sur un ton discourtois inapproprié, et de lui annoncer son intention de le licencier au motif qu'il n'a pas atteint ses objectifs, les juges ayant, par ailleurs, constaté que la dépression et l'arrêt de travail du salarié étaient directement en rapport avec les pressions ainsi exercées par son employeur.

    Cass. soc., 11 décembre 2015, n° 14-17.908, F-D (N° Lexbase : A1823NZK).

    La cour d'appel, qui a constaté que les faits de mise à l'écart, de propos dénigrants et de sanctions disciplinaires injustifiées étaient établis, a pu en déduire l'existence d'éléments, qu'elle a appréciés dans leur ensemble, laissant supposer un harcèlement moral.

  • Les outrages sexistes
  • L’article 621-1 du Code pénal (N° Lexbase : L7582LPI) pose le principe suivant : «Constitue un outrage sexiste le fait, hors les cas prévus aux articles 222-13,222-32,222-33 et 222-33-2-2, d'imposer à une personne tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste qui soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit créé à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ».

    Il est notifié que la qualification d’outrage sexiste ne pourra être retenue que dans l’hypothèse où les faits ne pourraient faire l’objet d’aucune autre qualification pénale plus sévère. De ce fait, les poursuites sous les qualifications délictuelles de violence, d’agression sexuelle, d’exhibition sexuelle ou bien même de harcèlement devront nécessairement primer sur celle d’outrage sexiste. Le caractère répété des agissements constaté devra, en particulier, impérativement conduire à poursuivre les faits sous la qualification de harcèlement.

    Cette infraction est passible d’une amende prévue pour les contraventions de la 4e classe, soit d’un montant de 750 €. De surcroît, l’article 621-1 du Code (N° Lexbase : L7582LPI) prévoit énumère sept circonstances aggravantes portant l’amende à celle des contraventions de la 5e classe. Il s’agit des outrages sexistes commis :
    • par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ;
    • sur un mineur de 15 ans ;
    • sur une personne dont la particularité vulnérable, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur ;

    • sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de son auteur ;
    • par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice ;
    • dans un véhicule affecté au transport collectif de voyageurs ou dans un lieu destiné à l’accès à un moyen de transport collectif de voyageurs ;
    • en raison de l’orientation sexuelle, vraie ou supposée, de la victime.

    Lorsque le fait est commis par une personne abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions, l’amende peut être portée à 1 500 € (3 000 € en cas de récidive). Des peines complémentaires sont également envisageables, comme par exemple l’obligation pour le coupable d’effectuer à ses frais un stage de lutte contre le sexisme et de sensibilisation à l’égalité entre les femmes et les hommes.

E6453YUK

4-2-3. Quelques illustrations jurisprudentielles

  • Jurisprudence

    Comportement constituant un harcèlement moral

    Comportement ne constituant pas un harcèlement moral

    Le salarié ayant été victime d’agissements de harcèlement moral et la lettre de licenciement lui ayant reproché notamment un des faits retenus (la remise d’un rapport journalier) comme caractérisant ce harcèlement, la cour d’appel a pu décider, sans avoir à examiner les autres faits énoncés dans cette lettre, que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 13 janvier 2016, n° 14-14.118, F-D N° Lexbase : A9318N3I).

    X

     

    Dans un arrêt du 10 novembre 2009, la Cour de cassation consacre expressément le fait que le harcèlement moral ne nécessite pas la preuve de l’intention de nuire au salarié (Cass. soc., 15 novembre 2011, n° 10-30.463, FS-P+B+R N° Lexbase : A9350HZC).

    X

     

    Le harcèlement moral est constitué indépendamment de l’intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié (Cass. soc., 15 novembre 2011, n° 10-10.687, FS-P+B+R N° Lexbase : A9349HZB).

    X

     

    Les éléments apportés par le salarié qui ne sont pas de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral dont il aurait été victime, en particulier, les avertissements justifiés par des refus illégitimes de rendre des comptes à sa hiérarchie et une attitude de dénigrement envers l'entreprise, ne justifient pas un harcèlement moral du fait de sa mauvaise foi caractérisée (Cass. soc., 7 mai 2014, n° 13-14.344, F-D N° Lexbase : A9129MKC).

     

    X

    Une simple mesure disciplinaire prononcée à l’égard d’un salarié ne peut être qualifié de harcèlement moral (Cass. soc., 9 décembre 2009, n° 07-45.521, FS-P+B+R N° Lexbase : A4362EPA ; CA Colmar, 17 août 2017, n° 15/00825 N° Lexbase : A0245WQ7).

     

    X

    N’est pas constitutif d’un harcèlement moral le fait d’utiliser de manière normale les canaux de communication mis en place dans l’entreprise (CA Paris, 22e, C, 27 janvier 2005, n° 03/33818 N° Lexbase : A1620DHH ; Cass. soc., 24 septembre 2013, n° 12-16.670, F-D N° Lexbase : A9505KLM).

     

    X

    Le mauvais comportement d’un ou plusieurs salarié(s) ne remet pas en question l’obligation de sécurité de l’employeur et ne constitue pas un harcèlement moral (Cass. soc., 20 octobre 2010, n° 08-19.748, FS-P+B N° Lexbase : A4140GCC ; Cass. soc., 5 novembre 2014, n° 13-16.729, F-D N° Lexbase : A9045MZZ ; CA Riom, 9 janvier 2018, n° 16/01903 N° Lexbase : A8812XP3).

     

    X

    Des conditions de travail stressantes liées à l’activité en entreprise ne peuvent être qualifiées de harcèlement moral (CA Paris, A, 4 juin 2009, n° 07/05933 N° Lexbase : A1317EIM ; CA Nîmes, 17 mai 2011, n° 09/04331 N° Lexbase : A4269HRK).

     

    X

    Une décision prise unilatéralement par un employeur, n’ayant pas d’impact sur les conditions de travail du salarié, ne peut être qualifié de harcèlement moral (Cass. soc., 12 mai 2010, n° 08-45.244, F-D N° Lexbase : A1607EXS).

     

    X

    Un salarié présent à une scène de violence entre deux membres de son entreprise, ne peut voir sa demande qualifiée en harcèlement moral (Cass. soc., 19 novembre 2014, n° 13-17.245, F-D N° Lexbase : A9353M3S).

     

    X

    L’absence d’un entretien annuel ou la privatisation d’instruments de travail, par l’employeur, ne peuvent être qualifiés de harcèlement moral (Cass. soc., 2 février 2011, n° 09-42.733, F-D N° Lexbase : A9706GSB).

     

    X

    N’est pas constitutif de harcèlement moral le fait de réduire, par l’employeur, la charge de travail d’un salarié en vue d’optimiser sa santé (Cass. soc., 22 mars 2011, n° 09-70.440, F-D (N° Lexbase : A7660HIK).

     

    X

    N’est également pas constitutif de harcèlement moral le fait d’augmenter la charge de travail, par le salarié, en vue d’obtenir une promotion (Cass. soc., 22 mars 2011, n° 10-11.821, F-D N° Lexbase : A7726HIY).

     

    X

    Ne constitue pas un harcèlement moral le fait que l’employeur demande à son salarié de réaliser les tâches inhérentes à sa fiche de poste (Cass. soc., 8 juin 2011, n° 10-30.224, F-D N° Lexbase : A5028HTE).

     

    X

    Refuser la reclassification d’un salarié n’est pas constitutif d’un harcèlement moral (Cass. soc., 30 septembre 2015, n° 14-23.291, F-D N° Lexbase : A5597NS4).

     

    X

    Ne peut être qualifié de harcèlement moral des faits reprochés en vue d’un licenciement (Cass. soc., 2 juillet 2014, n° 13-19.990, F-D N° Lexbase : A2783MTA).

     

    X

    On ne peut qualifier de harcèlement moral le fait de licencier une personne pour faute grave (CA Toulouse, 4 octobre 2012, n° 11/01415 N° Lexbase : A9541ITK).

     

    X

    Le harcèlement moral n’a pas lieu lorsqu’il n’existe pas de lien causal entre une dégradation de l’état de santé d’un salarié et un dépassement temporaire d’horaires (Cass. soc., 11 juin 2014, n° 12-28.309, F-D N° Lexbase : A2220MRN).

     

    X

    Le fait pour une société de s'opposer à ce que le salarié reprenne ses fonctions au sein du magasin et de l'obliger à prendre ses congés, la société s’étant affranchie des règles relatives à la procédure de détermination et de notification des périodes collectives et individuelles des congés payés à seule fin de l'écarter de ses fonctions (Cass. soc., 12 juin 2019, n° 17-13.636, F-D N° Lexbase : A5710ZE9).

    X  

    Le fait de surcharger une salariée et d’entretenir une attitude managériale poussant la salariée à un épuisement professionnel (CA Chambéry, 18 mars 2021, n° 19/02055 N° Lexbase : A56824LZ)

    X  
    Le fait d’avoir des relations de travail insatisfaisantes ainis qu’une situation personnelle difficile ne permettent pas de retenir une présomption de harcèlement moral (CA Paris, 5 mars 2020, n° 18/00593 N° Lexbase : A06273I3)     X

E9482YUQ

5. Les obligations de l'employeur

E9486YUU

  • Auparavant, l'employeur était tenu à une obligation de sécurité de résultat. A ce titre, sa responsabilité était systématiquement retenue dès lors qu'un salarié était victime, sur le lieu de travail, de faits de harcèlement moral. Le fait de prendre des mesures pour faire cesser des agissements de harcèlement moral ne suffisait pas à l'exonérer. Dans un arrêt du 1er juin 2016, la Cour de cassation est revenue sur sa position pour consacrer une obligation de prévention renforcée et mettre fin à cette responsabilité de plein droit de l'employeur en la matière.

    L’employeur peut donc s’exonérer de sa responsabilité s’il justifie :

    • avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 (N° Lexbase : L8043LGYet L. 4121-2 (N° Lexbase : L6801K9R) du Code du travail (Cass. soc., 1er juin 2016, n° 14-19.702, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2663RR3)
    • et qui, informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser

     

    👉 Voir également sur l'obligation de sécurité de l'employeur : N° Lexbase : E0612E9K.

    En cas de non-respect de ces engagements, l’employeur pourra voir sa responsabilité engagée et condamné à des dommages et intérêts.

  • L’obligation de prévention de l’employeur
  • L'employeur est tenu de prendre toutes les mesures afin de prévenir les agissements de harcèlement moral et d'assurer la santé et la sécurité des salariés (C. trav., art. L.1152-4 N° Lexbase : L5790I3T). 

     

    Ainsi, l’employeur est tenu de prendre des mesures pour empêcher la survenance de situations de harcèlement moral notamment en :
    • informant et sensibilisant les salariés sur la législation et les sanctions relatives en matière de harcèlement moral. À ce titre, l’employeur doit notamment informer par tout moyen les salariés du texte de l’article 222-33-2 du Code pénal (N° Lexbase : L9324I3Q) et faire figurer au sein du règlement intérieur de l’entreprise les dispositions relatives à l’interdiction du harcèlement dans l’entreprise (C. trav., art. L. 1152-4 N° Lexbase : L5790I3T et L. 1321-2 N° Lexbase : L6800K9Q) ;
    • formant les salariés et notamment les managers pour améliorer la connaissance, la prévention et l'identification des problèmes de harcèlement, Pour illustration, les juges considèrent qu’indépendamment des actions prises par l’employeur, celles-ci sont insuffisantes si l’employeur n’a pas mis en place des actions d’information et de formation propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement moral (Cass. soc., 29 juin 2017, n° 15-15.775 N° Lexbase : A6942WLP). De plus, l'employeur dont les actions d'information et de formation se résument à une seule journée, à une note générale et à un code éthique à l'usage des salariés, rappelant des principes très généraux et insuffisamment concrets, méconnaît l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs notamment en matière de harcèlement moral (CA Amiens, 4 janvier 2017, n° 15/02470 N° Lexbase : A4412SY3) ;
    • prendre des mesures appropriées visant à faciliter le repérage de faits de harcèlement (N° Lexbase : L6507IUK).

     

    L’obligation de prévention des risques professionnels (articles L. 4121-1 N° Lexbase : L8043LGY et L. 4121-2 du Code du travail N° Lexbase : L6801K9R) étant distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral (L. 1152-1 du même Code N° Lexbase : L0724H9P), les juges du fond ne sauraient, pour limiter l’indemnisation de la salariée au titre de l’exécution déloyale du contrat, écarter le manquement à l’obligation de sécurité au motif que l’action pénale avait conclu à l’absence de harcèlement moral (Cass. soc., 23 juin 2021, n° 19-25.789, F-D N° Lexbase : A40294XI).

  • État de la jurisprudence applicable avant le revirement du 1er juin 2016
  • L'employeur est tenu à une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral. L'absence de faute de sa part ne peut l'exonérer de sa responsabilité (Cass. soc., 21 juin 2006, n° 05-43.914, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A9600DPA). Dès lors, l'employeur, manque à cette obligation lorsqu'un salarié est victime sur le lieu de travail d'agissements de harcèlement moral ou sexuel exercés par l'un ou l'autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures pour faire cesser ces agissements (Cass. soc., 11 mars 2015, n° 13-18.603, FS-P+B N° Lexbase : A3150NDZ).

     

    De même, caractérise une abstention fautive de l'employeur rendant le licenciement sans cause réelle et sérieuse la procédure de licenciement lancée tardivement quand l'employeur a connaissance de l'existence éventuelle de faits de harcèlement reprochés au salarié (Cass. soc., 29 juin 2011, n° 09-70.902, FS-P+B N° Lexbase : A6495HU4). L'employeur est donc tenu de prendre les mesures nécessaires à la prévention des risques professionnels liés au harcèlement moral. Il doit prendre des mesures pour mettre un terme aux actes de harcèlement commis par un salarié protégé, dont les agissements sortent du cadre de la fonction assignée par son mandat. A défaut, l'employeur engage sa responsabilité personnelle à l'égard de ses subordonnés du fait de son inaction (Cass. crim., 28 mai 2013, n° 11-88.009, F-P+B N° Lexbase : A3147KIE).

  • L’obligation de faire cesser le trouble et de sanctionner les agissements de harcèlement moral
  • L’employeur a pour obligation d’avoir recours à son pouvoir disciplinaire pour permettre l’exécution du contrat dans des conditions normales. Ce pouvoir de sanction doit s’exercer à l’encontre de tout salarié (Cass. soc., 10 mai 2001, n° 99-40.059 N° Lexbase : A4172ATP). L’employeur doit donc répondre des agissements des personnes qui exercent, de fait ou de droit, une autorité sur les salariés. Ainsi, par exemple, une salariée peut être indemnisée du préjudice moral résultant des mauvais traitements infligés par l’épouse de l’employeur.
  • La responsabilité de l’employeur
  • Auparavant, l'employeur était tenu à une obligation de sécurité de résultat. A ce titre, sa responsabilité était systématiquement retenue dès lors qu'un salarié était victime, sur le lieu de travail, de faits de harcèlement moral. Le fait de prendre des mesures pour faire cesser des agissements de harcèlement moral ne suffisait pas à l'exonérer. Dans un arrêt du 1er juin 2016, la Cour de cassation est revenue sur sa position pour consacrer une obligation de prévention renforcée et mettre fin à cette responsabilité de plein droit de l'employeur en la matière.

     

    Exonération de responsabilité de l'employeur. Ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l'employeur qui justifie :

    • avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail (Cass. soc., 1 juin 2016, n° 14-19.702, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2663RR3).

    • et qui, informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser.

     

    Ainsi, l'employeur, dont les actions d'information et de formation se résument à une seule journée, à une note générale et à un code éthique à l'usage des salariés, rappelant des principes très généraux et insuffisamment concrets, méconnaît l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs notamment en matière de harcèlement moral (CA Amiens, 4 janvier 2017, n° 15/02470 N° Lexbase : A4412SY3).

     

    Viole les articles L. 4121-1 (N° Lexbase : L8043LGY) et L. 4121-2 du Code du travail (N° Lexbase : L6801K9R) la cour d’appel qui retient que, d'une part, si des faits de violence physique ont eu des effets sur la santé du salarié, il demeure qu'il n'existe pas d'éléments suffisants permettant d'établir que les violences commises ne l’avaient pas été dans une rixe à laquelle avait participé le salarié, que d'autre part, les circonstances indéterminées des faits ne permettent pas non plus de retenir que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité. En statuant ainsi, alors que l'employeur ne pouvait s'exonérer de sa responsabilité au titre de l'obligation de sécurité qu'en justifiant avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés (Cass. soc., 3 février 2021, n° 19-23.548, F-D N° Lexbase : A02474GA).

     

    👉 Voir également sur l'obligation de sécurité de l'employeur : N° Lexbase : E0612E9K.

  • L’obligation de réagir face aux dénonciations de harcèlement moral
  • Pour ne pas manquer à son obligation de prévention, l’employeur doit en plus des actions de formation et d’information, réagir immédiatement aux dénonciations de harcèlement moral sous peine de manquer à son obligation de sécurité.

     

    ♦ Premier entretien

    Cette réaction peut à titre liminaire passer par l’organisation d’un entretien avec le salarié dénonciateur pour obtenir des explications complémentaires sur les faits dont il s’estime victime. Dans les entreprises disposant d’un référent harcèlement au CSE, l’entretien pourra être mené par ce dernier (C. trav., art. L. 2314-1 N° Lexbase : L0337LMG). Cet entretien permet de faire un « tri » des informations reçues mais sera également l’occasion de sensibiliser le salarié sur la définition du harcèlement moral et sur les sanctions disciplinaires ou pénales que cette situation suppose.

     

    ♦ Enquête interne

    Il est également conseillé aux entreprises, dans l’hypothèse où le salarié maintien sa dénonciation, de diligenter une enquête interne. C’est notamment ce que préconise l’ANI du 26 mars 2010 qui prévoit expressément que les plaintes doivent être suivies d’enquêtes et traitées sans retard (ANI 26 mars 2010 sur le harcèlement et la violence au travail). À défaut d’organisation d’une enquête, le salarié pourra obtenir la réparation du préjudice subi en raison de la faute de l’employeur de ne pas avoir engagé d’enquête même si les agissements ne sont pas constitués (Cass. soc., 27 novembre 2019, n° 18-10.551, FP-P+B N° Lexbase : A3486Z4U).

    En pratique, et afin que l’enquête soit neutre et impartiale, il est conseillé de confier son organisation à une commission d’enquête paritaire composée à la fois d’un représentant de la direction et d’un représentant du personnel. Dans l’hypothèse où l’entreprise ne possède pas de représentant, il est possible d’inclure dans la commission :

    • le référent sécurité de l’entreprise ;
    • des tiers à l’entreprise notamment des cabinets spécialisés dans la prévention des risques psychosociaux ou bien des psychologues ;
    • les services de la médecine du travail.

     

    Les personnes interrogées dans le cadre de l’enquête – outre les personnes concernées par les dénonciations - devront entretenir un lien professionnel suffisant avec les personnes directement visées par l’enquête. Il conviendra d’être en mesure de justifier de l’objectivité des personnes interrogées en cas de contestation de l’enquête. Dans le cadre du déroulement de l’enquête il est important de faire preuve d’une grande discrétion afin que l’enquête conserve son utilité et éviter tout détournement de l’enquête par une concertation des témoins auditionnés notamment.
     

    À savoir. Il n’est d’ailleurs pas nécessaire d’avertir les salariés de leur audition en amont puisque l’enquête interne n’est pas soumise aux dispositions de l’article L. 1222-4 du Code du travail (N° Lexbase : L0814H9Z) prévoyant l’information préalable du salarié sur la collecte d’informations personnelles par un dispositif (Cass. soc., 17 mars 2021, n° 18-25.597, FS-P+I N° Lexbase : A89224LZ).


    L’ensemble des déclarations des salariés lors de leur audition devront également être consignées dans le cadre d’un procès-verbal relu et signé par le salarié auditionné afin d’éventuellement pouvoir être produit en justice (Cass. soc., 4 juillet 2018, n° 17-18.241, FS-P+B N° Lexbase : A5590XXC). L’audition d’un salarié ne s’apparente pas à un entretien préalable de sorte que la procédure attachée à un tel entretien ainsi que les règles d’assistance du salarié n’ont pas vocation à s’appliquer (Cass. soc., 22 mars 2016, n° 15-10.503, F-D N° Lexbase : A3624RAH). À l’issue de l’enquête, la commission sera chargée de rédiger un rapport d’enquête qui aura vocation à déterminer si les faits dénoncés sont confirmés ou au contraire si aucune situation de harcèlement moral n’a été observée. L’employeur devra prendre des mesures adéquates en fonction des conclusions de l’enquête.

     

    À savoir. Il appartient aux juges du fond, dès lors qu’il n’a pas été mené par l’employeur d’investigations illicites, d’apprécier la valeur probante de l’enquête interne, au regard le cas échéant des autres éléments de preuve produits par les parties. Ne permet pas d’écarter des débats le rapport d’enquête le fait qu’il ne précise ni la durée de l’interrogatoire du mis en cause, ni de son temps de repos, que seules les deux salariées qui se sont plaintes de son comportement ont été entendues, que cette audition a été commune, sans audition de l’ensemble des salariés témoins ou intéressés par les faits dénoncés par les deux salariées, sans information ou saisine du CHSCT (Cass. soc., 29 juin 2022, n° 21-11.437, FS-B N° Lexbase : A8415788).

     

    ♦ Situation des salariés concernés par la dénonciation de harcèlement pendant l’enquête

    L’organisation d’une enquête ne permet pas à elle seule d’exonérer l’employeur de sa responsabilité. En effet, il doit également prendre des mesures de prévention durant l’organisation de l’enquête pour les salariés directement concernés. Ainsi, dans l’attente des résultats de l’enquête il peut être décidé de limiter les contacts entre le prétendu auteur et la prétendue victime de harcèlement moral en les dispensant d’activité, en mutant un salarié sur un site différent, en ayant recours au télétravail si possible.

6. Les autres intervenants en matière de prévention

E9487YUW

6-1. Rôle du CSE

  • Actions de prévention :

    Comme décrit précédemment, le CSE peut être associé dans la prévention des situations de harcèlement moral. À ce titre, le CSE peut :

    • susciter toute initiative qu'il estime utile et proposer des actions de prévention. Si l'employeur refuse les actions proposées, il doit motiver sa décision (C. trav., art. L. 2312-9 N° Lexbase : L8242LGD) ;

    • faire partie de la commission d’enquête paritaire si une telle enquête est organisée au sein de l’entreprise. (C. trav., art. L. 2312-5 N° Lexbase : L1435LKD et L. 2312-13 N° Lexbase : L8246LGI) ;

    • faire appel à un expert agréé lorsqu'un risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement. (C. trav., art. L. 2315-94 N° Lexbase : L1438LKH).

     

    Le CSE est également associé dans le cadre de l’élaboration et de la modification du règlement intérieur qui contient des dispositions relatives aux harcèlements moral et sexuel et aux agissements sexistes.

  • Le droit d'alerte
  • Le droit d'alerte du CSE concerne les entreprises d'au moins 50 salariés. Si un membre de la délégation du personnel au comité social et économique constate, notamment par l'intermédiaire d'un travailleur, qu'il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l'entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché, il en saisit immédiatement l'employeur. Cette atteinte peut notamment résulter de faits de harcèlement sexuel ou moral.

    L'employeur procède sans délai à une enquête avec le membre de la délégation du personnel du comité et prend les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation. En cas de carence de l'employeur ou de divergence sur la réalité de cette atteinte, et à défaut de solution trouvée avec l'employeur, le salarié, ou le membre de la délégation du personnel au comité social et économique, si le salarié intéressé averti par écrit ne s'y oppose pas, saisit le bureau de jugement du conseil de prud'hommes qui statue selon la forme des référés. Le juge peut ordonner toutes mesures propres à faire cesser cette atteinte et assortir sa décision d'une astreinte qui sera liquidée au profit du Trésor.
  • Le rôle de la CSSCT
  • L’employeur a l’obligation de mettre en place au sein du CSE une commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) dans :

    • les entreprises ou les établissements distincts d’au moins 300 salariés ;

    • les établissements classés Seveso, les installations nucléaires de base (INB) et certains gisements miniers.

6-2. Le rôle du médecin du travail

  • Le médecin du travail a pour mission de conseiller les employeurs, les travailleurs et leurs représentants sur les dispositions et mesures nécessaires afin de prévenir le harcèlement moral (C. trav., art. L. 4622-2 N° Lexbase : L7345LHI). Cette mission est assurée par :

    • l'équipe pluridisciplinaire animée et coordonnée par le médecin du travail dans les services de santé au travail interentreprises (C. trav., art. L. 4622-8 N° Lexbase : L7393K9P) ;

    • le médecin du travail en coordination avec les autres acteurs de l'entreprise dans les services de santé au travail autonome (C. trav., art. L. 4622-4 N° Lexbase : L8705LGI).


    Le médecin du travail peut également proposer des mutations ou transformations de postes justifiées par des considérations relatives à la santé physique ou mentale des salariés. Le chef d'entreprise est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. À défaut de prise en compte des prescriptions médicales du médecin, l’employeur risque de voir sa responsabilité engagée et condamnée au paiement de dommages et intérêts au salarié (Cass. soc., 4 novembre 2020, n° 19-11.626 N° Lexbase : A933933B).

6-3. Le rôle de l'inspecteur du travail

  • L'inspecteur du travail peut intervenir tant à titre préventif que répressif (Circ. DRT n° 93/2, 11 février 1993 : BO Trav., n° 93/15, 20 août) Ses missions sont notamment de  :

    • de faire modifier les clauses du règlement intérieur en contradiction avec les articles L. 1321-1 (N° Lexbase : L1837H9W) et L. 1321-2 (N° Lexbase : L6800K9Q) du code du travail ;

    • de veiller à l'application des dispositions relatives au harcèlement moral et constater, le cas échéant, les infractions commises dans l'entreprise (C. trav., art. L. 8112-2 N° Lexbase : L5734K7I)

     

    Les agents de contrôle peuvent réaliser une enquête dans l'entreprise. Avant de prendre une telle décision, ils s'assurent à partir des éléments recueillis auprès du salarié que les faits sont bien constitutifs d'un harcèlement sexuel ou moral, en les distinguant de la discrimination pour avoir refusé de tels agissements ou en avoir témoigné. Les agents de contrôle doivent en outre vérifier que la matérialité des faits peut être établie par des preuves tels que des écrits ou des témoignages avant de débuter toute enquête. A ce titre, le recueil de la plainte de la victime devra être particulièrement méticuleux et précis.

    L'action de contrôle s'exerce dans les règles de confidentialité des plaintes. Lorsque l'infraction ne peut être établie, du fait notamment de la difficulté à rassembler les preuves, l'agent de contrôle devra, par l'intermédiaire du directeur de l'unité territoriale, informer le procureur de la République. Pour apprécier si des agissements sont constitutifs d'un harcèlement moral, l'inspecteur du travail doit, sous le contrôle du juge administratif, tenir compte des comportements respectifs du salarié auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et du salarié susceptible d'en être victime, indépendamment du comportement de l'employeur.

6-4. Le rôle des DREETS

  • Important : Depuis le 1er avril 2021, les DIRRECTE sont devenues des DREETS (Décret n° 2020-1545 du 9 décembre 2020 N° Lexbase : L0251LZC). Les DREETS doivent faire connaitre les nouvelles dispositions applicables en matière de harcèlement en mobilisant les acteurs du dialogue social territorial. Une communication peut utilement être effectuée auprès des comités régionaux de prévention des risques professionnels. Les DREETS inciteront les partenaires sociaux et les branches professionnelles à engager des démarches d'information et de sensibilisation des entreprises et des représentants du personnel.

7. La procédure de médiation

E9489YUY

  • La médiation est une procédure consistant à désigner un tiers afin de favoriser le règlement amiable d’un conflit par les parties elles-mêmes.
  • Une procédure de médiation peut être mise en œuvre par toute personne de l'entreprise s'estimant victime de harcèlement moral ou par la personne mise en cause.

    Choix du médiateur.
    Le choix du médiateur fait l'objet d'un accord entre les parties.

    Procédure de médiation. La procédure de médiation peut être engagée par toute personne de l’entreprise qui s’estime victime de harcèlement moral ou par la personne mise en cause. Le médiateur s'informe de l'état des relations entre les parties. Il tente de les concilier et leur soumet des propositions qu'il consigne par écrit en vue de mettre fin au harcèlement. Lorsque la conciliation échoue, le médiateur informe les parties des éventuelles sanctions encourues et des garanties procédurales prévues en faveur de la victime.

    Le fait de porter ou de tenter de porter atteinte à l'exercice régulier des fonctions de médiateur, prévu à l'article L. 1152-6 du Code du travail (N° Lexbase : L0734H93), est puni d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 3 750 euros. Cependant, la loi reste silencieuse sur la possibilité de produire dans une procédure contentieuse les éléments réunis lors de la tentative de médiation. Si le médiateur est tenu au secret professionnel et à une obligation de confidentialité, il n’est toutefois pas précisé explicitement que les déclarations et constats des parties ne peuvent être produits dans d’autres procédures.

8. Les sanctions et contentieux

E27464QR

8-1. Sanction de l'auteur du harcèlement moral

  • Sanction disciplinaire 
  • Pour rappel, tout salarié ayant procédé aux agissements de harcèlement moral est passible d'une sanction disciplinaire. (C. trav., art. L. 1152-5 N° Lexbase : L0732H9Y). Les sanctions disciplinaires peuvent être de toute nature, à condition que les dispositions conventionnelles ou le règlement intérieur soit respectés. En théorie, l’employeur est seul juge des sanctions disciplinaires applicables. Cependant, en matière de harcèlement, l’exercice du pouvoir disciplinaire incombe à l’employeur, sous peine pour ce dernier de voir sa responsabilité engagée. En effet, l’employeur peut se voir condamner si celui-ci reste inerte face à la présence de harcèlement moral au sein de son entreprise.

    Comme pour toute sanction disciplinaire, l’employeur dispose d'un délai de 2 mois à compter du jour où il a eu connaissance des faits fautifs pour engager des poursuites disciplinaires, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales (C. trav., art. L. 1332-4 N° Lexbase : L1867H9Z). Les agissements d’un salarié constitutifs d’un harcèlement moral justifient une mesure de licenciement pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave indépendamment de l’ancienneté du salarié (Cass. soc., 7 juin 2011, n° 09-43.113 N° Lexbase : A4957HTR). Pour illustration, constitue une faute grave :

     

    • le fait pour un salarié d'avoir adopté à l'égard de plusieurs autres salariés des comportements autoritaires, vexatoires et humiliants voire menaçants, en les convoquant de manière excessive et répétée, les interrompant sans cesse dans leur travail et en adoptant une attitude humiliante lors d'entretiens allant jusqu'à compromettre la santé d'une collaboratrice (Cass. soc., 21 mai 2014, n° 12-29.832, F-D N° Lexbase : A4920MM8) ;

    • des attitudes, gestes et paroles déplacés d'un salarié à l'égard d'une salariée ayant entraîné pour celle-ci un état dépressif majeur, ce comportement rendant impossible son maintien dans l'entreprise (Cass. soc., 24 octobre 2012, n° 11-20.085 N° Lexbase : A0509IWR) ;

    • l'attitude négative et menaçante d'un salarié à l'égard de ses subordonnés, qui a insulté l'un d'eux et l'a poussé à la démission (Cass. soc., 17 octobre 2001, n° 99-41.766 N° Lexbase : A9047AWY).

     

    Cependant, les juges dans l’appréciation de la gravité de la faute sont sensibles aux mesures de sensibilisation et de formation mises en place par l’employeur auprès du salarié auteur et sa potentielle qualité de salarié victime également (Cass. soc., 29 janv. 2013, n° 11-23.944 N° Lexbase : A6325I4Z). En tout état de cause, il reviendra à l’employeur d’établir la preuve de la faute, l’aménagement de la charge de la preuve en matière de harcèlement moral ne concerne que la victime du harcèlement et non son auteur (Cass. soc., 7 février 2012, n° 10-17.393, FS-P+B N° Lexbase : A3635ICM).

  • Sanction pénale
  • Sur le terrain pénal, le harcèlement moral en entreprise est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. Les faits peuvent être constatés par procès-verbal par les inspecteurs et contrôleurs du travail et sont passibles des sanctions prévues par le Code pénal.

    Lorsque la discrimination commise est couverte à la fois par le Code du travail et par les dispositions du Code pénal, ce sont les sanctions, plus élevées, prévues par ce code qui sont appliquées. La Chambre criminelle de la Cour de cassation refuse de transmettre au Conseil constitutionnel une QPC relative à l'article 222-33-2 du Code pénal (N° Lexbase : L9324I3Q) incriminant le harcèlement moral dans la mesure où ce texte avait été jugé conforme à la Constitution par la décision n° 2001-455 DC du 12 janvier 2002 (Cass. QPC, 11 juillet 2012, n° 11-88.114, F-P+B N° Lexbase : A8805IQ8).

    En outre, la juridiction peut ordonner, à titre de peine complémentaire, l'affichage du jugement aux frais de la personne condamnée dans les conditions prévues à l'article 131-35 du Code pénal (N° Lexbase : L3255IQM) et son insertion, intégrale ou par extraits, dans les journaux qu'elle désigne. Ces frais ne peuvent excéder le montant maximum de l'amende encourue.

    👉 Pour plus de détails, voir la répression pénale du harcèlement moral dans l'Encyclopédie "Droit pénal" : N° Lexbase : E5284EXY.
  • Sanction civile
  • Le salarié victime de harcèlement moral peut rechercher la responsabilité civile de l'auteur du harcèlement, que celui-ci soit l'employeur, un supérieur ou un simple collègue.

    Engage sa responsabilité personnelle à l'égard de ses subordonnés le salarié qui leur fait subir intentionnellement des agissements répétés de harcèlement moral. C'est dès lors à bon droit qu'une cour d'appel, ayant retenu que des salariés avaient été sciemment harcelés moralement, au sens de l'article L. 122-49 (N° Lexbase : L0579AZH) (L. 1152-1 N° Lexbase : L0724H9P) du Code du travail, par leur supérieur hiérarchique, condamne ce dernier à leur verser des dommages-intérêts. (Cass. soc., 21 juin 2006, n° 05-43.914 N° Lexbase : A9600DPA).

    A contrario, on pourrait soutenir que le salarié qui commet involontairement des agissements de harcèlement moral n'engage pas sa responsabilité civile personnelle à l'égard de la victime. La responsabilité de l'employeur n'est pas exclusive de la responsabilité personnelle de l'auteur des agissements de harcèlement moral.

    En conséquence, une cour d'appel ne saurait débouter un salarié de sa demande de dommages-intérêts dirigée contre l'auteur des agissements de harcèlement moral en retenant que, l'employeur devant répondre de l'intégralité des conséquences des agissements commis par son employé, le salarié victime ne pouvait solliciter à l'encontre de l'auteur la réparation d'un préjudice consécutif à ceux-ci. (Cass. soc., 19 mai 2010, n° 09-42.079, F-D N° Lexbase : A3941EXA).

8-2. Sanction du dénonciateur de mauvaise foi

  • Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir :
    • subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral,
    • ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

    Le licenciement prononcé pour ce motif est nul de plein droit. (Cass. soc., 10 mars 2009, n° 07-44.092, F-P N° Lexbase : A7131EDH ; Cass. soc., 14 mars 2012, n° 10-28.335, F-D N° Lexbase : A8834IEW ; Cass. soc., 13 février 2013, n° 11-28.339, F-D N° Lexbase : A0522I8T ; Cass. soc., 21 mars 2018, n° 16-24.350 N° Lexbase : A7981XH3). En revanche, les hauts magistrats ont considéré que le licenciement d’un salarié ayant dénoncé un comportement abject n’est pas nul si l’intéressé n’a pas qualifié les faits de harcèlement moral (Cass. soc., 13 septembre 2017, n° 15-23.045, FP-P+B N° Lexbase : A0753WSP).

    Cependant, cette protection comporte une limite puisqu’elle ne joue pas lorsque le salarié a dénoncé les faits de mauvaise foi (Cass. soc., 10 mars 2009, n° 07-44.092, FP-P+B+R N° Lexbase : A7131EDH). L'éventuelle mauvaise foi d'un salarié dénonçant un harcèlement moral ne se limite pas à la volonté de déstabiliser l'entreprise (Cass. soc., 25 juin 2015, n° 14-10.217, F-D N° Lexbase : A9936NLL). La mauvaise foi du salarié ne résulte que de la connaissance pas l’intéressé de la fausseté des faits dénoncés. (Cass. soc., 7 février 2012, n° 10-18.035, FS-P+B+R N° Lexbase : A3661ICL ; Cass. soc., 6 juin 2012, n° 10-28.345, FS-P+B N° Lexbase : A3898INP ; Cass. soc., 10 juin 2015, n° 13-25.554 N° Lexbase : A8982NKU). 

     

    L'intention de nuire n'est pas nécessaire pour retenir la mauvaise foi du salarié (Cass. soc., 11 décembre 2019, n° 18-18.207 N° Lexbase : A1524Z8X ; ord. n° 2017-1387, du 22 septembre 2017, relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail, art. 4 N° Lexbase : L7629LGN). Pour illustration, la mauvaise foi du dénonciateur a été caractérisée lorsque :

    • il est rapporté qu'une salariée avait dénoncé de façon mensongère des faits inexistants de harcèlement moral dans le but de déstabiliser l'entreprise et de se débarrasser du cadre responsable du département comptable, la mauvaise foi de la salariée au moment de la dénonciation des faits de harcèlement, a pu être retenue et un licenciement pour faute grave retenu à son encontre (Cass. soc., 6 juin 2012, no 10-28.345 N° Lexbase : A3898INP ; Cass. soc., 6 juin 2012, no 10-28.199 N° Lexbase : A3942INC).

    elle se déduit des fonctions du salarié  (Cass. soc., 7 févr. 2018, no 16-19.594 N° Lexbase : A6796XCP) ;

    • le salarié avait connaissance, au moment de la dénonciation, de la fausseté des faits allégués, la mauvaise foi de celui-ci est caractérisée et la qualification de dénonciation calomnieuse peut, par suite, être retenue (Cass. civ. 1, 28 septembre 2016, n° 15-21.823, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2309R4B).

     

    Lorsque la mauvaise foi est caractérisée, l’employeur peut procéder au licenciement du salarié en question étant précisé que la situation peut justifier un licenciement pour faute grave voire pour faute lourde (Cass. soc., 5 juillet 2018, n° 17-17.485, F-D N° Lexbase : A5563XXC). Il était exigé de l’employeur qu’il indique dans le courrier de licenciement la mauvaise foi du salarié. Cependant, la Cour de cassation a considéré que l’absence de mention de la mauvaise foi dans la lettre de licenciement n'empêche pas l'employeur de l'alléguer devant le juge (Cass. soc., 16 septembre 2020, n° 18-26.696 N° Lexbase : A36573UY). Par mesure de sécurité il est quand même préconisé de le mentionner expressément dans le courrier de licenciement.

    Mauvaise foi (appréciation du juge). La dénonciation d'un harcèlement moral ou sexuel ne pouvant être sanctionnée, sauf mauvaise foi, ce motif ne peut être pris en considération dans l'appréciation des éventuelles fautes de l'apprentie de nature à justifier la résiliation judiciaire du contrat à ses torts. Il appartient au juge du fond de caractériser la mauvaise foi de la salariée (Cass. soc., 10 juin 2015, n° 14-13.318, FS-P+B N° Lexbase : A8777NKB).

8-3. La responsabilité de l'employeur

  • Responsabilité civile
  • La responsabilité civile de l'employeur est nécessairement engagée en cas de faits de harcèlement moral avérés dans l'entreprise, même si celui-ci n'en est pas l'auteur puisqu’il a manqué à son obligations de prévention et de protection. Il en résulte que le salarié victime d'actes de harcèlement moral de la part d'une personne autre que l'employeur peut engager une action en réparation du préjudice subi contre ce dernier, contre l'auteur de ces agissements ou contre les deux. La responsabilité de l'employeur peut être écartée s'il a tout fait pour éviter l'apparition du harcèlement (Cass. soc., 1er juin 2016, n° 14-19.702, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2663RR3). 

    L’absence de faute de l’employeur ne suffit pas à l’exonérer de sa responsabilité vis-à-vis des salariés victimes. (Cass. soc., 21 juin 2006, n° 05-43.914, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A9600DPA ; Cass. soc., 10 mai 2012, n° 11-11.152, F-D N° Lexbase : A1233ILA). Le comportement de la victime ne peut pas réduire son préjudice (Cass. soc., 13 juin 2019, n° 18-11.115 N° Lexbase : A5723ZEP). 
  • Préjudices distincts
  • L'obligation pour l'employeur de prendre des mesures de prévention du harcèlement moral et l'interdiction d'un tel harcèlement à l'encontre de salaries sont des obligations distinctes, de sorte que la méconnaissance de chacune d'elles, lorsqu'elle entraîne des préjudices différents, peut ouvrir droit à des réparations spécifiques (Cass. soc., 6 juin 2012, n° 10-27.694 N° Lexbase : A3825INY).

    Dans le cas d'un salarié dont le licenciement est nul car faisant suite au harcèlement moral qu'il a subi et qui est caractérisé notamment par des sanctions disciplinaires injustifiées, c'est à bon droit que la cour d'appel a réparé les préjudices distincts résultant de la perte de l'emploi, des agissements de harcèlement moral et des sanctions disciplinaires injustifiées (Cass. soc., 30 novembre 2011, n° 11-10.528, F-D N° Lexbase : A4786H3N) ; n° 11-10.527, F-D N° Lexbase : A4620H3I). L'octroi de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne saurait faire obstacle à une demande distincte de dommages et intérêts pour harcèlement moral. (Cass. soc., 19 janvier 2012, n° 10-30.483, F-D N° Lexbase : A1302IBT) ;

    Peut ouvrir droit à des réparations spécifiques la méconnaissance des dispositions prévoyant les actions nécessaires de l'employeur en vue de prévenir les agissements de harcèlement et celles le définissant, lorsqu'elle entraîne des préjudices différents (Cass. soc., 6 juin 2012, n° 10-27.694, FS-P+B N° Lexbase : A3825INY).

    Les obligations résultant des articles L. 1152-1 (N° Lexbase : L0724H9P) et L. 1152-4 (N° Lexbase : L5790I3T) du Code du travail sont distinctes en sorte que la méconnaissance de chacune d'elles, lorsqu'elle entraîne des préjudices distincts, peut ouvrir droit à des réparations spécifiques. Dès lors, c’est à bon droit que la cour d’appel a alloué à la salariée des dommages-intérêts réparant le préjudice subi du fait de l’absence de mesures de prévention en matière de harcèlement moral, quand bien même la salariée avait été indemnisée par la juridiction pénale pour l’infraction de harcèlement moral retenue à l’encontre de son employeur (Cass. soc., 12 avril 2018, n° 16-29.072, F-D N° Lexbase : A1472XL4).

    La victime d'un harcèlement peut obtenir des sommes distinctes correspondant au préjudice résultant, d'une part, de l'absence de prévention par l'employeur des faits de harcèlement et, d'autre part, des conséquences du harcèlement effectivement subi. N'est pas équivoque la démission du salarié qui ne comportait aucune réserve, et alors que les faits de harcèlement dénoncés par la salariée s'étaient produits plus de six mois avant la rupture, et que l'employeur y avait rapidement mis fin (Cass. soc., 19 novembre 2014, n° 13-17.729, FS-P+B N° Lexbase : A9192M3T).

    L'octroi de dommages-intérêts pour licenciement nul en lien avec des faits de harcèlement moral ne saurait faire obstacle à une demande distincte de dommages-intérêts pour préjudice moral (Cass. soc., 2 février 2017, n° 15-26.892, F-D N° Lexbase : A4143TB3 ; Cass. soc., 1er juin 2023, n° 21-23.438, F-B NN° Lexbase : A64019XD).
  • Rupture du contrat à l'initiative du salarié
  • Résiliation judiciaire. En cas de harcèlement, la résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul et non d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 20 février 2013, n° 11-26.560 N° Lexbase : A4354I8R). 

    Prise d’acte. La prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail. Elle produit les effets d'un licenciement abusif si les griefs invoqués contre l'employeur sont fondés, ou les effets d'une démission dans le cas contraire. Lorsque le harcèlement invoqué à l'appui de la prise d'acte est reconnu, l'employeur doit indemniser le salarié au titre d'un licenciement nul (Cass. soc., 8 juillet 2015, n° 14-13.324 N° Lexbase : A7843NMG) ;

    Pour illustration une cour d'appel qui a constaté que les manquements de l'employeur en matière de prévention du harcèlement étaient anciens, que les faits de harcèlement, émanant d'une collègue de travail, n'avaient duré que quelques semaines et que l'employeur avait immédiatement diligenté une enquête et pris des sanctions à l'égard de cette dernière, a pu décider que ces manquements n'étaient pas de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail (Cass. soc., 19 juin 2019, n° 17-31.182 N° Lexbase : A3071ZGT).

    Rupture conventionnelle. L'existence de faits de harcèlement moral, en l'absence de vice de consentement, n'affecte pas en elle-même la validité de la convention de rupture. Le salarié doit apporter la preuve que son consentement était vicié au moment de la signature de la rupture conventionnelle en raison des faits de harcèlement dont il était victime (Cass. soc., 23 janvier 2019, n° 17-21.550, FS-P+B N° Lexbase : A3141YUU ; Cass. soc., 29 janvier 2020, n° 18-24.296 N° Lexbase : A89693C8).

    Auparavant, la Cour de cassation estimait qu'en cas de signature d'une rupture conventionnelle dans un contexte de harcèlement moral, le consentement du salarié était vicié et la rupture devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. En l'occurrence, « la salariée était au moment de la signature de l'acte de rupture conventionnelle dans une situation de violence morale du fait du harcèlement moral et des troubles psychologiques qui en sont résultés » (Cass. soc., 30 janvier 2013, n° 11-22.332, FS-P+B+R N° Lexbase : A6245I43).

8-4. La charge de la preuve

  • Depuis la loi 2016-1088 du 8 août 2016 N° Lexbase : L8436K9C, le régime de la preuve a été légèrement assoupli pour la victime et aligné sur celui applicable à la discrimination. Ainsi, la victime doit seulement présenter au juge des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, et non plus établir des faits qui permettent d'en présumer l'existence.

    Les éléments de faits présentés par le salarié doivent être précis et concordants (Cass. soc., 9 octobre 2013, n° 12-22.288, FS-P+B N° Lexbase : A6893KMA) :

     

     

    • une fois que le salarié a présenté ces éléments de fait, le juge doit les prendre en compte dans leur ensemble et dire s'ils laissent présumer un harcèlement ;
    • s'il y a présomption de harcèlement, l'employeur doit alors apporter la preuve contraire, c'est-à-dire démontrer que ces faits peuvent s'expliquer par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement (C. trav., art. L.1154-1 N° Lexbase : L6799K9P). 

     

    La charge de la preuve du harcèlement moral ne pèse pas que sur le salarié (Cass. soc., 9 novembre 2020, n° 19-13.470, FS-P+B N° Lexbase : A579939N). Ainsi, en faisant peser la charge de la preuve sur le salarié en retenant que ses mails n'étaient pas de nature à établir ses propres allégations et que le harcèlement n'était pas prouvé, la cour d'appel a violé l'article L. 1154-1 du Code du travail (N° Lexbase : L6799K9P) (Cass. soc., 7 juillet 2009, n° 07-45.632, F-D N° Lexbase : A7239EIX).

    Et, au vu des éléments de fait établis par le salarié, il incombe au défendeur de prouver que les agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement (Cass. soc., 15 novembre 2011, n° 10-30.463, FS-P+B+R N° Lexbase : A9350HZC ; Cass. soc., 12 janvier 2022, n° 20-16.545, F-D N° Lexbase : A51147IA).

    Si le salarié n'est tenu que d'apporter des éléments qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral selon les dispositions de l'article L. 1154-1 du Code du travail (N° Lexbase : L6799K9P), ces dispositions ne sont pas applicables lorsque survient un litige relatif à la mise en cause d'un salarié auquel sont reprochés des agissements de harcèlement moral (Cass. soc., 7 février 2012, n° 10-17.393, FS-P+B N° Lexbase : A3635ICM).

    Le régime particulier de preuve prévu par le Code du travail au bénéfice du salarié s'estimant victime de harcèlement moral n'est pas applicable lorsque survient un litige, auquel ce dernier n'est pas partie, opposant un employeur à l'un de ses salariés auquel il est reproché d'être l'auteur de tels faits.

    Les héritiers, exerçant une action en réparation de leur préjudice du fait du décès de leur mari et père, à la suite d'un harcèlement moral, ne peuvent bénéficier du régime probatoire institué par l'article L. 1154-1 du Code du travail N° Lexbase : L6799K9P (Cass. soc., 30 juin 2015, n° 14-14.360, FS-D N° Lexbase : A5407NM9).

     

    Viole des articles L. 1152-1 N° Lexbase : L0724H9P et L. 1154-1 du Code du travail N° Lexbase : L6799K9P car procédant à une appréciation séparée des éléments de faits versés aux débats la cour d’appel qui examine pour chaque élément invoqué par la salariée les éléments avancés par l’employeur pour les justifier, alors qu'il lui appartenait de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis et les certificats médicaux laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral, et dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral (Cass. soc., 3 février 2021, n° 19-24.102, F-D N° Lexbase : A01554GT).

  • En cas de harcèlement moral, il appartient au juge de rechercher préalablement si les faits présentés par le salarié ne laissent pas présumer l’existence d’un harcèlement moral et si, dans l’affirmative, l’employeur prouve que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

    Après s’être prononcé sur l’existence du harcèlement moral, le juge statue sur le préjudice au titre de ce dernier.

     

    La Haute juridiction (Cass. soc., 15 février 2023, n° 21-20.572, F-B N° Lexbase : A24089DK) rappelle l’aménagement probatoire et l’office du juge en matière de harcèlement moral :

    • étape 1 : le salarié doit établir des faits laissant présumer l’existence d’une situation de harcèlement moral en produisant notamment des documents médicaux ;
    • étape 2 : le juge doit apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral ;
    • étape 3 : l’employeur doit prouver que les éléments soulevés ne sont pas constitutifs d’un harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs à tout harcèlement ;
    • étape 4 : le juge statue sur le préjudice subi par le salarié du fait de la situation de harcèlement moral.

8-5. Le contrôle du juge

  • Une fois que le salarié a présenté les éléments laissant supposer l'existence du harcèlement, le juge doit rechercher si les éléments constitutifs du harcèlement sont établis.

    Appréciation de l'existence d'un harcèlement par le juge.
    Le juge doit rechercher si les éléments constitutifs de harcèlement sont établis et, dans l'affirmative, s'ils sont de nature à faire présumer un harcèlement moral (Cass. soc., 24 septembre 2008, n° 06-45.579, FS-P+B+I N° Lexbase : A4539EAD ; Cass. soc., 23 novembre 2005, n° 04-46.152, F-P N° Lexbase : A7593DLS).

    Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles mais aussi en prenant en compte les éléments fournis par le salarié (CE, 23 juillet 2010, n° 313685 N° Lexbase : A9880E4P). Les juges du fond apprécient souverainement l'existence d'un harcèlement moral (Cass. soc., 11 juillet 2006, n° 04-48.051, F-D N° Lexbase : A4471DQN).

    Le juge ne peut pas se fonder sur des témoignages de personnes qui n'étaient plus employées du prévenu au moment des faits incriminés (Cass. crim., 1er septembre 2010, n° 10-80.376, F-D N° Lexbase : A2468GAN). Le juge ne peut pas se fonder sur les qualités et compétences professionnelles d'un salarié pour en déduire que la matérialité et gravité des faits de harcèlement moral lui étant reprochés ne sont pas établies.

    Le juge ne doit pas procéder à une appréciation séparée de chaque élément invoqué par un salarié et doit se prononcer sur l'ensemble des éléments retenus afin de dire s'ils laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause sont étrangères à tout harcèlement moral (Cass. soc., 6 juin 2012, n° 10-27.766, FS-P+B N° Lexbase : A3763INP ; Cass. soc., 26 juin 2019, n° 17-20.723, F-D N° Lexbase : A3075ZHD ; Cass. soc., 9 décembre 2020, nº 19-13.470 N° Lexbase : A579939N).

     

    Pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, le juge doit examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, dont les documents médicaux éventuellement produits, et doit apprécier les faits dans leur ensemble. Prive sa décision de base légale la cour d’appel qui, pour écarter le harcèlement moral, n’a pas pris en considération les nombreux documents médicaux produits et a examiné séparément chacun des faits matériellement établis par le salarié (Cass. soc., 27 janvier 2021, n° 19-15.832, F-D N° Lexbase : A17534EN).

  • La Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a été saisie en raison de la violation de l’article 10 de la CESDH au motif que sa condamnation pénale pour diffamation a violé sa liberté d’expression.

    Concernant le courriel envoyé par la salariée, les juridictions françaises ont interprété strictement les conditions légales d’exonération de la responsabilité pénale du salarié puisqu’elles ont reconnu le caractère public du courriel.

    Or, ce courriel envoyé par la requérante constitue un texte envoyé à un nombre limité de personnes, n’ayant pas vocation à être diffusé au public, mais dont le seul but est d’alerter les intéressés sur la situation de la requérante afin de trouver une solution permettant d’y mettre fin.

    La CEDH souligne sur ce point le contexte tendu consécutif aux démarches infructueuses de la requérante ayant alerté sur le comportement du prétendu agresseur à son égard.

    Sur la nature des propos litigieux, les juridictions françaises ont estimé qu’il ne peut pas être reproché à la requérante, dans le contexte qu’elle subissait, de s’exprimer de manière vive et qu’il existe des éléments permettant d’établir la réalité d’un harcèlement moral, voire sexuel, dans la perception de l’intéressée. Pour autant, elles ont estimé que la salariée ne pouvait pas bénéficier de l’excuse de bonne foi puisque ses propos relatifs à l’agression sexuelle ne disposaient pas d’une base factuelle suffisante.

    Or, la requérante a agi en qualité de victime alléguée des faits qu’elle dénonçait, et non en qualité de citoyen ou de lanceur d’alerte. Les propos contenus dans le courriel sont des déclarations de faits. L’absence de témoins pour les faits dénoncés ainsi que l’absence de plainte relative à de tels agissements ne peuvent conduire à caractériser la mauvaise foi de la requérante.

    S’agissant des effets des propos tenus par la requérante sur la réputation de la personne dénoncée, ce n’est pas tant le courriel litigieux en soi que le billet publié sur Facebook par l’époux de l’intéressée, qui ont suscité de vifs échanges et ont porté l’affaire à la connaissance du public, de sorte que le courriel envoyé n’a entraîné que des effets limités sur la réputation du prétendu agresseur.

    La CEDH décide alors que la condamnation pénale d’une salariée en raison de son courriel contenant des allégations de harcèlement et d’agression sexuelle et envoyé à plusieurs personnes au sein et en dehors de l’entreprise constitue une ingérence dans sa liberté d’expression et comporte, par nature, un effet dissuasif susceptible de décourager les intéressés de dénoncer des faits aussi graves que ceux caractérisant, à leurs yeux, un harcèlement moral ou sexuel, voire une agression sexuelle (CEDH, 18 janvier 2024, n° 20275/20 N° Lexbase : A23352GL).

    La Cour souligne la nécessité, au regard de l’article 10, d’apporter la protection appropriée aux personnes dénonçant des faits de harcèlement moral ou sexuel dont elles s’estiment les victimes. Elle considère que les juridictions françaises, en refusant d’adapter aux circonstances de l’espèce la notion de base factuelle suffisante et les critères de la bonne foi, ont fait peser sur la requérante une charge de la preuve excessive en exigeant qu’elle rapporte la preuve des faits qu’elle entendait dénoncer.

    Elle condamne ainsi la France à verser à la requérante 8 500 euros pour dommages moral et matériel.

8-6. Quelques illustrations jurisprudentielles

  • ♦ Faits laissant présumer une situation de harcèlement moral :

    Le fait pour une salariée de ne pas solliciter l'annulation des avertissements et des mises à pied dont elle a fait l'objet ne suffit pas à écarter la présomption d'un harcèlement moral en présence d'autres agissements (Cass. soc., 6 mars 2019, n° 17-28.025, F-D N° Lexbase : A0174Y3T). 

    Le fait pour un employeur d'ouvrir de manière intempestive le courrier d'un salarié et de ne pas répondre dans des délais raisonnables à ses demandes de fournitures et d'équipements de travail, faits auxquels s'ajoutaient des données médicales produites par le salarié et attestant la dégradation de son état de santé (Cass. soc., 2 juillet 2014, n° 13-10.979 N° Lexbase : A2733MTE).

    Le fait pour une responsable hiérarchique de porter sur un salarié dont l'état de santé s'était dégradé « des appréciations fortement négatives peu conformes à celles qu'il avait reçues les années précédentes. Elle avait refusé tout dialogue avec le salarié, lui avait transmis une autorisation de congé avec retard et ne lui envoyait pas son planning de travail en temps utile ». Dernier indice, le salarié était le seul à apparaître sous son nom de famille et non sous son prénom sur le planning d'accueil ce qui constituait une inégalité de traitement avec les autres agents du centre (Cass. soc., 6 avril 2011, n° 10-11.647 N° Lexbase : A3570HNK).

    Le fait pour un employeur d'avoir adressé à une salariée 3 lettres contenant des observations partiellement injustifiées, d'avoir engagé une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle à laquelle il avait renoncé d'avoir provoqué, dans une période de 3 mois, 3 contrôles médicaux destinés à vérifier si l'état de santé de l'intéressée le justifiait (Cass. soc., 13 avril 2010, n° 09-40.837 N° Lexbase : A0680EW4). 

    Le fait, pour un employeur, dans un climat de relations tendues entre la direction et plusieurs cadres, d'envisager de retirer des tâches à l'un de ces salariés et de lui rechercher un remplaçant par voie d'annonce (Cass. soc., 6 janvier 2011, n° 09-69.560 N° Lexbase : A9784GP3). 

    La rétrogradation hiérarchique et fonctionnelle d'une salariée à un emploi ne correspondant pas à sa qualification antérieure (Cass. soc., 13 mars 2013, n° 12-11.622 N° Lexbase : A9704I9B).

    Le fait pour une salariée d'avoir déposé une plainte pénale nominative contre deux collègues dénommées pour des dégradations commises sur son véhicule, d'avoir bénéficié d'un nombre de nuits travaillées inférieur à celui de ses collègues, d'avoir fait l'objet d'une rétrogradation unilatérale de ses fonctions, deux témoins faisant par ailleurs état du dénigrement observé à son égard, et les certificats médicaux produits attestant des répercussions sur son état de santé de cette situation ainsi que des problèmes relationnels rencontrés avec ses collègues (Cass. soc., 16 mai 2012, n° 10-10.623, FS-P+B N° Lexbase : A6980IL4).

    L'existence de courriels dans lesquels le salarié se plaint des remarques de l'employeur à son égard alors qu'il est en permanence dans de nombreux services de l'hôtel pour gérer au mieux l'établissement, d'arrêts maladie portant les mentions d'un état dépressif secondaire dû à un « burn out » professionnel, d'un entretien téléphonique au cours duquel l'employeur lui a répondu : « restez en maladie le plus longtemps possible et ne revenez pas », d'une attestation d'une employée réceptionniste faisant état de la pression permanente qui pesait sur le salarié, des reproches injustifiés et d'une rétrogradation dans ses fonctions (Cass. soc., 19 février 2014, n° 12-23.191 N° Lexbase : A7700MEW). 

    Le fait pour une salariée de retour de congé de maternité d'avoir été victime d'une agression verbale et physique du dirigeant de l'entreprise qui l'avait molestée et injuriée, faits pour lesquels elle avait déposé plainte et après lesquels elle avait été en arrêt de travail pour maladie. A son retour, elle avait subi des changements quotidiens de tâches et de secteur et une mise à l'écart des autres employés auxquels elle ne devait pas adresser la parole. (Cass. soc., 6 avril 2011, n° 09-71.170 N° Lexbase : A3566HNE). 

    ♦ Faits ne laissant pas présumer une situation de harcèlement moral :

     

    Le fait, pour une salariée, de ne faire référence à aucun fait précis, et que les attestations produites relatent soit des propos ou comportements du mis en cause qui ne concernaient pas directement la salariée, soit émanaient de personnes qui reprenaient des propos que la salariée leur avait tenus. Il s'agissait en l'espèce de comportements déplacés et de critiques humiliantes et dévalorisantes (Cass. soc., 9 octobre 2013, n° 12-22.288, FS-P+B N° Lexbase : A6893KMA). 

8-7. Le droit d'action en justice des organisations syndicales représentatives

  • Action en substitution de l'action individuelle d'un salarié. Les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise peuvent exercer en justice toutes actions ayant trait au harcèlement moral en faveur d'un salarié de l'entreprise. Les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise doivent justifier d'un accord écrit de l'intéressé en cas d'action en faveur d'un salarié. L'intéressé peut toujours intervenir à l'instance engagée par le syndicat et y mettre fin à tout moment.

    Action dans l'intérêt collectif de la profession. Les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.

9. Le harcèlement moral, arrêt de travail et accident du travail

E9975YUY

  • L’arrêt de travail lié à un harcèlement moral
  • Lorsque la cause du licenciement est l'absence prolongée du salarié due au harcèlement dont il fait l'objet, le licenciement est nul. Lorsque l’absence prolongée du salarié est la conséquence du harcèlement moral dont il a été l’objet, l’employeur ne peut se prévaloir de la perturbation que l’absence prolongée du salarié a causé au fonctionnement de l’entreprise (Cass. soc., 11 octobre 2006, n° 04-48.314, F-P+B+R N° Lexbase : A7726DRL ; Cass. soc., 30 janvier 2019, n° 17-31.473, F-P+B N° Lexbase : A9841YUZ).

    Le licenciement prononcé pour une inaptitude physique résultant d'agissements fautifs de l'employeur, commis antérieurement à la loi du 17 janvier 2002, est sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 13 décembre 2007, n° 06-45.818, FS-P+B N° Lexbase : A0824D3W).

    Ayant retenu que le harcèlement moral subi par le salarié était établi et ayant constaté que celui-ci avait été licencié pour inaptitude à la suite de l'avis du médecin du travail l'ayant déclaré, après une seule visite en raison du danger immédiat, inapte à son poste, sauf si celui-ci évoluait dans un environnement organisationnel et relationnel différent, la cour d'appel a caractérisé le lien entre le harcèlement moral et le licenciement et a ainsi légalement justifié sa décision (Cass. soc., 16 avril 2015, n° 13-28.452, F-D N° Lexbase : A9401NGB).

    Pour rejeter la demande de la salariée tendant à ce que son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement soit déclaré nul, la cour d'appel a relevé que si la salariée avait fait l'objet de harcèlement de la part d'un ancien supérieur hiérarchique, ce dernier avait alors été licencié pour faute grave, près de trois ans avant le licenciement de la salariée, faisant ainsi ressortir l'absence de lien entre les actes de harcèlement subis par celle-ci et son licenciement (Cass. soc., 17 juin 2015, n° 14-13.907, F-D N° Lexbase : A5155NLI).

    Le licenciement est nul, lorsque l'inaptitude constatée par le médecin du travail était la conséquence du harcèlement moral (Cass. soc., 8 décembre 2015, n° 14-15.299, F-D N° Lexbase : A1947NZ7).
  • La qualification d’accident du travail
  • Un accident qui se produit à un moment où le salarié ne se trouve plus sous la subordination de l'employeur constitue un accident de travail dès lors que le salarié établit qu'il est survenu par le fait du travail (harcèlement moral). Tel est le cas lorsque le salarié rapporte la preuve de ce que sa tentative de suicide, à son domicile, alors qu'il était en arrêt de maladie, était en lien avec ses conditions de travail (Cass. civ. 2, 22 février 2007, n° 05-13.771, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A2849DU3).

    La législation sur les accidents du travail et maladies professionnelles ne fait pas obstacle à l'attribution de dommages-intérêts au salarié en réparation du préjudice que lui a causé le harcèlement moral dont il a été victime antérieurement à la prise en charge de son affection par la Sécurité sociale (Cass. soc., 15 novembre 2006, n° 05-41.489, FS-P+B N° Lexbase : A3457DST).

    L'employeur est tenu d'une obligation de sécurité de résultat, et que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5300ADN), lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. Ainsi, un accident survenu sur le lieu et dans le temps du travail, qui comprend la pause déjeuner, au préjudice d'un salarié dont il n'est pas rapporté la preuve qu'il se soit soustrait à l'autorité de son employeur est présumé imputable au travail (Cass. crim., 5 mars 2019, n° 17-86.984, F-D N° Lexbase : A0065Y3S).

    La Cour de cassation admet que la faute inexcusable de l'employeur peut être engagée à l'occasion d'une tentative de suicide due à un syndrome anxiodépressif.

    👉 Sur la tentative de suicide due à un harcèlement moral, voir l'Encyclopédie "Droit de la protection sociale" : N° Lexbase : E3014ETS.

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