Le Quotidien du 7 avril 2022 : Droit pénal du travail

[Brèves] Un « clicwalker » n’est pas assimilé à un salarié

Réf. : Cass. crim., 5 avril 2022, n° 20-81.775, FS-B N° Lexbase : A21527SI

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N1061BZC

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[Brèves] Un « clicwalker » n’est pas assimilé à un salarié. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/83337929-breves-un-clicwalker-n-est-pas-assimile-a-un-salarie
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par Lisa Poinsot

le 27 Avril 2022

► N'exécute pas une prestation de travail sous un lien de subordination, le particulier recueillant des données commerciales, appelé « clicwalker », qui :

  • accepte, par l'intermédiaire d'une plateforme numérique gérée par une société, d'exécuter des missions ;
  • est libre d'abandonner en cours d'exécution les missions proposées ;
  • ne reçoit aucune instruction ou consigne lors de leur exécution ;

En outre, la société ne dispose pas, pendant l'exécution de la mission, du pouvoir de contrôler l'exécution de ses directives et d'en sanctionner les manquements, et ce, quand bien même la correcte exécution des missions est l'objet d'une vérification par la société qui peut refuser de verser la rémunération prévue et le remboursement des frais engagés, en cas d'exécution non conforme.

Faits et procédure. Sur la base du volontariat et contre gratification en points-cadeaux ou en numéraire, des particuliers dits « clicwalkers », effectuent, pour une société et, à partir d’une application gratuite téléchargée sur leur téléphone, les missions suivantes :

  • fournir des informations sur leurs habitudes de consommation ;
  • émettre un avis ou prendre des photographies sur les supports de communication des clients ou vérifier dans les magasins la présence, le prix et la visibilité des produits, les supports commerciaux ou la qualité des prestations de service des entreprises clientes de la société.

Cette société a ainsi pour activité de collecter puis de traiter pour le compte de marques ou d'enseignes, des données commerciales dites de « terrain », recueillies par ces « clicwalkers ».

À la suite d’une enquête préliminaire concluant à l’assimilation de ces travailleurs en salariés, des poursuites pour travail dissimulé par dissimulation d’emplois salariés ont été engagées. Le tribunal correctionnel a conclu à la non-assimilation des « clicwalkers » comme salariés.

A contrario, la cour d’appel constate que :

  • les missions qui sont confiées aux travailleurs ainsi que les consignes et les directives pour les exécuter peuvent être très précises ;
  • la société contrôle la bonne exécution de la prestation, afin de vérifier qu’elle correspond à la commande de son client ;
  • ce contrôle s'accompagne d'un pouvoir de sanction puisque si la mission est rejetée, celui qui l'a exécutée ne sera pas rémunéré et ses frais ne seront pas remboursés ;
  • si les conditions générales de la plateforme ne le prévoient plus depuis 2014, la mauvaise exécution répétée des missions a entraîné la clôture du compte de certains utilisateurs en 2015.

De ces éléments, elle en déduit l’existence d’un lien de subordination entre la société et les travailleurs du fait que les utilisateurs de la plateforme exécutent une prestation de travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

En conséquence, la cour d’appel retient la qualification de contrat de travail pour déclarer la société coupable du délit de travail dissimulé par dissimulation d’emplois salariés.

La société forme alors un pourvoi en cassation.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre criminelle de la Cour de cassation censure la décision de la cour d’appel, en reprenant le raisonnement de la Chambre sociale dès lors que le problème de droit porte sur l’éventuelle requalification de la relation de travail entre un particulier et une plateforme numérique en salariat.

En s’appuyant sur les articles L. 8221-5 N° Lexbase : L7404K94 et L. 8224-1 N° Lexbase : L3622H9Z du Code du travail, la Chambre criminelle rappelle, tout d’abord, que le délit de travail dissimulé par dissimulation d'emplois salariés suppose que soit établie l'existence d'un lien de subordination. Elle mentionne ensuite la jurisprudence sociale en matière de détermination du lien de subordination et de qualification du contrat de travail (Cass. soc., 13 novembre 1996, n ° 94-13.187, publié N° Lexbase : A9731ABZ, Cass. ass. plén., 4 mars 1983, 2 arrêts, n° 81-11.647 N° Lexbase : A5653AAM et n° 81-15.290 N° Lexbase : A3665ABD et Cass. soc., 28 novembre 2018, n° 17-20.079, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A0887YN8). Elle conclut enfin que :

  • le travail dissimulé par dissimulation d’emplois salariés suppose l’établissement d’un lien de subordination qui découle de la preuve de l’existence des pouvoirs de direction, de contrôle et de sanction de la plateforme numérique ;
  • les indices déterminant l’existence de ces trois pouvoirs s’apprécient au moment de l’exécution des missions.

Pour aller plus loin :

sur la dissimulation d’emplois salariés :

  • v. Cass. crim., 22 juin 2021, n° 20-81.775, FS-D N° Lexbase : A40534XE ; Cass. soc., avis n° 9014, 15 décembre 2021, n° 20-18.775 N° Lexbase : A09257HQ ; Cass. crim., 30 novembre 2021, n° 21-80.665, F-D N° Lexbase : A21047EN, E. Gouesse, Panorama de droit pénal du travail (février 2021 – février 2022), Lexbase Pénal, février 2022, n° 46 N° Lexbase : N0444BZH ;
  • v. aussi : ÉTUDE : La responsabilité pénale de l’employeur, Les infractions et les sanctions pénales en matière de travail dissimulé, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E2879ETS ;

sur la qualification du contrat de travail et l’établissement du lien de subordination :

 

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