Le Quotidien du 23 novembre 2020 : Procédure pénale

[Brèves] Conditions de détention : n’est pas effectif le recours indemnitaire qui n’aboutit pas à une réparation suffisante

Réf. : CEDH, 19 novembre 2020, Req. 25338/16, Barbotin c/ France (N° Lexbase : A152037G)

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N5374BYP

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par Adélaïde Léon

le 16 Décembre 2020

► Le recours exercé devant le juge administratif, en raison de l’indignité des conditions de détention, est efficace dans son principe au regard de la portée du contrôle exercé par les juridictions internes et du droit à une indemnisation ;

Il est en revanche inopérant compte tenu du faible montant alloué et de la mise à la charge du détenu des frais d’expertise aux fins de constater l’état de ses cellules.

Rappel des faits. Lors de son second séjour à la maison d’arrêt de Caen, un détenu demande au juge des référés du tribunal administratif de Caen de désigner un expert afin qu’il constate l’état des cellules qu’il avait occupées au sein de l’établissement. L’expert désigné visite les six cellules occupées par le requérant et rend son rapport dans lequel il relève que, si quatre des six cellules étaient en bon état général et la cinquième entièrement rénovée, la sixième, quant à elle, était en mauvais état, vétuste, mal éclairée et offrait un volume d’air insuffisant pour les cinq adultes qui l’occupaient. Par ordonnance, le tribunal administratif évalue les frais d’expertise (773, 57 euros) et les met à la charge de l’État. Estimant l’expertise ordonnée inutile en raison de la préexistence d’un rapport sur la maison d’arrêt de Caen, la ministre de la Justice obtient, par le biais d’une tierce opposition puis d’un appel, l’annulation de l’ordonnance de désignation de l’expert.

Par la suite, l’ancien détenu forme un recours en responsabilité contre l’État aux fins d’obtenir réparation du préjudice résultant de ses conditions de détention. Le tribunal administratif estime que, durant quatre mois, sur les vingt-quatre mois passés par l’intéressé en détention, ses conditions de détention n’avaient pas été propres à assurer le respect de la dignité humaine. L’État est, à cette occasion, condamné à lui verser 500 euros en réparation de son préjudice moral. Le tribunal administratif met en revanche à la charge du requérant les frais de l’expertise précédemment déclarée non avenue. L’ancien détenu devient donc débiteur de l’État à hauteur de 273, 57 euros.

Saisi d’un pourvoi formé par l’intéressé et d’un pourvoi incident présenté par la ministre de la Justice, le Conseil d’État les rejette (CE, 26 janvier 2012, n° 349874 N° Lexbase : A4262IBH).

Griefs. Afin de dénoncer l’ineffectivité du recours indemnitaire entrepris, du fait de l’insuffisance de l’indemnisation et de la mise à sa charge des frais d’expertise le rendant débiteur de l’État, l’intéressé introduit une requête devant la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) invoquant les articles 13 (N° Lexbase : L4746AQT) et 3 (N° Lexbase : L4764AQI) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (CESDH), concernant respectivement le droit à un recours effectif et l’interdiction des traitements inhumains et dégradants.

Décision de la Cour. Après avoir étudié les critères sur lesquels les juridictions administratives s’étaient fondées, pour retenir que les conditions de détention indignes subies par le requérant relevaient d’une faute de l’État et avaient engendré un préjudice moral indemnisable, la Cour juge qu’elles ont statué en vertu de standards coïncidents avec les siens.

La Cour constate toutefois que, si le requérant a pu exercer un recours approprié lui permettant d’obtenir l’indemnisation de son préjudice, à l’issue de cette action, l’intéressé, sur qui le juge a fait peser un fardeau excessif en mettant à sa charge les frais de l’expertise, s’est retrouvé débiteur de l’État à hauteur de 273, 57 euros.

La Cour relève d’une part que la somme de 500 euros accordée initialement au requérant est bien en deçà de la réparation qu’elle aurait pu accorder dans des circonstances similaires et, d’autre part, que le résultat final de l’action de l’intéressé, laquelle aboutit à le rendre débiteur, prive le recours exercé de son effectivité.

La Cour conclut à la violation de l’article 13 de la Convention combiné avec l’article 3.

La Haute juridiction européenne note par ailleurs qu’elle ne perd pas de vue que le développement de la jurisprudence du juge administratif sur le recours indemnitaire s’inscrit dans un ensemble de réformes que la France doit mettre en place pour faire face au problème de la surpopulation carcérale (CEDH, 30 janvier 2020, Req. 9671/15, J.M.B. et autres c/ France N° Lexbase : A83763C9 : Y. carpentier, Mise en demeure de la CEDH à propos du surpeuplement carcéral en France, Lexbase pénal, mars 2020 N° Lexbase : N2631BY4) et pour résoudre les nombreuses affaires individuelles nées de ce problème.

Pour aller plus loin : M. Giacopelli, Le raz de marée du principe de dignité, Lexbase Pénal, novembre 2020 (N° Lexbase : N5183BYM) ; A. Morineau, Huit ans de bataille pour la dignité des personnes détenues, de la CEDH au Conseil constitutionnel, Lexbase Pénal, novembre 2020 (N° Lexbase : N5309BYB).

 

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