Le Quotidien du 23 novembre 2020 : Bancaire

[Brèves] Florilège de solutions intéressant le remboursement d’un crédit immobilier

Réf. : Cass. civ. 1, 12 novembre 2020, n° 19-16.964 FS-P+B (N° Lexbase : A5115349)

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par Jérôme Lasserre Capdeville

le 18 Novembre 2020

► D’une part, la sécurité juridique, invoquée sur le fondement du droit à un procès équitable pour contester l’application immédiate d’une solution nouvelle résultant d’une évolution de la jurisprudence, ne saurait consacrer un droit acquis à une jurisprudence figée ;

► D’autre part, le règlement des sommes correspondant au montant des échéances impayées d’un prêt ayant conduit la banque à prononcer la déchéance du terme, effectué postérieurement à celle-ci par l’assureur de l'emprunteur, ne peut, sauf stipulations contractuelles expresses, entraîner la caducité de cette déchéance ;

► Enfin, en l’absence d’un risque d'endettement excessif, la banque n’est pas tenue d’un devoir de mise en garde à l’égard des emprunteurs ; tel est le cas lorsque la charge de remboursement mensuel global était inférieure au taux d’endettement de 33 % communément admis comme permettant un remboursement sans risque particulier.

Faits et procédure. Le 6 juin 2007, la banque A. avait consenti à M. B. et Mme P. deux prêts destinés à financer l’acquisition d’un bien immobilier. À la suite du placement de M. B. en longue maladie, d’échéances demeurées impayées et d’un refus de garantie opposé par l’assureur couvrant les risques décès, invalidité, incapacité, la société C., agissant en qualité de mandataire de la banque, s’était prévalue de la déchéance du terme par acte du 10 juin 2013.

Mais l’affaire était loin d’être terminée. D’abord, par acte du 28 août 2013, la banque avait fait pratiquer une saisie-attribution contestée par les emprunteurs devant le juge de l’exécution. Ensuite, par actes des 27 et 28 août 2013, les emprunteurs avaient assigné la banque et le mandataire aux fins de voir constater la forclusion de l’action et avaient sollicité l’allocation de dommages-intérêts pour manquement de la banque à son devoir de mise en garde. Celle-ci avait sollicité reconventionnellement le remboursement du solde des prêts par conclusions du 18 août 2014. Enfin, le 4 octobre 2013, l’assureur avait finalement accepté de prendre en charge les échéances des prêts pour la période du 26 avril 2009 au 1er septembre 2012.

La cour d’appel de Dijon ne leur ayant pas donné raison dans sa décision du 21 mars 2019, les emprunteurs avaient formé un pourvoi en cassation. Trois moyens étaient invoqués par les intéressés. Ils sont tous les trois rejetés.

Décision. En premier lieu, M. B. et Mme P. reprochaient à la cour d’appel d’avoir rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription, à l'exception des échéances impayées du 1er décembre 2010 au 1er août 2011 afférentes à un des deux prêts et de les avoir condamnés à payer diverses sommes à la banque. Ils considéraient ainsi qu’en présence d’une dette payable par termes successifs, lorsque l'emprunteur a agi en justice avant le 11 février 2016 aux fins de voir constater la forclusion du prêteur et que le prêteur a lui-même formulé une demande reconventionnelle en paiement avant cette date, le principe de sécurité juridique et le droit à un procès équitable exigent que l’emprunteur puisse se prévaloir de la jurisprudence de la Cour de cassation antérieure à son revirement du 11 février 2016 (Cass. civ. 1, 11 février 2016, quatre arrêts, n° 14-28.383, F-P+B+R+I  N° Lexbase : A7326PKK ; n° 14-27.143, F-P+B+R+I N° Lexbase : A7325PKI ; n° 14-29.539, F-P+B+R+I N° Lexbase : A7327PKL et n° 14-22.938, F-P+B+R+I N° Lexbase : A7324PKH), en ce qu’elle décidait, sur le fondement de l’ancien article L. 137-2 du Code de la consommation (N° Lexbase : L7231IA3), que la prescription de l’action en paiement du capital restant dû courait à compter du premier incident de paiement non régularisé.

Or, ce moyen est jugé non fondé par la Haute juridiction. Pour cette dernière, la cour d’appel a exactement énoncé que la sécurité juridique, invoquée sur le fondement du droit à un procès équitable pour contester l’application immédiate d’une solution nouvelle résultant d’une évolution de la jurisprudence, ne saurait consacrer un droit acquis à une jurisprudence figée. Cette évolution relève de l’office du juge dans l'application du droit.

En second lieu, les emprunteurs faisaient grief à l’arrêt de les avoir condamnés solidairement à payer diverses sommes à la banque au titre des prêts, alors que le règlement par l’assureur, en vertu du contrat d'assurance adossé à un prêt immobilier, des échéances impayées par l’emprunteur ayant conduit la banque à prononcer la déchéance du terme, rend caduque la déchéance du terme. Dès lors, en jugeant que les versements effectués ultérieurement par la compagnie d'assurance n’avaient pas pu avoir pour effet de remettre en cause l’exigibilité résultant de la déchéance du terme prononcée le 10 juin 2013, la cour d’appel aurait violé l’article 1186 du Code civil (N° Lexbase : L1288ABC) dans sa rédaction applicable au litige.

Ici encore, le moyen n’est pas jugé fondé. Pour la Haute juridiction, « le règlement des sommes correspondant au montant des échéances impayées d’un prêt ayant conduit la banque à prononcer la déchéance du terme, effectué postérieurement à celle-ci par l’assureur de l'emprunteur, ne peut, sauf stipulations contractuelles expresses, entraîner la caducité de cette déchéance ». En outre, en ayant relevé que l’article 5 des conditions générales des prêts prévoyait que les régularisations postérieures à la déchéance du terme ne faisaient pas obstacle à l’exigibilité résultant de cette dernière, la cour d’appel en a déduit, à bon droit, que les versements effectués par l'assureur sur le compte des emprunteurs n'avaient pu avoir pour effet de remettre en cause l’exigibilité résultant de la déchéance du terme.

En dernier lieu, les emprunteurs faisaient grief à l'arrêt de la cour d’appel de Dijon d’avoir rejeté leur demande de dommages-intérêts. Dans leurs conclusions d'appel, ils avaient soutenu que la banque avait manqué à son devoir de mise en garde à leur égard, à raison de leurs capacités financières et des risques de l’endettement né de l’octroi des deux prêts immobiliers. À cet égard, ils faisaient valoir que concomitamment aux prêts immobiliers, la banque avait consenti aux emprunteurs deux crédits à la consommation, et que cette dernière n’apportait aucune explication sur ces crédits lesquels augmentaient pourtant le passif des emprunteurs. Dès lors, en écartant toute responsabilité de la banque au titre du devoir de mise en garde, sans répondre au moyen précité, la cour d’appel aurait violé l'article 455 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6565H7B).

À nouveau, la Cour de cassation rejette le moyen. Elle observe que l’arrêt de la cour d’appel avait relevé que (i) dans la perspective de l’octroi des prêts litigieux, la banque avait établi une fiche de renseignements certifiés exacts par les emprunteurs le 21 avril 2007, sur le montant de leurs revenus, (ii) qu'à cette fiche avaient été joints divers justificatifs, (iii) que la fixation des échéances de remboursement des prêts litigieux avait pris en compte un crédit antérieur, (iv) que la charge de remboursement mensuel global restait sensiblement constante et, en tout état de cause, « toujours inférieure au taux d’endettement de 33 % communément admis comme permettant un remboursement sans risque particulier » (v) et que les mensualités des prêts avaient été régulièrement honorées jusqu’à ce que M. B. soit confronté à des problèmes de santé. Dès lors, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, la cour d’appel avait fait ressortir, pour la Haute juridiction, qu’en l’absence d’un risque d'endettement excessif, la banque n’était pas tenue d'un devoir de mise en garde à l’égard des emprunteurs.

Observations. Trois observations s’imposent à la vue de cette dernière solution.

D’abord, la jurisprudence considère, de longue date, que la banque n’est pas tenue d’un devoir de mise en garde envers l’emprunteur non averti, si le prêt accordé est adapté aux capacités financières de l’emprunteur et ne présente donc pas un risque d’endettement excessif (Cass. com., 18 février 2009, n° 08-11.221, F-P+B+I N° Lexbase : A2702EDG – Cass. com., 7 juillet 2009, n° 08-13.536, FS-P+B N° Lexbase : A7281EII – Cass. civ. 1, 10 septembre 2015, n° 14-18.851, F-P+B N° Lexbase : A9366NN9 – Cass. civ. 1, 12 septembre 2018, n° 17-17.650, FS-D N° Lexbase : A7737X4C).

Ensuite, la Cour de cassation a déjà pu estimer que le prêt dont les échéances ont été réglées pendant plusieurs années ne peut être jugé excessif (Cass. com., 16 septembre 2014, n° 13-20.093, F-D N° Lexbase : A8575MWI).

Enfin, la décision rappelle que, selon une règle non écrite, un crédit présentant un taux d’endettement inférieur ou égal à 33 % n’est pas considéré comme risqué.

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