Le Quotidien du 26 août 2020 : Terrorisme

[Brèves] Loi instaurant des mesures de sûreté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes à l'issue de leur peine : les Sages censurent

Réf. : Cons. const., décision n° 2020-805 DC, du 7 août 2020 (N° Lexbase : A00883S3)

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[Brèves] Loi instaurant des mesures de sûreté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes à l'issue de leur peine : les Sages censurent. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/59949766-cite-dans-la-rubrique-bterrorisme-b-titre-nbsp-iloi-instaurant-des-mesures-de-surete-a-l-encontre-de
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par Adélaïde Léon

le 23 Septembre 2020

► Le 27 juillet 2020, le Conseil constitutionnel a été saisi par le président de l’Assemblée nationale, soixante sénateurs et soixante députés de la loi instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issus de leur peine afin de se prononcer sur la conformité à la Constitution de son article 1er ;

Reconnaissant que le législateur a poursuivi, par l'édiction de ces mesures, l'objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public, le Conseil a toutefois censuré l'article en question jugeant les obligations ou interdictions qu'il institue particulièrement rigoureuses et créatrices d'atteintes aux droits et libertés constitutionnellement garantis non adaptées ni proportionnées.

Dispositions en cause. L’article 1er de la loi déférée crée, aux articles 706-25-15 et suivants du Code de procédure pénale, une « mesure de sûreté » applicable aux auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine lorsque les trois conditions suivantes sont réunies :

  • la personne a été condamnée pour une infraction terroriste à l’exclusion des infractions relatives à la provocation au terrorisme et à l’apologie de terrorisme ;
  • l’intéressé a été condamné à une peine privative de liberté d’une durée d’au moins cinq ans ou, en cas de récidive légale, d’au moins trois ans ;
  • à la fin de l’exécution de sa peine, l’individu doit présenter une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive et par une adhésion persistante à une idéologie ou à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme.

Cette mesure de sûreté est ordonnée par la juridiction régionale de rétention de sûreté de Paris au vu d’un avis motivé de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté. S’agissant des mineurs, la mesure est ordonnée par le tribunal pour enfants de Paris.

La mesure de sûreté impose à l’intéressé de respecter une ou plusieurs des nombreuses obligations ou interdictions limitativement fixées par le Code de procédure pénale et dont la méconnaissance est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

Cette mesure peut être ordonnée pour une durée maximale d’un an renouvelable sous conditions dans la limite de cinq ans ou de dix ans lorsque les faits à l’origine de la condamnation constituent un crime ou un délit puni de dix ans d’emprisonnement. Ces limites sont respectivement ramenées à trois et cinq ans lorsque le condamné est mineur.

Motifs de la saisine. Selon les différents auteurs de la saisine, ces dispositions sont susceptibles de porter atteinte à la présomption d’innocence ainsi qu’à l’interdiction de la détention arbitraire. De même, l’article 1er porterait, à la liberté individuelle, à la liberté d’aller et de venir et au droit au respect de la vie privée, une atteinte qui ne serait ni nécessaire, ni adaptée, ni proportionnée à l’objectif poursuivi par le législateur. La subjectivité de l’appréciation de la dangerosité d’un individu méconnaitrait par ailleurs le principe de légalité des délits et des peines. Enfin, le possible cumul de certaines obligations prévues par la loi confère à la mesure de sûreté contestée un caractère privatif de liberté justifiant l’application du principe de non-rétroactivité de la loi pénale.

Décision du Conseil constitutionnel. Au visa des articles 2 (N° Lexbase : L1366A9H), 4 (N° Lexbase : L1368A9K) et 9 (N° Lexbase : L1373A9Q) de la Déclaration de 1789 et du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, le Conseil constitutionnel déclare non conforme à la Constitution l’article 1er de la loi déférée et, par voie de conséquence, ses articles 2 et 4 qui en sont inséparables.

Le Conseil constate, en premier lieu, que cette mesure, prononcée à la suite de l’accomplissement d’une peine, par la juridiction régionale de la rétention de sûreté, laquelle se fonde non sur la culpabilité mais sur la dangerosité de l’intéressé, a pour but d’empêcher et de prévenir la récidive. Pour les Sages, cette mesure n’est ni une peine ni une sanction mais il n’en demeure pas moins qu’elle est tenue de respecter le principe selon lequel la liberté personnelle « ne saurait être entrée par une rigueur qui ne soit nécessaire ».

Objectifs et garanties de valeur constitutionnelle en balance. Plus précisément, le Conseil rappelle qu’il appartient au législateur de concilier la prévention des atteintes à l’ordre public et les droits et libertés constitutionnellement garantis en n’y portant pas des atteintes qui ne soient ni adaptées, ni nécessaires, proportionnées à l’objectif poursuivi. Le Conseil vise en l’espèce la liberté d’aller et de venir, le droit au respect de la vie privée et le droit de mener une vie familiale normale.

Motifs du Conseil constitutionnel. Le Conseil affirme, dans un premier temps, que, par l’édiction de dispositions visant à prévenir la récidive d’acte de terrorisme, lesquels troublent « gravement l’ordre public par l’intimidation et la terreur », le législateur a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public.

Le Conseil constate ensuite que cette mesure s’ajoute aux mesures de contrôle et de surveillance déjà existantes visant à prévenir la récidive des infractions les plus graves ou plus spécifiquement à prévenir la commission d’actes de terrorisme.

Les Sages rappellent enfin que le législateur peut créer des mesures de sûreté fondées sur la particulière dangerosité, évaluée objectivement, de l’auteur d’un acte terroriste pour prévenir la récidive. Toutefois, il lui appartient de veiller à ce que les conditions de mise en œuvre de ces mesures soient adaptées et proportionnées et qu’aucune autre mesure, moins attentatoire aux droits et libertés constitutionnellement garantis, ne soit suffisante pour atteindre cet objectif.

Censure. Le Conseil juge que la mesure édictée par l’article 1er de la loi déférée permet d’imposer diverses obligations ou interdictions particulièrement rigoureuses, parfois cumulativement, portant atteinte à la liberté d’aller et de venir, au droit au respect de la vie privée et au droit de mener une vie familiale normale. S’agissant du temps de la mesure, il constate que cette rigueur est accrue par les durées maximales, lesquelles sont fixées en considération de la peine encourue et non du quantum prononcé, et que les renouvellements n’exigent pas que la dangerosité soit corroborée par des éléments nouveaux ou complémentaires. Le Conseil estime par ailleurs que cette mesure est applicable dès lors que la partie ferme de la peine est égale à trois mois et alors même que la juridiction de jugement n’aurait elle-même pas jugé nécessaire de prévoir, au cours du sursis, un suivi de la personne après son emprisonnement.

Les Sages critiquent, enfin, la volonté de créer une telle mesure, basée sur la dangerosité d’un individu et le risque de récidive, sans qu’il ne soit exigé par ailleurs que l’intéressé puisse bénéficier, pendant l’exécution de sa peine ferme, de mesures de nature à favoriser sa réinsertion.

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