Le Quotidien du 13 décembre 2019 : Filiation

[Brèves] GPA : irrecevabilité, pour défaut manifeste de fondement, des requêtes tendant à contester le refus des autorités françaises de transcrire l’intégralité d’un acte de naissance étranger, pour autant qu’ils désignent la mère d’intention comme étant la mère

Réf. : CEDH, 12 décembre 2019, Req. 1462/18 et 17348/18, C. et E. c/ France (N° Lexbase : A7855Z73)

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[Brèves] GPA : irrecevabilité, pour défaut manifeste de fondement, des requêtes tendant à contester le refus des autorités françaises de transcrire l’intégralité d’un acte de naissance étranger, pour autant qu’ils désignent la mère d’intention comme étant la mère. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/55371101-breves-gpa-irrecevabilite-pour-defaut-manifeste-de-fondement-des-requetes-tendant-a-contester-le-re
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par Anne-Lise Lonné-Clément

le 09 Janvier 2020

Sont déclarées irrecevables, pour défaut manifeste de fondement, les requêtes tendant à contester le refus des autorités françaises de transcrire sur les registres de l’état civil français l’intégralité des actes de naissance d’enfants nés à l’étranger par gestation pour autrui (GPA) des gamètes du père d’intention et d’une tierce donneuse, pour autant qu’ils désignent la mère d’intention comme étant leur mère ;

en effet, le refus des autorités françaises n’est pas disproportionné dès lors que le droit interne offre une possibilité de reconnaissance du lien de filiation entre les enfants requérants et leur mère d’intention par la voie de l’adoption de l’enfant du conjoint, étant observé notamment que la durée moyenne d’obtention d’une décision n’est que de 4,1 mois en cas d’adoption plénière et de 4,7 mois en cas d’adoption simple.

C’est en ce sens que s’est prononcée la Cour européenne des droits de l’Homme, aux termes d’une décision rendue le 12 décembre 2019, qui s’inscrit dans la parfaite continuité de son avis rendu le 19 avril 2019, auquel se réfère expressément la Cour dans la présente décision du 12 décembre 2019 (CEDH, 12 décembre 2019, Req. 1462/18 et 17348/18, C. et E. c/ France N° Lexbase : A7855Z73 ; CEDH, 10 avril 2019, avis n° P16-2018-001 N° Lexbase : A7859Y8L).

♦ Pour rappel, la ligne directrice fixée par la CEDH dans l’avis du 19 avril 2019 est la suivante.

Pour le cas d’un enfant né à l’étranger par gestation pour autrui (GPA) et issu des gamètes du père d’intention et d’une tierce donneuse et alors que le lien de filiation entre l’enfant et le père d’intention a été reconnu en droit interne :

1° le droit au respect de la vie privée de l’enfant, au sens de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, requiert que le droit interne offre une possibilité de reconnaissance d’un lien de filiation entre l’enfant et la mère d’intention, désignée dans l’acte de naissance légalement établi à l’étranger comme étant la «mère légale» ;

le droit au respect de la vie privée de l’enfant ne requiert pas que cette reconnaissance se fasse par la transcription sur les registres de l’état civil de l’acte de naissance légalement établi à l’étranger ; elle peut se faire par une autre voie, telle l’adoption de l’enfant par la mère d’intention, à la condition que les modalités prévues par le droit interne garantissent l’effectivité et la célérité de sa mise en œuvre, conformément à l’intérêt supérieur de l’enfant..

En résumé : la CEDH est d’avis qu’un lien de filiation entre l’enfant et la mère d’intention doit pouvoir être établi, mais laisse les Etats décider du mode le plus adapté.

♦ Application à la situation d’espèce : la voie de l’adoption empêche de considérer le refus de transcription comme disproportionné par rapport aux buts poursuivis

En l’espèce, la Cour note que la situation des enfants requérants correspond précisément au cas de figure résultant de l’avis rendu par la CEDH.

Elle relève aussi que le droit interne offre une possibilité de reconnaissance du lien de filiation entre les enfants requérants et leur mère d’intention par la voie de l’adoption de l’enfant du conjoint. Cela ressort d’arrêts de la Cour de cassation du 5 juillet 2017, et la Cour ne voit aucune raison de douter des assurances fournies à cet égard par le Gouvernement. Certes, cette possibilité n’est établie de manière certaine que depuis le 5 juillet 2017, alors que l’enfant C. avait sept ans et que les enfants E. avaient trois ans, soit, selon toute vraisemblance, bien après la concrétisation du lien entre eux et leur mère d’intention.

Or, la Cour a précisé dans son avis consultatif du 10 avril 2019 qu’un mécanisme effectif permettant la reconnaissance d’un lien de filiation entre les enfants concernés et la mère d’intention doit exister au plus tard lorsque, selon l’appréciation des circonstances de chaque cas, le lien entre l’enfant et la mère d’intention s’est concrétisé.

Toutefois, la Cour estime qu’en l’espèce, ce n’est pas imposer aux enfants concernés un fardeau excessif que d’attendre des requérants qu’ils engagent maintenant une procédure d’adoption à cette fin. Elle observe notamment qu’il résulte des éléments produits par le Gouvernement que la durée moyenne d’obtention d’une décision n’est que de 4,1 mois en cas d’adoption plénière et de 4,7 mois en cas d’adoption simple.

Par conséquent, s’agissant du grief fondé sur l’article 8 de la CESDH (N° Lexbase : L4798AQR), la Cour conclut que le refus des autorités françaises de transcrire les actes de naissance étrangers des enfants requérants sur les registres de l’état civil français pour autant qu’ils désignent la mère d’intention comme étant leur mère n’est pas disproportionné par rapport aux buts poursuivis. Cette partie des requêtes est donc manifestement mal fondée.

Absence de discrimination

S’agissant du grief fondé sur l’article 14 (interdiction de la discrimination) combiné avec l’article 8, la Cour précise que la différence entre «les autres enfants nés à l’étranger» et «les enfants nés d’une GPA à l’étranger» consiste uniquement en ce que les enfants nés d’une GPA ne peuvent obtenir la transcription intégrale de l’acte de naissance étranger et doivent passer par la voie de l’adoption. Elle note qu’il ressort des explications du Gouvernement que cette différence de traitement quant aux modalités d’établissement du lien maternel de filiation permet, en ce qu’il induit un contrôle juridictionnel, de s’assurer au regard des circonstances particulières de chaque cas qu’il est dans l’intérêt supérieur de l’enfant né d’une GPA qu’un tel lien soit établi à l’égard de la mère d’intention.

Elle rappelle aussi qu’elle a indiqué dans son avis consultatif du 10 avril 2019 que le choix des moyens à mettre en œuvre pour permettre la reconnaissance du lien enfant-parents d’intention tombait dans la marge d’appréciation des Etats et que l’article 8 ne mettait pas à leur charge une obligation générale de reconnaître dès le début un lien de filiation entre l’enfant et la mère d’intention. Par conséquent, la différence de traitement dénoncée repose sur une justification objective et raisonnable. Cette partie des requêtes est donc manifestement mal fondée.

Comparaison avec l’Affaire «Mennesson»

On relèvera que si, dans son arrêt du 4 octobre 2019 (Ass. Plén., 4 octobre 2019, n° 10-19.053, P+B+R+I), l’Assemblée plénière de la Cour de cassation, suivant l’avis de la CEDH du 10 avril 2019, a admis la transcription de la filiation à l’égard de la mère d’intention sur les registres d’état civil, il faut rappeler que «cette solution est et restera exceptionnelle», compte tenu des circonstances très particulières de l’affaire, comme le relevait le Professeur Adeline Gouttenoire, dans son commentaire de la décision du 4 octobre 2019 (La transcription intégrale des actes de naissance sur les registres d’état civil dans l’affaire «Mennesson» : une solution d’espèce dans un arrêt de principe, Lexbase, éd. priv., n° 800, 2019 N° Lexbase : N0904BY7).

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