La lettre juridique n°792 du 25 juillet 2019 : Licenciement

[Brèves] La formation plénière pour avis de la Cour de cassation se prononce sur la compatibilité avec des normes européennes et internationales des dispositions relatives au «barème Macron»

Réf. : Cass. avis, 17 juillet 2019, n° 15012 (N° Lexbase : A4509ZK9) et n° 15013 (N° Lexbase : A4508ZK8)

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par Blanche Chaumet

le 24 Juillet 2019

► La compatibilité d’une disposition de droit interne avec les dispositions de normes européennes et internationales peut faire l’objet d’une demande d’avis dès lors que son examen implique un contrôle abstrait ne nécessitant pas l’analyse d’éléments de fait relevant de l’office du juge du fond ;

► Les dispositions de l’article L. 1235-3 du Code du travail (N° Lexbase : L1442LKM) n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CESDH) (N° Lexbase : L7558AIR) ;

► Les dispositions de l’article 24 de la Charte sociale européenne révisée ([LXB=L1676HDG]) ne sont pas d’effet direct dans un litige entre particuliers ;

► Les dispositions de l’article L. 1235-3 du Code du travail, qui fixent un barème applicable à la détermination par le juge du montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail

La formation plénière pour avis de la Cour de cassation s’est prononcée le 17 juillet 2019 sur deux demandes d’avis (Cass. avis, 17 juillet 2029, n° 15012 N° Lexbase : A4509ZK9 et n° 15013 N° Lexbase : A4508ZK8) [1] formulées par des conseils de prud’hommes [2], relatives à la compatibilité avec des normes européennes et internationales des dispositions de l’article L. 1235-3 du Code du travail, dans leur rédaction postérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 (N° Lexbase : L7629LGN).

Pour rappel, l’article L. 1235-3 du Code du travail met en place un barème applicable à la fixation, par le juge, de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, celle-ci devant être comprise entre des montants minimaux et maximaux. Les montants maximaux varient, selon l’ancienneté du salarié, entre un et vingt mois de salaire brut. Ces dispositions avaient déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel [3].

I - Sur la recevabilité des demandes d’avis

Depuis 2002, la Cour de cassation décidait que la question de la compatibilité d’une disposition de droit interne avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ne relevait pas de la procédure d’avis, l’office du juge du fond étant de statuer sur cette compatibilité [4]. De même, le contrôle de compatibilité d’une disposition de droit interne avec d’autres normes internationales, et notamment avec la convention n° 158 de l’OIT, relevait de l’examen préalable des juges du fond et, à ce titre, échappait à la procédure de demande d’avis [5].

Cependant, la procédure de demande d’avis a pour objectif d’assurer, dans un souci de sécurité juridique, une unification rapide des réponses apportées à des questions juridiques nouvelles, au nombre desquelles figure l’analyse de la compatibilité du droit interne aux normes supranationales.

C’est ainsi que certains avis récents ont été rendus en faisant expressément référence aux principes posés par la CESDH [6].

♦ En énonçant la première règle susvisée, la Haute juridiction déclare les demandes d’avis recevables.

II - Sur le fond

♦ En énonçant la deuxième règle susvisée, la Haute juridiction précise que si le procès prud’homal est soumis aux exigences de l’article 6 § 1 de la CESDH et si le droit à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est un droit à caractère civil au sens de la Convention, il ressort de la jurisprudence de la CEDH qu’il convient de distinguer entre ce qui est d’ordre procédural et ce qui est d’ordre matériel, cette distinction déterminant l’applicabilité et, le cas échéant, la portée des garanties de l’article 6 de la Convention, lequel, en principe, ne peut s’appliquer aux limitations matérielles d’un droit consacré par la législation interne [7].

Dès lors, les dispositions de l’article L. 1235-3 du Code du travail, qui limitent le droit matériel des salariés quant au montant de l’indemnité susceptible de leur être allouée en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, ne constituent pas un obstacle procédural entravant leur accès à la justice, de sorte qu’elles n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 6 § 1 précité.

♦ En énonçant la troisième règle susvisée sur l’effet direct de l’article 24 de la Charte sociale européenne révisée, la Haute juridiction apporte une réponse à une question qui n’avait pas encore été tranchée par la Chambre sociale de la Cour de cassation.

Elle se fonde, pour cela, sur les termes de la Partie II de la Charte et sur ceux de l’article 24 qui lui apparaissent comme laissant une trop importante marge d’appréciation aux parties contractantes pour permettre à des particuliers de s’en prévaloir dans le cadre d’un litige devant les juridictions judiciaires nationales.

♦ En énonçant la quatrième règle susvisée sur la compatibilité de l’article L. 1235-3 du Code du travail avec les stipulations de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail, la Haute juridiction apporte là aussi une réponse à une question qui n’avait pas encore été jugée par la Chambre sociale de la Cour de cassation [8].

Examinant la compatibilité de l’article L. 1235-3 du code du travail avec l’article 10 de la Convention précitée, elle a retenu que le terme «adéquat» doit être compris comme réservant aux Etats parties une marge d’appréciation.

En droit français, si le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise. Lorsque la réintégration est refusée par l’une ou l’autre des parties, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur dans les limites de montants minimaux et maximaux. Le barème prévu par l’article L. 1235-3 du Code du travail est écarté en cas de nullité du licenciement, par application des dispositions de l’article L. 1235-3-1 du même Code (N° Lexbase : L1441LKL). La formation plénière pour avis de la Cour de cassation en a déduit que les dispositions de l’article L. 1235-3 du Code du travail, qui fixent un barème applicable à la détermination par le juge du montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et prévoient notamment, pour un salarié ayant une année complète d’ancienneté dans une entreprise employant au moins onze salariés, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre un montant minimal d’un mois de salaire brut et un montant maximal de deux mois de salaire brut, étaient compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT, l’Etat n’ayant fait qu’user de sa marge d’appréciation.

 

[2] CPH Louviers, 10 avril 2019, n° 17/00373 (N° Lexbase : A7066ZBC) pour la demande d’avis n° 15012 (N° Lexbase : A4509ZK9) et CPH de Toulouse pour la demande d’avis n° 15013.

[3] Cons. const., n° 2018-761 DC du 21 mars 2018 (N° Lexbase : A4835XHK).

[4] Cass. avis, 16 décembre 2002, n° 00-20.008, Bull. 2002, avis, n° 6.

[5] Cass. avis, 12 juillet 2017, n° 17-70.009, Bull. 2017, avis, n° 9.

[6] Cass. avis, 7 février 2018, n° 17-70.038 (N° Lexbase : A6196XCH) ; Cass. avis, 12 juillet 2018, n° 15010 (N° Lexbase : A9885XXE).

[7] CEDH, 29 novembre 2016, n° 76943/11 (N° Lexbase : A4636SLB).

[8] Celle-ci ayant néanmoins reconnu l’applicabilité directe des articles 1er, b du paragraphe 2 de l’article 2 et 11 de ladite Convention par un arrêt du 29 mars 2006 (Cass. soc., 29 mars 2006, n° 04-46.499, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A8311DN7, Bull . 2006, V, n° 131), ainsi que de l’article 4 dans un arrêt du 1er juillet 2008 (Cass. soc., 1er juillet 2008, n° 07-44.124, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A4245D94, Bull. 2008, V, n° 146).

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