La lettre juridique n°756 du 4 octobre 2018 : Droit des étrangers

[Textes] Loi «immigration - asile - intégration», une loi d’entre deux

Réf. : Loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie (N° Lexbase : L9696LLP)

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par Serge Slama, Professeur de droit public, Université Grenoble-Alpes, CESICE

le 04 Octobre 2018

Mots - clefs : Droit des étrangers / Doctrine / Loi "Asile-Immigration" 

A quelle cuvée appartient la loi du 10 septembre 2018 «pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie», dite «loi Collomb» (ou loi «IMDAEIR» selon sa circulaire d’application [1]) entrée en vigueur après sa validation par le Conseil constitutionnel [2] ? Est-ce que ce texte répond, comme l’affirme le ministre de l’Intérieur dans un communiqué, «à la préoccupation exprimée par nos concitoyens de faire face aux défis migratoires dans un cadre républicain» ?

Depuis près de quarante ans, le Parlement adopte en moyenne tous les deux ou trois ans une nouvelle réforme de droit de l’immigration, de l’asile, de l’intégration ou de la nationalité. Ces réformes se succèdent à un rythme tellement important qu’on peine à les dénombrer (près d’une trentaine ? [3]). Certaines de ces réformes constituaient de simples ajustements visant à tirer les conséquences de la mise en cause de la législation française par le Conseil constitutionnel [4], la Cour européenne des droits de l’Homme ou Cour de justice de l’Union européenne [5]. D’autres lois entendaient réformer en profondeur ce droit, par des inflexions profondes dans le traitement de l’immigration comme les lois «Pasqua» de 1986 [6] et 1993 [7] ou «Hortefeux» de 2007 [8], prônant la maîtrise de l’immigration, et même «l’immigration zéro», les lois «Sarkozy» de 2003 [9] et 2006 [10] opposant «immigration choisie» et «immigration subie» ou «De Villepin» en cherchant à unifier et limiter les garanties attachées au droit d’asile [11]. D’autres, encore, visaient à marquer une rupture par rapport à l’approche répressive et au contrôle de l’immigration [12] ou, à tout le moins, une inflexion ? [13], sans pour autant renoncer à la «lutte contre l’immigration irrégulière», qui a très souvent un effet de rétroaction sur le droit des étrangers en général. Certaines d’entre elles, à l’image des lois «Joxe» de 1989 [14] ou de la loi «Chevènement» [15] ont cherché à dégager, tant bien que mal, un «consensus républicain» en matière d’immigration ou de droit de la nationalité (loi «Guigou» [16] revenant sur la loi «Méhaignerie» de 1993 [17]). Une dernière catégorie, enfin, ont principalement visé à transposer des directives européennes [18].

A notre sens, la loi «Collomb» n’entre dans aucune de ces catégories. Elle ne vise, ou de manière totalement marginale, à adapter le droit français au droit de l’Union. Elle ne marque aucune rupture en développant une nouvelle approche de la question de l’immigration, du droit d’asile ou de l’intégration - bien au contraire elle s’inscrit totalement dans le sillon tracé par les réformes précédentes.

Même l’objet de cette loi était incertain. Alors qu’elle s’intitulait initialement projet de loi «pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif», elle contenait essentiellement des dispositions visant à maîtriser le droit d’asile et durcir le dispositif d’éloignement [19]. A la suite du rapport remis par le député Aurélien Taché le 21 février 2018 [20], la commission des lois de l’Assemblée a tenu à ajouter la référence à «l’intégration réussie» - alors même que cette loi ne contient pratiquement aucune disposition dans ce domaine.

Car contrairement aux précédentes réformes, en particulier la réforme de l’asile de l’été 2015 ou les réformes de l’immigration de juin 2011, l’adoption dans l’urgence de cette loi ne s’imposait pas. Elle ne visait en effet pas à transposer, avec retard, une Directive européenne ou à tirer les conséquences immédiates d’une décision d’une Cour européenne. La seule réelle urgence, qui était de définir objectivement le «risque non négligeable de fuite» pour pourvoir placer en rétention les demandeurs d’asile relevant des procédures «Dublin», à la suite de décisions de la CJUE et de la Cour de cassation [21], avait été réglée par l’adoption de la loi n° 2018-187 du 20 mars 2018 permettant une bonne application du régime d'asile européen (N° Lexbase : L7968LIX) [22].

L’actuel Gouvernement aurait donc pu prendre davantage de temps pour élaborer une réforme réellement utile et profonde [23]. Cela aurait été d’autant plus utile de temporiser qu’avec la poussée populiste en Europe le cadre européen d’accueil des migrants et demandeurs d’asile est en train d’être bouleversé voire même d’imploser [24]. Or, comme le constate le Conseil d’Etat dans son avis, le projet «Collomb» souffre, comme beaucoup d’autres réformes antérieures dans ce domaine, d’un vrai problème d’évaluation de l’efficacité des dispositifs adoptés antérieurement (il y a moins de deux ans pour la dernière réforme [25]) et d’étude de l’impact réel des mesures envisagées [26]. Ont pu en attester les tergiversations du Gouvernement et de sa majorité parlementaire, sur, par exemples, le renforcement des immunités pénales du délit d’aide au séjour ou à la circulation irréguliers (dit «délit de solidarité») [27] ou encore la question de la rétention des familles avec enfants [28].

En réalité la loi «Collomb» ne fait pas réellement de choix. Elle navigue à vue. C’est une loi de l’entre deux, du fameux «en même temps» macronien comme la loi «Pasqua» du 24 août 1993, elle mêle «maîtrise de l'immigration» et «droit d’asile», micro-mesures favorisant l’intégration des réfugiés et remise en cause profonde des principes fondateurs du droit civil en altérant davantage encore les droits des étrangers [29]. Il s’agit aussi, et surtout, d’une simple loi de transition. Une loi «lost un translation»… Car selon toute vraisemblance, dès que l’actuel locataire de la Place Beauvau aura quitté le ministère de l’Intérieur (pour se présenter aux municipales), son successeur remettra l’ouvrage sur le métier et procédera à une énième réforme du CESEDA (Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile).

Alors que retenir de cette loi ?

D’une part, alors que son intitulé prétend assurer «un droit d’asile effectif», l’examen du texte montre qu’il s’agit surtout de poser de nouvelles entraves procédurales sur le parcours du demandeur d’asile afin de rendre le dispositif plus dissuasif (I).

D’autre part, véritable angle mort de la réforme, elle contient un important volet répressif qui ne parvient pourtant pas à rendre réellement plus efficace le dispositif d’éloignement. Multipliant les contrôles et sanctions pénales, elle procède en même temps à la dépénalisation de l’entrée irrégulière aux frontières intérieures ou développe l’immunité pénale liée à l’article L. 622-4 du CESEDA (II).

Enfin, cette loi procède à des ajustements concernant l’accueil et le séjour afin de favoriser l’intégration. Mais dans le même temps elle adopte des dispositions profondément désintégratrices (III).

 

I - Un droit d’asile plus effectif par de nouvelles entraves à son exercice

 

Succédant à la réforme de l’asile adoptée il y a à peine trois ans, après une longue réflexion, ces mesures sont justifiées par le contexte où, en 2017, plus de 100 000 demandes d’asile ont été déposées à l’OFPRA et 120 000 sont en instance d’examen [30] alors que la demande d’asile a baissé de moitié en Europe (avec 650 000 demandes selon Eurostat). Pour l’année 2018, la demande d’asile ne s’infléchit pas en France ou en Espagne, alors que le flux européen, particulièrement à destination de l’Italie (compte tenu du refus du ministre de l’Intérieur Salvini d’accueillir tout nouveau bateau de migrants), de l’Allemagne, de l’Autriche ou de la Suède baissent drastiquement [31].

Dans ce contexte, le cœur de la loi du 10 septembre 2018 est consacré au droit d’asile. Toutefois il ne s’agit pas réellement de le rendre «plus effectif», ni même «d’améliorer» substantiellement les conditions d’accueil, comme le prétendent les promoteurs de cette loi, mais de tenter de l’endiguer en contractant les délais et en accélérant les procédures tout en rognant sur les garanties procédurales (A) et en rendant plus directives les conditions d’accueil pour les nouveaux entrants (B). Mais, il est vrai que cette loi sécurise aussi le séjour de ceux qui ont obtenu une protection internationale ainsi que les membres de leurs familles (C).

 

A - Une contraction des délais de traitement

 

L’accélération du traitement des demandes d’asile constitue l’un des objectifs prioritaires de la réforme de 2018 comme en témoigne l’intitulé du titre 1er de la loi et le premier point de sa circulaire d’application. Cette réduction des délais qui pourrait être perçue comme une mesure bénéficiant aux demandeurs d’asile en cours d’instance se fait essentiellement au détriment des droits des demandeurs et de l’effectivité du droit d’asile, comme l’ont constaté tous ceux qui ont fait un examen critique de la loi, à l’image de la CNCDH, du Défenseur des droits [32], le Conseil national des barreaux [33], le barreau de Paris [34] ou encore l’ensemble des associations de défense des étrangers et demandeurs d’asile [35].

Ces prises de position n’ont pas empêché l’Assemblée nationale de maintenir, in fine [36], l’essentiel des mesures visant à contracter les délais de traitement de la demande d’asile (avec l’objectif, plus ou moins réaliste, de ramener le délai moyen de traitement d’une demande à six mois [37]).

 

On notera toutefois, qu’in extremis, l’Assemblée a renoncé à une des mesures les plus vilipendées du projet qui consistait à réduire le délai de recours devant la CNDA à quinze jours. Si le délai de recours contre les décisions de l’Ofpra est maintenu à un mois, les demandes d’aide juridictionnelle devront être déposées dans un délai de quinze jours après notification de la décision de l’Office. A défaut, elles sont susceptibles d'être rejetées et seront privées d'effet suspensif (article 9-4 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique N° Lexbase : L8607BBE modifié par l’article 8 II. de la loi n° 2018-778).

Parmi les mesures phares visant à accélérer le traitement des demandes d’asile on peut noter :

- la réduction de 120 à 90 jours (et même 60 en Guyane) du délai de dépôt de la demande d’asile ;

- au-delà le demandeur est placé en procédure accélérée (C. entr. séj. étrang. et asile, art.,  L. 723-2 III. N° Lexbase : L2578KDT issu de l’article 6 de la loi). Dans sa décision n° 2018-770 DC (N° Lexbase : Z8190178), le Conseil constitutionnel a validé ces dispositions (cons. 9 à 17) ;

- la notification par tout moyen -y compris électronique- de la décision de l’Ofpra (C. entr. séj. étrang. et asile, art.,  L. 723-6 (N° Lexbase : L2553KDW issu du même article) [38]. Ces dispositions ont aussi été validées (Cons. const., décision n° 2018-770 DC, du 6 septembre 2018, N° Lexbase : A4476X38, cons. 18 à 22).

- la possibilité d’assurer des audiences-vidéo, qui existaient déjà pour la demande d’asile ultramarine, à la CNDA. Le président de la Cour doit néanmoins s’assurer que le moyen de communication audiovisuelle garantit la confidentialité «et la qualité» de la transmission avec une salle d'audience «spécialement aménagée à cet effet ouverte au public» et «située dans des locaux relevant du ministère de la Justice plus aisément accessibles par le demandeur, dans des conditions respectant les droits de l'intéressé». En outre, si l'intéressé est assisté d'un conseil, ce dernier doit être «physiquement présent auprès de lui». Il en est, en principe, de même pour l'interprète sauf en cas «difficulté pour [en] obtenir le concours» (C. entr. séj. étrang. et asile, art., L. 733-1 N° Lexbase : L6632KDY issu de l’article 8 - différé au 1er janvier 2019) ;

- le choix de la langue de procédure est définitivement fixé dès l’enregistrement de la demande d’asile. Il s'agit de la langue dans laquelle le demandeur préfère être entendu ou dont il a une connaissance suffisante. Il est «opposable» pendant toute la durée d'examen de la demande, aussi bien pour l’entretien devant l’Ofpra qu’en cas de recours devant la CNDA (C. entr. séj. étrang. et asile, art., L. 741-2-1 N° Lexbase : L1876LMG issu de l’article 10 de la loi n° 2018-778). Pourtant, comme le note Christophe Pouly, lors de l’introduction de la demande d’asile, il n’existe "aucune garantie" permettant de contrôler le choix qui sera retenu par l’agent du Guichet unique"  (Ch. Pouly, Asile et immigration : une loi de plus, préc.). Pourtant, lors de l’introduction de la demande d’asile, il n’existe aucune garantie permettant de contrôler le choix qui sera arrêté par l’agent du Guichet unique ;

- la suppression du recours suspensif devant le CNDA pour certaines procédures accélérées (pays d’origine sûrs, irrecevabilité d’une demande de réexamen, ordre public) constitue la mesure la plus critiquable du projet. Dans ce cas le droit au maintien sur le territoire cesse avec la décision de l’Ofpra. La seule contrepartie est la possibilité pour l’étranger qui fait l’objet d’une OQTF de demander au tribunal administratif de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la CNDA ou, si celle-ci est saisie, jusqu'à la date de la lecture en audience publique de sa décision ou la date de notification d’une ordonnance de rejet de la Cour. Le sursis n’est accordé que lorsque l’étranger présente à l’appui de sa demande «des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la cour» (C. entr. séj. étrang. et asile, art., L. 743-3 N° Lexbase : L6614KDC -différé au 1er janvier 2019- issu de l’article 12 de la loi n° 2018-778).

 

La même procédure de sursis à exécution aves les mêmes exigences, est appliquée lorsque ces mêmes catégories de demandeurs d’asile déboutés par l’Ofpra font l'objet, postérieurement à la décision de rejet de l’Office, d'une assignation à résidence ou d'un placement en rétention administrative, en vue de l'exécution d'une OQTF notifiée antérieurement à la décision de l'office et qui n'est plus susceptible d'un recours devant la juridiction administrative. Dans ce cas l’étranger dispose d’un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de la décision prononçant son placement en rétention ou son assignation, pour demander au président du TA de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement (jusque, là aussi, la fin du délai de recours devant la CNDA ou l’intervention de la décision de celle-ci). La mesure d'éloignement ne pourra alors être mise à exécution pendant ce délai de quarante-huit heures ou, en cas de saisine du TA, avant que le juge des 72 heures ait statué (C. entr. séj. étrang. et asile, art., L. 743-4 N° Lexbase : L6615KDD) issu de même article - différé au 1er janvier 2019).

Dans le même esprit, les mesures d’éloignement prononcées pour des motifs de menace grave à l’ordre public à l’encontre de demandeurs d’asile peuvent donner lieu à une assignation ou une rétention administrative. Dans ce cas, on retrouvera la même procédure de sursis à exécution introduite dans les 48 heures de cette mesure de surveillance (CJA, art., L. 777-4 N° Lexbase : L1881LMM et C. entr. séj. étrang. et asile, art L. 571-4, III. N° Lexbase : L1880LML - différés au 1er janvier 2019 -  issus de l’article 34 de la loi). Et un décret devra définit les modalités de prise en compte de la… vulnérabilité du demandeur d'asile et, le cas échéant, de ses besoins particuliers.

Il s’agit là d’un retour en arrière car avant la réforme de 2015 les demandeurs d’asile qui relevaient de la procédure prioritaire ne bénéficiaient pas non plus de recours suspensif de plein droit (ce que la Cour européenne des droits de l’Homme avait fini par condamner [39]) mais aussi du droit aux conditions matérielles d’accueil (exclusion condamnée par la Cour de Luxembourg [40]). Le sursis à exécution d’une mesure d’éloignement avait, quant à lui, été supprimé en 2001 avec l’introduction par la loi du 30 juin 2000 du référé-suspension…

Dans son avis, le Conseil d’Etat a peu apprécié cette nouvelle usine à gaz contentieuse. Toutefois, au regard de récentes décisions de la CJUE, on peut penser que ce dispositif, aussi critiquable et contreproductif qu’il soit, passerait le test d’unionité [41]. L’objectif est indéniablement non seulement d’accélérer les procédures pour ces catégories de demandeurs d’asile mais surtout de miser sur le fait que dans la plupart des cas ils n’auront pas introduit la demande de sursis à exécution devant le juge administratif, au risque d’exposer en cas de renvoi vers leur pays d’origine à un traitement contraire à l’article 3 de la CESDH (N° Lexbase : L4764AQI) des demandeurs d’asile pour lesquels en définitive la CNDA reconnaîtra postérieurement une protection internationale [42]

- pour l’ensemble des demandeurs d’asile, procédure accélérée ou non, le droit au maintien sur le territoire cessera dès la lecture en audience publique de la décision de la CNDA -c’est-à-dire son affichage dans le hall de la Cour- et non plus à compter de la notification à l’intéressé (sauf pour les ordonnances) (C. entr. séj. étrang. et asile, art L. 743-2 N° Lexbase : L6613KDB - différé au 1er janvier 2019 - issu de l’article 12 de la loi). Dans sa décision n° 2018-740 DC (Cons. const., décision n° 2018-770 DC, du 6 septembre 2018, Loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie N° Lexbase : A4476X38), le Conseil constitutionnel a validé les dispositions de l’article 12 modifiant l’article L. 743-2 du CESEDA en estimant que le droit au recours juridictionnel effectif n’était pas méconnu (cons. 31 à 34). Ainsi les préfectures pourront dans la foulée édicter une OQTF qui elles-mêmes, depuis la loi du 29 juillet 2015, ne relèvent plus d’une formation collégiale devant le tribunal administratif -saisi dans les 30 jours avec un délai de jugement de 3 mois- mais d’un juge unique saisi dans les 15 jours de l’OQTF avec un délai de 6 semaines. Ces dispositions sont applicables à compter du 1er décembre 2018.

De telles réformes, qui visent à accélérer la procédure d’éloignement des déboutés, ne sont pas marginales dans un contexte où, compte tenu de la pression des délais, la CNDA traite désormais plus de la moitié des dossiers en dehors de la formation collégiale (53, 9 %). Les décisions prises après audience à juge unique, qui concerne 24,1 % des décisions (11 496), sont venues en effet s’ajouter aux ordonnances, c’est-à-dire au «tri» effectué par un président seul en raison d’une irrecevabilité (29, 8 % soit 14 271 dossiers) [43]. On peut donc raisonnablement craindre qu’une telle accélération des délais de traitement se traduise par une dégradation de la qualité d’examen des dossiers.

Si la plupart des dispositions évoquées ici sont immédiatement entrées en vigueur avec la publication de la loi du 10 septembre au JORF du 11, certaines ne commenceront à s’appliquer qu’à compter du 1er janvier 2019, notamment parce que certaines d’entre elles sont conditionnées à la définition des modalités de mise en œuvre par décret.

 

B - Des conditions d’accueil plus directives et dés-accueillantes pour certains demandeurs

 

S’agissant des conditions matérielles d’accueil des demandeurs d’asile, la loi du 10 septembre 2018 renforce aussi l’«orientation ‘Directive’» dans le prolongement de la réforme de l’été 2015 et de la régionalisation de la demande d’asile depuis près de dix ans [44]. Eu égard aux finalités assignées à ce dispositif [45], on peut considérer que ce sont des considérations d’ordre public qui guident principalement les pouvoirs publics dans le renforcement de cette «orientation active» - participant à la logique de «policiarisation» de leur prise en charge [46]. En outre, dans la mesure où cette «orientation dans une région» s’impose au demandeur d’asile et s’il ne la respecte pas il perd un droit, on peut l’assimiler à une nouvelle forme d’assignation à résidence.

En application de l’article 20 de la Directive 2013/33, la loi du 29 juillet 2015 avait en effet déjà mis en place un système d’«orientation Directive» piloté par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). A cette fin, l’article L. 744-7 du CESEDA (N° Lexbase : L6620KDK) conditionnait déjà le bénéfice des conditions matérielles d’accueil à l’acceptation, par le demandeur, de l’hébergement qui lui est proposé dans une région déterminée, en fonction de ses besoins, de sa situation au regard de l'évaluation réalisée et des capacités d'hébergement disponibles. Son droit à conditions matérielles d’accueil pouvait être «suspendu» si le demandeur quitte son hébergement sans motif légitime (article L. 744-8 N° Lexbase : L6621KDL).

Toutefois, faute de places d’hébergement en nombre suffisant et de véritable gestion nationale dynamique de la demande d’asile, ce dispositif «n’a pas obtenu les effets escomptés» [47]. Afin de tenter de remédier à cette «forte polarisation» de la demande d’asile dans quelques régions dans lesquelles les structures d’accueil sont constamment saturées, la loi «Collomb» renforce donc le «pilotage» du dispositif national d’accueil («DNA») et les obligations et contrôles pesant sur les demandeurs d’asile, au détriment de leur liberté de circulation et de résidence sur le territoire français.

Conformément à la possibilité ouverte par l’article 7 de la Directive «accueil» [48], le texte prévoit la modification de la définition du schéma national afin que celui-ci fixe désormais, non plus seulement la répartition des lieux d’hébergement pour demandeurs d’asile par région, mais aussi la part des demandeurs d’asile qui seront accueillis dans chacune de ces régions. Ainsi, selon le nouveau texte, lorsque la part des demandeurs d'asile résidant dans une région «excède la part fixée pour cette région par le schéma national d'accueil» et les capacités d'accueil de cette région, le demandeur peut être orienté vers une autre région, «où il est tenu de résider le temps de l'examen de sa demande d'asile» (C. entr. séj. étrang. et asile, art., L. 744-2 II. N° Lexbase : L1931LMH issu de l’article 13 de la loi). Selon la rapporteure du projet à l’Assemblée, une série d’indicateurs économiques, comme le taux de pauvreté ou le nombre de logements disponibles, devraient être pris en compte pour attribuer à chacune des régions un pourcentage de demandeurs à accueillir, suivant un système inspiré de l’Allemagne («clé de Königstein») [49].

La mise en œuvre de cette «orientation active» sera effectuée aussitôt après l’enregistrement de sa demande d’asile par le GUDA. L’OFII détermine «la région de résidence» en fonction non seulement de la part des demandeurs d'asile accueillis dans chaque région en application de ce schéma national mais aussi, précise le texte, «en tenant compte des besoins et de la situation personnelle et familiale du demandeur» au regard de l'évaluation réalisée en début de procédure et «de l'existence de structures à même de prendre en charge de façon spécifique les victimes de la traite des êtres humains ou les cas de graves violences physiques ou sexuelles» (C. entr. séj. étrang. et asile, art., L. 744-2 II. issu de l’article 13 de la loi).

Le demandeur ne pourra quitter temporairement la «région de résidence» dans laquelle il a été assigné qu’en sollicitant une autorisation auprès de l'OFII -sauf en cas de «motif impérieux» ou de convocation par les autorités (comme l’Ofpra) ou les tribunaux (comme la CNDA ou le tribunal administratif). Le texte précise que l’Office rend sa décision «dans les meilleurs délais», en tenant compte de la situation personnelle et familiale du demandeur (C. entr. séj. étrang. et asile, art., L. 744-2 II. issu de l’article 13 de la loi). Le texte prévoit également que l’OFII «s'assure de la présence dans les lieux d'hébergement des personnes qui y ont été orientées pour la durée de la procédure» (C. entr. séj. étrang. et asile, art., L. 744-3 N° Lexbase : L6618KDH issu de l’article 13 de la loi) - confirmant le fait qu’on est bien en présence d’une forme d’assignation.

A son arrivée dans cette région, il pourra se voir attribuer, selon les capacités disponibles, une «proposition» d’hébergement adapté à sa situation personnelle (C. entr. séj. étrang. et asile, art., L. 744-7 N° Lexbase : L1927LMC issu de l’article 13). Le demandeur n’aura, toutefois, aucune garantie d’être réellement hébergé dans cette «région d’orientation» et même s’il ne l’est pas faute de places disponibles, il sera tout de même tenu d’y rester et ne bénéficiera alors «que» de l’Allocation pour demandeur d’asile (ADA) majorée.

En outre, le préfet de département peut s'opposer «pour des motifs d'ordre public» à la décision d'admission d'un demandeur d'asile dans un lieu d'hébergement. Dans ce cas, l'OFII est néanmoins tenu «de prendre une nouvelle décision d’admission» (C. entr. séj. étrang. et asile, art., L. 744-3 issu de l’article 13 de la loi).

Qui plus est, le texte élargit les catégories d’hébergement considérés comme des «lieux d'hébergement pour demandeurs d'asile» puisqu’il s’agit non seulement des centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) mais aussi plus largement «toute structure bénéficiant de financements du ministère chargé de l'Asile pour l'accueil de demandeurs d'asile et soumise à déclaration» (C. entr. séj. étrang. et asile, art., L. 744-3 issu de l’article 13 du projet). Or, depuis 2015 on a assisté à une multiplication -pour ne pas dire au foisonnement- des lieux d’hébergement pour demandeurs d’asile mais aussi à une dégradation, au sein de ces nouveaux dispositifs des conditions de prise en charge administrative et sociale des demandeurs (et de leur demande d’asile) par un abaissement des conditions d’encadrement par des personnels spécialisés [50]. Le texte précise toutefois, même si cela paraît largement illusoire compte tenu du prix de journée fixé par certaines catégories de ces hébergements low coast [51], qu’en tout état de cause les demandeurs d'asile «accueillis» dans ces lieux d'hébergement «bénéficient d'un accompagnement social et administratif» et qu’un décret en Conseil d’Etat fixe «les normes minimales» en la matière. L’objectif est d’assurer «une uniformisation progressive des conditions de prise en charge dans ces structures» (C. entr. séj. étrang. et asile, art., L. 744-3 issu de l’article 13).

Sont, aussi, éligibles à ces lieux d’hébergement conventionnés (autres que les CADA), avant l'enregistrement de sa demande d'asile, les étrangers qui ne disposent pas d'un hébergement stable et qui manifestent «le souhait de déposer une demande d'asile». Il s’agit là de légaliser la pratique d’évacuation des campements de migrants vers des Centres d’examen des situations (CAES) créés en août 2017 [52] (C. entr. séj. étrang. et asile, art., L. 744-7, issu du même article 13). L’inscription dans le CESEDA de cette possibilité consacre, sans totalement le formaliser, l’existence d’un statut de pré-demandeur d’asile, qu’on a vu émerger ces dernières années avec la création des Centres d’accueil et d’orientation (CAO) lors de l’évacuation du bidonville de la Lande de Calais ou avec le centre d’accueil «humanitaire» pour migrants (ou «bulle») de la mairie de Paris.

Il est aussi précisé que le demandeur d'asile qui ne dispose ni d'un hébergement dans un dispositif dédié, ni d'un domicile stable «élit domicile auprès d'une personne morale conventionnée à cet effet pour chaque département» (C. entr. séj. étrang. et asile, art., L. 744-1 issu de l’article 13 de la loi).

Si le demandeur quitte son hébergement ainsi que la région d’orientation d’assignation sans autorisation de l’OFII ou sans motif impérieux porté à sa connaissance, il perdra «de plein droit» le bénéfice des conditions matérielles d’accueil dès lors qu’il a été dûment informé de cette possibilité [53]. Il peut aussi être «mis fin de plein droit» à celles-ci, refusé ou retiré leur bénéfice, s’il ne respecte pas de manière plus générale (et imprécise) «les exigences des autorités chargées de l'asile, notamment en se rendant aux entretiens, en se présentant aux autorités et en fournissant les informations utiles afin de faciliter l'instruction des demandes» (C. entr. séj. étrang. et asile, art., L. 744-7 et L. 744-8 issu du même article 13) [54].

Le demandeur d’asile s’expose également au retrait du bénéfice des conditions matérielles d’accueil s’il a dissimulé ses ressources financières, fourni des informations mensongères relatives à sa situation familiale ou présenté plusieurs demandes d'asile sous des identités différentes, ou en cas de comportement violent ou de manquement grave au règlement du lieu d'hébergement. Cette décision de retrait, prise après que l’intéressé ait pu présenter des observations écrites, est écrite et motivée et prend en compte la vulnérabilité du demandeur (C. entr. séj. étrang. et asile, art., L. 744-8 issu de l’article 13).  

Si on reproche à un demandeur d’asile «un comportement violent» ou «des manquements graves au règlement du lieu d'hébergement», l’autorité compétente ou le gestionnaire du lieu d’hébergement peuvent aussi demander en justice (administrative), après mise en demeure restée infructueuse, qu'il soit enjoint à cet occupant sans titre d'évacuer ce lieu (C. entr. séj. étrang. et asile, art., L. 744-5 issu de l’article 13).

La dureté de ce dispositif «d’orientation active» est sans précédent. Si la jurisprudence constitutionnelle était réellement protectrice des demandeurs d’asile, elle n’admettrait jamais cette forme d’assignation à résidence et cette automatisation de la perte du droit aux conditions matérielles d’accueil au moindre écart du demandeur d’asile fondées sur des très vagues considérations générales d’ordre public et de bonne gestion du dispositif. Dans la mesure où le Conseil constitutionnel n’a pas été saisi de la constitutionnalité de l’article 13 de la loi «Collomb», une QPC est toujours envisageable.

D’autres mesures dans le même sens figurent dans le texte de cette loi : fin de l’hébergement du demandeur d’asile, non plus à l’expiration du délai de recours contre la décision de l’Ofpra ou à la date de notification de la décision de la CNDA, mais au terme du mois au cours duquel le droit au maintien sur le territoire a cessé ; organisation d’un échange d’informations entre l’OFII et le service intégré d’accueil et d’orientation (SIAO), qui gère l’hébergement d’urgence, afin que ce dernier communique la liste des personnes accueillies au sein du dispositif d’hébergement d’urgence qui ont déposé une demande d’asile ou bénéficient déjà d’une protection (C. entr. séj. étrang. et asile, art., L. 744-7 issu de l’article 13 qui renvoie au décret en Conseil d’Etat, après avis de la CNIL) [55].  

Enfin de manière purement décorative et afin de prendre en compte une des propositions du rapport «Taché», le texte de la loi «Collomb» prévoit de ramener de neuf à six mois le délai à l’issue duquel le demandeur d’asile peut solliciter une autorisation de travail lorsque l’Ofpra n’a pas statué sur sa demande «pour des raisons qui ne sont pas imputables au demandeur». Toutefois on peut, sans courir un grand risque, parier que cette disposition ne permettra qu’à très peu de demandeurs d’asile d’accéder réellement au marché du travail. D’une part, parce que l’Office statue désormais rarement dans des délais supérieurs à six mois (le délai moyen est en passe d’être ramené à 2 mois) et d’autre part et surtout la disposition adoptée ne prévoit pas réellement de droit de travailler mais seulement la possibilité pour le demandeur d’asile de solliciter une autorisation de travail en étant «soumis aux règles de droit commun applicables aux travailleurs étrangers», notamment l’opposabilité de la situation de l’emploi. Il est certes prévu que le préfet dispose d’un délai d’instruction de deux mois à compter de la réception de la demande d’autorisation de travail pour s’assurer que l’embauche de l’étranger respecte les conditions de droit commun d’accès au marché du travail. A défaut de notification dans ce délai, l’autorisation est réputée acquise (soit 8 mois après l’introduction de la demande d’asile qui aura sûrement été traitée par l’Ofpra - confirmant que ce droit au travail n’est que virtuel). Le mineur non accompagné qui bénéficie d'un contrat d'apprentissage ou de professionnalisation à durée déterminée et qui dépose une demande d'asile est autorisé à poursuivre son contrat pendant la durée de traitement de la demande (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 744-11 N° Lexbase : L6598KDQ, issu de l’article 49 - dispositions qui entrent en vigueur le 1er mars 2019).

Ces nouveaux dispositifs entrent généralement en vigueur au 1er janvier 2019 et s’appliquent aux décisions prises après cette date. Les dispositions de l’article 15 de la loi qui prévoyaient pour l’accès aux centres provisoires d’hébergement (CPH), réservés aux réfugiés et protégés subsidiaire, la prise en compte «de sa vulnérabilité, de ses liens personnels et familiaux et de la région dans laquelle il a résidé pendant l'examen de sa demande d'asile» ont été censurées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2018-770 DC (Cons. const., décision n° 2018-770 DC, du 6 septembre 2018, Loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie N° Lexbase : A4476X38). Elles avaient été introduites par voie d’amendement en nouvelle lecture à l’Assemblée. Il faudra donc trouver un nouveau support législatif pour sécuriser ce dispositif…

 

C - Sécurisation du droit au séjour des bénéficiaires d’une protection subsidiaire, des apatrides et des membres de leur famille et limitation genrée des pays d’origine sûrs

 

Au titre de la «sécurisation» des situations, la loi créée d’une part une carte de séjour pluriannuelle, d’une durée de quatre ans, pour les bénéficiaires de la protection subsidiaire et les apatrides, ainsi que de leurs familles. Ces cartes se substituent aux cartes de séjour «vie privée et familiale» d’un an qui leur étaient jusque-là délivrées. Sous prétexte de non-conformité à l’article 24 de la Directive «Qualification» du 13 décembre 2011, le Sénat avait supprimé cette extension mais l’Assemblée l’a rétablie (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 313-25 N° Lexbase : L1893LM3 et L. 313-26 N° Lexbase : L1892LMZ issu de l’article 1er de la loi). Il s’agit là assurément d’une mesure de simplification car dans l’immense majorité des cas, les cartes de séjour annuelle étaient systématiquement renouvelées. En 2016, on a dénombré seulement 151 cas de cessation, toutes protections confondues, pouvant entraîner la perte du droit au séjour [56]

D’autre part, la loi étend le droit à la réunification familiale du mineur protégé à ses frères et sœurs non mariés s’ils sont à la charge de ses parents. Le Sénat était revenu sur cette extension sous prétexte que ce dispositif risquait de créer «un appel d’air pour des flux migratoires toujours plus importants». Toutefois, avec fermeté, sur amendement de la rapporteure, Elise Fajgeles, la commission des Lois de l’Assemblée a rétabli le texte adopté en première lecture afin de maintenir le bénéfice de la réunification familiale aux frères et sœurs non mariés du mineur protégé ainsi que de conserver la limite d’âge à 19 ans (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 752-1 N° Lexbase : L6601KDT) et L. 752-3 N° Lexbase : L6603KDW issu de l’article 3). Dans la réalité cela ne concerne pas un nombre important d’enfants.

La même disposition prévoit aussi que, dans le cadre de la protection des mineures courant un risque de mutilation sexuelle [57], le médecin en charge de l’examen médical adresse directement le certificat médical à l’Ofpra plutôt que de le remettre aux parents (C. entr. séj. étrang. et asile, art.  L. 723-5 N° Lexbase : L1895LM7, issu de l’article 3). Cette mesure peut paraître une mesure de défiance à l’égard des parents dont les filles -ou éventuellement désormais également les garçons (extension introduite sur amendement de M. Orphelin)- ont obtenu le statut de réfugié en raison du risque de mutilation. Mais elle permet de s’assurer qu’en tout état de cause la mutilation n’aura pas lieu. Le recours à une disposition législative était nécessaire car il s’agit de déroger, sans le consentement des parents, au principe du secret médical qui est garanti par l’article L. 1110-4 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L1611LII).

Sur amendements de la rapporteure, Mme Elise Fajgeles, ou de Florent Boudié (mais aussi de Mathieu Orphelin), la Commission des lois a aussi adopté quelques amendements renforçant, à la marge, les garanties de certains demandeurs d’asile.

D’une part, la définition des pays d’origine sûrs, qui permet de traiter les demandes d’asile des ressortissants de ces pays en procédure accélérée avec une présomption défavorable, a été changée. Désormais, le Conseil d’administration de l’Ofpra devra fixer la liste de ces pays considérés comme «sûrs» seulement si, sur la base de la situation légale, de l'application du droit dans le cadre d'un régime démocratique et des circonstances politiques générales, il peut être démontré que, «d'une manière générale et uniformément pour les hommes comme pour les femmes, quelle que soit leur orientation sexuelle, il n'y est jamais recouru à la persécution, ni à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants et qu'il n'y a pas de menace en raison d'une violence qui peut s'étendre à des personnes sans considération de leur situation personnelle dans des situations de conflit armé international ou interne» (C. entr. séj. étrang. et asile, art., L. 722-1 N° Lexbase : L1912LMR. issu de l’article 6).

Ainsi, les pays où l’homosexualité peut donner lieu à de mauvais traitements, des discriminations ou de sanctions pénales en sont exclus - ce qui devrait sortir de la liste actuelle de 16 pays établie par l’Ofpra a minima quatre pays qui pénalisent les rapports de personnes de même sexe (Ghana, Inde jusqu’à une décision récente de la Cour suprême [58], Ile Maurice et Sénégal) mais aussi potentiellement plusieurs autres Etats dans lesquels les minorités sexuelles font l’objet de discriminations, violences et harcèlements fréquents (Arménie, Bosnie-Herzégovine, Géorgie, Moldavie, Monténégro, Serbie, Kosovo, etc.). Comme il est fort peu probable que l’Ofpra adopte une conception extensive de cette nouvelle exigence, on peut s’attendre à de futurs contentieux devant le Conseil d’Etat pour faire rayer de cette liste les pays homophobes (sans gage de succès). La liste des associations pouvant saisir le conseil d’administration de l’Ofpra d’une demande tendant à l’inscription ou à la radiation d’un Etat de cette liste est complétée pour y intégrer les «associations de défense des personnes homosexuelles et des personnes transgenres».

D’autre part, à l’initiative du groupe Socialiste et Républicain du Sénat -notamment le sénateur Lecomte- les demandeurs d’asile pourront désormais se présenter à l'entretien de l’Ofpra accompagnés d’un représentant «d'une association de lutte contre les persécutions fondées sur l'identité de genre ou l'orientation sexuelle» (C. entr. séj. étrang. et asile, art., L. 723-6 N° Lexbase : L2553KDW. issu de l’article 6). La Commission des lois de l’Assemblée a aussi adopté un amendement qui renforce les garanties procédurales offertes aux demandeurs d’asile en situation de handicap lors de leur entretien devant l’Ofpra, en leur permettant de se faire accompagner par un professionnel de santé ou un représentant d’une association d’aide aux personnes en situation de handicap (idem).

Enfin, dans un Chapitre consacré à la «dimension extérieure de l'asile», la participation de l’Ofpra et de l’OFII aux programmes de réinstallation (géré par l’UNHCR) à partir de pays tiers à l'Union européenne «de personnes en situation de vulnérabilité relevant de la protection internationale» a été légalisée. Ces programmes existent de longue date, mais ils ont été particulièrement développés depuis l’arrivée de Pascal Brice à la tête de l’Ofpra et dans le cadre de plans européens de relocalisation adoptés depuis l’été 2015. Le texte précise que les personnes retenues «sont autorisées à venir s'établir en France par l'autorité compétente» (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 714-1, issu de l’article 7). La formulation est ambiguë et on peut se demander si le législateur a entendu consacrer un nouveau cas de délivrance de plein droit d’un visa lorsque l’Ofpra et l’OFII déclarent éligibles un réfugié à une réinstallation. Significativement la circulaire d’application de la loi transforme le «sont autorisés» (qui fait penser à une compétence liée) en un plus prudent «peuvent être autorisées» (compétence discrétionnaire).

En revanche, l’Assemblée n’a pas rétabli dans le texte l’amendement adopté en première lecture, répondant notamment à la demande de M. Orphelin, ou des universitaires comme François Gemenne ou Christel Cournil, qui prévoyait l’adoption par le Gouvernement dans les douze mois d’un plan d’action pour la prise en compte des migrations climatiques. La maison brûle, le Parlement regarde ailleurs…

Enfin, autre forme de «sécurisation», la loi étend les possibilités de refus ou retrait de protection d’une protection internationale par l’Ofpra en cas de menaces graves pour l’ordre public. Sur amendement du Sénat, le pouvoir discrétionnaire de l’Office pour refuser ou retirer le statut lorsque le demandeur ou le bénéficiaire représente une menace grave pour la sûreté de l’Etat ou la société ou lorsqu’il relève d’une des clauses de cessation prévue par la Convention de Genève a été transformée en compétence liée (C. entr. séj. étrang. et asile, art., L. 711-6 N° Lexbase : L2531KD4, issu de l’article 5). On peut se demander si une telle automaticité est conforme à la lettre, ou à tout le moins à l’esprit, de la Directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (Directive du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale N° Lexbase : L9263IXD).

Elle étend aussi l’obligation, posée par la loi de 2015, pour l’autorité judiciaire de communiquer toute information susceptible de déboucher sur un tel refus ou retrait de protection. Mais surtout, témoignant d’une contamination de la logique de l’état d’urgence, il est désormais prévu la possibilité de diligenter des enquêtes administratives pour la délivrance, le renouvellement ou le retrait de certains titres ou autorisations de séjour sur le fondement du CESEDA ou d’accords bilatéraux ou encore de consulter des fichiers pour mettre en œuvre les décisions de refus ou de retrait de protection fondées sur des motifs de menace grave pour l’ordre public (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 713-5 N° Lexbase : L1903LMG et C. secu. int., art. L. 114-1 N° Lexbase : L2155LHB issu de l’article 5). Seront donc applicables à la procédure d’asile, l’article L. 114-1 du Code de la sécurité intérieure, dans sa version issue de la loi «SILT» du 30 octobre 2017 ([LXB=L2137LHM]), qui permet d’apprécier à l’occasion du recrutement de certains agents publics ou de délivrance d’un agrément dans le domaine de la sécurité ou de la défense de vérifier que «le comportement des personnes physiques ou morales intéressées n'est pas incompatible avec l'exercice des fonctions ou des missions envisagées». On peut donc s’attendre à ce que les dossiers d’asile soient alimentées par des notes blanches des services de renseignement dans le prolongement du contentieux de l’état d’urgence de 2015 - 2017 [59].

Le second axe du projet consiste à durcir sensiblement le traitement des étrangers en situation irrégulière, y compris en recourant au droit pénal, là aussi dans le prolongement des politiques menées depuis une trentaine d’années.

 

II - Durcissement du dispositif d’éloignement et (dé)-(re)pénalisation

 

La loi du 10 septembre 2018 est aussi une loi de «maîtrise de l’immigration», suivant l’intitulé utilisé (et usé) dans plusieurs lois depuis les lois «Pasqua» de 1993. Les mesures adoptées, qui prolongent largement des dispositifs antérieurs, concernent aussi bien la non-admission prononcée à la frontière (A) que l’éloignement du territoire, en particulier le régime de la rétention (B). Elles contiennent aussi un substantiel volet pénal (C).

 

A - Assouplissement des procédures de non-admission aux frontières intérieures

 

Le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures, sur le fondement des articles 25 et 27 du Règlement (UE) 2016/399 du «Code frontières Schengen» depuis le 13 novembre 2015 (Règlement du 9 mars 2016 N° Lexbase : L2778K7Z) [60] a fait sensiblement évoluer l’importance des contrôles aux frontières terrestres. En effet, alors que jusque-là, la quasi-totalité des refus d’entrée étaient prononcées aux frontières aériennes, particulièrement à Roissy, ce sont désormais des dizaines de milliers de décisions de non-admission qui ont été prises aux frontières terrestres, particulièrement à la frontière franco-italienne (mais désormais les flux risquent de se tarir avec la décision du ministre de l’Intérieur italien de ne plus accueillir de migrants sauvés en Méditerranée). Toutefois les pratiques de la police aux frontières oscillaient. Elle prononçait, selon les cas, des «remises simplifiées» dans le cadre des accords de Chambéry ou des refus d’entrée sur le fondement de l’article L. 213-2 du CESEDA, sans nécessairement prendre en compte les demandes d’asile à la frontière, assurer la protection des mineurs non accompagnés ou appliquer le règlement «Dublin 3» [61].

Afin de donner les coudées franches à la PAF, la loi «Collomb» introduit certains ajustements :

D’une part, lorsqu’un étranger fait l’objet d’un refus d’entrée en France, il est informé qu’il peut refuser d’être rapatrié «avant l’expiration du délai d’un jour franc». Les mineurs non accompagnés bénéficient automatiquement de ce jour franc [62]. Désormais, comme c’était déjà le cas à Mayotte, ce jour franc n’est pas applicable aux frontières terrestres. La circulaire d’application de la loi du 10 septembre 2018 justifie curieusement une telle restriction par le fait qu’aux frontières terrestres «la non-admission y est d’effet direct» - probablement un euphémisme pour évoquer la pratique de refoulements immédiats.

Un tel dispositif expéditif ne laisse évidemment, pour les mineurs isolés, aucune aux procédures de protection de l’enfance. Conscient de cette critique, le législateur a précisé, si besoin en était (dans la mesure où il s’agit d’un droit de l’enfant découlant d’engagements internationaux de la France), qu’ «une attention particulière est accordée aux personnes vulnérables, notamment aux mineurs, accompagnés ou non d'un adulte» (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 213-2 N° Lexbase : L1937LMP) issu de l’art. 18 - disposition d’application immédiate).

In extremis a également été ajouté au texte qu’un refus d’entrée peut être opposé à un ressortissant de pays tiers à qui l'entrée sur le territoire métropolitain a été refusée en application de l'article 6 du Règlement (UE) 2016/399 du 9 mars 2016 (Code frontières Schengen) (article L. 213-3 issu de l’article 65 de la loi - disposition d’application immédiate) ;

D’autre part, une disposition permet lorsque la France réintroduit (en théorie temporairement) des contrôles aux frontières intérieures d’opposer un refus d’entrée fondé sur l'article L. 213-2) dans un «périmètre de non-admission» de dix kilomètres. Cette disposition est applicable pour les étrangers en provenance directe d’un Etat «Schengen» (c’est-à-dire tous les pays frontaliers de la France sauf… Monaco et Andorre) dès lors qu’ils entrent directement sur le territoire métropolitain en franchissant une frontière intérieure terrestre sans y être autorisés et sont contrôlés «dans une zone comprise entre cette frontière et une ligne tracée à dix kilomètres en deçà», dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 213-3-1, N° Lexbase : L1882LMN, issu de l’article 19 de la loi).

Ce dispositif, qui constitue un élargissement de la «bande Schengen» non pour les contrôles (comme le prévoit déjà l’article 78 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L4984K84) mais pour le régime de refus d’entrée, prolonge la possibilité reconnue par la loi «Besson» du 16 juin 2011, de créer durant 26 jours une zone d’attente «sac à dos» lorsqu’un groupe d'au moins dix étrangers «vient d'arriver en France en dehors d'un point de passage frontalier, en un même lieu ou sur un ensemble de lieux distants d'au plus dix kilomètres» (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 221-2 (N° Lexbase : L5033IQH) issu de l’article 10 de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011). L’objectif est, comme on vient de le mentionner, de donner aux services de police d’importantes marges pour refouler de manière expéditive, en dehors des garanties liées à la procédure de remise et de placement en rétention, et sans le bénéfice du jour franc, tous les migrants provenant d’un autre Etat «Schengen» (Italie, Espagne) contrôlés dans ce périmètre de 10 kms d’une frontière intérieure. On peut s’interroger sur la conformité d’un tel régime de contrôle et de refoulement systématique avec le droit de l’Union européenne, non seulement le Code frontière «Schengen» [63] mais aussi la Directive «retour» 2008/115/CE puisque, formellement, ces étrangers sont en séjour irrégulier sur le territoire français.

Qui plus est, les forces de l’ordre pourront désormais relever les empreintes digitales et photographies des étrangers faisant l’objet d’une procédure de non-admission (C. entr. séj. étrang. et asile, art.  L.  611-3 N° Lexbase : L1942LMU) issu de l’article 35 de la loi).

Et il sera aussi désormais possible aux préfectures d’assortir leurs décisions de remise à l'encontre d'un étranger titulaire d'un titre de séjour dans un autre Etat membre de l'Union d'une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans. Il s’agit donc d’élargir à des ressortissants de pays tiers le dispositif d’interdiction de circulaire inventé en 2016 pour les citoyens de l’Union sous le coup d’une OQTF pour «abus de droit» ou trouble à l’ordre public. En application de législations européennes, certaines catégories de ressortissants de pays tiers échappent à cette interdiction en particuliers les détenteurs d'une carte de résident portant la mention «résident de longue durée-UE», d’une «carte bleue européenne» ou aux membres de leur famille (C. entr. séj. étrang. et asile, art., L. 531-1 N° Lexbase : L9273K49 issu de l’article 27). Là aussi il faudra vérifier si, malgré les précautions prises, un tel dispositif est conforme au droit de l’Union.

Par ailleurs, à partir du 1er janvier 2019, afin d’alléger les contraintes pesant sur les juges dans le contrôle des procédures de non-admission, le recours à la vidéo-audience pourra être dans toutes les procédures juridictionnelles mises en œuvre sans l’accord de l’étranger. Cela concerne aussi bien, devant le tribunal administratif, le contentieux de l’asile à la frontière que devant le JLD ou le premier président de la Cour d’appel le maintien en zone d’attente (C. entr. séj. étrang. et asile, art.  L.  213-9 N° Lexbase : L2585KD4), L.  222-4 N° Lexbase : L5037IQM et L.  222-6 N° Lexbase : L5038IQN issu de l’article 20).

Dans sa décision n° 2018-770 DC (Cons. const., décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018 N° Lexbase : A4476X38, le Conseil constitutionnel a validé, dans une motivation commune, les articles 8, 20 et 24 de la loi supprimant l'exigence de consentement du requérant pour le recours à des moyens de communication audiovisuelle pour l'organisation de certaines audiences en matière de droit d'asile ou de droit au séjour (cons. 23 à 30).

La loi autorise également le rejet selon une procédure simplifiée des déclarations d’appel manifestement irrecevables (C. entr. séj. étrang. et asile, art., L. 222-5 N° Lexbase : L5039IQP issu de l’article 20). Le maintien à la diposition de la justice après que le JLD a ordonné la remise en liberté d’un étranger maintenu en zone d’attente est désormais de dix heures (au lieu de six), afin que le procureur de la République dispose d’un temps suffisant pour interjeter appel suspensif (article L. 222-6 N° Lexbase : L5038IQN issu de l’article 21). Les délais de jugement sont allongés : 48 heures pour le JLD, 72 heures pour le juge administratif (articles L. 213-9 N° Lexbase : L2585KD4 et L. 222-6 issus des articles 20 et 21 de la loi).

 

B - Durcissement du régime de rétention, sans efficacité garantie

 

Au titre de la «maîtrise l’immigration», en particulier de l’immigration irrégulière, la loi «Collomb» contient in fine assez peu de dispositions visant à renforcer l’efficacité du dispositif d’éloignement. Alors que le Sénat avait considérablement durci le texte adopté par l’Assemblée en première lecture, la version définitive comprend plutôt des ajustements ou des mesures dont l’efficacité reste à démontrer (et nous prenons déjà les paris sur leur inefficacité qui justifiera la prochaine réforme du CESEDA).

Ainsi, en premier lieu, l’allongement de la durée de rétention administrative de 45 à 90 jours est la principale mesure visant à renforcer l’efficacité du dispositif d’éloignement (initialement le Gouvernement souhaitait d’ailleurs, dans certains cas, jusqu’à 135 jours de rétention). Comme pour l’allongement précédent en 2011 (de 30 à 45 jours), cette durée est justifiée par le fait que d’une part que la Directive «retour» 2008/115/CE autorise (sans l’imposer) jusqu’à 6 mois de rétention (et même dans certains cas exceptionnels jusqu’à 18 mois [64]) et que, d’autre part, la durée de rétention «est l’une des plus courtes au sein de l’Union européenne» [65]. Or, selon l’étude d’impact, «plusieurs pays ont allongé leur durée de rétention dans le contexte de crise migratoire, sur recommandation de la Commission européenne exigeant une politique migratoire plus efficace» [66].

Pourtant la France est déjà le pays européen qui recourt le plus massivement et systématiquement à la rétention administrative alors qu’elle a un taux d’exécution des mesures d’éloignement relativement faible [67]. Du reste, la durée moyenne de rétention est actuellement d’environ 12 jours et, passé cette durée, le dispositif n’a plus qu’une efficacité marginale (10, 5 % des mesures exécutées après 30 jours). Il est donc fort probable que ces 45 jours supplémentaires de rétention ne permettront pas d’augmenter de manière significative (essentiellement en raison des difficultés à obtenir des laissez-passer consulaires [68] ou en raison de vices de procédure amenant à la libération de l’étranger par le JLD ou l’annulation de l’OQTF par le TA). En revanche elles auront un coût humain et financier aberrants.

Le délai de rétention sera de 60 jours, prolongés de 30 jours en cas d’éléments spécifiques le justifiant, soit un maximum de 90 jours. Le séquençage est changé : deux premières phases de 2 et 28 jours demeurent inchangées par rapport à la loi du 7 mars 2016 et s’ajoutent une troisième phase de 30 jours décidée par le JLD et deux ultimes prolongations de 15 jours chacune ne pouvant être accordée par le JLD que dans des cas restreints (C. entr. séj. étrang. et asile, art., L. 552-7 N° Lexbase : L1278LKK, issu des articles 23 et 29).

Saisi de la conformité de ce nième allongement de la durée de rétention, le Conseil constitutionnel a, pour la énième fois, validé le nouveau dispositif avec la même réserve d’interprétation que les fois précédentes [69] : l'autorité judiciaire conserve la possibilité d'interrompre à tout moment la prolongation du maintien en rétention, de sa propre initiative ou à la demande de l'étranger, lorsque les circonstances de droit ou de fait le justifient (décision n° 2018-740 DC, cons. 75 et 77) [70].

En second lieu, il sera désormais possible à l’étranger placé en rétention de solliciter une aide au retour volontaire, sans toutefois que cette démarche permette, à elle-seule, sa libération (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 512-5 N° Lexbase : L1402I3C, issu de l’article 25)

En troisième lieu, la loi adopte une nouvelle mesure de surveillance en permettant à l’autorité préfectorale de désigner un lieu de résidence dans lequel l’étranger sera contraint de résider pendant le délai de départ volontaire qui lui est imparti (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 513-4 N° Lexbase : L7193IQH issu de l’article 26). Ces dispositions ont été validées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2018/770 DC (cons. 85 à 93).

Le texte renforce aussi les modalités d’assignation à résidence (fixation des plages horaires), facilite, comme pour les refus d’entrée (v., supra), les audiences en visioconférence. Il donne au JLD un délai de 48 heures (au lieu de 24 heures) pour rendre son ordonnance (modifications des articles L. 551-2, L. 552-1, L. 552-4 à L. 552-7 et L. 552-12 du CESEDA). Le texte prescrit aussi que l’étranger retenu ne doit pouvoir exercer son droit de communiquer que lorsqu’il se trouve au lieu de rétention et non pendant les transferts (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L.551-2 issu de l’article 29) et à l’administration de prendre en compte la vulnérabilité des personnes avant de prononcer un placement en rétention (article L. 551-1 issu de l’article 29).

Par ailleurs, si la vulnérabilité est prise en compte, cela signifie que des étrangers vulnérables subissent la rétention. Or c’est bien ce que prévoit et même organise la loi «Collomb».

Ainsi, d’une part, pour la première fois une disposition prévoit expressément le placement de personnes handicapées en rétention. Certes, l’intention des auteurs de l’amendement était que la décision de placement tienne compte des conditions d’accompagnement dont ces personnes peuvent bénéficier (C. entr. séj. étrang. et asile, art., L. 551-1 N° Lexbase : L1948LM4 et L. 553-6 N° Lexbase : L1277LKI, issus des articles 29 et 30 [71]). Mais on s’attendrait davantage à ce qu’un handicap fasse obstacle au placement en rétention…

D’autre part, s’agissant de la rétention des enfants, malgré les condamnations de la France par la CEDH [72] et l’engagement de certains députés "LREM" sur cette question, le législateur botte en touche en se contentant de rappeler que lorsqu’il est non accompagné le «mineur de dix-huit ans ne peut faire l'objet d'une décision de placement en rétention». Il ne peut donc «être retenu que s'il accompagne un étranger placé en rétention dans les conditions prévues au présent III bis.», à savoir les conditions posées par la loi du 7 mars 2016 et la jurisprudence (aux exigences cosmétiques [73]) du Conseil d’Etat (C. entr. séj. étrang. et asile, art., L. 551-1, issu de l’article 28 applicable au 1er janvier 2019). D’ici là le rapport du groupe de travail LREM devrait avoir été rendu et trouvera sûrement une façon, moyennement quelques arrangements avec le principe d’humanité, de poursuivre les rétentions d’enfants accompagnants leurs parents. Le Conseil constitutionnel a -bien évidemment- validé ce dispositif. S’agissant des conditions définies par l’article 28 de la loi déférée, il a estimé que «la conciliation ainsi opérée par le législateur entre, d'une part, l'intérêt qui s'attache, pour le mineur, à ne pas être placé en rétention et, d'autre part, l'inconvénient d'être séparé de celui qu'il accompagne ou les exigences de la sauvegarde de l'ordre public n'est pas contraire aux exigences constitutionnelles […]» (Cons. const., décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018, cons. 63). Toutefois, dans la mesure où cet article 28 ne modifie pas les trois hypothèses définies, par la loi du 7 mars 2016, à l'article L. 551-1 dans lesquelles un mineur est susceptible d'être placé en rétention, il n’a pas examiné leur constitutionnalité. Une QPC reste donc possible (même si son issue est assez prévisible).

S’agissant des étrangers détenus, la loi «Collomb» a été l’occasion pour le Conseil constitutionnel de se livrer à un contrôle à double détente. En effet, par décision n° 2018-709 QPC rendue le 1er juin 2018 sur requête de l’OIP, le juge constitutionnel a abrogé, avec effet immédiat, les mots «et dans les délais» figurant à la première phrase du paragraphe IV de l'article L. 512-1 du CESEDA, dans sa rédaction résultant de la loi du 7 mars 2016. Cette censure était fondée sur le fait que le délai maximum de cinq jours (48 heures de délai de recours et 72 heures de délai de jugement par le TA) entre la notification d'une OQTF à un étranger détenu et le moment où le juge administratif se prononce sur la légalité de cette mesure constitue un « délai particulièrement bref » pour «exposer au juge ses arguments et réunir les preuves au soutien de ceux-ci». Le Législateur n’avait donc pas opéré une conciliation équilibrée entre le droit au recours juridictionnel effectif et l’objectif poursuivi. Par suite, sur amendement du Gouvernement, le Sénat a transformé, pour les étrangers détenus, le juge des 72 heures en juge des 96 heures en allongeant le délai de jugement dont dispose le juge administratif pour se prononcer sur les OQTF assorties d’une mesure de surveillance à l’expiration du délai de recours de 48 heures. Mais finalement l’Assemblée a porté de délai à cent quarante-quatre heures (juge des 144 heures) (III. de l’article L. 512-1). L’Assemblée a également ajouté un IV au même article pour préciser que lorsqu’il apparaît en cours d’instance que l’étranger détenu «est susceptible d’être libéré», le juge statue dans un délai de 8 jours (IV. de l’article L. 512-1 issu de l’article 24), alors qu’en application du droit commun des étrangers, ce juge dispose, selon les cas, normalement d'un délai de trois mois ou de six semaines pour statuer.

Comme on pouvait s’y attendre, le Conseil constitutionnel a validé ces nouveaux délais de jugement en relevant que le législateur a entendu non seulement «assurer l'exécution» de l’OQTF (et de sa décision) mais aussi «éviter qu'un étranger détenu, objet d'une telle mesure, doive, à l'issue de sa détention, être placé en rétention administrative le temps que le juge se prononce sur son recours». Il a, également, souligné que ces dispositions contestées «ne s'appliquent que dans l'hypothèse d'une libération imminente du détenu» et que «dans les autres cas, le juge statue dans les délais de droit commun» (cela avait déjà été précisé dans le commentaire officiel de la décision n° 2018-709 QPC sans que l’on sache très bien à quels délais de droit commun les services du Conseil faisaient référence).

Enfin comme le ministre de l’Intérieur s’y était engagé afin de convaincre sa majorité d’adopter le texte de la proposition «Warsmann» durci par le Sénat, le délai de recours contre la décision de transfert dans le cadre du Règlement «Dublin» a été ramené de sept à quinze jours (C. entr. séj. étrang. et asile, art L. 742-4 I. N° Lexbase : L1283LKQ issu de l’article 11).

 

C. Volet répressif versus dépénalisation

 

Du côté répressif, la loi du 10 septembre 2018 contient un chapitre entier consacré aux «contrôles et sanctions» attachées à la police des étrangers :

En premier lieu, le texte porte à 24 heures, au lieu de 16 heures, la durée de la retenue pour vérification du droit au séjour qui avait été mise en place, par la loi Valls de 2012, suite à une décision de la CJUE [74]. La durée de 16 heures avait alors été justifiée par le fait que la Cour de justice n’avait validé qu’un «délai certes bref mais raisonnable» et qu’il y avait lieu de distinguer cette procédure d’une garde à vue.

Désormais, la retenue est de plus en plus un décalque de la garde à vue puisque la loi «Collomb» permet aussi l’inspection visuelle et la fouille des bagages de l’étranger sans l’accord de l’étrange, facilite la prise des empreintes digitales et d’une photographie à fin d’identification et réprime le refus de déférer d’une sanction pénale. En outre, le texte permet la dématérialisation du registre des retenues pour vérification d’identité (article L. 611-1-1 issu de l’article 35). Le texte durcit aussi la sanction de refus de se soumettre à la prise d’empreintes introduites par la loi de 2016 à l’article L. 611-3 du CESEDA (un an d’emprisonnement, 3 750 euros d’amende et désormais peine d’interdiction du territoire d’une durée n’excédant pas les trois ans) (modification de l’article L.. 611-3 N° Lexbase : L1942LMU par l’article 35).

Dans le même ordre d’idées, la loi élargit la sanction introduite par la loi de 2016 à l’article 441-8 du Code pénal (N° Lexbase : L1964LMP). Il s’agit de réprimer la "fraude mimétique" consistant à l’utilisation d’un document d’identité et de voyage appartenant à un tiers pour entrer ou se maintenir sur le territoire de l’espace "Schengen". Cela concerne désormais aussi des titres et documents provisoires de séjour et lorsque les faits sont commis dans l’intention de circuler sur le territoire français, y compris les départements d’outre-mer et en particulier à Mayotte (modification de l’article 441-8 du Code pénal N° Lexbase : L1964LMP par l’article 35).

En second lieu, eu égard à une jurisprudence de la Cour de cassation [75] et de la CJUE [76], la loi réécrit des dispositions du CESEDA pour expliciter la possibilité de sanctionner pénalement les comportements d’obstruction à l’exécution des mesures d’éloignement, et notamment les refus d’embarquer (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 624-1-1 et L. 624-3 issus de l’article 36).

En troisième lieu, sans créer un délit spécifique d’établissement de fausses attestations de domicile comme le souhaitait le Sénat, la loi ajoute une circonstance aggravante de l’infraction de droit commun, de sorte que l’utilisation d’une fausse attestation en vue d’obtenir un titre de séjour ou le bénéfice d’une protection contre l’éloignement sera désormais punie de trois  ans  d’emprisonnement,  de  45  000  euros  d’amende  et  d’une  interdiction  du  territoire  français  à  titre  définitif  ou pour une durée de dix ans au plus (C. pén., art. 441-7 N° Lexbase : L1973LMZ issu de l’article 39).

En dernier lieu, la loi modifie le Code pénal afin d’étendre le champ d’application de l’interdiction du territoire français prononcée par le juge pénal (C. pén., art. 131-30-2 N° Lexbase : L1971LMX, 222-48 N° Lexbase : L1970LMW, 223-1 N° Lexbase : L3399IQX  et 224-11 N° Lexbase : L1884LMQ [nouveaux], art. 311-15 N° Lexbase : L1969LMU, 312-14 N° Lexbase : L1968LMT et 322-16 LXB=L1967LMS]  du Code pénal issus de l’article 37).

De l’autre côté, tirant les conséquences de décisions de la CJUE, de la Cour de cassation ou du Conseil constitutionnel, le législateur procède :

- d’une part à la suppression pure et simple du délit d’entrée irrégulière à une frontière intérieure en abrogeant le 2° de l’article L.621-2 du CESEDA. Celui-ci avait été mis en cause par la Cour de justice dans sa décision du 7 juin 2016 "Affum" au regard de la directive «retour» et par la Cour de cassation [77] en tant que ces dispositions permettaient d’appliquer une peine de prison à un ressortissant de pays tiers au motif de l’irrégularité de ses conditions d’entrée à une frontière intérieure ;

- d’autre part, modifie les dispositions de l’article L.. 622-4 du CESEDA qui fixent le champ de l’exemption pénale applicable aux personnes qui apporte une aide, directe ou indirecte, au à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers. Désormais, conformément à la décision du Conseil constitutionnel n° 2018-717/718 QPC du 6 juillet 2018, l’exemption pénale s’applique également dans les cas d’aide à la circulation irrégulière. Toutefois, s’agissant de l’immunité humanitaire du 3° de l’article L. 622-4 le législateur a été plus exigeant que le juge constitutionnel en n’immunisant uniquement «toute autre aide apportée dans un but exclusivement humanitaire».

Si, dans un second contrôle à double détente, le Conseil constitutionnel a confirmé qu’au regard du principe de fraternité, l’aide à l’entrée irrégulière pouvait ne pas bénéficier d’exemption pénale (sous condition que, « en application de l'article 122-7 du code pénal, n'est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace autrui, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne, à moins d'une disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace»  - décision n°2018-770 DC, cons. 107) ; en revanche il n’a pas été saisi du caractère exclusif de l’aide humanitaire. Ainsi, comme nous le soulignions dans un récent commentaire [78], dans la mesure où les personnes qui aident les sans-papiers sont souvent guidés par d’autres considérations que les motifs purement humanitaires, notamment des motivations militantes ou politiques, une QPC pourra dans l’avenir être posée à l’encontre de cette nouvelle rédaction du L. 622-4, 3°. Du reste en raison du principe de non rétroactivité in mitius, les personnes en cours d’instance bénéficieront des dispositions les plus favorables.

 

III. Mesures d’intégration d’étrangers en situation régulière versus dispositifs désintégrateurs

 

La loi «Collomb» comprend peu de dispositions visant à favoriser l’intégration des étrangers en situation irrégulière. Sous cet intitulé, on trouve de nombreuses mesures visant en réalité à favoriser «l’attractivité» et de l’accueil des talents et des compétences (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 313-20 N° Lexbase : L9198K4G et L. 313-21 N° Lexbase : L9199K4H, issu de l’article 40), à la création de cartes de séjour «étudiant - programme de mobilité» et «recherche d’emploi ou création d’entreprise» (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 313-7 N° Lexbase : L9216K44, L. 313-8 N° Lexbase : L5050IQ4, L. 313-27 N° Lexbase : L1886LMS et L. 531-2 N° Lexbase : L9257K4M issu de l’article 40), à prolonger l’autorisation d’exercer la médecine accordée à certains praticiens étrangers (censuré par le Conseil constitutionnel car cavalier législatif), à la création d’une carte de séjour «jeune au pair» (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 313-9 [nouveau] N° Lexbase : L1979LMA issu de l’article 43) ou procédant à un ensemble de mesures de simplification par exemple dans la procédure de délivrance des documents de circulation délivrés aux étrangers mineurs (DCEM) (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 321-3 et s. N° Lexbase : L5748G4N, issu de l’article 45 de la loi).

Seules quelques dispositions ont réellement trait à l’intégration. La première renforce le contrat d’intégration républicaine (CIR), conclu entre l’Etat et les étrangers non européens bénéficiant d’un titre de séjour français. La nouvelle disposition précise les principes du contrat d’intégration républicaine, fixe un objectif de formation linguistique et y inclut un dispositif d’orientation et d’insertion professionnelles (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 311-9, N° Lexbase : L9210K4U  issu de l’article 48). La deuxième permet de concilier le dépôt d’une demande d’asile et la poursuite d’un contrat d’apprentissage pour les mineurs étrangers (C. entr. séj. étrang. et asile, art L. 744-11, N° Lexbase : L1987LMK, issu de l’article 49). La troisième rend obligatoire la délivrance d’une autorisation provisoire de travail aux mineurs isolés étrangers confiés à l’aide sociale à l’enfance (ASE) après 16 ans, sous réserve de la présentation d’un contrat d’apprentissage ou d’un contrat de professionnalisation à durée indéterminée (C. trav., art. L. 5221-5 N° Lexbase : L2526H9G, issu de l’article 50).

Derrière ces mesures visant à la simplification se dissimule d’ailleurs, par moment, des usines à fabrication de sans-papiers à l’image de l’article L. 311-6 du CESEDA, issu de l’article 44 de la loi, qui prévoit à partir du 1er mars 2019, dans les conditions définies par un décret en Conseil d’Etat, que lorsqu'un étranger a présenté une demande d'asile, la préfecture, après l'avoir informé des motifs pour lesquels une autorisation de séjour peut être délivrée et des conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements à ce stade, «l'invite à indiquer s'il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et, dans l'affirmative, l'invite à déposer sa demande dans un délai fixé par décret». Concrètement cette disposition vise à empêcher la possibilité pour le demandeur débouté, après rejet définitif de sa demande d’asile, de solliciter un changement de statut. Plusieurs milliers de déboutés du droit d’asile, qui souffrent d’importantes pathologies, sollicitent en effet chaque année la carte de séjour temporaire délivrée aux étrangers gravement malades. On peut aussi imaginer des personnes victimes de violences conjugales ou de la traite de l’être humain solliciter un changement de statut après avoir été déboutées de l’asile. La seule échappatoire est la possibilité en cas «circonstances nouvelles, notamment pour des raisons de santé» de solliciter son admission au séjour (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 311-6 N° Lexbase : L1980LMB,  issu de l’article 44). Mais pour être nouvelles ces circonstances devront être postérieures à la demande d’asile. Or, fréquemment les demandeurs d’asile déboutés sont malades du fait des traumatismes et persécutions subies dans leur pays d’origine ou sur le chemin de l’exil. Le Conseil constitutionnel n’a pas été saisi de ces dispositions qui peuvent toujours donner lieu à une QPC.

D’autres dispositions sont également désintégratrices :

D’une part, les dispositions de l’article 55 qui, sous prétexte de lutte contre les «paternités de complaisance», développe dans le CESEDA (L. 313-11, 6°) et le Code civil (articles 316 N° Lexbase : L8817G9G, 316-1 N° Lexbase : L2757ABQ, à 316-5 N° Lexbase : L1889LMW des mécanismes -qui existaient déjà Outre-mer (Mayotte)- reposant sur la suspicion à l’égard des familles franco-étrangères. Ce dispositif aura assurément des effets stigmatisants et discriminatoires (notamment à l’égard des mères étrangères) comme l’a relevé le Défenseur des droits et notre collègue Lisa Carayon dans de remarquables analyses [79]. Là aussi le Conseil constitutionnel n’a pas encore saisi de la constitutionnalité de ces modifications.

D’autre part, de manière non moins critiquable, la loi prévoit, après avis de la CNIL et par décret en Conseil d’Etat, la création d’un fichier national biométrique des mineurs étrangers isolés déclarés majeurs à l’issue de leur évaluation par un département. En 2017, presque 15 000 nouveaux mineurs non accompagnés avaient été confiés à l’ASE sur décision judiciaire (mais plusieurs dizaines de milliers ont été exclus de cette protection). L’objet du fichier est ambigu puisqu’il s’agit en même temps «de mieux garantir la protection de l'enfance» tout en luttant «contre l'entrée et le séjour irréguliers des étrangers en France» (confirmant la policiarisation de la protection de l’enfance). Il permettra de relever les empreintes digitales ainsi qu'une photographie «des ressortissants étrangers se déclarant mineurs» lorsqu’ils sont privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille. Il ne contiendra pas de dispositif de reconnaissance faciale à partir de la photographie (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 611-6-1, N° Lexbase : L1885LMR, issu de l’article 51). Il est fort probable que le décret de création de ce fichier, très contesté, donnera lieu à un recours devant le Conseil d’Etat et, le cas échéant, à une QPC à l’encontre de ces dispositions.

Enfin, rompant avec une très ancienne tradition républicaine en la matière [80], la loi établit des règles d'acquisition de la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France spécifiques à Mayotte. Ces dispositions ont été adoptées sur amendement d’un député mahorais, à la suite d’un avis du Conseil d’Etat qu’il avait sollicité [81].

Dans le droit commun, depuis la loi «Guigou» de 1998, tout enfant né en France de parents étrangers acquière la nationalité française, soit de plein droit à partir de ses dix-huit ans, soit sur réclamation à partir de treize ou seize ans, à condition d'avoir sa résidence en France et d'y avoir eu sa résidence habituelle pendant une période d'au moins cinq ans depuis, selon le cas, l'âge de huit ou onze ans. Mais désormais, à Mayotte, ces dispositions ne sont applicables à un enfant né dans ce département d’outre-mer que si, à la date de sa naissance, l'un de ses parents au moins résidait en France de manière régulière, sous couvert d'un titre de séjour, et de manière ininterrompue depuis plus de trois mois (C. civ., art. 2493 N° Lexbase : L1935LMM, 2494 N° Lexbase : L1934LML et 2495 N° Lexbase : L1936LMN, issus des articles 16 et 17 de la loi).

Saisi de ces dispositions, le Conseil constitutionnel les a intégralement validées en relevant notamment que «la population de Mayotte comporte, par rapport à l'ensemble de la population résidant en France, une forte proportion de personnes de nationalité étrangère, dont beaucoup en situation irrégulière, ainsi qu'un nombre élevé et croissant d'enfants nés de parents étrangers» et que «cette collectivité est ainsi soumise à des flux migratoires très importants», «circonstances» qui constituent, au sens de l'article 73 de la Constitution (N° Lexbase : L1343A9M), des «caractéristiques et contraintes particulières » de nature à permettre au législateur, «afin de lutter contre l'immigration irrégulière à Mayotte, d'y adapter, dans une certaine mesure, non seulement les règles relatives à l'entrée et au séjour des étrangers, mais aussi celles régissant l'acquisition de la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France» (cons. 43) [82].

L’Assemblée nationale a par ailleurs écarté des dispositions adoptées par le Sénat visant d’une part transformer l’aide médicale d’Etat en aide médicale d’urgence et d’autre part, à la suite d’une décision du TA de Paris du 25 janvier 2018 [83], actuellement en appel, à modifier le Code des transports afin que soit soumis à une conditions de régularité du séjour le  bénéfice  de  tarifs  sociaux  dans  les  services  publics de  transport (et ce afin de «sauver» la mise à l’écart des bénéficiaires de l’AME de la réduction tarifaire par le Conseil régional Ile de France et le STIF).

Notons enfin que l’article 52 de la loi autorise le Gouvernement à re-codifier, par une ordonnance de l'article 38 de la Constitution (N° Lexbase : L1298A9X), et dans un délai de vingt-quatre mois, la partie législative du CESEDA «afin d'en aménager le plan, d'en clarifier la rédaction et d'y inclure les dispositions d'autres codes ou non codifiées relevant du domaine de la loi et intéressant directement l'entrée et le séjour des étrangers en France». En effet l’accumulation des lois tous les deux ou trois ans sur l’asile et l’immigration, et l’ajout de dispositions éparses, ont rendu peu cohérent et illisible le Code adopté en 2005. Mais cette re-codification se fera à droit constant alors que la vraie difficulté du droit des étrangers n’est pas tant l’inconstance du législateur que son inconsistance.

 

[1] Circ. min., NOR: INTV1824378J, du 11 septembre 2018, Instruction relative à la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d' asile effectif et une intégration réussie - dispositions immédiatement applicables (N° Lexbase : L2780LMW).

[2] Cons. const., décision n° 2018-770 DC, du 6 septembre 2018, Loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie (N° Lexbase : A4476X38).

[3] Certains auteurs évoquent la vingtième réforme (Ch. Pouly, Asile et immigration : une loi de plus, Dalloz actualité, 3 septembre 2018 ; J.-M. Pastor, Asile et immigration : un nouveau test pour le gouvernement, AJDA, 2018, 364), le Défenseur des droits évoque dans ses auditions parlementaires «le vingtième [texte], au moins, depuis la fin des années 1970» (Avis 18-09 du 15 mars 2018 relatif au projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif, 15 mars 2018).

[4] V., par exemple : loi «Quilès» n° 92-625 du 6 juillet 1992 sur la zone d'attente des ports et des aéroports et portant modification de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France à la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 25 février 1992 (Cons. const., décision n° 92-307 DC du 25 février 1992, loi portant modification de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France dite «zone de transit» N° Lexbase : A8265AC4), ou encore la loi «Joxe» n° 90-34 du 10 janvier 1990, modifiant l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France (N° Lexbase : L0982LAM) modifiant l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, relative aux conditions d'entrée et de séjour en France des étrangers et portant création de l'Office national d'immigration (N° Lexbase : A7256DYE) à la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 28 juillet 1989 (Cons. constit., déc. n° 89-261 DC du 28 juillet 1989 N° Lexbase : A8203ACS ; voir aussi, plus récemment loi n° 2018-187 permettant une bonne application du régime d'asile européen N° Lexbase : L7968LIX) dont certaines dispositions visent à tirer les conséquences de la décision n° 2017-674 QPC du 30 novembre 2017 (Cons. const., décision n° 2017-674 QPC du 1er décembre 2017 N° Lexbase : A9907W3C).

[5] On pense par exemple à la loi «Valls», n° 2012-1560 du 31 décembre 2012 relative à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d'aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées (N° Lexbase : L8109IUU) adoptée pour tirer les conséquences de la décision "Achughbabian" du 6 décembre 2011 (CJUE, 6 décembre 2011, aff. C-329/11 N° Lexbase : A4929H3X), et des décisions de la Cour de cassation du 5 juillet 2012 (Cass. civ. 1, 5 juillet 2012, n° 11-30.371, FS-P+B+R+I, N° Lexbase : A4775IQW ; Cass. civ. 1, 5 juillet 2012, n° 11-30.530, FS-P+B+R+I, N° Lexbase : A5008IQK ; Cass. civ. 1, 5 juillet 2012, n° 11-19.250, FS-P+B+R+I, N° Lexbase : A4776IQX).

[6] Loi n° 86-1025 du 9 septembre 1986 (N° Lexbase : L7667LA9).

[7] Loi n° 93-1027 du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France (N° Lexbase : L1997DPN).

[8] Loi n°2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile (N° Lexbase : L2986H3Y).

[9] Loi n° 2003-1119, relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité N° Lexbase : L5905DLB).

[10] Loi n°2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration (N° Lexbase : L3439HKL).

[11] Loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile (N° Lexbase : L9630DLA).

[12] Loi «Deferre» n° 81-973 du 29 octobre 1981 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France ; loi «Dufoix» n° 84-622 du 17 juillet 1984, portant modification de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 et du Code du travail et relative aux étrangers séjournant en France et aux titre uniques de séjour et de travail (N° Lexbase : L2699K74).

[13] C’est le cas de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France (N° Lexbase : L9035K4E), qui a ramené l’intervention du JLD à 48 heures et a pris en compte certaines propositions du rapport «Fekl» de 2013.

[14] Loi n° 89-548 du 2 août 1989, relative aux conditions de séjour et d'entrée des étrangers en France (N° Lexbase : L2774IZR).

[15] Loi n° 98-349 du 11 mai 1998, relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile (N° Lexbase : L9660A9N).

[16] Loi n° 98-170 du 16 mars 1998 relative à la nationalité.

[17] Loi n° 93-933 du 22 juillet 1993, réformant le droit de la nationalité (N° Lexbase : L0191IPR).

[18] Loi n° 93-1417 du 30 décembre 1993 portant diverses dispositions relatives à la maîtrise de l'immigration et modifiant le Code civil (N° Lexbase : L1998DPP) (à la suite de la censure constitutionnelle et dans le cadre de l’adoption de «Schengen» / «Dublin» ou encore de la loi «Toubon» n° 94-1136 du 27 décembre 1994 portant modification de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ; loi «Besson»  n° 2011-672 du 16 juin 2011, relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité (N° Lexbase : L4969IQ4) ; loi «Valls» n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile (N° Lexbase : L9673KCA).

[19] Cf., notre entretien de février 2018 à l’aaatelier.

[20] Aurélien Taché, 72 propositions pour une politique ambitieuse d’intégration des étrangers arrivant en France, Rapport, 21 février 2018).

[21] CJUE, 15 mars 2017, aff. C-528/15 (N° Lexbase : A9971T43) ; Cass. civ. 1, 27 septembre 2017, n° 17-15.160, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1404WT8).

[22] Cf., nos obs., Rétention des «Dublinables» : le Conseil constitutionnel admet une rétention préventive sans perspective immédiate d’éloignement, Lexbase éd. pub., 2018, n° 500 N° Lexbase : N3707BXL).

[23] De manière inhabituellement critique, même le Conseil d’Etat, dans un avis du 15 février 2018, s’est interrogé sur l’utilité de ce projet de loi alors que sont intervenues depuis 1980, «16 lois majeures» dans ce domaine. Le conseiller du Gouvernement regrette que ce projet «ne soit pas l’occasion d’une simplification drastique des dispositifs qui, au fil de la sédimentation des dispositions, se multiplient et se déclinent en variantes dont la portée, le régime ou les conditions diffèrent marginalement, sans que cette sophistication n’entraîne un surcroit d’efficacité» (CE avis, 15 février 2018, n° 394206 N° Lexbase : A1476XEE).

[24] V., en particulier, le projet de création de plateformes régionales de débarquement et de centres fermés pour «trier» et répartir les migrants : Commission européenne, Gestion des migrations: la Commission développe les concepts de «débarquement» et de «centres contrôlés», Communiqué, Bruxelles, 24 juillet 2018.

[25] Ainsi, le rapport de la mission d’information sur l’application de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France par MM. Jean-Michel Clément et Guillaume Larrivé, n’a pratiquement pas été pris en compte dans le projet de loi «asile - immigration».

[26] L’étude d’impact du projet de loi est, une nouvelle fois, totalement insuffisante et n’évalue pas réellement, ou en tout pas de manière objective et approfondie, l’impact des mesures envisagées (par exemple l’allongement de la durée de rétention de 45 à 90 jours).

[27] Cf., nos obs., «Délit de solidarité» : le Conseil constitutionnel étend l’immunité de l’article L. 622-4 du CESEDA au nom du principe de fraternité, Lexbase Pén., 2018, n° 8 (N° Lexbase : N5498BXW).

[28]  En contrepartie du retrait d’un amendement visant à limiter la rétention des enfants, les députés «LREM» ont mis en place un groupe de travail, sous la responsabilité de Florent Boudié, sur ce sujet (Rétention des mineurs : Collomb adresse un signe à sa majorité, Libération, 17 avril 2018 ; Loi immigration: les députés LREM refusent d’interdire la rétention des enfants, Médiapart, 22 avril 2018).

[32] Le demandeur d’asile est maltraité par ce projet de loi, Le Monde, 22 février 2018 ; Défenseur des droits, Avis 18-09 du 15 mars 2018 « relatif au projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif» après l’audition du 13 mars 2018 par Elise Fajgeles, rapporteure de la commission des Lois de l’Assemblée nationale sur le projet de loi.

[33] CNB, Projet de loi asile et immigration, Commission Libertés et droits de l'homme, Rapport du 17 mars 2018 (nous avons, avec Me Hélène Gacon, participé comme expert à cet avis du CNB).

[34] Le barreau de Paris s’inquiète des conséquences du projet de Loi concernant l’immigration et le droit d’asile, Editorial, 14 février 2018.

[36] Après l’échec de la Commission mixte paritaire c’est la majorité de l’Assemblée nationale qui a adopté, en dernière lecture, son texte.

[37] En 2017, le délai de traitement moyen constaté cumulé (Ofpra + CNDA) s’élève toujours à 414, 7 jours, soit treize mois et dix-neuf jours (contre 426 jours en 2015). En tenant compte de la pondération des décisions définitives entre Ofpra et CNDA, le délai moyen pondéré est toujours supérieur à 11 mois (Etude d’impact du projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif, Assemblée nationale, NOR : INTX1801788L/Bleue-1, p. 45).

[38] Sur suggestion du Conseil d’Etat dans son avis, l’article 723-6 prévoit que cette notification par tout moyen, y compris électronique, doit garantir «la confidentialité et la réception personnelle par le demandeur». Un décret en Conseil d'Etat viendra fixer les cas et les conditions dans lesquels l'entretien peut se dérouler par un moyen de communication audiovisuelle pour des raisons tenant à l'éloignement géographique ou à la situation particulière du demandeur.

[39] CEDH, 2 février 2012, Req. 9152/09, (N° Lexbase : A9424IBN) s’agissant de l’asile en rétention.

[40] CJUE, 27 septembre 2012, aff. C-179/11 (N° Lexbase : A4352ITD) s’agissant de l’accès des demandeurs d’asile relevant du règlement «Dublin» aux conditions matérielles d’accueil ; CEDH, 21 janvier 2011, Req. 30696/09 (N° Lexbase : A4543GQC).

[41] La Cour de Luxembourg vient néanmoins d’admettre en ce sens que les Etats membres de l’Union peuvent adopter une décision de retour dès le rejet de la demande de protection internationale, à condition qu’ils suspendent la procédure de retour dans l’attente de l’issue du recours contre ce rejet (CJUE, 19 juin 2018, aff. C-181/16 N° Lexbase : A3681XTI). Elle vient aussi d’admettre que l’article 46 de la 2013/32/UE du 26 juin 2013 (Directive du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale N° Lexbase : L9263IXD («procédures») et l’article 13 de la Directive 2008/115/CE  du 16 décembre 2008 (N° Lexbase : L3289ICS), lus à la lumière de l’article 18 et de l’article 19, paragraphe 2, ainsi que de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux (N° Lexbase : L8117ANX), doivent être interprétés en ce sens «qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui, tout en prévoyant un appel contre un jugement de première instance confirmant une décision rejetant une demande de protection internationale et imposant une obligation de retour, n’assortit pas cette voie de recours d’un effet suspensif de plein droit alors même que l’intéressé invoque un risque sérieux de violation du principe de non-refoulement» (CJUE, 26 septembre 2018, aff. C-180/17 N° Lexbase : A7896X7L et CJUE, 26 septembre 2018, aff. C-175/17 N° Lexbase : A7895X7K).

[42] Cf., sur la même difficulté, antérieurement à la réforme de 2015, Cons. const., décision n° 2011-120 QPC, du 8 avril 2011 (N° Lexbase : A5889HM3) ; CE 9° et 10° s-s-r., 6 décembre 2013, n° 357351, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8519KQL, tables Lebon ; Cf., Y. Pelosi, Une avancée incertaine pour l’effectivité des recours des demandeurs d’asile «prioritaires», La Revue des droits de l’Homme [En ligne], Actualités Droits-Libertés, mis en ligne le 7 mars 2014.

[43] Rapport d’activité de la CNDA 2017, p. 6.

[44] V., par ex., Arrêté du 12 mars 2009 portant expérimentation de la régionalisation de l'admission au séjour des demandeurs d'asile dans la région Rhône-Alpes.

[45] Dans son avis du 15 février 2018, le Conseil d’Etat estime que «cette nouvelle orientation répond sans aucun doute à un objectif d’intérêt général : éviter la concentration excessive des demandeurs dans quelques grandes métropoles ou à proximité des points de passage internationaux, qui sature les services sociaux et accroît tant la vulnérabilité des demandeurs que le risque de frictions avec les autres résidents».

[46] Cf., Serge Slama, De la défaillance systémique à la «policiarisation» des conditions d’accueil des demandeurs d’asile en France, La Revue des droits de l’Homme [En ligne], 14, 2018, mis en ligne le 21 juin 2018.

[47] Rapport fait au nom de la Commission des lois sur le projet pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif (n° 714), par Mme Elise Fajgeles, 9 avril 2018, p. 263 et s.. Devant la commission des lois de l’Assemblée, le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, a été jusqu’à évoquer une «submersion» de ces régions par des flux «devenus ingérables» et participant à leur «déconstruction» (ibid., p. 43. v., Quand le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb se réapproprie le vocabulaire de l'extrême droiteInrockuptibles, 5 avril 2018 ; loi sur l’asile : Collomb évoque des régions «submergées par des flux de demandeurs, Le Monde, 4 avril 2018.

[48] Malgré la lettre de la Convention de Genève sur les réfugiés de 1951 (N° Lexbase : L6810BHP), l’article 7 de la Directive 2013/22 prévoit que «les Etats membres peuvent décider du lieu de résidence du demandeur pour des raisons d’intérêt public ou d’ordre public ou, le cas échéant, aux fins de traitement rapide et du suivi efficace de sa demande».  

[49] Rapport «Fajgeles», préc., p. 264 et s..

[50] Cf., pour une tentative d’inventaire détaillé notre article «De la défaillance systémique à la ‘policiarisation’ des conditions d’accueil des demandeurs d’asile en France», La Revue des droits de l’Homme [En ligne], 14, 2018, mis en ligne le 21 juin 2018.

[52] Dans un communiqué de janvier 2018, le ministère de l’Intérieur a annoncé la création de «200 places en centre d’accueil et d’examen des situations dans chaque région, soit plus de 2 600 places sur l’ensemble du territoire». On comptait déjà 1 800 places de CAES dont 750 en Ile-de-France, 300 dans les Hauts de France, 204 en Auvergne Rhône-Alpes.

[53] C’est le Conseil d’Etat qui a, dans son avis (préc., cons. 32), suggéré ce dispositif de perte ou de refus «de plein droit» afin que de telles décisions ne soient pas considérées comme des sanctions, qui auraient nécessité le respect d’un contradictoire préalable et des droits de la défense avant leur édiction, mais comme la «cessation de plein droit d’un avantage» à l’initiative du demandeur.

[54] Dans son avis (préc., cons. 30), le Conseil d’Etat propose, pour éviter que le développement d’un nouveau type de contentieux contre les décisions d’attribution, de refus ou de retrait des conditions matérielles d’accueil, au risque d’engorger le tribunal administratif dont relève le siège de l’OFII, l’instauration d’un mécanisme de recours préalable obligatoire (RAPO) devant une commission nationale placée auprès de l’OFII.

[55] Cette disposition est à mettre en lien avec la circulaire «Collomb» du 12 décembre 2017 qui reposait aussi implicitement un tel échange d’informations entre gestionnaires des centres d’hébergement d’urgence et l’OFII ou les préfectures (cf. : CE 2° et 7° ch.-r., 11 avril 2018, n° 417206, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7051XKD).

[56] Etude d’impact du projet de loi NOR INTX1801788L/Bleue, 20 février 2018, p. 31. Selon les calculs de l’étude d’impact, compte tenu de l’augmentation du nombre de bénéficiaires de la protection subsidiaire et en retenant l’hypothèse que le renouvellement du titre de séjour nécessite deux rendez-vous en préfecture, l’un de 20 minutes pour l’enregistrement de la demande et l’autre de 10 minutes pour la remise du nouveau titre, l’économie annuelle réalisée sur une période de cinq ans pour 30 393 protégés subsidiaires et 1 370 apatrides peut être estimée à l’équivalent de 4 emploi temps plein par an d’agents de catégorie C, soit 56 000  euros d’économie  par  an… (étude d’impact, p. 38). 

[57] Cf., sur la jurisprudence de principe antérieurement à son inscription dans le CESEDA par la loi de 2015, CE Ass., 21 décembre 2012, deux arrêts, publiés au recueil Lebon, n° 332491 (N° Lexbase : A1333IZE) (exclusion de la mère du statut de réfugié) et n° 332492 (N° Lexbase : A1334IZG) (admission fillette au statut de réfugié) ; CE 4 ° et 5 ° s-s-r., 23 décembre 2011, n° 338607, mentionné aux tables (exclusion d’une mère de la protection subsidiaire), Lettre ADL, 18 février 2013, par G. Cholet ; AJDA, 2013 p. 465, chron. X. Domino, A. Bretonneau ; F. Julien-Laferrière, Méconnaissance de l’intérêt de l’enfant et de l’unité de la famille, AJDA, 2013, p. 476 ; C. Brice-Delajoux, Le Conseil d’Etat, le droit d’asile et l’excision : entre satisfaction et inquiétude, JCP éd. G, n° 13, 2013, 357. Cf., à la suite de la loi du 29 juillet 2015 (article L. 723-5 du CESEDA), l’arrêté du 23 août 2017 NOR : INTV1721843A.

[58] Même si la Cour suprême de Delhi a constaté l’inconstitutionnalité d’un article du Code pénal indien pénalisant l’homosexualité («Inde : la Cour suprême dépénalise l’homosexualité, une décision historique», Le Monde, 6 septembre 2018), il est fort probable qu’il faudra bien des années avant que les LGBTI puissent vivre en Inde sans faire l’objet de stigmatisations, discriminations ou mauvais traitements.

[59] Cf., S. Slama, Du droit des étrangers à l'état d'urgence : des notes blanches au diapason, Plein droit 2018/2 (n° 117).

[60] Cf., leur validation : CE 9° et 10° ch.-r., 28 décembre 2017, n° 415291 (N° Lexbase : A6080W93) à propos de la réintroduction temporaire à compter du 1er novembre 2017 et jusqu’au 30 avril 2018.

[61] Cf., CGLPL, Rapport de la deuxième visite des services de la police aux frontières de Menton (Alpes-Maritimes), Contrôle des personnes migrantes à la frontière franco-italienne, 4 au 8 septembre 2017 ; Le préfet des Alpes-Maritimes à nouveau condamné pour atteinte au droit d’asile de migrants, Le Monde, 4 septembre 2017.

[62] CE référé, 5 juillet 2017, n° 411575 (N° Lexbase : A1469WNQ).

[63] CJUE, 22 juin 2010, aff. C-188/10, Aziz Melki (N° Lexbase : A1918E3G).

[64] En 2011, le législateur a déjà inscrit, pour les étrangers sous le coup d’une mesure d’éloignement en lien avec le terrorisme, la possibilité d’une rétention de dix-huit mois mais le Conseil constitutionnel avait censuré le délai supplémentaire de douze mois, limitant ainsi la durée maximale de rétention compatible avec l’article 66 de la Constitution, à six mois (Décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011, Loi relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité). 

[65] Etude d’impact, préc., p.118.

[66] Ibid.

[67] Selon cette étude d’impact (p.119), pour l’année 2017, sur 21 296 personnes sorties des centres de rétention gérés par la PAF (en Métropole ?), «8 689 ont été effectivement éloignées, soit 40, 80 %».

[68] Sur les 21 458 étrangers placés en rétention en 2017, 635 ont été remis en liberté du fait de la non-obtention d’un document de voyage permettant leur reconduite vers leur pays d’origine à l’expiration de la  durée  maximale  de 45 jours.

[69] Cf., not., ses décisions n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003 et n° 2011-631 DC du 9 juin 2011.

[70] V., aussi, TC 9 février 2015, n°15-03986.

[71] L.551-1 «IV. - Le handicap moteur, cognitif ou psychique et les besoins d'accompagnement de l'étranger sont pris en compte pour déterminer les conditions de son placement en rétention».

[72] Antonin Gelblat, La CEDH et la pratique française de rétention des mineurs étrangers : L’impossibilité pratique plutôt que l’interdiction de principe ?, La Revue des droits de l’Homme [En ligne], Actualités Droits-Libertés, mis en ligne le 29 août 2016. 

[73] Camille Escuillié, Un encadrement cosmétique du renvoi des mineurs étrangers arbitrairement rattachés à des adultes accompagnants, La Revue des droits de l’Homme [En ligne], Actualités Droits-Libertés, 27 février 2015.

[74] CJUE, 6 décembre 2011, aff. C-329/11.

[75] Cass. crim., 1er avril 2015, n° 13-86.418, FS-P+B+I  (N° Lexbase : A1050NGY).

[76] "El Dridi" du 28 avril 2011 ; "Achugaghbabian "du 6 décembre 2011 et "Md Sagor" du 6 décembre 2012 (CJUE, 6 décembre 2012, aff. C-430/11 N° Lexbase : A3978IYY).

[77] CJUE, 7 juin 2016, aff. C-47/15 (N° Lexbase : A9687RR9) ; Cass. civ. 1, 12 juillet 2017, n° 16-22.548, FS-P+B+I (N° Lexbase : A6553WMN) ;  Cass. civ. 1, 28 janvier 2015, n° 13-28.349, FS-P+B+I  (N° Lexbase : A4101NA7).

[78] S. Slama, «Délit de solidarité» : le Conseil constitutionnel étend l’immunité de l’article L. 622-4 du CESEDA au nom du principe de fraternité, Lexbase Pén., 2018, n° 8.

[80] S. Slama, Jus soli, jus sanguinis, principes complémentaires et consubstantiels de la tradition républicaine, Pouvoirs n° 160, janvier 2017, p. 19-34.

[81] CE avis, 5 juin 2018, n° 394925 (N° Lexbase : A7502XQW).

[82] Cf., pour des critiques, à propos de cette dialectique de l’appel d’air : Patrick Weil: «On a dégradé les valeurs fondamentales de la République à Mayotte», L’Opinion, 30 septembre 2018 ; La situation mahoraise ne doit pas servir de prétexte pour porter atteinte à l’indivisibilité de la République, Le Monde, 25 juin 2018 ; Trois questions autour du projet de limitation du droit du sol à Mayotte , Le Monde, 29 juin 2018.

[83] TA Paris, du 25 janvier 2018, n° 1605926 (N° Lexbase : A3233XBD).

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