La lettre juridique n°437 du 28 avril 2011 : Procédure pénale

[Jurisprudence] Le droit à un procès équitable justifie la mise à mort immédiate et sans délai du régime de la garde à vue

Réf. : Ass. plén., 15 avril 2011, 4 arrêts, n° 10-17.049, P+B+R+I (N° Lexbase : A5043HN4) ; n° 10-30.242, P+B+R+I (N° Lexbase : A5044HN7) ; n° 10-30.313, P+B+R+I (N° Lexbase : A5050HND) et n° 10-30.316, P+B+R+I (N° Lexbase : A5045HN8)

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par Romain Ollard, Maître de conférences à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV

le 28 Avril 2011

Le couperet est tombé : par quatre arrêts fort attendus, rendus le 15 avril 2011, l'Assemblée plénière de la Cour de cassation décide, non seulement, que le régime de la garde à vue est contraire aux dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme en ce qu'elle ne permet à la personne gardée à vue de bénéficier de l'assistance effective d'un avocat, mais encore que le droit de la Convention est d'application immédiate. Si la décision n'est guère surprenante sur le premier point au regard des jurisprudences, tant interne qu'européenne, qui avaient pu faire front commun contre le régime légal en vigueur, elle est en revanche remarquable sur le second. En prononçant la mise à mort immédiate du régime de la garde à vue, l'Assemblée plénière prend en effet le contre-pied tant du Conseil constitutionnel que de la Chambre criminelle qui avaient pu décider que les règles découlant du droit à un procès équitable ne peuvent s'appliquer immédiatement à une garde à vue conduite dans le respect des dispositions législatives en vigueur : le principe de sécurité juridique ne saurait priver la personne placée en garde à vue de son droit à un procès équitable. A compter de cette date -qui n'est pas fortuite puisque la décision a été rendue le lendemain de la publication de la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011, relative à la garde à vue (N° Lexbase : L9584IPN)-, les gardes à vue devront donc, à peine d'irrégularité, impérativement respecter le droit de la Convention. Dans ces quatre affaires, des personnes de nationalités étrangères en situation irrégulière contestaient la régularité de la garde à vue dont elles avaient été l'objet en soutenant qu'elles n'avaient pas bénéficié de l'assistance d'un avocat dès le début de la mesure et durant leur interrogatoire. Tandis que trois des juridictions du fond saisies jugèrent les gardes à vue irrégulières, la quatrième conclut au contraire à la régularité de la procédure. L'Assemblée plénière fut ainsi amenée à se prononcer sur deux questions.

La première portait sur le point de savoir si le régime de la garde à vue et, plus particulièrement, l'article 63-4 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L0962DYB) étaient conformes au droit à un procès équitable garanti par l'article 6 § 1 de la CESDH (N° Lexbase : L7558AIR). Sans surprise, l'Assemblée plénière conclut à la non-conformité en jugeant que "pour que le droit à un procès équitable [...] soit effectif et concret, il faut en règle générale, que la personne gardée à vue puisse bénéficier de l'assistance d'un avocat dès le début de la mesure et pendant ses interrogatoires".

La seconde question avait trait à l'effet immédiat ou différé de la décision d'inconventionnalité ainsi prononcée. Après avoir rappelé que "les Etats adhérents à la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales sont tenus de respecter les décisions de la Cour européenne des droits de l'Homme, sans attendre d'être attaqués devant elle ni d'avoir modifié leur législation", l'Assemblée plénière décide implicitement mais nécessairement de l'application immédiate du droit conventionnel en censurant la décision des juges du fond ayant conclu à la régularité de la garde à vue et en rejetant au contraire les pourvois formés contre les trois décisions ayant conclu à son irrégularité.

En conséquence, à compter de cette date, les gardes à vue devront impérativement, à peine d'irrégularité, respecter le droit de la Convention européenne. Si la solution (II) ne peut être comprise que replacée dans son contexte (I), c'est surtout sa portée exacte qui interroge (III) tant de nombreuses incertitudes demeurent quant à la manière dont les gardes à vue devront être appliquées avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011, prévue seulement dans deux mois.

I - Le contexte de la solution

La déclaration de non-conformité du régime de la garde à vue à la CESDH prononcée par l'Assemblée plénière ne doit pas surprendre tant il est vrai que, depuis quelques mois, les juges -judiciaires, européens et constitutionnels- font feu de tout vent contre le régime légal en vigueur. Rarement aura-t-on assisté à un tel déferlement de décisions de justice décidant à l'unisson que le régime français de la garde à vue est contraire au droit à un procès équitable. Le célèbre "dialogue des juges" se muait alors en un véritable leitmotiv, tendant à la mise à mort de la garde à vue à la française.

Ce fut d'abord la Cour européenne des droits de l'Homme qui lança les premières salves en posant, dans les arrêts "Salduz" (1) et "Dayanan" (2), l'exigence de l'assistance effective d'un avocat pendant la durée de la garde à vue, suivie d'ailleurs en ceci par certaines juridictions du fond françaises, qui n'hésitaient plus désormais à déclarer le régime des gardes à vue contraire aux principes de la Convention (3). Mais, concernant la Turquie et non directement l'Etat français, ces décisions n'avaient pas une portée décisive puisqu'il fallait extrapoler sur le régime de la garde à vue turque pour en déduire (prudemment) des conséquences sur le régime français. L'incertitude n'allait toutefois pas durer puisque la Cour de Strasbourg condamna l'Etat français, dans un arrêt "Brusco contre France", pour violation du droit à un procès équitable au motif, notamment, que la personne gardée à vue ne bénéficie pas de l'assistance effective d'un avocat dès le début de la mesure et pendant les interrogatoires (4).

Ce fut ensuite le Conseil constitutionnel qui poursuivit l'assaut en déclarant non conformes à la Constitution les dispositions relatives à la garde à vue de droit commun (5). Selon les juges de la rue de Montpensier, "la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties ne peut plus être regardée comme équilibrée". Considérant plus précisément que si une restriction aux droits de la défense peut être prévue, elle ne saurait en revanche être "imposée de façon générale, sans considération des circonstances particulières susceptibles de la justifier". Aussi, le Conseil décida-t-il que la personne placée en garde à vue doit pouvoir bénéficier, en règle générale, de "l'assistance effective d'un avocat" pendant toute la durée de la mesure.

Ce fut enfin la Chambre criminelle de la Cour de cassation qui porta la dernière estocade dans trois arrêts du 19 octobre 2010 (6) en décidant, sur le fondement de l'article 6 de la CESDH, que "sauf exceptions justifiées par des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'espèce, et non à la seule nature du crime ou délit reproché, toute personne soupçonnée d'avoir commis une infraction doit, dès le début de la garde à vue, être informée de son droit de se taire et bénéficier, sauf renonciation non équivoque, de l'assistance d'un avocat".

Mais pour audacieuses qu'elles furent sur le fond, ces décisions des juridictions internes décidèrent de différer dans le temps l'application de leurs solutions, jusqu'au 1er juillet 2011, date butoir fixée par la Conseil constitutionnel et reprise par la Chambre criminelle, afin de ménager le principe de sécurité juridique et de laisser le temps aux pouvoirs publics de procéder à la réforme annoncée. C'est dans ce contexte hostile qu'intervenait la décision de l'Assemblée plénière, qui porte le coup de grâce au régime français de la garde à vue : la mise à mort du régime de la garde à vue doit, selon la Haute juridiction, être immédiate.

II - L'apport de la solution

Après avoir rappelé que "les Etats adhérents à la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales sont tenus de respecter les décisions de la Cour européenne des droits de l'Homme, sans attendre d'être attaqués devant elle ni d'avoir modifié leur législation", l'Assemblée plénière décide implicitement d'une application immédiate du droit conventionnel en censurant la décision des juges du fond ayant conclu à la régularité de la garde à vue et en rejetant au contraire les pourvois formés contre les trois décisions ayant conclu à son irrégularité.

Ce faisant, l'Assemblée plénière prend le contre-pied tant du Conseil constitutionnel qui avait décidé de différer l'abrogation des dispositions relatives à la garde à vue de droit commun au 1er juillet 2011 afin de laisser le temps au législateur de réformer la matière et de ne pas créer un vide juridique préjudiciable pour l'ordre public (7), que de la Chambre criminelle ayant jugé que les règles par elle énoncées "ne peuvent s'appliquer immédiatement à une garde à vue conduite dans le respect des dispositions législatives en vigueur lors de sa mise en oeuvre sans porter atteinte au principe de sécurité juridique et à la bonne administration de la justice". Sans doute peut-on comprendre, dans un premier mouvement, les arguments ainsi invoqués tenant à la sécurité juridique et à une bonne administration de la justice tant il est vrai que l'abrogation ou la neutralisation sans délai du régime de la garde à vue pourrait se révéler préjudiciable pour l'ordre public, entraînant non seulement de fâcheuses conséquences dans la lutte contre la criminalité mais encore de graves désorganisations au sein des services de police ne sachant plus très bien à quel saint se vouer ou plutôt quel régime juridique appliquer.

Mais un tel effet différé du droit à un procès équitable était difficilement soutenable sur le plan des principes, tout d'abord, puisqu'une telle décision revenait à cautionner le fait que 700 000 gardes à vue environ (8), manifestement contraires tant à la Constitution qu'à la Convention européenne, soient réalisées. Or, le seul souci de ne pas bouleverser les pratiques policières ne saurait justifier la violation des droits de l'Homme, même pendant une période limitée d'une année (9). Dans l'opposition entre des considérations purement pragmatiques et le droit fondamental à un procès équitable, le combat était perdu d'avance : si le principe de sécurité juridique peut être présenté comme inhérent au droit de la Convention, il ne saurait être invoqué pour priver un justiciable d'un droit qui lui est reconnu (10). La modulation dans le temps opérée par les juridictions internes est d'autant plus contestable que la liberté de choix reconnue à l'Etat quant aux moyens de s'acquitter de ses obligations conventionnelles "ne saurait lui permettre de suspendre l'application de la Convention en attendant l'aboutissement d'une réforme" (11). Vainement invoquerait-on alors, pour justifier l'effet différé du droit à un procès équitable, le principe constitutionnel d'égalité devant la loi pénale entre ceux qui bénéficient de la solution et ceux qui, n'ayant pas formé de pourvoi, ne peuvent en bénéficier (12).

Car, sur un plan plus technique ensuite, la solution rendue par l'Assemblée plénière n'est pas contraire à la prohibition de la rétroactivité des revirements de jurisprudence posée par la Cour européenne. En matière pénale en effet, l'interdiction de la rétroactivité des revirements ne vaut que pour les revirements plus sévères qui aggravent la responsabilité, et non pour ceux qui ont pour effet d'améliorer les droits du justiciable (13). Or, si la décision de l'Assemblée plénière peut bien apparaître comme un revirement de jurisprudence au regard des décisions antérieures ayant décidé de moduler dans le temps les effets de leur solution, le revirement ainsi opéré est assurément favorable à la personne poursuivie. En conséquence, s'agissant d'un revirement in mitius, la rétroactivité inhérente à la décision n'entre point dans le domaine de la prohibition.

La solution de l'Assemblée plénière d'appliquer immédiatement le droit conventionnel paraît ainsi pleinement justifiée : en reprenant les termes d'une décision de la Cour suprême du Royaume-Uni du 26 octobre 2010 confrontée à une situation similaire concernant la garde à vue écossaise (14), il est possible d'affirmer qu' "il ne saurait être question [...] de rendre une décision qui favoriserait le statu quo ante simplement sur des raisons d'opportunité. La question est de pur droit. Il faut y faire face, quelles qu'en soient les conséquences". Et de fait, les pouvoirs publics, particulièrement les services de police et de gendarmerie, vont effectivement devoir faire face, avant l'entrée en vigueur de la réforme de la garde à vue, à l'application immédiate du droit de la Convention. C'est là envisager la portée de la solution rendue par l'Assemblée plénière.

III - La portée de la solution

En vertu de la décision de l'Assemblée plénière, les autorités publiques vont devoir faire application sans délai du droit conventionnel, sous peine d'exposer les gardes à vue menées à des recours en nullité systématiques. Mais, avant l'entrée en vigueur de la réforme de la garde à vue prévue dans deux mois, quel régime juridique les autorités vont-elles devoir appliquer ?

Certes, deux grands pans de la garde à vue française ont été pointés du doigt par les jurisprudences européenne et nationale, ce qui devrait donner aux autorités les grandes lignes de la marche à suivre. La mise en conformité du droit français avec l'exigence de notification du droit de garder le silence, tout d'abord, ne suscitera guère de difficultés pour les autorités policières. En revanche, l'exigence de l'assistance effective d'un avocat, ensuite, risque de susciter davantage de difficultés de mise en oeuvre. Si le Conseil constitutionnel (15) et la Cour européenne (16) sont unanimes à considérer que, pour y satisfaire, la personne gardée à vue doit bénéficier de la présence de son conseil dès le début de la mesure et lors des interrogatoires, la portée de cette exigence demeure en effet pour le moins incertaine tant il existe une multitude de degrés dans l'assistance. Le terme assistance doit-il être interprété restrictivement, comme visant uniquement l'office de défense et de conseil de la personne gardée à vue, ou doit-il au contraire être entendu largement, selon les directives de la Cour de Strasbourg, comme incluant la discussion de l'affaire, l'organisation de la défense, la recherche des preuves favorables à l'accusé, la préparation des interrogatoires, le contrôle des conditions de détention ? L'assistance effective d'un avocat implique-t-elle une communication du dossier à l'avocat ? L'avocat pourra-t-il poser des questions au cours de la garde à vue ? Autant d'incertitudes qui risquent non seulement de voir les recours en annulation des procédures se multiplier mais encore d'engendrer la création de régimes de garde à vue multiples du fait des divergences de pratiques mises en place d'un service de police à l'autre.

Toutefois, l'arrêt d'Assemblée plénière a, peut-être, entendu juguler par avance ces risques en rendant sa décision le 15 avril 2011, et non le 1er avril comme elle l'avait initialement annoncé. En effet, cette date n'est sans doute pas fortuite puisqu'elle intervient le lendemain de la publication de la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011, relative à la garde à vue. Or, bien que l'entrée en vigueur de cette loi nouvelle soit officiellement repoussée au premier jour du deuxième mois suivant sa publication au Journal officiel et au plus tard le 1er juillet 2011 (17), elle pourrait néanmoins constituer un guide précieux pour les autorités de police qui pourraient se fonder sur elle pour dégager un régime uniforme des gardes à vue. Bien qu'entrant juridiquement en vigueur dans deux mois, la loi nouvelle pourrait de fait être appliquée dès aujourd'hui, comme un modèle à suivre pour les autorités de police et de gendarmerie.

La loi nouvelle ayant ainsi vocation a être appliquée dès maintenant, il faut, pour terminer, en dire quelques mots.

Sans doute cette loi intègre-t-elle en son sein les principaux acquis tant constitutionnels qu'européens tenant, d'une part, à l'exigence de notification du droit au silence (18) et, d'autre part, à l'exigence de l'assistance effective d'un avocat, dès le début de la mesure et pendant les interrogatoires (19). Sans doute encore la loi prend-elle acte de la méthode imposée par la Cour européenne à propos du régime des gardes à vue dérogatoires (20), qui décide qu'une "restriction systématique" du droit pour le gardé à vue d'être assisté par un avocat fondé, non sur des "des raisons impérieuses résultant des circonstances de l'espèce" (21) mais sur des catégories abstraites d'infractions identifiées d'après leur gravité, "suffit à conclure à un manquement aux exigences de l'article 6 de la Convention" (22). Conformément à ces préceptes, la loi nouvelle prévoit en effet que le procureur de la République ne peut autoriser le report de la présence de l'avocat lors des auditions ou confrontations qu'à titre exceptionnel, "si cette mesure apparaît indispensable pour des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'enquête" (23).

Toutefois, malgré de notables avancées, la loi nouvelle ne gomme pas toutes les scories. Deux des points les plus symboliques de la réforme seront seuls ici envisagés.

Tout d'abord, la loi nouvelle n'a pas reconduit l'institution si controversée de l'audition libre, un temps envisagée. Toutefois, bien que formellement abandonnée, la question risque de rebondir avec l'article 15 de la loi qui prévoit que le placement en garde à vue n'est pas obligatoire, même si les conditions en sont réunies, dès lors que la personne présentée devant l'officier de police judiciaire n'est pas tenue sous la contrainte de demeurer à la disposition des enquêteurs. Or, d'une part, il y a fort à parier que les enquêteurs auront beau jeu de recourir à cette faculté afin d'éluder le régime protecteur de la garde à vue. Et d'autre part, dès lors que la personne suspectée réunit en sa personne les conditions de la garde à vue, il est difficilement justifiable que les mêmes droits ne lui soient pas accordés.

Ensuite et surtout, sourde aux avertissements de la Cour de Strasbourg, la loi a décidé de reconduire le système actuel en confiant le contrôle de la garde à vue au ministère public (24). Certes, cette solution peut se prévaloir de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui a pu décider, dans sa décision du 30 juillet 2010, que "l'autorité judiciaire comprend à la fois les magistrats du Siège et du Parquet" (25). L'argument paraît cependant bien faible en ce qu'il se fonde sur un critère purement formel tiré du statut de la magistrature selon lequel le corps judiciaire comprend à la fois les magistrats du Siège et ceux du Parquet (26), et non sur un critère matériel fondé sur l'indépendance des magistrats chargés de contrôler la garde à vue. Or, l'on sait qu'une telle position heurte de front la jurisprudence de la Cour européenne qui a jugé, dans les arrêts "Medvedyev" (27) et "Moulin" (28), que le procureur de la République n'est pas une autorité judiciaire au sens de l'article 5 § 1 et 3 de la Convention (N° Lexbase : L4786AQC) dès lors qu'il lui manque non seulement l'indépendance à l'égard du pouvoir exécutif (29), mais encore l'impartialité du fait des prérogatives de poursuites qui lui sont conférées (30). La solution retenue par la loi nouvelle pourrait toutefois se trouver légitimée par l'intervention du juge des libertés et de la détention, c'est-à-dire d'un magistrat du Siège, pour la prolongation de la garde à vue au-delà de 48 heures (31). Mais là encore, l'argument paraît bien faible car de deux choses l'une. Soit, l'intervention du ministère public en tant qu'autorité judiciaire est suffisante comme organe de contrôle, et l'intervention postérieure d'un magistrat du Siège pour la prolongation de la garde à vue devient dès lors inutile : si le ministère public est une autorité judiciaire, pourquoi exiger l'intervention ultérieure d'un magistrat du Siège ? Soit, l'intervention d'un magistrat indépendant est nécessaire au respect de la Convention et, alors, elle devrait intervenir dès le placement en garde à vue.

Gageons que, malgré la réforme, les controverses relatives au régime de la garde à vue ne sont pas prêtes de se tarir.


(1) CEDH, 27 novembre 2008, Req. 36391/02 (N° Lexbase : A3220EPX), JCP éd. G, 2009, 104, n° 7, obs. Lecloux.
(2) CEDH, 13 octobre 2009, Req. 7377/03 (N° Lexbase : A3221EPY), JCP éd. G, 2009, Somm. 382.
(3) Pour un panel des décisions des juridictions du fond, v. A. Maron, M. Hass, Tandis que les gardes à vue explosent, la garde à vue implose..., DP, mars 2010, Dossier, n° 3, p. 10.
(4) CEDH, 14 avril 2010, Req. 1466/07, § 45 (N° Lexbase : A7451GBL).
(5) Cons. const., décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010 (N° Lexbase : A4551E7P), Gaz. Pal., 5 août 2005, p. 14, obs. O. Bachelet ; nos obs., Coup de tonnerre sur la procédure pénale : le Conseil constitutionnel déclare non conformes à la Constitution les dispositions relatives à la garde de vue de droit commun, Lexbase Hebdo n° 410 du 30 septembre 2010 - édition privée (N° Lexbase : N0999BQ3).
(6) Cass. crim., 19 octobre 2010, 3 arrêts, n° 10-82.306, FP-P+B+I+R (N° Lexbase : A0916GCW), n° 10-82.902, FP-P+B+I+R (N° Lexbase : A0917GCX) et n° 10-85.051, FP-P+B+I+R (N° Lexbase : A0918GCY), v. H. Matsopoulou, JCP éd. G, 2010, II, 1104 ; nos obs., Le régime juridique de la garde à vue est déclaré contraire à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme... mais n'en doit pas moins être appliqué, Lexbase Hebdo n° 418 du 25 novembre 2010 - édition privée (N° Lexbase : N6908BQW).
(7) Considérant n° 30.
(8) Nombre de gardes à vue effectuées au cours de l'année 2009.
(9) En ce sens, v. également E. Dreyer, D., 2010, n° 42 ; P. Puig, Le Conseil constitutionnel et la modulation dans le temps de ses décisions, RTDCiv., 2010, p. 157 ; P. Cassia, Les gardes à vue particulières ne sont plus conformes à la Constitution, D., 2010, n° 30.
(10) CEDH, 18 décembre 2008, Req., 20153/04 (N° Lexbase : A8770E9P).(11) CEDH, 29 novembre 1991, Req. 44/1990/235/301, § 26 (N° Lexbase : A6413AWG).
(12) J. Pradel, D., 2010, n° 42.
(13) CEDH, 10 octobre 2006, Req. 40403/02 (N° Lexbase : A6913DRH), D., 2006, J. 124, note D. Roets. Adde, D. Rebut, Les revirements de jurisprudence en matière pénale, in rapport Molfessis sur les "revirements de jurisprudence", Litec, 2005.
(14) Cité dans le rapport de la Conseillère Brady.
(15) Considérant n° 28.
(16) CEDH, 14 avril 2010, Req. 1466/07, § 45, préc..
(17) Loi n° 2011-392 du 14 avril 2011, art. 26.
(18) Loi n° 2011-392 du 14 avril 2011, art. 3, venant modifier l'article 63-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L0961DYA).
(19) Loi n° 2011-392 du 14 avril 2011, art. 1er, venant compléter le III de l'article préliminaire du Code de procédure pénale ; loi n° 2011-392 du 14 avril 2011, art. 6 à 8 créant un nouvel article 63-3-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9629IPC).
(20) En matière de délinquance et de criminalité organisées, de terrorisme et de trafic de stupéfiants, l'intervention de l'avocat au cours de la garde à vue est à l'heure actuelle, systématiquement repoussée à l'issue de la 48ème heure, parfois même de la 72ème heure (v. C. pr. pén., art. 63-4 al. 7 N° Lexbase : L0962DYB).
(21) CEDH, 27 novembre 2008, préc., § 35.
(22) CEDH, 13 octobre 2009, préc., § 33.
(23) Loi n° 2011-392 du 14 avril 2011, art. 8 insérant un nouvel article 63-4-2 dans le Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9631IPE).
(24) Loi n° 2011-392 du 14 avril 2011, art. 2 créant un nouvel article 62-3 (N° Lexbase : L9628IPB).
(25) Considérant n° 28.
(26) Ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958, portant loi organique relative au statut de la magistrature, article 1er (N° Lexbase : L5336AGQ).
(27) CEDH, Grande chambre, 29 mars 2010, Req. 3394/03 (N° Lexbase : A2353EUP), § 124. Adde, CEDH, 5ème sect., 10 juillet 2008, Req. 3394/03 (N° Lexbase : A5462D98), D., 2009, J., 600, note J.-F. Renucci.
(28) CEDH, 23 novembre 2010, § 58.
(29) Au regard de sa soumission hiérarchique au pouvoir exécutif (ordonnance du 22 décembre 1958, art. 5 ; C. pr. pén., art. 30 N° Lexbase : L0948DYR) et des conditions de sa nomination. Les magistrats du Parquet sont nommés par le ministre de la Justice après consultation du Conseil supérieur de la magistrature (loi organique n° 93-952 du 27 juillet 1993 N° Lexbase : L8554IEK).
(30) Sur la question, v. J.-R. Renucci, D., 2009, p. 600.
(31) Loi n° 2011-392 du 14 avril 2011, art. 2 créant un nouvel article 62-3.

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