La lettre juridique n°683 du 12 janvier 2017 : Sociétés

[Textes] Les modifications apportées par la loi "Sapin II" au droit des sociétés

Réf. : Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (N° Lexbase : L6482LBP)

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par Bastien Brignon, Maître de conférences - HDR à l'Université d'Aix-Marseille, Membre du Centre de droit économique (EA 4224) et de l'Institut de droit des affaires (IDA), Directeur du Master professionnel Ingénierie des sociétés

le 12 Janvier 2017

1. La loi du 9 décembre 2016, relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi "Sapin II", a été publiée au Journal officiel du 10 décembre 2016, après avoir été partiellement censurée par le Conseil constitutionnel (1).
2. Cette loi contient diverses mesures, dans des domaines très variés : fiscalité, droit bancaire et financier, droit boursier, droit des assurances, droit social, droit de la concurrence, etc. Le droit des sociétés est également concerné. Mais il est de deux manières : d'une façon très forte, avec des dispositions phares ; il s'agit des dispositions relatives aux lanceurs d'alerte et à la lutte contre la corruption, que l'on résumera à la "compliance" (2) et à l'intégration dans la loi du "Say on Pay" qui était déjà prévu par le code Afep-Medef depuis 2013 (3). On aura compris que seules les grandes sociétés sont concernées par ces mesures, en particulier celles cotées en bourse. Et d'une façon moins importante où le droit des sociétés se trouve une nouvelle fois modifié à la marge. C'est cette seconde série de dispositions que nous étudierons ici, étant rappelé qu'elles ne sont pas fondamentales, mais qu'elles doivent tout de même être connues ne serait-ce que pour maîtriser le quotidien, le juridique des sociétés de taille moindre. 3. Les mesures en droit des sociétés issues de la loi "Sapin II" peuvent être présentées selon qu'elles sont communes à toutes les sociétés commerciales (I) ou qu'elles intéressent plus particulièrement telle ou telle forme de société (II). On évoquera également l'entrée en vigueur de ces nouveaux textes (III) ainsi que d'autres dispositions relatives au droit des sociétés ou au droit des affaires en général issues d'autres législations que la loi "Sapin II" (IV).

I - Dispositions communes à toutes les sociétés commerciales

  • Suppression du visa de la comptabilité lors des apports de fonds de commerce

4. En cas d'apport d'un fonds de commerce, l'apporteur et le représentant qualifié de la société bénéficiaire de l'apport doivent viser tous les livres de comptabilité qui ont été tenus par l'apporteur durant les trois exercices comptables précédant celui de la vente. L'article 129 de la loi supprime cette obligation (C. com., art. L. 141-2, al. 1er, mod. N° Lexbase : L7633LBC). L'obligation de viser un document présentant les chiffres d'affaires mensuels réalisés entre la clôture du dernier exercice comptable et le mois précédant celui de l'apport est en revanche maintenue. En outre, l'apporteur demeure tenu de mettre à la disposition de la société bénéficiaire, sur demande de celle-ci et pendant un délai de trois ans à compter de son entrée en jouissance du fonds, tous les livres de comptabilité tenus durant les trois exercices comptables précédant celui de l'apport.

5. Les modifications apportées par l'article 129 de la loi s'appliquent à toute cession de fonds de commerce, dont les apports. La loi crée, par ailleurs, des allégements propres aux apports de fonds de commerce à des sociétés unipersonnelles (cf. infra).

  • Suppression de la solidarité du loueur de fonds après publication du contrat de location-gérance

6. Avant promulgation de la loi, le loueur d'un fonds de commerce était solidairement responsable des dettes de son locataire-gérant jusqu'à la publication du contrat de location-gérance et pendant un délai de six mois à compter de cette publication. Cette règle est assouplie. Ainsi, l'article 144 de la loi prévoit que le loueur de fonds n'est solidaire des dettes contractées par le locataire-gérant à l'occasion de l'exploitation du fonds que jusqu'à la publication du contrat de location-gérance (C. com., art. L. 144-7 N° Lexbase : L7678LBY).

7. De plus, l'article 1684 du Code général des impôts (N° Lexbase : L3267HMX) prévoyait une solidarité fiscale du loueur de fonds avec le locataire-gérant, et ce pendant toute la durée du contrat, pour les impôts directs établis à raison de l'exploitation du fonds. Dorénavant, la solidarité fiscale prend également fin au jour de la publication du contrat de location-gérance (CGI, art. 1684, mod. N° Lexbase : L7673LBS). Néanmoins, le loueur reste tenu solidairement des dettes nées avant la publication du contrat de location-gérance. Surtout, il est institué une exception assez forte à la cessation de la solidarité fiscale entre propriétaire et exploitant du fonds de commerce à la date de publication du contrat de location-gérance en cas de retard ou fraude. Ainsi, le propriétaire du fonds reste solidairement responsable des impôts directs avec l'exploitant, au-delà de la date de publication du contrat de location-gérance, lorsqu'il a connaissance ou aurait dû connaître :

- le défaut de production, dans les délais, de la déclaration indiquant les éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt et qui entraîne l'application d'une majoration de 40% lorsque l'exploitant n'a pas déposé la déclaration dans les 30 jours qui suivent la mise en demeure notifiée par pli recommandé (CGI, art. 1728, 1, b N° Lexbase : L9544IY7) et de 80% en cas de découverte d'une activité occulte (CGI, art. 1728, 1, c) ;

- les inexactitudes ou omissions dans une déclaration de revenus comportant les éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt et qui entraînent l'application d'une majoration de 40 % en cas de manquement délibéré (CGI, art. 1729, a N° Lexbase : L4733ICB) et de 80% en cas d'abus de droit ou de manoeuvres frauduleuses (CGI, art. 1729, b et c), et 1684, 3, mod. par "LFR" 2016, art. 26 N° Lexbase : L0859LCS).

Cette mesure s'applique aux impositions mises en recouvrement à compter du 1er janvier 2017.

  • Ratification de l'ordonnance n° 2016-315 du 17 mars 2016, portant réforme du commissariat aux comptes (N° Lexbase : L1882K7T)

8. L'article 140 de la loi vient ratifier l'ordonnance n° 2016-315 du 17 mars 2016 (4), venant elle-même adapter le droit français à deux textes européens, à savoir la Directive 2014/56 du 16 avril 2014, modifiant la Directive 2006/43/CE concernant les contrôles légaux des comptes annuels et des comptes consolidés (N° Lexbase : L3258I33) et le Règlement n° 537/2014 (N° Lexbase : L2938I7X), de la même date, qui prescrit des exigences spécifiques pour les entités d'intérêt public.

9. La loi nouvelle (art. 140) ajoute diverses mesures à cette ordonnance, dont notamment la possibilité pour les personnes et structures détenues par une entité d'intérêt public de se doter d'un comité d'audit spécialisé chargé d'assurer les services autres que la certification des comptes (ce service relevant de la compétence des CAC) au sein de leur conseil d'administration ou de surveillance. A ce titre, l'entité d'intérêt public est également tenue de se doter d'un tel comité d'audit spécialisé. Ainsi, un comité peut être constitué au sein de la filiale, et devra rendre compte régulièrement des décisions adoptées à l'organe chargé de l'administration ou à l'organe de surveillance de la société qui la contrôle.

10. En matière de sanction des CAC, la loi vient également introduire un délai de prescription de six ans qui s'applique aux faits pour lesquels il n'a été fait pendant ce délai aucun acte tendant à leur recherche, à leur constatation ou à leur sanction (C. com., art. L. 824-4 N° Lexbase : L7646LBS).

  • Restriction de la responsabilité du dirigeant pour insuffisance d'actif

11. En l'état du droit antérieur, l'article L. 651-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L7679LBZ), relatif à la responsabilité du dirigeant en cas d'insuffisance d'actif, prévoyait, en cas de faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif, que le ou les dirigeants responsables puissent être condamnés à supporter, en tout ou en partie, le montant de cette insuffisance d'actif. Ceux-ci pouvaient, en outre, être condamnés au titre de leur faute de gestion à des sanctions telles qu'une interdiction de gérer. L'article 146 de la loi, dans un objectif d'encouragement de l'entreprenariat et de rebond des dirigeants de bonne foi, vient assouplir les modalités de l'engagement de la responsabilité du dirigeant en ajoutant qu'"en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée". Une telle précision n'est pas neutre.

II - Dispositions particulières aux sociétés commerciales

A - Dispositions communes aux sociétés par actions

  • Transformation d'une société en société par actions

12. Selon l'article L. 224-3 du Code de commerce (N° Lexbase : L7676LBW), lorsqu'une société qui n'a pas de commissaire aux comptes se transforme en société par actions, un ou plusieurs commissaires à la transformation doivent être désignés afin d'apprécier la valeur des biens composant l'actif social et les avantages particuliers. Ce même article précisait, par ailleurs : "Le commissaire aux comptes de la société peut être nommé commissaire à la transformation". Le comité de coordination du RCS déduit de cette précision une obligation, pour les sociétés dotées d'un commissaire aux comptes, de faire établir par ce dernier le rapport sur la valeur des biens composant l'actif social qu'un commissaire à la transformation est tenu d'établir en l'absence de CAC (CCRCS, avis n° 2012-038, 25 octobre 2012 N° Lexbase : X9599ARX). Cette obligation est sujette à discussion. La loi supprime la phrase énonçant la précision litigieuse (art. 144, I, 3°), de sorte qu'il est acquis, désormais, qu'une société dotée d'un CAC se transformant en société par actions est dispensée de faire évaluer les biens composant son actif social (5).

  • Cumul de missions des commissaires aux comptes dans une même société

13. Sont modifiés certains articles du Code de commerce afin d'expliciter la possibilité pour un commissaire aux comptes de cumuler certaines missions légales ponctuelles au sein d'une même SA ou d'une même SAS -certaines de ces missions ne concernent, toutefois, que les SA- (C. com., art. L. 225-8 N° Lexbase : L7669LBN, L. 225-101 N° Lexbase : L7663LBG et L. 225-147 N° Lexbase : L7662LBE, mod. par la loi "Sapin II", art. 142). Il s'agit des missions relatives aux apports en nature et stipulations d'avantages particuliers lors de la constitution de la société et en cours de vie sociale, à l'acquisition par la société d'un bien appartenant à un actionnaire dans les deux ans de son immatriculation, aux augmentations de capital avec offre au public dans les deux ans de la constitution de la société, à la création d'actions de préférence soumise à la procédure des avantages particuliers et à l'émission d'obligations par une société n'ayant pas établi deux bilans régulièrement approuvés.

B - Dispositions relatives aux SA

  • Alignement du régime des SA dualistes sur celui des SA monistes en matière d'autorisations préalables

14. Dans les SA à conseil d'administration (CA), la cession d'immeubles par nature, la cession totale ou partielle de participations ainsi que la constitution de sûretés, ne sont soumises à aucune autorisation préalable. En revanche, dans les SA à directoire et à conseil de surveillance (CS), ces mêmes opérations étaient jusqu'ici soumises à l'autorisation du CS (C. com., art. L. 225-68, anc. N° Lexbase : L3636IPD). L'article 142 de la loi harmonise le régime des sociétés monistes et dualistes en supprimant l'autorisation qui était exigée dans les secondes (C. com., art. L. 225-68, nouv. N° Lexbase : L7664LBH). Dorénavant, dans les deux types de SA, seuls les cautions, avals et garanties (sauf dans les sociétés exploitant un établissement bancaire ou financier) continueront de faire l'objet d'une autorisation du CA ou du CS.

  • Renforcement des pouvoirs du CA ou CS : possibilité de déplacer le siège social sur l'ensemble du territoire français

15. Avant la loi "Sapin II", le CA ou le CS était habilité à déplacer le siège de la société uniquement dans le même département ou dans un département limitrophe, et ce, sous réserve de la ratification de cette décision par la prochaine assemblée générale ordinaire. L'article 142, 2° et 4° de la loi étend cette prérogative à l'ensemble du territoire français, sous réserve, toujours, de soumettre cette décision à une délibération ultérieure des actionnaires (C. com., art. L. 225-36, mod. N° Lexbase : L7668LBM et L. 225-65, mod. N° Lexbase : L7665LBI).

16. A cet égard, le CA ou CS aura la possibilité d'apporter "les modifications nécessaires aux statuts pour les mettre en conformité avec les dispositions législatives et réglementaires". Ces modifications supposeront toutefois une délégation préalable de l'assemblée générale, et devront ensuite être ratifiées par l'assemblée générale extraordinaire suivant leur adoption (C. com., art. L. 225-36, mod. et L. 225-65, mod.).

  • Obligation d'information du CAC sur les conventions réglementées autorisées et conclues

17. Jusqu'alors, la procédure des conventions réglementées imposait au CA ou CS de donner une autorisation préalable à la signature d'une convention entre la société et son directeur général, l'un de ses directeurs généraux délégués, l'un de ses administrateurs, l'un des membres du directoire ou du CS, l'un de ses actionnaires disposant d'une fraction des droits de vote supérieure à 10 % ou, s'il s'agit d'une société actionnaire, la société contrôlant celle-ci. En cas d'autorisation préalable du conseil, le commissaire aux comptes devait ensuite donner un avis sur la convention conclue. Enfin, l'assemblée générale était appelée à approuver la convention.

18. Dans un souci de clarification de cette procédure, l'article 142, 3° de la loi précise que l'obligation d'informer le CAC, qui incombe au président du CA ou CS, ne concerne que les conventions réglementées autorisées et conclues (C. com., art. L. 225-40, mod. N° Lexbase : L7667LBL et L. 225-88, mod. N° Lexbase : L7666LBK). Dit autrement, l'avis des commissaires aux comptes et l'approbation de l'assemblée générale ne sont pas requis pour les conventions réglementées qui ont été autorisées mais qui ne sont finalement pas conclues. On pouvait déjà le penser au regard de l'article R. 225-30 du Code de commerce (N° Lexbase : L7369I8G), qui précise que l'information doit intervenir "dans le délai d'un mois à compter de la conclusion de ces conventions et engagements".

  • Demande amiable de retrait des souscripteurs d'actions d'une SA non créée

19. L'article L. 225-11 du Code de commerce (N° Lexbase : L5882AIP) permettait aux souscripteurs des actions d'une SA nouvelle d'obtenir la restitution de leurs fonds s'il advenait que la société n'était pas créée dans les six mois suivants le dépôt du projet de statuts au greffe. Tout souscripteur pouvait alors demander en justice la nomination d'un mandataire chargé de retirer les fonds pour les restituer aux souscripteurs, sous déduction des frais de répartition.

20. Désormais, comme en matière de SARL, les souscripteurs peuvent agir si la société n'est pas constituée dans le délai de six mois à compter du "premier dépôt de fonds ou si elle n'est pas immatriculée au registre du commerce et des sociétés dans le même délai". Surtout, les souscripteurs n'ont plus à passer par la voie judiciaire : ils peuvent désormais demander directement le retrait des fonds au dépositaire par un mandataire représentant l'ensemble des souscripteurs (C. com., art. L. 225-11, mod. N° Lexbase : L7675LBU ; loi "Sapin II", art. 144, I, 4°).

C - Dispositions relatives aux SAS

  • Dérogation au principe de désignation d'un commissaire aux apports en cas d'apports en nature

21. L'article 130, 2° de la loi modifie le régime de la SAS en matière d'apports en nature, auparavant identique à celui de la SA, en le rapprochant de celui de la SARL. A la constitution de la SAS, les associés pourront ainsi décider à l'unanimité que le recours à un commissaire aux apports ne sera pas obligatoire, lorsque la valeur d'aucun apport en nature n'excède un montant fixé par décret -ce montant est fixé à 30 000 euros pour les SARL- et si la valeur totale de l'ensemble des apports en nature non soumis à l'évaluation d'un commissaire aux apports n'excède pas la moitié du capital (C. com., art. L. 227-1, al. 5, nouv. N° Lexbase : L7635LBE).

22. La loi crée cependant un mécanisme de responsabilité des associés à l'égard des tiers dans cette hypothèse. Il est en effet prévu que, lorsqu'il n'y a pas eu de commissaire aux apports ou lorsque la valeur retenue est différente de celle proposée par le commissaire aux apports, les associés seront solidairement responsables pendant cinq ans, à l'égard des tiers, de la valeur attribuée aux apports en nature lors de la constitution de la société (C. com., art. L. 227-1, al. 7, nouv.).

23. Ces dispositions s'appliquent également aux fondateurs de SASU qui bénéficient, par ailleurs, d'un cas de dispense spécifique (cf. infra).

  • Modifications applicables par renvoi aux dispositions sur les SA

24. Les dispositions relatives au retrait des fonds en cas de défaut d'immatriculation de la société applicable à la SA s'appliquent par renvoi aux SAS.

D - Dispositions relatives aux SARL

  • Extension des dérogations au principe de désignation d'un commissaire aux apports aux apports en nature effectués en cours de vie sociale

25. L'article L. 223-9 du Code de commerce (N° Lexbase : L7636LBG) laisse la possibilité aux associés, lors de la création d'une SARL, de "décider à l'unanimité que le recours à un commissaire aux apports ne sera pas obligatoire, lorsque la valeur d'aucun apport en nature n'excède un montant fixé par décret et si la valeur totale de l'ensemble des apports en nature non soumis à l'évaluation d'un commissaire aux apports n'excède pas la moitié du capital", étant rappelé que ladite valeur est fixée actuellement à 30 000 euros. Dans le cas où un commissaire aux apports ne serait pas intervenu, les associés sont solidairement responsables vis-à-vis des tiers de la valeur des apports retenue à la constitution de la société, et ce pour une durée de cinq ans. L'article 144, I, 2° de la loi étend aux apports en nature réalisés en cours de vie sociale cette dérogation à la désignation obligatoire d'un commissaire aux apports (C. com., art. L. 223-33, al. 1er, nouv. N° Lexbase : L7677LBX).

E - Dispositions communes aux EURL et SASU

  • Simplification des formalités d'apport de fonds de commerce à une EURL ou à une SASU

26. L'article 129 de la loi simplifie les modalités de l'apport d'un fonds de commerce à une société unipersonnelle en limitant les mentions obligatoires de l'acte d'apport, prévues à l'article L. 141-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L7634LBD), dont la méconnaissance peut entraîner la nullité de l'apport, mais qui ne sont a priori pas utiles en cas d'apport à une société détenue entièrement par le propriétaire (et vendeur) du fonds. Se trouve ainsi dispensé de ces exigences formelles le contrat d'apport d'un fonds de commerce à une EURL ou à une SASU dont l'apporteur est l'associé unique.

  • Suppression de l'obligation de désigner un commissaire aux apports en cas de transformation d'une entreprise individuelle en EURL ou en SASU

27. L'article 130, 1° et 2° de la loi introduit la possibilité pour l'associé unique d'une SASU ou d'une EURL qui exerçait son activité professionnelle en son nom propre avant la constitution de la société, de ne pas faire appel à un commissaire aux apports s'il apporte à cette société des éléments qui figuraient dans le bilan de son dernier exercice (C. com., art. L. 223-9, al. 3, nouv., pour l'EURL, et art. L. 227-1, al. 6, nouv., pour la SASU).

  • Allégements en faveur des apports de fonds de commerce à une société unipersonnelle

28. L'apporteur d'un fonds de commerce est tenu d'indiquer, dans l'acte d'apport, certaines informations relatives au fonds (origine de la propriété, état des privilèges et nantissements, énonciation des chiffres d'affaires des trois derniers exercices comptables, etc.). Par ailleurs, l'apport d'un fonds de commerce doit faire l'objet d'une publication dans un JAL et d'un avis au BODACC. La loi supprime ces obligations lorsque l'apport du fonds de commerce est effectué au profit d'une société détenue en totalité par l'apporteur (C. com., art. L. 141-1, mod. et L. 141-21, mod. N° Lexbase : L7632LBB par l'article 129 de la loi "Sapin II"). Cette disposition a pour objet de faciliter le passage de l'entreprise individuelle en EURL ou SASU, les obligations en cause étant inutiles en pareille hypothèse.

F - Dispositions relatives aux entreprises individuelles

29. Bien qu'ils ne soient absolument pas des sociétés, on mentionnera tout de même des dispositions relatives aux EIRL destinées à simplifier le passage du régime de l'entrepreneur individuel à celui de l'EIRL.

30. Plusieurs mesures viennent simplifier les formalités liées au passage du régime d'entrepreneur individuel à celui d'EIRL, à savoir :

- le possibilité pour l'entrepreneur de déclarer soit les valeurs nettes comptables figurant dans les comptes du dernier exercice clos s'il est tenu à une comptabilité commerciale, soit la valeur d'origine de ces éléments telle qu'elle figure au registre des immobilisations du dernier exercice clos, diminuée des amortissements déjà pratiqués, s'il n'est pas tenu à une telle comptabilité (C. com., art. L. 526-8, nouv. N° Lexbase : L7631LBA) ;

- la suppression de l'obligation d'évaluation des biens d'une valeur supérieure à 30 000 euros pour les entrepreneurs individuels qui n'ont pas opté pour l'assimilation à une EURL ou à une EARL, au sens de l'article 1655 sexies du Code général des impôts (N° Lexbase : L3841KW8 C. com., art. L. 526-10, nouv. N° Lexbase : L1994IPK) ;

- la suppression de la possibilité de rendre opposable une déclaration d'affectation professionnelle aux créanciers dont les droits sont nés antérieurement à son dépôt et suppression en conséquence de leur droit d'opposition (C. com., art. L. 526-12, nouv. N° Lexbase : L1993IPI) ;

- la suppression de la disposition selon laquelle " l'opposition formée par un créancier n'a pas pour effet d'interdire la constitution du patrimoine affecté ". Cette suppression est la conséquence de celle qui précède : dès lors que l'entrepreneur ne peut plus rendre l'affectation opposable aux créanciers antérieurs, cette mention n'est plus utile (C. com., art. L. 526-12, nouv.) ;

- l'allégement des formalités liées à la publication des documents comptables par les EIRL (C. com., art. L. 526-14, nouv. N° Lexbase : L1991IPG).

III - Entrées en vigueur

31. Toutes les dispositions précitées sont entrées en vigueur le lendemain du jour de la publication au Journal officiel de la loi Sapin "II", soit le 11 décembre 2016.

32. Il faut savoir que certaines dispositions de la loi Sapin II entreront en vigueur le 1er avril 2017. Tel est le cas de la création d'un registre public des bénéficiaires effectifs des personnes morales (art. 139). Il faut savoir également que certaines dispositions entreront en vigueur a priori courant 2017. Tel est le cas du "Say on Pay" (C. com., art. L. 225-37-2 N° Lexbase : L7433LBW) à propos duquel la loi renvoie à un décret à venir le soin de déterminer les conditions d'application de ce nouveau dispositif qui sera "applicable à compter de l'assemblée générale ordinaire statuant sur le premier exercice clos après la promulgation de la présente loi". Une telle formulation semble indiquer une entrée en vigueur dès 2017, lors des assemblées générales statuant sur l'exercice 2016. En outre, d'autres dispositions encore entreront en vigueur dans un délai de six mois à compter de la publication de la loi, soit à compter du 10 juin 2017. Tel est le cas du maintien des droits de vote double au profit de l'absorbante ou du bénéficiaire de la scission. En effet, l'article 144 de la loi a complété l'article L. 225-124 du Code de commerce (N° Lexbase : L7674LBT), son dernier alinéa disposant désormais que lorsqu'une société qui détient des droits de vote double dans une société tierce est absorbée ou scindée, ces droits de vote double sont maintenus au profit de la société absorbante, la société bénéficiaire de la scission ou la société nouvelle résultant e l'opération de fusion ou de scission.

33. Par ailleurs, la loi "Sapin II" habilite le Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnance sur les points suivants :

- suppression de l'exigence d'unanimité pour l'adoption ou la modification des clauses d'agrément dans les SAS (art. 141 de la loi et C. com., art. L. 227-10 N° Lexbase : L2556IBB) ;

- redéfinition du périmètre des conventions réglementées dans les SASU (art. 141 de la loi et C. com., art. L. 227-19 N° Lexbase : L6174AII) ;

- dépôt de projets de résolution ou de points à l'ordre du jour par les associés des SARL (art. 141) ;

- tenue des assemblées générales par recours exclusif aux moyens de visioconférence ou de télécommunication (art. 141)

- rationalisation des obligations de reporting d'information dans les sociétés par actions (art. 136), dont la dématérialisation du dépôt des comptes annuels et l'allégement du rapport de gestion des petites entreprises.

Compte tenu de l'échéance prochaine des présidentielles, et donc de tout l'aléa qui entoure ces mesures, nous nous permettons de ne pas les développer.

IV - Mesures à connaître en droit des sociétés issues d'autres législations récentes

34. Il nous paraît utile de mentionner des modifications récentes pour les praticiens du droit des affaires.

35. D'abord, l'obligation de publier l'acte de cession ou celui d'apport d'un fonds de commerce dans un JAL avait été supprimée par l'article 107 de la loi "Macron" du 6 août 2015 (loi n° 2015-990 N° Lexbase : L4876KEC). Seule subsistait, depuis le 8 août 2015, l'obligation de publier l'acte au BODACC. L'article 21 de la loi n° 2016-1524 du 14 novembre 2016, visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias (N° Lexbase : L1043LBA), réintroduit l'obligation de publier l'acte de cession et celui d'apport d'un fonds de commerce dans un JAL dans l'arrondissement ou le département dans lequel le fonds est exploité, dans les 15 jours de l'opération (C. com., art. L. 141-12, mod. N° Lexbase : L1129LBG et L. 141-21, mod. N° Lexbase : L7632LBB). Cette obligation s'applique aux opérations intervenues depuis le 16 novembre 2016. Toutefois, cette formalité ne s'applique pas aux transmissions de fonds de commerce intervenant dans le cadre d'une opération de fusion ou de scission concernant des sociétés par actions et/ou des SARL (C. com., art. L. 141-21).

36. Ensuite, la loi de finances rectificative pur 2016 indique qu'en cas de cession d'un fonds de commerce, la durée de la solidarité fiscale entre cessionnaire et cédant, et donc de la mise des fonds sous séquestre, est réduite de 90 à 30 jours à certaines conditions. En effet, en cas de cession d'une entreprise industrielle, commerciale, artisanal ou minière (à titre onéreux ou gratuit) le cessionnaire est responsable solidairement avec le cédant du paiement de la taxe d'apprentissage, de l'impôt sur le revenu (IR) ou de l'impôt sur les sociétés (IS) afférents aux bénéfices réalisés par le cédant :
- au cours de l'exercice de la cession jusqu'au jour de cette dernière ou ;
- de l'exercice précédent lorsque la cession est intervenue dans le délai normal de déclaration et qu'ils n'ont pas été déclarés par le cédant avant la date de la cession (CGI, art. 1684, 1, al. 1er N° Lexbase : L7673LBS).

En pratique, le prix de cession fait l'objet d'un séquestre, chez un avocat ou notaire, en garantie du paiement des impôts dus à échoir.

Le délai de cette solidarité, actuellement fixé à 90 jours, peut désormais être réduit à 30 jours lorsque trois conditions sont cumulativement remplies :
- l'administration fiscale est avisée de la cession par le dépôt de la déclaration de cession dans le délai légal de 45 jours (CGI, art. 201, 1 N° Lexbase : L1131LBI) ;
- le cédant a déposé sa déclaration de résultats, qu'il relève du régime réel ou micro, dans le délai légal de 60 jours (CGI, art. 201, 3 et 3 bis) ;
- le cédant respecte, au dernier jour du mois qui précède la vente ou la cession du fonds, ses obligations déclaratives et de paiement en matière fiscale.

L'objectif est d'accélérer le déblocage du prix de vente pour permettre au cédant de réinvestir plus rapidement. Toutefois, si l'une de ces conditions n'est pas remplie, le délai durant lequel le cessionnaire est solidairement responsable demeure de 90 jours.

Le point de départ du délai (de 30 ou 90 jours) est également modifié. Il commence à courir au jour du dépôt de la déclaration de résultats et non de la déclaration de cession (CGI, art 1684, 1 mod. par "LFR 2016", art. 25, I).

Cette mesure s'applique aux cessions de fonds de commerce réalisées à compter du 1er janvier 2017 ("LFR 2016", art. 25, II).

37. On rappellera enfin que la loi "Justice XXIème siècle" (loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 N° Lexbase : L1605LB3), outre de modifier un peu le droit des entreprises en difficulté, ratifie l'ordonnance sur le gage de stocks et réécrit les articles 2061 du Code civil (N° Lexbase : L2433LBQ) concernant la clause compromissoire (6) et l'article L. 721-3 du Code de commerce (N° Lexbase : L2718LBB) posant les trois chefs de compétence ratione materiae du tribunal de commerce (7).

38. Bref, il faut un certain courage à tous ceux qui enseignent et/ou pratiquent le droit des affaires !


(1) Cons const., décision n° 2016-741 DC, du 8 décembre 2016 (N° Lexbase : A1548SPZ), Dalloz Actualité, 13 décembre 2016, obs. M.-C. de Montecler.
(2) Cf. not., V. Téchené, Loi "Sapin II" : création d'une obligation de prévention et de détection des risques de corruption visant le grandes sociétés, Lexbase, éd. aff., 2016, n° 494 (N° Lexbase : N6135BW7).
(3) V., H. Le Nabasque, Le Say on Pay contraignant, Bull. Joly Sociétés, septembre 2016, p. 461 ; T. de Ravel d'Esclapon, Loi Sapin 2 : modifications concernant les sociétés par actions, Dalloz Actualité, 5 janvier 2017.
(4) Sur ce texte v., B. Lecourt, Premiers regards sur l'ordonnance n° 2016-315 du 17 mars 2016 relative au commissariat aux comptes, adaptant le droit français au droit européen, Rev. sociétés, 2016, p. 332 ; J.-F. Barbièri, L'audit légal réformé par ordonnance (Ord. n° 2016-315, 17 mars 2016), Bull. Joly Sociétés, mai 2016, n° 114y6, p. 294. V. égal. La modification du régime du commissariat aux comptes, BRDA, 8/2016, p. 18, spéc. n° 12 ; J.-L. Navarro, Réforme de l'audit (Ord. n° 2016-315, 17 mars 2016 ; D. n° 2016-1026, 26 juill. 2016), JCP éd. E, 2016, 1546, spéc. n° 26 et s. ; M. Roussille, Dr. sociétés, 2016, comm. 102.
(5) En ce sens, Cass. com., 8 avril 2008, n° 06-15.193, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8042D7Y).
(6) M. Danis et M. Valentini, L'impact de la réforme de la clause d'arbitrage dans la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, JCP éd. E, 2016, 1003 ; L. Thibierge, Les conventions relatives aux litiges dans la loi J21, AJ contrats, décembre 2016, p. 523 ; D. Vidal, Justice du XXIème siècle : l'impact de l'article 11 alinéa 3 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 dans le domaine de l'arbitrage, Lexbase, éd. priv., 2016, n° 681 (N° Lexbase : N5777BWU).
(7) La nouvelle mouture de l'article L. 721-3 du Code de commerce n'entrera en vigueur que le 1er janvier 2022.

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