La lettre juridique n°406 du 2 septembre 2010 : Fonction publique

[Doctrine] Loi du 5 juillet 2010, relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique : la fin de la spécificité du dialogue social dans la fonction publique ?

Réf. : Loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010, relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique (N° Lexbase : L6618IM3)

Lecture: 22 min

N7009BPB

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Doctrine] Loi du 5 juillet 2010, relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique : la fin de la spécificité du dialogue social dans la fonction publique ?. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3211109-commente-dans-la-rubrique-bfonction-publique-b-titre-nbsp-iloi-du-5-juillet-2010-relative-a-la-renov
Copier

par Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Metz

le 07 Octobre 2010

En raison de leur statut, les fonctionnaires n'ont pas bénéficié aussi rapidement que les salariés du secteur privé des développements du droit social depuis la reconnaissance, par la loi "Waldeck Rousseau" du 21 mars 1884, des syndicats professionnels. Les fonctionnaires ne sont pas des employés comme les autres. Ils restent soumis à un régime juridique exorbitant du droit commun. La conception française du rôle de l'Etat dans la société a déterminé le mode de régulation de ses rapports avec ses agents : la place reconnue à la puissance publique dans la définition de l'intérêt général justifie la prédominance du principe hiérarchique dans son organisation, et, par conséquent, la situation statutaire des fonctionnaires. C'est l'Etat employeur qui fixe unilatéralement les conditions d'emploi de ses agents, ainsi que l'étendue de leurs droits et de leurs obligations, sans qu'ils puissent y opposer de droits acquis, ni faire valoir de quelconques arrangements particuliers conclus entre eux et l'administration. Les temps, cependant, ont changé depuis la fin du XIXème siècle et les intérêts professionnels des agents publics ont, petit à petit, été reconnus et organisés, principalement depuis l'après guerre (1). Après que le droit syndical et le droit de grève aient été consacrés au niveau constitutionnel dans le préambule de la Constitution de 1946 (2), le premier statut officiel des fonctionnaires du 19 octobre 1946 (3) a reconnu des dispositifs de participation (4) et de dialogue avec les représentants des agents, sans que cela remette en cause la position statutaire et règlementaire. Il a défini le cadre du dialogue social en prévoyant que les fonctionnaires participent à l'organisation et au fonctionnement des services publics, à l'élaboration des règles statutaires et à l'examen des décisions individuelles relatives à leur carrière par l'intermédiaire de délégués siégeant au sein d'organismes consultatifs. La plupart de ces organismes se composant a parité de représentants des personnels et de représentants de l'employeur, et la négociation d'accords n'ayant qu'un rôle secondaire par rapport aux instances paritaires (5). Par comparaison avec le cadre juridique du secteur privé, cette organisation du dialogue social va plus loin en associant les syndicats aux actes de gestion des carrières individuelles. En revanche, le statut ne comporte, en 1946, aucune référence à la négociation, et c'est sans base juridique que celle-ci a pris corps à partir de 1968, essentiellement sur les salaires (6). Depuis cette date, l'extension de la négociation à des champs nouveaux ne se fonde sur aucun texte, puisque les syndicats ne peuvent en théorie que "débattre" des conditions et de l'organisation du travail. Au demeurant, qu'il s'agisse des salaires ou d'autres sujets, l'accord auquel peut conduire une négociation n'a pas de valeur juridique propre, et ne lie ses signataires que sur le plan moral et politique. Il s'ensuit que la négociation dans la fonction publique, particulièrement la fonction publique de l'Etat, revêt un caractère exceptionnel même si le cadre statutaire de concertation a, néanmoins, été débordé par le développement empirique des pratiques de négociation, plusieurs accords ayant été négociés depuis les années 1990, hors accords salariaux (7). Ces accords ont parfois été repris par la loi et les règlements donnant une valeur normative aux engagements pris. Ces accords allant même jusqu'à être, pour certains, publiés au Journal officiel (8).

Cette organisation du dialogue social dans la fonction publique, qui a été peu modifié depuis 1946, apparaît aujourd'hui en décalage croissant avec la pratique actuelle du dialogue social. En 1946, ce dialogue social fut conçu comme un compromis visant à contrebalancer la rigidité de la subordination statutaire par une consécration des garanties individuelles et collectives des fonctionnaires. Ce compromis fondateur s'est, ainsi, forgé dans une optique plus protectrice que partenariale. Celle-ci ne semble plus entièrement satisfaisante. Le cadre fixé par le statut général a vieilli : le fonctionnement des instances consultatives cède souvent à la tentation d'un formalisme peu productif, la participation et l'expression directe des agents se développent, la question des relations entre dialogue social et dialogue avec les usagers est ouvertement posée, enfin le développement d'une logique de négociation, mieux adaptée à l'évolution des relations sociales dans notre société, rencontre des obstacles liés au contexte juridique et culturel propre à la fonction publique.

Fort de ce constat depuis longtemps dressé des imperfections de ce dialogue social dans la fonction publique (9), un cycle de négociation de quatre mois a officiellement été lancé par le Premier ministre le 4 février 2008. Ces négociations ont été précédées de concertations d'une très grande densité entre le Gouvernement, les représentants des employeurs publics et les organisations syndicales des trois versants de la fonction publique dans le cadre des conférences sociales organisées entre les mois de septembre 2007 et de janvier 2008. Ces négociations ont pu être menées conjointement et en cohérence avec les négociations du secteur privé qui ont donné lieu successivement à la "position commune sur la représentativité" du 10 avril 2008 (10), puis à la promulgation de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (11). Les évolutions en cours dans le secteur public et le secteur privé obéissent à des objectifs similaires : fonder le dialogue social sur des organisations fortes et légitimes et promouvoir la négociation dans une logique d'autonomie des acteurs.

La signature des accords de Bercy, le 2 juin 2008 (12), à la fin de ce cycle de négociation constitue, en ce sens, un tournant historique pour la fonction publique. Ces accords prévoient, pour la première fois, une série de mesures législatives et réglementaires de nature à moderniser les pratiques du dialogue social et le fonctionnement des instances consultatives. Ils ouvrent une nouvelle ère de démocratie sociale dans la fonction publique autour de deux principes clés : un dialogue social plus large et plus efficace et des acteurs plus légitimes et plus responsables. C'est le premier accord, fruit d'une négociation, sur le dialogue social et son organisation au sein de la fonction publique depuis sa fondation en 1946.

La loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 (N° Lexbase : L6618IM3) (13) constitue la première étape de la mise en oeuvre des accords de Bercy. A ce sujet, le projet de loi aura parcouru un bien long chemin depuis la conclusion de ces derniers. L'avant projet de loi a été présenté aux syndicats en novembre 2008 et a été plutôt mal accueilli. Le projet de loi définitif est présenté le 1er avril 2009 en Conseil des ministres et déposé à l'Assemblée nationale en avril 2009, et était encore en cours d'examen au Sénat début juin 2010. De nombreux amendements ont été déposés auprès des deux assemblées, y compris par le Gouvernement (14).

La loi s'articule autour de quatre orientations : d'abord, en premier lieu, conforter la légitimité des organisations syndicales de fonctionnaires en faisant de l'audience une condition de la légitimité syndicale, puis, en second lieu, promouvoir la négociation dans la fonction publique afin de favoriser le développement des pratiques de négociation à tous les niveaux de l'administration. Le champ de la négociation est étendu à tous les domaines, au-delà des seules questions relatives à l'évolution des rémunérations. Les deux dernières orientations concernent, respectivement, le renforcement du rôle et l'amélioration du fonctionnement des organismes consultatifs où une nouvelle instance supérieure de concertation commune aux trois fonctions publiques est instituée, le Conseil supérieur de la fonction publique (15) et, enfin, la confortation et l'amélioration des droits et moyens des organisations syndicales, notamment en consolidant les droits et garanties des personnels investis des mandats syndicaux.

Par ailleurs, cette loi comporte diverses dispositions concernant l'intéressement des agents des trois fonctions publiques (16), la carrière des fonctionnaires avec la prolongation de l'expérimentation de l'entretien professionnel et la création d'un grade fonctionnel dans la catégorie A (17). La disposition la plus médiatisée et la plus controversée rajoutée dans la loi étant issue d'une lettre rectificative, présentée au Conseil des ministres du 23 février 2010 qui modifie le régime de retraite des quelques 270 000 personnels infirmiers de l'hôpital public (18).

Au final, l'on peut dire que le texte modifie profondément les règles encadrant l'action syndicale et le dialogue social dans la fonction publique. Il débouche sur une nouvelle pratique du dialogue social à travers, notamment, l'extension du champ de la négociation et la reconnaissance des conditions de validité des accords collectifs (I), ainsi que sur une nouvelle définition de la représentativité syndicale à travers la reconnaissance de l'audience comme condition de la légitimité syndicale (II).

I - Une pratique nouvelle du dialogue social

La nouvelle pratique du dialogue social dans la fonction publique se matérialise dans la loi à travers l'extension des pratiques de négociation à tous les niveaux de l'administration. Le champ de la négociation est étendu à tous les domaines, au-delà des seules questions relatives à l'évolution des rémunérations (A). La loi précise, également, les critères déterminant les conditions de validité des accords conclus dans la fonction publique (B).

A - L'extension du champ de la négociation

Dans le droit de la fonction publique, la place de la négociation institutionnelle est limitée. C'est l'article 8 de la loi n° n° 83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires (N° Lexbase : L6938AG3), qui reconnaît la compétence des organisations syndicales pour négocier avec le Gouvernement, mais cette négociation est limitée au seul domaine salarial, à savoir la détermination de l'évolution des rémunérations. C'est dans ce cadre que le ministre chargé de la Fonction publique rencontre, chaque année, les syndicats pour arrêter l'augmentation du point d'indice. Pour les conditions et l'organisation du travail, le législateur n'avait prévu jusque là que le droit d'en débattre avec les autorités de gestion. Si un dialogue social s'est développé en dehors de ce cadre statutaire et au-delà du champ de la négociation prévu par le statut, le législateur, par la présente loi, met le droit en cohérence avec la pratique en développant la négociation sur de nouveaux thèmes porteurs de modernisation en matière de gestion des ressources humaines (19). Encore largement centralisée, notamment au sein de la fonction publique de l'Etat, la négociation va être développée à tous les niveaux de dialogue pertinents. Une négociation pourra être conduite, dans le respect des principes du statut général et, en particulier, des compétences définies pour chaque autorité administrative, à tous les niveaux pertinents de l'organisation administrative : au plan national, qu'il s'agisse des trois fonctions publiques ou de chaque fonction publique ; au plan local, au niveau d'un service central ou déconcentré ; au niveau ministériel, voire interministériel. Les thèmes de négociation identifiés ci-dessus auront vocation à faire l'objet de négociation à chaque niveau de décision pertinent, compte tenu de la compétence et de l'autonomie qui leur sont conférés par les dispositions statutaires et réglementaires.

Le livre blanc de 2002 précité a aussi dressé un constat assez alarmiste sur la qualité de la négociation dans la fonction publique, constatant, en particulier, un échange purement formaliste et peu constructif dans les instances paritaires. Le fonctionnement des commissions administratives paritaires, en tant que garantes de la transparence et de l'équité dans la gestion, est globalement satisfaisant, mais les comités techniques paritaires et les comités techniques d'établissement suscitent beaucoup plus de critiques (20). Le fonctionnement des comités techniques étant souvent dominé par le formalisme institutionnel, ceux-ci sont alors sans véritable valeur ajoutée pour le dialogue social. C'est la composition paritaire qui, selon le livre blanc, tend à renforcer le formalisme de ces instances : dans les services de l'Etat en particulier, les fonctionnaires désignés au titre de la parité administrative sont muets et votent de manière monolithique pour soutenir les propositions de l'administration, ce qui est d'ailleurs normal puisqu'ils la représentent. Une opposition de tous les syndicats se traduit par un "partage des voix", et il suffit à l'administration de convaincre une seule organisation syndicale pour se prévaloir d'un "avis favorable" du comité technique paritaire.

Bien que les avis soient partagés sur l'impact de la réforme opérée en 1991 dans le secteur hospitalier, il semble que la suppression du paritarisme ait clarifié le fonctionnement des comités techniques, désormais clairement positionnés en tant qu'instances d'échanges entre les organisations syndicales et une direction responsable appelée à justifier ses choix et à faire l'effort de convaincre ses interlocuteurs. C'est en ce sens que la loi supprime, malgré les craintes et les résistances, le paritarisme dans les différents organes consultatifs, fruit pourtant d'une âpre bataille, notamment dans la fonction publique territoriale. Cette évolution devrait donner un nouveau sens à l'expression des organisations syndicales, en mettant davantage en avant leurs positions respectives et en plaçant plus nettement l'administration devant ses responsabilités, tout en permettant que ceux qui la représentent soient les interlocuteurs les plus concernés en fonction de l'ordre du jour.

B - La reconnaissance des conditions de validité des accords collectifs

Les accords collectifs sur lesquels les négociations, salariales ou autres, débouchent ont toujours été tenus par la jurisprudence comme dépourvus de valeur juridique et de force contraignante (21). Il y a deux raisons pour lesquelles la logique contractuelle ne parvient pas réellement à s'introduire. D'une part, le statut ne peut être modifié par les accords et ceux-ci ne peuvent pas non plus y déroger. Il en va de même pour tous les protocoles d'accord, quel que soit leur objet. Cette règle correspond à un grand principe du droit selon lequel il ne peut être dérogé à une norme générale et règlementaire par convention. Les accords ne confèrent donc aucun droit acquis. D'autre part, la logique statutaire impose que les agents soient placés sur un pied d'égalité et qu'ils ne peuvent négocier pour obtenir des avantages qui leurs soient particuliers. Les organisations syndicales ne peuvent donc pas conclure de conventions collectives contraignantes avec les employeurs publics et la négociation a davantage pour objet de faire participer les représentants des fonctionnaires le plus en amont possible à la prise de décision que d'améliorer directement le statut. C'est la mission des organismes consultatifs et paritaires de la fonction publique : les conseils supérieurs de la fonction publique, les comités techniques paritaires et les commissions administratives paritaires.

Dans une logique de responsabilisation de chacun des acteurs, et pour permettre de conforter la valeur politique de la signature, la loi définit un ou plusieurs critères attestant de la "validité" d'un accord. Il s'agit de déterminer les conditions dans lesquelles la signature d'un accord et les mesures prises pour son application pourront être reconnues comme légitimes aux yeux des parties prenantes à la négociation. L'objectif est de promouvoir à terme (2014) l'accord majoritaire en voix comme l'unique critère de validité des accords. A titre transitoire, jusqu'au 31 décembre 2013 au plus tard, la validité d'un accord sera subordonnée au respect de deux conditions : la signature par au moins deux organisations syndicales ayant recueilli conjointement au moins 20 % des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles, et l'absence d'opposition d'une ou plusieurs organisations syndicales ayant recueilli la majorité des suffrages à ces mêmes élections (un bilan de ce nouveau dispositif sera établi au 31 décembre 2010).

II - Une définition nouvelle de la représentativité syndicale

C'est la structuration des syndicats eux-mêmes, leur évolution, leurs scissions soit, en quelque sorte, la recomposition syndicale, qui amène à faire de la représentativité syndicale une question délicate. Cette représentativité était jusqu'à aujourd'hui "présumée" ou "prouvée" (A), faisant en sorte d'empêcher l'accès aux élections des organisations les plus récentes au profit des syndicats les plus anciens, depuis longtemps en place mais qui pouvaient avoir une audience plus faible. Le texte de loi fait désormais de l'audience aux élections professionnelles un critère clair et plus légitime de la représentativité syndicale (B).

A - L'abandon d'une représentativité "présumée" ou "prouvée"

La représentativité des syndicats dans la fonction publique devait, jusqu'à l'adoption du texte de loi commenté, s'apprécier au regard d'un double critère : les conditions posées par le Code du travail et la présomption instituée par le statut général. L'article L. 2121-1 du Code du travail (N° Lexbase : L3727IBN) (22) fixait six conditions à la reconnaissance de la représentativité d'une organisation : ses effectifs, son indépendance, ses cotisations, l'expérience et l'ancienneté du syndicat, ainsi que son attitude patriotique pendant l'occupation. Ces critères étaient normalement cumulatifs mais ils n'étaient pas d'importance comparable pour l'appréciation de la représentativité. La jurisprudence était parfois fluctuante sur les modalités de prise en compte de chacun de ses critères sachant qu'en pratique, il était surtout tenu compte de l'audience du syndicat lors des élections professionnelles (23).

L'article 9 bis de la loi du 13 juillet 1983 créait, quant à lui, une présomption de représentativité à l'égard des syndicats et unions de syndicats qui remplissent les conditions qu'il pose à savoir, soit disposer d'un siège dans chacun des trois conseil supérieurs (CSFPE, CSFPT, CSFPH), soit recueillir au moins 10 % de l'ensemble des suffrages exprimés lors des élections aux commissions administratives paritaires nationales de l'ensemble de la fonction publique, et au moins 2 % des suffrages exprimés de ces mêmes élections dans chaque fonction publique.

Concernant le premier critère, pour le CSFPE, la répartition des sièges entre les organisations est effectuée, d'une part, en accordant un siège à chacune des organisations dont la représentativité s'étend à un nombre important de ministères et de professions exercées par les fonctionnaires de l'Etat et, d'autre part, en répartissant les sièges restant à pourvoir à la représentation professionnelle des résultats des élections aux commissions administratives paritaires. Aujourd'hui six fédérations d'organisations syndicales satisfont à ce critère : CGT, CFDT, CGT-FO, UNSA, CFTC et CGC. Tel n'est pas le cas de la FSU dans la mesure où elle n'est implantée que dans la seule fonction publique de l'Education nationale, et si elle dispose bien d'une représentativité qui s'étend à un nombre important de ministères, celle-ci ne couvre pas un nombre important de professions exercées par les fonctionnaires de l'Etat (25). A l'opposé, l'Union syndicale Solidaires fonctions publiques et assimilés a été admise parmi les organisations représentatives au niveau national parce qu'elle dispose parmi ses membres d'un (ou plusieurs) syndicat(s) qui représente (nt) les agents d'autres fonctions publiques, voire aussi des agents du secteur privé (26). Concernant le second critère, si les mêmes six fédérations satisfont à ces conditions, tel n'est pas le cas de la FSU dans la mesure où elle est implantée dans la seule fonction publique de l'Etat (cependant, malgré les termes de la loi n° 96-1093, le ministre de la Fonction publique la convie aux différentes négociations qu'il organise).

Ces règles relatives à la représentativité syndicale ont permis de favoriser le regroupement syndical et ont atteint, en ce sens, leur objectif mais elles ont été largement contestées. Le principe de représentativité présumée rend difficile l'émergence de nouveaux syndicats à l'audience plus forte que des syndicats plus anciens, puisque chacun des trois statuts réserve l'accès au premier tour des élections professionnelles à ces syndicats présumés représentatifs. Il ne sera procédé à un second tour auquel toute organisation peut se présenter qu'en l'absence de candidature au premier tour, ou si le nombre des votants est inférieur au quorum fixé par décret. De plus, lorsque les représentants du personnel sont désignés, la répartition des sièges entre les organisations syndicales se fait aussi en fonction de leur représentativité, appréciée par l'administration. Cela peut conduire à faire siéger des organisations syndicales qui ont une audience réduite aux dépens d'autres qui ont obtenu plus de voix sachant, qu'en outre, l'attribution d'un siège à un conseil supérieur a des conséquences sur la répartition des moyens syndicaux, notamment les subventions de formation et les décharges de service. Les décisions administratives de refus sont, en ce sens, fréquemment contestées (27).

B - La reconnaissance de l'audience comme condition de la légitimité syndicale

Le texte de loi conforte la légitimité des organisations syndicales de fonctionnaires en faisant de l'audience une condition de la légitimité syndicale. Pourront, désormais, se présenter les syndicats qui sont légalement constitués depuis au moins deux ans et qui satisfont aux critères de respect des valeurs républicaines (28) et d'indépendance. La présomption de représentativité et la condition de représentativité pour se présenter au premier tour sont supprimées. Les organisations syndicales affiliées à une union ou confédération de syndicats représentative au niveau national dans une fonction publique seront réputées, sauf preuve contraire, remplir ces conditions dans cette fonction publique. La présence au sein d'un conseil supérieur de la fonction publique attestera cette représentativité.

Le nouveau dispositif est mis en oeuvre pour les principales instances de concertation de la fonction publique : comités techniques et commissions administratives paritaires, comités consultatifs nationaux.... En outre comme les comités techniques de la fonction publique territoriale et les comités techniques d'établissement de la fonction publique hospitalière, les comités techniques de l'Etat seront désormais élus directement par les agents qu'ils représentent. Le principe de l'élection est généralisé dans un souci de représentation systématique des personnels de l'Etat, quels qu'ils soient, au sein de ces instances, comme de meilleure lisibilité, et surtout afin de donner aux comités techniques la même légitimité qu'aux actuelles commissions administratives paritaires, dans la logique de la distinction et de l'équilibre entre le grade et l'emploi au coeur de notre fonction publique de carrière.

Ce principe doit jouer pour les comités techniques au niveau le plus proche des agents comme au niveau des comités techniques ministériels en gardant la possibilité d'autres modes de constitution en fonction des besoins particuliers (par exemple, le comité technique spécial interservices). Ainsi, chaque agent élira ses représentants dans deux comités techniques au moins. Au sein de la fonction publique de l'Etat, il appartiendra à chaque ministère d'identifier le niveau d'élection locale le plus approprié.

Les règles de composition des conseils supérieurs de la fonction publique évoluent, également, pour assurer une représentation plus complète des personnels. Le collège des représentants des organisations syndicales sera composé à partir des résultats des élections qui tout à la fois assurent l'assiette la plus large et la plus homogène, incluant l'ensemble des agents titulaires et non titulaires, et qui prennent le mieux en compte la communauté des intérêts des agents publics, à savoir les élections aux comités techniques paritaires et non plus aux commissions administratives paritaires. Pour la composition du CSFPE, seront pris en compte les résultats des élections aux comités techniques ministériels. Le CSFPT et le CSFPH seront, quant à eux, composés à partir des résultats agrégés des comités techniques. L'objectif à terme est que le mode de composition des conseils supérieurs de la fonction publique soit fondé exclusivement sur le résultat des élections.

Enfin, afin de marquer l'importance des élections professionnelles mais aussi d'harmoniser la durée des mandats entre les trois versants de la fonction publique, les cycles électoraux sont harmonisés, les mandats de l'ensemble des instances de consultation étant fixés à quatre ans. Un dispositif transitoire sera mis en place en concertation avec les organisations syndicales.


(1) De 1884 à 1946, les syndicats de fonctionnaires s'étaient développés dans l'illégalité, même si leur force politique et sociale avait conduit progressivement la plupart des Gouvernements à accepter de discuter avec eux. La logique de la souveraineté de l'Etat et du pouvoir hiérarchique justifiait alors, en conformité avec la tradition française de la fonction publique, qu'on refuse au fonctionnaire toute autonomie, qu'elle soit individuelle ou collective.
(2) A l'exception de certaines catégories participant directement à l'exercice de la force publique : les préfets et sous-préfets n'ont pas le droit syndical, les militaires de carrière n'ont ni le droit syndical, ni la liberté d'association. Ont le droit de se syndiquer mais ne disposent pas du droit de grève : les personnels des compagnies républicaines de sécurité, les personnels de police, les personnels des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire, les personnels du service des transmissions du ministère de l'Intérieur, les magistrats.
(3) Loi n° 46-2294 du 19 octobre 1946, relative au statut général des fonctionnaires (N° Lexbase : L1807IEN).
(4) Dans une décision n° 77-83 DC du 20 juillet 1977 (N° Lexbase : A7957ACP), le Conseil constitutionnel a confirmé que le principe de participation a valeur constitutionnelle et a jugé qu'il s'applique dans la fonction publique. Ce droit à la participation est formulé de la manière suivante : "Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises".
(5) C'est dans ce cadre que se concrétise le principe de participation fixé par l'article 9 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires (N° Lexbase : L6938AG3) (JO, 14 juillet 1983, p. 2174), dite loi "Le Pors" en se déclinant dans plusieurs types d'instances : conseils supérieurs de la fonction publique, commissions administratives paritaires, comités techniques paritaires et comités techniques d'établissement, comités d'hygiène et de sécurité. Les règles régissant la composition, les compétences, le fonctionnement des différentes instances consultatives sont fixées par les textes particuliers à chacune des trois fonctions publiques, avec de nombreuses différences dans les modalités d'application, mais les principes généraux sont les mêmes.
(6) L'article 8 de la loi du 13 juillet 1983 a remis le droit en accord avec les faits en reconnaissant la négociation salariale dans une formulation qui reste ambiguë : "Les organisations syndicales de fonctionnaires ont qualité pour conduire au niveau national avec le Gouvernement des négociations préalables à la détermination de l'évolution des rémunérations et pour débattre avec les autorités chargées de la gestion, aux différents niveaux, des questions relatives aux conditions et à l'organisation du travail".
(7) Les accords interministériels sont rares : l'on peut citer, à titre d'exemple, les accords-cadres sur la formation continue (1989, 1992, 1996) déclinés par des accords négociés dans chaque ministère, le protocole d'accord sur l'hygiène et la sécurité (1994), ou encore le protocole d'accord sur l'emploi des travailleurs handicapés (2001).
(8) Le protocole "Durafour" du 9 février 1990 (JO, 3 avril 1990, p. 4494), conclu entre le Gouvernement et plusieurs organisations syndicales, prévoit une rénovation de la grille des classifications et des rémunérations des trois fonctions publiques, afin qu'elle "prenne mieux en considération les nouvelles qualifications mises en oeuvre par les agents publics au service de la collectivité et favorise la motivation de ces mêmes agents dans la recherche d'une plus grande efficacité et d'un meilleur service rendu".
(9) J. Fournier avec la collaboration de Mme M.-A. du Mesnil du Buisson, Livre blanc sur le dialogue social dans la fonction publique, La Documentation française, 2002.
(10) Position commune du 9 avril 2008 sur la représentativité, le développement du dialogue social et le financement du syndicalisme.
(11) Loi n° 2008-789 du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (N° Lexbase : L7392IAZ) (JO, 21 août 2008, p. 13064).
(12) Accord relatif à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique signé par six des huit organisations syndicales représentatives de la fonction publique. Les organisations signataires étaient l'Union générale des fédérations de fonctionnaires CGT, l'Union des fédérations CFDT des fonctions publiques et assimilés, la Fédération syndicale unitaire (FSU), l'Union des fédérations de fonctionnaires UNSA-fonctionnaires, l'Union syndicale Solidaires fonctions publiques et assimilés et l'Union fédérale des cadres des fonctions publiques CFE-CGC. Parmi les organisations syndicales représentatives dans les trois fonctions publiques, seules la Fédération générale des fonctionnaires FO et la Fédération générale des fonctionnaires CFTC ont refusé de signer le relevé de conclusions.
(13) JO, 6 juillet 2010, p. 12224.
(14) A noter qu'à l'exception des dispositions relatives à la négociation qui sont d'application directe, ses dispositions requièrent l'intervention de décrets d'application. Ces décrets, notamment ceux relatifs aux instances de concertation, devraient être publiés d'ici la fin de l'année afin de permettre l'entrée en vigueur la plus rapide possible des nouvelles règles issues des accords de Bercy.
(15) A côté des conseils supérieurs des trois fonctions publiques (CFSPT, CSFPE et CSFPH), la loi prévoit la création d'un Conseil commun de la fonction publique, destiné à connaître toute question d'ordre général commune aux trois fonctions publiques, à l'exception des textes spécifiques à chaque fonction publique. La commission des lois du Sénat avait insisté sur ce dernier point : l'examen des textes spécifiques à chaque fonction publique doit continuer de relever de chaque conseil supérieur concerné, même lorsqu'il s'agit de décrets d'application des modifications du statut général.
(16) L'article 38 de la loi du 5 juillet 2010 vient compléter l'article 20 du statut général de la fonction publique concernant la rémunération des agents fonctionnaires pour préciser que les indemnités qui leur sont versées peuvent tenir compte des fonctions et des résultats professionnels des agents, ainsi que de la performance collective des services. L'article 88 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, portant statut de la fonction publique territoriale (N° Lexbase : L7448AGX), est modifié en conséquence.
D'une part, les collectivités territoriales et les établissements publics pourront instaurer une prime individuelle au mérite. Afin de faciliter la mobilité entre fonctions publiques, les conditions d'attribution de cette prime devront être harmonisées entre la fonction publique d'Etat et la fonction publique territoriale. C'est pourquoi la loi prévoit que lorsque les services de l'Etat servent de référence, la prime doit comprendre une part liée à la fonction et une part liée aux résultats. En outre, et en vertu du principe de parité, la prime de fonction et de résultat pourra être mise en place lors de la première modification du régime indemnitaire de la collectivité qui suivra l'entrée en vigueur de la prime de fonction et de résultat dans les services de l'Etat.
D'autre part, les collectivités qui le souhaitent pourront, après avis du comité technique, instituer une prime d'intéressement en tenant compte de la performance collective des services. Un décret en Conseil d'Etat précisera les conditions d'attribution de cette prime.
(17) Le GRAF : celui-ci étant un étage supplémentaire de rémunération. Ce nouveau grade d'avancement dans le corps de catégorie A permet de récompenser les parcours professionnels sur des postes à forts enjeux et avec des responsabilités plus importantes pour valoriser les parcours accomplis et reconnaître la prise de responsabilité. L'objectif du Gouvernement étant de mieux tenir compte du mérite pour les cadres.
(18) Il est ajouté au texte de la loi des dispositions prenant en compte, dans son volet concernant la retraite, le protocole d'accord du 2 février 2010 sur le passage des infirmiers en catégorie A (diplôme d'infirmier reconnu équivalent à une licence) issu de négociations avec les syndicats représentant les personnels du secteur.
Les nouveaux personnels infirmiers et paramédicaux intégrant le nouveau corps verront l'âge de leur départ aligné sur celui des personnels du secteur privé exerçant la même profession (60 ans contre 55 aujourd'hui). Les anciens personnels pourront choisir le reclassement dans les nouveaux corps de catégorie A avec alignement sur le droit commun pour l'âge possible de départ à la retraite (60 ans aujourd'hui), ou le maintien dans la situation actuelle (classement en catégorie active avec possibilité de départ à 55 ans) avec une revalorisation salariale diminuée. Ce dispositif sur la retraite découle de la reconnaissance du diplôme d'infirmier au niveau licence. Cette reconnaissance sera automatique pour les étudiants ayant commencé leurs études à partir de 2009 et leur vaudra, à partir de 2012, d'être en catégorie A de la fonction publique hospitalière (et non plus en catégorie B comme aujourd'hui). Les infirmières en poste auront six mois pour faire leur choix à partir de la publication du décret qui suivra la promulgation de la loi. Les infirmières ayant opté pour la catégorie A pourront bénéficier de la revalorisation dès décembre 2010.
(19) Ainsi, l'article 8 de la loi du 13 juillet 1983 mentionnera expressément, outre la détermination de l'évolution des rémunérations, les domaines suivants : déroulement des carrières et promotion professionnelle ; formation professionnelle et continue ; action sociale et protection sociale complémentaire ; hygiène, sécurité et santé au travail ; insertion professionnelle des personnes handicapées. Par ailleurs, les questions relatives aux conditions et à l'organisation du travail mentionnées à l'article 8 seront plus clairement désignées comme des thèmes de négociation à part entière.
(20) Leur compétence consultative porte essentiellement sur les questions d'organisation et de fonctionnement des services, de modernisation des méthodes et techniques de travail, sur les politiques de formation et les critères de répartition des primes.
(21) Voir, par exemple, CE 5° et 3° s-s-r., 15 octobre 1971, n° 78788, Syndicats nationaux indépendants et professionnels CRS (N° Lexbase : A0690B83), Rec. CE, p. 611 ; CE 4° et 5° s-s-r., 19 juin 2006, n° 279877, Syndicat national unifié des impôts (N° Lexbase : A9802DPQ), Dr. Soc., 2006, p. 890, concl. Y. Struillou.
(22) Introduit par la loi n° 2008-67 du 21 janvier 2008 (N° Lexbase : L7792H3Y), ratifiant l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007, relative au Code du travail (partie législative) (N° Lexbase : L6603HU4) (JO, 22 janvier 2008, p. 1122).
(23) Le Conseil d'Etat a, par exemple, indiqué qu'il appartient à l'administration de prendre en cause l'audience d'une organisation qui demande à être reconnue comme représentative : CE 1° s-s., 5 novembre 2004, n° 257878, Union nationale des syndicats autonomes (N° Lexbase : A8364DD7).
(24) Introduit par la loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996, relative à l'emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d'ordre statutaire (N° Lexbase : L1809ASS) (JO, 17 décembre 1996, p.18512).
(25) CE 1° et 6° s-s-r., 7 août 2008, n° 305035, Fédération syndicale unitaire (N° Lexbase : A0737EAK).
(26) CE 8° s-s., 5 novembre 2004, n° 252102, Union organisations fonctionnaires et assimilés - Groupe des dix solidaires (N° Lexbase : A9085DDT), AJDA, 2004, p. 2391, chron. C. Landais et F. Lenica ; CE 3° et 8° s-s-r., 21 décembre 2006, n° 287812, Union syndicales Solidaires fonctions publiques et assimilés (N° Lexbase : A1460DTA).
(27) Par exemple, l'Union syndicale Solidaires a contesté avec succès le refus du Gouvernement de lui accorder un siège préciputaire au CSFPE : CE, 21 décembre 2006, n° 287812, précité.
(28) Le respect des valeurs républicaines implique le respect de la liberté d'opinion, politique philosophique ou religieuse, ainsi que le refus de toute discrimination, de tout intégrisme et de toute intolérance.

newsid:397009

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.