La lettre juridique n°395 du 20 mai 2010 : Entreprises en difficulté

[Chronique] Chronique mensuelle de droit des entreprises en difficulté de Pierre-Michel Le Corre et Emmanuelle Le Corre-Broly - Mai 2010

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le 07 Octobre 2010


Lexbase Hebdo - édition privée générale vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique de Pierre-Michel Le Corre et Emmanuelle Le Corre-Broly, retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en matière de procédures collectives. Ont été sélectionnés, ce mois-ci, deux arrêts : tout d'abord, dans le premier arrêt rendu le 13 avril 2010, la Cour de cassation revient sur la saisie des rémunérations par le liquidateur d'un débiteur placé en liquidation judiciaire. Ensuite, dans le second arrêt sélectionné cette semaine et daté également du 13 avril 2010, la Chambre commerciale, à propos du tandem SA d'exploitation/société civile immobilière, a eu à connaître de la question relative à la poursuite de l'associé répondant indéfiniment, mais sans solidarité, des dettes de la SCI à laquelle a été étendue la procédure collective de la société anonyme d'exploitation.
  • La saisie des rémunérations par le liquidateur d'un débiteur placé en liquidation judiciaire (Cass. com., 13 avril 2010, n° 08-19.074, FS-P+B N° Lexbase : A0473EWG)

Sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985 (loi n° 85-98 N° Lexbase : L4126BMR), un débiteur placé en liquidation judiciaire conservait la possibilité d'entreprendre une nouvelle profession indépendante. L'idée n'était pas nécessairement bonne, puisque le produit de cette nouvelle activité retombait dans la liquidation judiciaire, du fait des règles du dessaisissement. Par souci de cohérence, la loi du 26 juillet 2005 (loi n° 2005-845 N° Lexbase : L5150HGT) a clairement interdit à un débiteur la possibilité d'entreprendre une nouvelle profession indépendante, tant que durerait sa liquidation judiciaire.

Au contraire, que l'on soit sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985 ou sous celui de la loi de sauvegarde des entreprises, un débiteur placé en liquidation judiciaire conserve la possibilité d'exercer une activité salariée. Que deviennent alors ses salaires ? La réponse est clairement donnée par les règles du dessaisissement : les biens qui échoient au débiteur après sa liquidation judiciaire et jusqu'à sa clôture sont appréhendés par la liquidation judiciaire, qui joue comme une saisie collective. C'est ce que l'on dénomme l'effet réel de la procédure collective (1). Toutefois, échappent au dessaisissement, les biens insaisissables. D'évidence, en effet, ne peuvent être saisis que les biens saisissables. Dans ces conditions, la fraction non saisissable du salaire échappe au dessaisissement et donc à l'effet réel de la procédure de liquidation judiciaire.

Si les salaires sont versés sur un compte bancaire, ce compte ne devrait pouvoir être mouvementé que par le liquidateur, qui représente le débiteur et administre ses droits patrimoniaux. Dans ces conditions, si un compte est ouvert au nom du débiteur, ce qui est anormal puisqu'il devrait l'être au nom du liquidateur ès qualités, le banquier, même de bonne foi, s'expose à devoir reconstituer le compte à hauteur des sommes indûment prélevées par le débiteur, le fonctionnement du compte étant en effet inopposable à la procédure collective. Or, la sanction classique de la violation des règles du dessaisissement réside dans une inopposabilité de l'acte à la procédure collective.

Du fait des règles du dessaisissement et de l'effet réel de la liquidation judiciaire, le liquidateur est en droit de demander au débiteur la remise de tous les salaires dans la limite de leur fraction saisissable. L'inexécution de la part du débiteur peut être analysée en un détournement d'actif, constitutif d'un cas de banqueroute. Cette menace, fermement adressée par le liquidateur au débiteur, doit être de nature à amener ce dernier à composer.

Ce n'est manifestement pas ce qui s'est passé dans la présente espèce. M. T. a été placé en liquidation judiciaire en 2004. Le débiteur a rapidement trouvé un emploi et le liquidateur a entendu obtenir le reversement des salaires. Pour cela, il a assigné l'employeur devant le tribunal de commerce, qui avait ouvert la procédure collective. Fort logiquement, le débiteur a contesté la compétence du tribunal, lequel a néanmoins condamné l'employeur à verser les salaires directement au liquidateur. Le débiteur a formé un contredit, qui a été rejeté par la cour d'appel. Le débiteur s'est alors pourvu en cassation et, sans surprise, la Cour de cassation va lui donner raison : "attendu que la saisie des rémunérations dues par un employeur est soumise aux dispositions du Code du travail ; que si le liquidateur d'un salarié en liquidation judiciaire est fondé à demander à l'employeur le versement entre ses mains des salaires du débiteur qui, à l'exclusion de leur fraction saisissable, sont appréhendés par l'effet réel de la procédure collective, il doit mettre en oeuvre la procédure de saisie des rémunérations ressortissant à la compétence exclusive du tribunal d'instance".

Cet arrêt est intéressant, d'abord en ce qu'il réaffirme la notion d'effet réel de la procédure collective, déjà utilisé dans un arrêt de la Chambre commerciale du 16 mars 2010 (2). Il faut comprendre que la liquidation judiciaire joue comme une véritable saisie collective des biens du débiteur, ce qui autorise le liquidateur, aux fins de désintéressement des créanciers, à disposer de ces derniers, après avoir obtenu une autorisation du juge-commissaire, sous réserve des règles spéciales à la liquidation judiciaire simplifiée qui permet au liquidateur de vendre les biens du débiteur sans autorisation du juge-commissaire. Puisque la liquidation judiciaire joue comme une saisie collective, il est logique que les salaires du débiteur placé en liquidation judiciaire puissent être appréhendés par le liquidateur. Là ne réside pas la difficulté.

Pour appréhender les salaires entre les mains d'un tiers, à savoir l'employeur, une seule voie d'exécution est autorisée : la saisie des rémunérations. Or, en application de l'article R. 3252-6 du Code du travail (N° Lexbase : L4516IAI, ancien art. L. 145-5, al. 1) et R. 3252-12 (N° Lexbase : L4502IAY, ancien art. L 145-5, al. 2), le juge d'instance a une compétence exclusive d'ordre public pour connaître de la saisie des rémunérations. Il était donc inconcevable de présenter une telle demande devant le tribunal de commerce, fut-ce celui qui avait ouvert la procédure collective. Si ce tribunal de la faillite connaît de tout ce qui concerne le redressement et la liquidation judiciaires, c'est-à-dire les actions nées de la faillite et celles sur lesquelles les règles du droit des entreprises en difficulté exercent leur incidence, il n'en est ainsi que pour autant qu'une compétence exclusive d'ordre public ne soit pas conférée à une autre juridiction.

Une fois affirmé que les salaires ne peuvent être saisis entre les mains de l'employeur que par la technique de la saisie des rémunérations, une difficulté surgit, qui n'est pas résolue dans la présente espèce, mais dont la Cour de cassation avait eu à connaître dans un arrêt de sa Chambre commerciale du 2 mai 2001 (3).

Dans cette espèce, le liquidateur, agissant en qualité de représentant des créanciers, avait demandé au tribunal d'instance la saisie des rémunérations dues au débiteur. Les juges du fond lui avaient donné gain de cause en retenant que l'état des créances de la liquidation judiciaire arrêté par le juge-commissaire constitue un titre exécutoire au sens de l'article R. 145-1 du Code du travail. Cette disposition, devenu l'article R. 3252-1 (N° Lexbase : L8965H9W), n'autorise la saisie des rémunérations qu'au bénéfice d'un créancier titulaire d'un titre exécutoire.

Il n'y a pas de difficulté à reconnaître au liquidateur la faculté d'utiliser les droits des créanciers qu'il représente, à l'encontre du débiteur. Si ces créanciers ont un titre exécutoire, il faut identiquement admettre la possibilité pour le liquidateur d'utiliser le titre exécutoire dont disposent les créanciers qu'il représente.

La difficulté est précisément de déterminer ce que les créanciers antérieurs d'une procédure collective peuvent exhiber pour fonder leurs poursuites individuelles. Individuellement, la solution n'a d'ailleurs pas de sens, compte tenu de l'interdiction qui les frappe, d'exercer pendant la procédure collective, des voies d'exécution contre le débiteur, pour obtenir paiement d'une créance antérieure. Collectivement, en revanche, la question prend tout son sens lorsque l'on transpose la problématique sur la tête du liquidateur.

Peut-on admettre que le liquidateur utilise les décisions d'admission des créances au passif dont dispose chacun des créanciers qu'il représente ? La difficulté tient au fait que ces décisions d'admission, qui constituent la reconnaissance du droit de créance de chacun des créanciers à l'égard du débiteur et le droit à participer aux répartitions et dividendes, ne sont pas revêtues de la formule exécutoire. Elles ne condamnent pas au paiement, mais reconnaissent seulement que la personne sous procédure collective est débitrice de sommes d'argent à l'égard de chacun des créanciers admis au passif.

Lorsque la Cour de cassation a statué dans son arrêt du 2 mai 2001, l'état des créances ne s'était pas encore vu reconnaître une nature juridictionnelle. L'état des créances désigne le recueil des décisions d'admission ou de rejet des créances ou d'incompétence prononcées par le juge-commissaire, qui est déposé au greffe du tribunal. La Cour de cassation a, ensuite, considéré que la signature du juge-commissaire au pied de l'état des créances déposé par le mandataire de justice conférerait à cet acte le caractère d'une décision de justice. Il en a été, par exemple, tiré la conséquence, que l'appel pouvait être dirigé non contre une ordonnance du juge-commissaire, mais contre l'état des créances lui-même (4).

Si l'état des créances a une valeur juridictionnelle, faut-il, pour autant, lui reconnaître la valeur d'un titre exécutoire ? Une réponse négative de principe doit être apportée, pour une raison bien simple : il n'est pas revêtu de la formule exécutoire.

Soit. Mais alors, comment le liquidateur pourra-t-il procéder pour obtenir la saisie des rémunérations ? Il nous semble possible pour le liquidateur de faire apposer sur l'état des créances la formule exécutoire par le greffier du tribunal qui a ouvert la procédure. On ne voit pas où pourrait se situer la difficulté. Certes, objectera-t-on, le débiteur, par l'état des créances, n'est pas condamné à payer. Mais, très clairement, l'état des créances contient toutes les décisions d'admission au passif, c'est-à-dire toutes les décisions émanant du juge-commissaire, qui sont de véritables décisions de justice, qui reconnaissent les droits de créance de chacun des créanciers soumis à la discipline collective, et qui ont donc dû déclarer leurs créances au passif. Dans ces conditions, comment pourrait-on douter que le recueil de ces décisions -l'état des créances- qui a valeur juridictionnelle, puisse se voir doté de la l'efficacité d'un titre exécutoire par apposition de la formule exécutoire ? C'est, à notre sens, la seule possibilité pour sortir de l'impasse juridique dans laquelle on risquerait de se trouver.

Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du CERDP (ex Crajefe) et Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises

Le tandem SA d'exploitation/société civile immobilière est très fréquemment utilisé et nourrit un contentieux fourni en matière de confusion des patrimoines. Il a fait naître une question, dont a eu à connaître récemment la Cour de cassation, relative à la poursuite de l'associé répondant indéfiniment, mais sans solidarité, des dettes de la SCI à laquelle a été étendue la procédure collective de la société anonyme d'exploitation.

Dans l'espèce, ayant donné lieu à un arrêt de la Chambre commerciale du 13 avril 2010 appelé à la publication au Bulletin, un montage très classique avait été mis en place : une société civile immobilière avait, au moyen d'un prêt consenti par un établissement bancaire, acquis un immeuble devant être donné à bail à la société anonyme d'exploitation. Après la mise en redressement judiciaire de la SA, la procédure collective avait été étendue à la SCI sur le fondement de la confusion des patrimoines. Après avoir déclaré sa créance au passif de la SCI, la banque avait assigné, en paiement du solde du prêt, l'associé titulaire de la totalité des parts de la SCI. Cette poursuite était fondée sur les dispositions de l'article 1857, alinéa 1er, du Code civil (N° Lexbase : L2054ABP) selon lequel "les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date d'exigibilité ou au jour de la cessation des paiements".

Condamné par la cour d'appel à payer à la banque une certaine somme (CA Paris, 15ème, sect. B, 24 mai 2007, n° 05/21218 N° Lexbase : A0773DXW), l'associé de la SCI s'était pourvu en cassation en avançant plusieurs arguments au soutien de son pourvoi, qui devait finalement être rejeté par la Chambre commerciale.

Cet arrêt du 13 avril 2010 permet d'apporter des précisions intéressantes, d'une part, sur les dettes dont les associés peuvent être appelés à répondre sur le fondement de l'article 1857 du Code civil et, d'autre part, sur la notion de "cessation des paiements", au sens de cette disposition.

I - Les associés de SCI ne sont-ils tenus des dettes sociales que si elles ont été contractées alors qu'ils étaient associés ?

Dans l'espèce rapportée, la question se posait de savoir si l'associé répondait des dettes contractées antérieurement à son "entrée" dans la société.

En l'occurrence, le prêt accordé par le banquier pour l'acquisition de l'immeuble avait été octroyé le 24 décembre 1988 cependant que l'associé assigné par le prêteur avait acquis la totalité des parts de la SCI le 17 juin 1992, soit trois ans et demi après l'octroi du prêt. L'associé poursuivi soutenait que seuls les associés à la date de la conclusion du contrat de prêt pouvaient être appelés à répondre des dettes sociales en application de l'article 1857 du Code civil. Cette argumentation n'est pas favorablement accueillie par la Chambre commerciale dans la mesure où l'article 1857 du Code civil précise que les associés répondent à l'égard des tiers des dettes sociales "à la date de leur exigibilité ou à celle de la cessation des paiements". Ainsi, le critère auquel il importe de se référer pour résoudre la difficulté n'est pas celui de la date de naissance de la créance, mais celle de son exigibilité : dès lors que l'exigibilité de la créance est postérieure à la date à laquelle l'associé a acquis cette qualité, l'associé doit répondre des dettes sociales même s'il n'avait pas revêtu la qualité d'associé au jour de la naissance de la créance.

En matière de prêt octroyé par un professionnel du crédit, la date de naissance -ou le fait générateur- de la créance de remboursement est trouvée dans la conclusion du prêt (5). L'exigibilité de la créance, quant à elle, est "distillée" dans le temps au rythme des échéances mentionnées dans le tableau d'amortissement, à moins qu'une cause de déchéance du terme ne frappe le prêt. Cette cause de déchéance du terme pourra être propre au contrat (pour cause de non-respect d'une obligation contractuelle) ou résulter du droit des procédures collectives (déchéance du terme provoquée par le prononcé de la liquidation judiciaire).

La date de naissance de la créance importe peu en matière de poursuite de l'associé de SCI : dès lors que la créance est exigible à l'égard de la SCI, l'associé devra en répondre même si celle-ci est née alors même que l'associé n'avait pas encore acquis cette qualité.

II - Que faut-il entendre par "cessation des paiements" au sens de cet article 1857 du Code civil ?

Toutes les difficultés ne sont cependant pas aplanies car l'article 1857 du Code civil, après avoir précisé que les associés répondent à l'égard des tiers des dettes sociales à la date de leur exigibilité, poursuit en indiquant "ou à celle de la cessation des paiements". Que faut-il entendre par "cessation des paiements" au sens de cet article 1857 du Code civil ? Faut-il déconnecter cette notion du droit des entreprises en difficulté et ne l'interpréter qu'au regard du créancier poursuivant ? Il s'agirait alors du simple fait pour le débiteur de cesser d'effectuer des paiements au profit du créancier en question. Faut-il comprendre, au contraire, que "la cessation des paiements" doit s'entendre comme en droit des procédures collectives : il s'agit du fait pour le débiteur de ne plus pouvoir faire face à son passif exigible avec son actif disponible (6) -condition pour que soient ouvertes les procédures de redressement et de liquidation judiciaires- ?

L'interprétation de cette notion de cessation des paiements pouvait apparaître cruciale dans l'espèce rapportée. En effet, la société anonyme d'exploitation avait fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire par jugement du 6 mars 1992. La date de cessation des paiements avait été fixée au 1er mars 1991, date à laquelle l'associé de la SCI ultérieurement poursuivi n'avait pas encore la qualité d'associé. Cette procédure collective avait été étendue à la SCI sur le fondement de la confusion des patrimoines par jugement du 11 juin 1993.

La notion de cessation des paiements ici retenue ne peut être que celle adoptée par le Code de commerce. Il n'y aurait, en effet, pas de sens à prendre en considération soit l'exigibilité de la créance soit la cessation des paiements relative à cette créance car, pour que le problème de la cessation des paiements d'une créance se pose, d'évidence, il faut qu'elle soit exigible. La raison commande donc de considérer que l'article 1857 du Code civil, en visant la "cessation des paiements", s'intéresse exclusivement à la situation de la société, non à la question du non paiement de la dette.

On sait qu'en cas d'extension sur le fondement de la fictivité ou de la confusion des patrimoines, la date de cessation des paiements retenue est identique pour toutes les structures (7). Appliquée sans nuances aux faits de l'espèce, l'identité de date de cessation des paiements aurait dû conduire à décider que la SCI était déjà en cessation des paiements lorsque Monsieur L. (l'associé) est devenu associé. Il aurait dû, alors, en être tiré la conséquence que ce dernier ne pouvait être tenu des dettes sociales puisqu'il est devenu associé après la date de cessation des paiements de la SCI.

A ce stade, entre en jeu, un deuxième principe, bien connu en matière d'extension sur le fondement de l'extension pour confusion des patrimoines, celui de l'absence de rétroactivité des effets de l'extension (8) : l'extension ne prend effet et n'est opposable qu'à compter du jugement qui la prononce. Ce second principe, appliqué aux faits de l'espèce, conduit à décider que la cessation des paiements de la SCI ne résulte que du jugement d'extension et c'est pourquoi il est possible de demander paiement des dettes sociales de l'associé puisque ce dernier avait bien cette qualité au jour de l'extension. Ainsi, malgré l'identité de date de cessation des paiements, il ne pouvait être considéré que l'associé n'était pas tenu des dettes sociales au prétexte d'une cessation des paiements antérieure de la SCI, cible de l'extension.

Dès lors, le plus ancien des deux évènements visés à l'article 1857 du Code civil, pour déterminer les dettes sociales que devait supporter l'associé, devait être retenu. Il aurait dû s'agir en l'espèce du jugement d'extension, qui aurait dû entraîner l'interdiction de payer les créances antérieures. Les dispositions légales n'avaient pas été respectées, puisque les échéances du prêt consenti par la banque avaient continué à être remboursées par la SCI après l'extension. Il n'y avait donc aucune difficulté à considérer que l'associé pouvait répondre des dettes sociales soit parce que leur exigibilité était postérieure à son entrée dans la société, soit parce le jugement d'extension sur le fondement de la confusion des patrimoines qui fonde la cessation des paiements de la société était identiquement postérieur à l'entrée de l'associé dans le capital social de la SCI.

Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences à l'Université du Sud-Toulon-Var, Directrice du Master 2 Droit de la banque et de la société financière de la Faculté de droit de Toulon


(1) V. sur la question, la remarquable thèse de M. Sénéchal, L'effet réel de la procédure collective, Litec, 2002.
(2) Cass. com., 16 mars 2010, n° 08-13.147, Mme Hélène Gascon, FS-P+B (N° Lexbase : A8033ETP), D., 2010, AJ, p. 825, note A. Lienhard ; Act. proc. coll., 2010/8, n° 122, note J. Vallansan.
(3) Cass. com., 2 mai 2001, n° 97-19.536, M. Philippe Gallard c/ M. Bernard Jumel (N° Lexbase : A3381ATE), Bull. civ. IV, n° 82 ; Act. proc. coll., 2001/11, n° 143, note O. Salvat ; RTD com., 2001, 773, obs. J.-L. Vallens.
(4) Cass. com., 15 mars 2005, n° 03-19.786, M. Hervé Asselineau c/ M. Gilles Pellegrini, F-D (N° Lexbase : A3070DH8) ; Cass. com., 3 juin 2009, n° 08-12.279, Société Paris ouest approvisionnement Parouest, représentée par son mandataire ad litem M. Albert Abihssira, FS-P+B (N° Lexbase : A6276EHW), D., 2009, AJ, p. 1603, note A. Lienhard ; Gaz. proc. coll., 2009/4, 1ère partie, n° 303 et 304, p. 35, note P.-M. Le Corre ; Act. proc. coll., 2009/14, n° 214, note J.-Ch. Pagnucco ; Rev. Sociétés, 2009/3, p. 662, note P.-M. Le Corre.
(5) Sur la question v., not., P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz action 2010/2011, n° 442.16.
(6) Sur cette notion v., not., P.-M. Le Corre, ibid., n° 221.10 et s..
(7) Cass. com., 24 octobre 1995, n° 93-20.469, Société BVE, société en nom collectif c/ Société Lasseron et autres (N° Lexbase : A8026AHQ), Rev. proc. coll., 1996, p. 206, n° 12, obs. Calendini ; Cass. com., 8 juin 1999, n° 97-10.276, M. Francis Coste c/ M. Bernard de Saint-Rapt, ès qualités d'administrateur de la SA SCL International, SA Coste, CLC Location, CLC Transport et autres, inédit (N° Lexbase : A7538CPU) , Act. proc. coll., 1999/12, n° 155, LPA, 8 juillet 1999, n° 135, p. 5, note P. M..
(8) Sur la question de l'absence de rétroactivité de l'extension v., not., P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, préc., n° 213.43.

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