La lettre juridique n°175 du 7 juillet 2005 : Rel. individuelles de travail

[Evénement] La situation du salarié atteint d'une maladie non-professionnelle

Réf. : Séminaire Elegia du 23 juin 2005, Absentéisme, arrêts prolongés, inaptitude physique du salarié : comment y faire face ?

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[Evénement] La situation du salarié atteint d'une maladie non-professionnelle. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3207469-cite-dans-la-rubrique-brel-individuelles-de-travail-b-titre-nbsp-ila-situation-du-salarie-atteint-d
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par Compte-rendu réalisé par Charlotte Figerou, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition sociale

le 07 Octobre 2010

L'absentéisme est un phénomène lourd à gérer pour les entreprises : quelles qu'en soient ses causes, l'employeur doit y faire face et limiter, autant que faire se peut, ses répercussions néfastes sur l'entreprise. Si problématiques que soient ses effets, l'absentéisme est fréquent et toutes les entreprises y sont, un jour, confrontées. Aussi, pour faire le point sur ce problème, Elegia a organisé une journée d'études le 23 juin dernier, au cours de laquelle ont été abordées les problématiques liées à l'absentéisme et à la maladie du salarié. Nous retracerons plus spécifiquement, dans les propos qui suivront, l'intervention de François Taquet, avocat spécialisé en droit social et Professeur à l'IESCG de Lille, relative à la question de la maladie non-professionnelle du salarié. 1. La maladie de courte durée

La maladie de courte durée est celle qui ne perturbe pas la vie de l'entreprise. Le salarié concerné sera tenu d'un certain nombre d'obligations vis-à-vis de sa caisse d'assurance maladie, d'une part, et de son employeur, d'autre part.

  • Les obligations du salarié vis-à-vis de la Sécurité sociale

Le salarié malade doit envoyer un certificat médical à la Caisse dont il dépend dans les 48 heures, afin de lui permettre d'exercer son contrôle. A défaut, la Caisse lui enverra un avertissement. En outre, si dans les 2 ans qui suivent le salarié réitère ce comportement, ses indemnités journalières pourront être réduites à hauteur de 50 %.

De plus, le salarié est tenu, vis-à-vis de la Sécurité sociale, de respecter ses heures de sortie. Celles-ci, auparavant fixées par les règlements intérieurs des caisses, sont désormais inscrites sur le certificat médical. Le salarié ne pourra disposer de plus de 3 heures consécutives quotidiennes de "sortie libre". Or, selon François Taquet, ces heures de sortie libre sont une aberration juridique, puisque ni la Caisse ni l'employeur ne peuvent exercer leur contrôle ou faire procéder à une contre-expertise. Aussi, d'après François Taquet, ces 3 heures quotidiennes de sortie libre ne devraient être autorisées qu'après accord de la Caisse, celles accordées par le seul médecin traitant ne revêtant, selon lui, aucune valeur juridique.

En outre, le salarié malade devra se soumettre à un certain nombre de contrôles. D'une part, des contrôles médicaux diligentés par sa Caisse. Le salarié réfractaire s'expose à la suppression de ses indemnités journalières. D'autre part, des contrôles administratifs effectués par des agents assermentés des CPAM, qui seront tenus de vérifier que les salariés malades sont bien en situation de repos.

  • Les obligations du salarié vis-à-vis de son employeur

Première obligation à laquelle est tenu le salarié malade : prévenir son employeur dans un délai de 24 heures.

Le manquement à cette obligation constitue -en théorie au moins- une cause de licenciement du salarié. L'employeur doit tout de même faire preuve de prudence, au moins à deux égards. Il ne devra jamais, quoi qu'il arrive, agir avec précipitation. A défaut, il risque une condamnation devant le conseil de prud'hommes.

Cette exigence -d'agir sans précipitation- est souvent utilisée par la Cour de cassation. Cette dernière, en effet, condamne régulièrement les actes effectués sans réflexion aucune. De plus, si le manquement du salarié malade à son obligation d'avertir son employeur dans les 24 heures constitue une faute sérieuse justifiant un licenciement, en aucun cas l'employeur ne pourra se prévaloir d'une faute grave.

En outre, le salarié, en sus des contrôles auxquels il est soumis au regard de la Sécurité sociale, devra se plier à des exigences parallèles effectuées à l'initiative de son employeur. Ce dernier, généralement débiteur de prestations complémentaires à celles versées par la Sécurité sociale, justifie de ce fait d'un intérêt à agir lui permettant, le cas échéant, d'envoyer un contre-expert au domicile du salarié malade.

Enfin, le salarié malade reste tenu, malgré la suspension de son contrat de travail, à un certain nombre d'obligations au regard de son entreprise au titre desquelles figure, en ligne de mire, l'obligation de loyauté. Cette obligation, inhérente au contrat de travail, se passe de toute inscription au sein dudit contrat. Elle doit être clairement distinguée de l'obligation de non-concurrence, laquelle ne prend effet qu'au moment de la rupture du contrat, et uniquement lorsque celui-ci contient une clause de non-concurrence. En outre, l'obligation de loyauté ne doit pas être, non plus, confondue avec la notion de concurrence déloyale.

Par exemple, la Cour de cassation a considéré qu'un salarié en arrêt maladie a violé son obligation de loyauté envers son employeur pour avoir travaillé sur un chantier d'une maison avec des ouvriers sous ses ordres (Cass. soc., 21 juillet 1994, n° 93-40.554, M. Ziani c/ Société méridionale de travaux, publié N° Lexbase : A1331ABW). De la même manière, le salarié qui, durant un arrêt de travail pour maladie, entreprend la réparation d'un véhicule pour son compte en faisant appel à un autre mécanicien de la société manque à son obligation de loyauté envers son employeur (Cass. soc., 21 octobre 2003, n° 01-43.943, F-P N° Lexbase : A9403C97). De plus, ajoute la Cour, ce comportement est constitutif d'une faute grave, entraînant un licenciement immédiat exclusif des indemnités de licenciement et de préavis.

Mais, il convient ici de faire preuve d'une certaine prudence. La Cour de cassation considère, en effet, que si le salarié en arrêt maladie exerce une activité non concurrente de celle de son employeur, il n'a alors aucun intérêt à agir et à licencier le salarié. "L'exercice d'une activité pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie ne constitue pas en lui-même un manquement à l'obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de cet arrêt", considère de manière classique la Haute juridiction judiciaire (Cass. soc., 4 juin 2002, n° 00-40.894, FS-P+B+R N° Lexbase : A8561AYQ).

On se souviendra, à cet égard, du salarié qui, pendant son congé maladie, était parti en vacances en Yougoslavie et avait envoyé une carte postale... à son employeur. La Cour de cassation avait pourtant estimé que le licenciement du salarié, pour ce motif, était dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'employeur ne pouvant se prévaloir d'aucun intérêt à agir (Cass. soc., 16 juin 1998, n° 96-41.558, M. Genovese c/ Société Ley's, publié N° Lexbase : A1965ABE).

De la même manière, ne se rend pas coupable d'une faute le salarié qui, pendant son arrêt maladie, vend des bouquins sur un marché aux puces pendant ses heures non autorisées : ce comportement ne regarde pas l'employeur mais la Sécurité sociale, le salarié se trouvant en période de suspension de son contrat de travail, "en sorte que les faits qui lui étaient reprochés ne constituaient pas un manquement aux obligations résultant du contrat de travail dès lors qu'il n'était pas soutenu que le salarié avait commis un acte de déloyauté" (Cass. soc., 21 mars 2000, n° 97-44.370, M. Marino c/ Société Semitag, publié N° Lexbase : A6367AGW).

2. La maladie de longue durée

La maladie de longue durée, contrairement à celle de courte durée, perturbe la vie de l'entreprise. Pour autant, elle ne justifie pas en tant que telle une mesure de licenciement, l'article L. 122-45 (N° Lexbase : L1417G9D) venant ici empêcher l'employeur de prendre toute mesure qui serait liée à l'état de santé du salarié. Une telle mesure discriminatoire tomberait sous le coup de la nullité. Or, aujourd'hui, la nullité du licenciement emporte le droit à réintégration pour tout salarié qui le demande...

Néanmoins, si la Cour de cassation interdit tout licenciement fondé sur l'état de santé du salarié, elle accepte que la gêne entraînée par la maladie de longue durée constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement. Dès lors que l'employeur rédige sa lettre de notification en bonne et due forme et soigne sa motivation, le licenciement est, normalement, valable.

Selon François Taquet, le licenciement est possible à quatre conditions.

  • L'employeur doit, tout d'abord, toujours regarder les dispositions de la convention collective applicable dans l'entreprise.

La plupart des textes conventionnels prévoient des clauses de garantie d'emploi, d'une durée variable mais avoisinant, le plus souvent, 6 mois. Or, pendant ce laps de temps, l'employeur ne peut absolument rien faire, quels que soient ses motifs. La seule issue pour lui est de recourir au CDD, de préférence, selon François Taquet, à terme précis.

  • On l'a déjà évoqué, le salarié absent en raison d'une maladie de longue durée pourra être licencié en raison de la gêne occasionnée par son absence.

Or, qui dit gêne dit nécessairement remplacement. Ainsi, si le salarié absent n'a pas été remplacé dans son poste, les juges considèreront qu'il n'y a pas eu gêne et le licenciement sera invalidé.

De plus, le remplacement doit être effectué de manière définitive. La jurisprudence a très clairement posé le principe selon lequel le licenciement du salarié malade ne peut reposer sur une cause réelle et sérieuse que "si l'entreprise se trouve dans la nécessité de pourvoir au remplacement définitif du salarié dont l'absence prolongée ou les absences répétées perturbent son fonctionnement" (Cass. soc., 15 juin 2000, n° 98-42.587, M. Roland Bettinger c/ Société Les Rapides de Lorraine, inédit N° Lexbase : A9893ATL ; Cass. soc., 3 décembre 2003, n° 01-45.692, F-D N° Lexbase : A3659DAR ; Cass. soc., 6 octobre 2004, n° 02-44.586, F-D N° Lexbase : A5713DDX).

Dans un arrêt de principe, marqué du sceau FS-P+B+R+I, la Cour de cassation a affirmé que "le remplacement définitif d'un salarié absent en raison d'une maladie ou d'un accident non professionnel doit intervenir dans un délai raisonnable après le licenciement". Il est donc possible de ne remplacer le salarié malade qu'après qu'il ait été procédé à son licenciement. Mais, le remplacement doit alors intervenir dans un délai raisonnable (Cass. soc., 10 novembre 2004, n° 02-45.156, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A8471DD4, lire Nicolas Maingant, Licenciement du salarié malade et moment du remplacement définitif, Lexbase Hebdo n° 144 du 25 novembre 2004 - édition sociale N° Lexbase : N3636ABB).

La Cour de cassation affirme que le délai est apprécié souverainement par les juges du fond, "en tenant compte des spécificités de l'entreprise et de l'emploi concerné, ainsi que des démarches faites par l'employeur en vue d'un recrutement". L'appréciation du respect du délai raisonnable ne doit pas être effectuée in abstracto, à partir de l'idée qu'il existerait un délai objectivement raisonnable applicable, quelle que soit la situation. Au contraire, la Cour invite les juges du fond à apprécier le respect du délai par l'employeur in concreto, c'est-à-dire en fonction des circonstances particulières. En effet, s'il apparaît logique d'imposer à l'employeur de remplacer effectivement le salarié malade, il convient également de tenir compte des difficultés éventuelles qu'il pourrait rencontrer lors de sa tentative de recrutement. L'employeur devra alors, le cas échéant, justifier de ses éventuelles difficultés de recrutement.

Ainsi, à l'instant "T" du licenciement ou dans un temps voisin, et pour que la rupture du contrat de travail soit admise par les juges, soit le CDD du salarié remplaçant doit être transformé en CDI, soit l'employeur doit mettre sur le poste du salarié absent un autre salarié de entreprise, qui devra lui-même être remplacé sur son poste par un CDI.

En bref, l'employeur devra, dans tous les cas, recourir à un CDI pour remplacer de manière définitive le salarié absent en raison de sa maladie.

  • L'absence de précipitation

L'employeur doit rester vigilant et ne pas licencier le salarié avec précipitation. Ainsi, lorsque le salarié est protégé par une clause de garantie d'emploi, mieux vaut, pour l'employeur, ne pas prononcer le licenciement dès la fin de la période de garantie, mais attendre quelques semaines pour éviter de tomber sous le coup du licenciement précipité.

  • La position hiérarchique du salarié

Enfin, dernier pilier de la validité du licenciement prononcé en raison de la gêne occasionnée par la longue maladie du salarié : l'employeur doit tenir compte de la position hiérarchique du salarié et du degré de technicité de son poste. Ainsi, selon François Taquet, plus le salarié est spécialisé et plus sa position hiérarchique est élevée, plus il sera aisé pour l'employeur de rompre son contrat de travail au terme de la garantie d'emploi. Au contraire, si l'emploi en question ne requiert qu'une faible spécialisation, l'employeur verra ses possibilités de licencier réduites, les juges considérant que celui-ci peut se débrouiller avec des CDD.

Au final, considère François Taquet, ces quatre éléments doivent être réunis de manière cumulative ; à défaut, le licenciement sera invalidé par le conseil de prud'hommes. Précisons que la Cour de cassation, depuis un arrêt récent, considère qu'est suffisamment motivée la lettre de licenciement qui mentionne la nécessité du remplacement du salarié absent en raison de son état de santé. Il appartient aux juges du fond de vérifier que ce remplacement est définitif (Cass. soc., 10 novembre 2004, n° 02-45.187, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A8472DD7, lire Christophe Radé, Licenciement du salarié malade et motivation de la lettre de licenciement : une hirondelle fera-t-elle le printemps ?, Lexbase Hebdo n° 143 du 18 novembre 2004 - édition sociale N° Lexbase : N3533ABH).

3. Les absences répétées pour cause de maladie

La jurisprudence admet, de façon classique, que les absences répétées qui désorganisent le fonctionnement de l'entreprise justifient une mesure de licenciement. Mais attention, la Cour de cassation reste vigilante et n'admettrait pas, par exemple, que trois absences survenues à intervalles rapprochées suffisent à appuyer un licenciement. Ces absences doivent être répétées sur une certaine durée, de telle sorte que l'employeur se trouve contraint de se séparer du salarié.

Les réflexes que l'employeur doit avoir sont ici les mêmes que ceux évoqués ci-dessus, pour la maladie de longue durée.

Ainsi, l'employeur devra vérifier si la convention collective applicable prévoit des dispositions spécifiques sur les absences répétées, même s'il est vrai qu'en pratique, la plupart des conventions collectives restent muettes à ce sujet. Ensuite, l'employeur devra prouver la gêne occasionnée par les absences à répétition du salarié. Le salarié malade devra, à l'instar du licenciement lié à une maladie prolongée, avoir été remplacé, soit lors du licenciement, soit dans un temps voisin, par un salarié sous contrat à durée indéterminée. De plus, l'employeur ne devra pas agir avec précipitation et, enfin, la qualité du poste devra être prise en considération.

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