La lettre juridique n°553 du 9 janvier 2014 : Procédure pénale

[Chronique] Chronique de procédure pénale - Janvier 2014

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par Guillaume Beaussonie, Maître de conférences en droit privé à l'Université de Tours (CRDP Tours, EA 2116 ; IEJUC Toulouse, EA 1919) et Lionel Miniato, Maître de conférences en droit privé au Centre universitaire d'Albi (IDP Toulouse, EA 1920)

le 09 Janvier 2014

Lexbase Hebdo - édition privée vous invite à retrouver la chronique de procédure pénale de Guillaume Beaussonie, Maître de conférences en droit privé, membre du CRDP de l'Université François-Rabelais de Tours (EA 2116), et de Lionel Miniato, Maître de conférences en droit privé au Centre universitaire d'Albi (IDP Toulouse, EA 1920). Au sommaire de cette chronique, on trouve notamment deux arrêts relatifs à la prescription de l'action publique en matière contraventionnelle (Cass. crim., 4 décembre 2013, deux arrêts, n° 12-88.004, F-P+B et n° 13-83.284, F-P+B+I), un arrêt relatif au phénomène de dématérialisation de la procédure pénale (Cass. crim., 11 décembre 2013, n° 13-84.319, FS-P+B+I), deux arrêts relatifs au problème de la qualité à agir en annulation d'un acte de procédure (Cass. crim., 27 novembre 2013, n° 13-85.042, FS-P+B ; Cass. crim, 11 décembre 2013, n° 12-83.296, F-P+B), un arrêt relatif au droit à l'assistance d'un avocat durant la garde à vue (Cass. crim., 5 novembre 2013, n° 13-82.682, F-P+B) et un arrêt relatif à la motivation des décisions de cours d'assises (Cass. crim., 6 novembre 2013, n° 13-80.474, F-D). I - La prescription de l'action publique en matière contraventionnelle
  • Les réquisitions d'ordonnance pénale et la délivrance du titre exécutoire d'une amende forfaitaire majorée ont un effet interruptif de prescription (Cass. crim., 4 décembre 2013, deux arrêts, n° 12-88.004, F-P+B N° Lexbase : A8339KQW et n° 13-83.284, F-P+B+I N° Lexbase : A5494KQK ; cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E2337EU4)

Le droit des contraventions se rappelle parfois, -assez rarement il est vrai-, au bon souvenir de la Chambre criminelle de la Cour de cassation. C'est que la spécificité de ces petites infractions suppose nombre d'aménagements aux règles les plus traditionnelles en matière de répression. Tant et si bien que l'on est en droit de se demander s'il demeure encore opportun de les maintenir au sein de la matière pénale (1). Par exemple, à l'instar de la règle en vigueur dans le domaine si dérogatoire de la presse, et même s'il procède alors d'une toute autre cause, le caractère expéditif du délai de prescription de l'action publique en matière contraventionnelle -un an seulement- rend la question de ses perturbations particulièrement polémique. Elle l'est d'autant plus que ce délai se déroule dans le cadre de procédures tout aussi expéditives : amende forfaitaire et ordonnance pénale essentiellement.

Dans un premier arrêt rendu le 4 décembre 2013, la Chambre criminelle a d'abord été amenée à préciser que "les réquisitions d'ordonnance pénale, écrites, datées et signées, qui satisfont en la forme aux conditions essentielles de leur existence, ont eu un effet interruptif de la prescription". En l'espèce, à la suite de son opposition à l'ordonnance pénale qui l'avait condamné à payer une amende, un prévenu comparaissait devant la juridiction de proximité plus d'un an et demi après sa verbalisation. En conséquence, il se défendait en prétendant la prescription de l'action publique acquise, celle-ci n'ayant, selon lui, "pu être valablement interrompue par les réquisitions d'ordonnance pénale [...] nulles et non avenues, dans l'ignorance où se serait trouvé le juge leur ayant donné suite, de l'existence de sa contestation" . Sans grande surprise, l'argument ne convainquait pas la Cour de cassation, celle-ci ayant toujours attaché aux réquisitions du ministère public un effet interruptif de prescription. Elle l'a plusieurs fois précisé et notamment, de façon solennelle et générale, dans un arrêt rendu le 27 avril 2004 : "les réquisitions du ministère public sont des actes de poursuite qui interrompent par eux-mêmes la prescription de l'action publique" (2). Rien de plus naturel, tant de telles réquisitions représentent l'archétype de l'"acte de poursuite" interruptif (3), puisqu'elles sont rendues par l'autorité de poursuite et manifestent sa volonté de poursuivre.

Le fait, qu'en l'occurrence, ces réquisitions s'appliquent à l'ordonnance pénale ne change rien à l'affaire, de même que le fait que le juge n'ait pas été informé de la requête en exonération formée par le prévenu à la suite de la réception de l'avis de contravention, tant que ces actes sont écrits, datés et signés et, par là même, "satisfont en la forme aux conditions essentielles de leur existence". Le débat qui va naître subséquemment à l'opposition à l'ordonnance pénale aura de toute façon pour objet de discuter du bien-fondé de la condamnation du prévenu.

Dans un second arrêt rendu le même jour, la Chambre criminelle a ensuite précisé qu'"en matière de contraventions donnant lieu au recouvrement de l'amende forfaitaire majorée prévue par l'article 529-2, alinéa 2, du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L0857DYE), il suffit, pour que la prescription de l'action publique ne soit pas acquise, que le délai soit interrompu par la délivrance du titre exécutoire, qui fait courir la prescription de la peine, puis, après la réclamation du contrevenant, que la citation soit délivrée avant l'expiration du nouveau délai de prescription de l'action publique ouvert à la suite de cette réclamation". En l'espèce, le titre exécutoire d'une amende forfaitaire majorée était émis à l'encontre d'un contrevenant et, consécutivement, un commandement de payer lui était délivré. Presque deux années plus tard, le contrevenant faisait une réclamation contre l'amende forfaitaire majorée et recevait conséquemment une citation à comparaître à l'audience de la juridiction de proximité. Commettant une erreur de calcul, celle-ci constatait la prescription de l'action publique, refusant au surplus de percevoir le commandement de payer comme un acte interruptif du délai de prescription, le ministère public n'ayant pas versé aux débats le titre exécutoire réprimant l'infraction. Elle est, avec aussi peu de surprise qu'en ce qui concerne l'arrêt précédent, désavouée par la Cour de cassation, qui rétablit la logique de la procédure décrite par l'article 530 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7597IMC).

En vertu de ce texte passablement complexe, à certaines conditions, la réclamation d'un contrevenant contre une amende forfaitaire majorée peut intervenir dans un délai correspondant à celui de la prescription de la peine contraventionnelle, c'est-à-dire durant "trois années révolues à compter de la date à laquelle la décision de condamnation est devenue définitive" (4) -en l'occurrence à compter de la signature par le ministère public du titre exécutoire-. Cette réclamation "a pour effet d'annuler le titre exécutoire en ce qui concerne l'amende contestée", le ministère public retrouvant alors l'opportunité de poursuites (5) à exercer durant un nouveau délai qui commence à courir à compter de la réclamation. Du point de vue de la prescription de l'action publique, deux choses seulement doivent donc être vérifiées pour savoir si la saisine de la juridiction de proximité est alors concevable : le titre exécutoire a-t-il été délivré moins d'un an après la constatation de l'infraction ? La réclamation a-t-elle eu lieu moins de trois ans après la signature du titre exécutoire ?

La réponse à ces deux questions étant positive, la Cour de cassation constate logiquement, comme elle a pu le faire dans de précédentes décisions très similaires au présent arrêt (6), l'absence de prescription de l'action publique. La légalité est ainsi respectée et, sur le terrain de l'opportunité, il n'apparaît pas vraiment choquant qu'une action "renaisse", puisque cette renaissance se trouve finalement initiée davantage par le contrevenant lui-même que par le ministère public.

Sur ce même terrain de la prescription de l'action publique, mais en matière de presse, notons enfin que, dans un arrêt rendu le 3 décembre 2013 (7), la Chambre criminelle a de nouveau précisé (8) que "constitue un acte de poursuite le mandement par lequel le ministère public requiert un huissier de justice de délivrer une citation à comparaître devant la juridiction répressive". Surtout, elle a ajouté "qu'en l'absence de preuve contraire, la date de la cédule de citation doit être retenue comme date d'envoi à l'huissier instrumentaire". L'idée est, qu'en principe, cette date correspond à celle de la signature de l'acte de citation par le ministère public, bref à la date de la manifestation de la volonté de ce dernier de poursuivre la personne mise en cause.

Guillaume Beaussonie

II - La dématérialisation de la procédure pénale

  • Le refus, par le président de la chambre de l'instruction, de l'admission d'un appel d'une ordonnance du juge d'instruction n'ayant pas autorisé une demande d'acte par voie électronique est un excès de pouvoir (Cass. crim., 11 décembre 2013, n° 13-84.319, FS-P+B+I N° Lexbase : A1623KRK ; cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E4418EU8)

Cet arrêt rendu le 11 décembre 2013 par la Chambre criminelle de la Cour de cassation est intéressant à un double titre. Tout d'abord, il précise que l'absence de recours contre l'ordonnance de non-admission d'appel du président de la chambre de l'instruction doit céder en cas d'excès de pouvoir commis par ce dernier. Si l'affirmation n'est pas nouvelle (9) et, par ailleurs, s'inscrit naturellement dans la théorie de l'excès de pouvoir judiciaire (10), sa formulation dévoile une fois de plus le fait qu'une partie autre que le ministère public (11) doit parfois multiplier les démarches pour prétendre interjeter appel de certaines ordonnances rendues par le juge d'instruction. Le pouvoir "quasi discrétionnaire" (12) du président de la chambre de l'instruction ainsi mis en place par l'article 186-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L8650HWB) n'instaure-t-il pas une inégalité entre partie publique et parties privées au sein du procès pénal ? Pour la Chambre criminelle, si une telle question ne mérite pas l'examen du Conseil constitutionnel, c'est précisément en raison de l'existence d'un recours en excès de pouvoir (13). On est en droit de ne pas être convaincu...

Ensuite, et l'essentiel est là, sur le fondement du principe ainsi posé, la Cour de cassation conclut, en l'espèce, à l'existence d'un excès de pouvoir du président de la chambre de l'instruction. En effet, l'article D. 591 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L4541IYT) prévoit que "lorsqu'un protocole a été passé à cette fin entre, d'une part, le président et le procureur de la République du tribunal de grande instance et, d'autre part, le barreau de la juridiction représenté par son bâtonnier, les avocats de ce barreau peuvent transmettre à la juridiction par un moyen de télécommunication à l'adresse électronique de la juridiction ou du service de la juridiction compétent, et dont il est conservé une trace écrite [...] : 5° les demandes d'actes prévues par l'article 82-1" (N° Lexbase : L7151A4M). Or, en l'occurrence, c'est l'ordonnance du juge d'instruction qui a rejeté une telle demande qui était en cause, le président de la chambre de l'instruction ayant dit n'y avoir lieu à appel en raison de l'irrecevabilité de la voie électronique pour transmettre ladite demande. L'excès de ce refus est d'autant mieux caractérisé qu'était applicable, depuis le 7 janvier 2013, "un avenant du 25 juin 2012 à la convention conclue entre le tribunal de grande instance et l'Ordre des avocats de Paris le 28 janvier 2009, pris en application de l'article D. 591 du Code de procédure pénale" et permettant "aux avocats de ce barreau de transmettre, à partir de leur adresse électronique sécurisée, par un moyen de télécommunication, à l'adresse électronique de ce tribunal les demandes d'actes prévues par l'article 82-1 de ce code, selon les modalités prévues à ladite convention".

Guillaume Beaussonie

III - La qualité à agir en annulation d'un acte de procédure

  • Les fichiers informatiques ne constituent pas des actes ou pièces de l'information susceptibles d'être annulés, mais des moyens de preuve soumis à discussion contradictoire (Cass. crim., 27 novembre 2013, n° 13-85.042, FS-P+B N° Lexbase : A4794KQM ; cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E4495EUZ)

La Chambre criminelle de la Cour de cassation précise dans cet arrêt que des fichiers informatiques volés par un particulier, puis obtenus par l'autorité publique à la suite d'une perquisition effectuée chez ce dernier, "ne sont pas en eux-mêmes des actes ou des pièces de l'information, au sens de l'article 170 du Code de procédure pénale, et comme tels, susceptibles d'être annulés, mais des moyens de preuve qui peuvent être discutés contradictoirement".

Pour ne pas être nouvelle (14), cette distinction de nature -et surtout, consécutivement, de régime- entre pièces de l'information et moyens de preuve est-elle vraiment justifiée ? Paraît-il, en effet, si opportun de soustraire l'ensemble des éléments produits par les parties privées aux différents contrôles dont font l'objet les éléments produits par l'autorité publique (15) ?

La question se pose avec d'autant plus d'acuité que la Chambre criminelle est parfois tentée, pour des raisons évidentes, de forcer la distinction ; ce qui s'avère être le cas en l'espèce. Afin de percevoir les fichiers litigieux comme de simples éléments de preuve d'origine privée -donc comme des éléments pratiquement incontrôlables-, elle ajoute que c'est par des motifs pertinents que les juges du fond ont "estimé que l'autorité publique n'était pas intervenue dans la confection ou l'obtention des pièces litigieuses, qui proviennent d'une perquisition régulièrement effectuée". Elle semble ainsi dire que ce qui importe n'est pas tant l'appréhension finale de la preuve par l'autorité publique que leur origine privée. Toutefois, tout élément de preuve n'a-t-il pas, par nature, une origine privée, qui va parvenir au juge soit par initiative privée soit par intervention publique ?

Guillaume Beaussonie

  • Seuls ceux qui ont fait l'objet d'une audition peuvent en contester la régularité (Cass. crim., 11 décembre 2013, n° 12-83.296, F-P+B N° Lexbase : A3673KRH ; cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E4430EUM)

A propos de cet arrêt, il ne sera formulé qu'un regret : en précisant que "le moyen pris de l'irrégularité de l'audition de tiers qui [n'] auraient dû, selon les demandeurs, être placés en garde à vue est inopérant dès lors que cette irrégularité ne peut être invoquée que par les personnes qu'elle concerne", la Chambre criminelle de la Cour de cassation persiste dans une position pourtant contraire au droit issu de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme.

Concrètement, il s'agissait de refuser à des personnes mises en cause à la suite de déclarations faites par d'autres durant leur garde à vue, la qualité à invoquer l'annulation des auditions ainsi réalisées. Leur intérêt à agir était pourtant évident...

Le regret se nove même en réprobation, quand on sait que la Cour de cassation est parfaitement consciente de l'inconventionalité de sa jurisprudence, puisqu'elle avait, à la suite d'une condamnation notoire de la France sur ce point précis, retenu une solution exactement inverse. Solution inverse que, sous la pression sans doute des impératifs probatoires, elle avait fini par abandonner de nouveau (16), l'arrêt du 11 décembre 2013 ne faisant ainsi que consolider la nouvelle et contestable position officielle de la Chambre criminelle.

Guillaume Beaussonie

IV - Le droit à l'assistance d'un avocat durant la garde à vue

  • Le droit d'être assisté par un avocat lors des auditions doit bénéficier à la personne gardée à vue dès qu'elle en fait la demande (Cass. crim., 5 novembre 2013, n° 13-82.682, F-P+B N° Lexbase : A2248KPX ; cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E4313EUB)

La loi n° 2011-392 du 14 avril 2011, relative à la garde à vue (N° Lexbase : L9584IPN), à la suite d'arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l'Homme (17) puis surtout de la décision du Conseil constitutionnel (18), a réformé la garde à vue, en prévoyant notamment le droit pour la personne gardée à vue d'être assistée par un avocat lors des auditions et confrontations. Dans la présente affaire, un individu (poursuivi par la suite pour meurtre aggravé et vol en réunion) est placé en garde à vue, se voit notifier ses droits conformément à l'article 63-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9742IPI), et déclare ne pas vouloir s'entretenir avec un avocat (19). Mais, lors de l'audition sur les faits, il déclare vouloir être assisté par un avocat (20), ce qui lui est refusé et l'audition se poursuit. La garde à vue est par la suite prolongée et ce n'est que lors de la prolongation qu'un avocat commis d'office est appelé à la demande de la personne. Saisie d'une demande d'annulation des auditions réalisées sans l'assistance d'un avocat, la chambre de l'instruction refuse pourtant d'y faire droit aux motifs, selon elle, que la personne ayant fait le choix dès le début de la garde à vue de ne pas être assistée par un avocat, un autre choix ne lui était ouvert qu'au moment de la prolongation. C'est cette interprétation qui est censurée par la Chambre criminelle de la Cour de cassation au visa de l'article 63-3-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9629IPC).

La chambre de l'instruction, en l'espèce, confond le droit à l'entretien avec l'avocat et celui du droit d'être assisté par lui lors des auditions et confrontations, en liant plus précisément l'exercice du second par la mise en oeuvre du premier. S'agissant de l'entretien, celui-ci ne se déroule en principe qu'au début de la garde à vue, avant la première audition. Et il ne peut être exercé ou réitéré, à la demande du gardé à vue, que lors d'une prolongation (21), toujours avant les auditions qui suivront. Mais, pour ce qui est du droit d'être assisté par un avocat lors des auditions et confrontations, il n'est pas prévu par la loi qu'il dépend de la mise en oeuvre du droit à l'entretien. D'ailleurs, l'article 63-4-2, alinéa 2, du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9631IPE) énonce que, lorsque l'avocat a été sollicité avant la première audition et qu'il se présente après l'expiration du délai de deux heures (22), l'audition qui aurait débuté doit être interrompue pour permettre l'entretien, sauf si la personne gardée à vue ne demande pas à s'entretenir avec son avocat. Il en résulte que le droit d'être assisté lors des auditions et confrontations peut s'exercer à tout moment de la garde à vue dès lors que la personne en fait la demande, et ce indépendamment du droit à l'entretien auquel la personne aurait renoncé. Et ce n'est qu'à titre exceptionnel que le report de la présence de l'avocat (23) lors des auditions peut être décidé par l'autorité judiciaire si cette mesure apparaît indispensable pour des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'enquête, soit pour permettre le bon déroulement d'investigations urgentes tendant au recueil ou à la conservation des preuves, soit pour prévenir une attente imminente aux personnes (24).

Ainsi, en l'espèce, les auditions réalisées sans la présence de l'avocat alors que l'individu placé en garde à vue avait demandé, en cours d'audition lors des premières 24 heures, d'être assisté par un avocat, devaient être annulées, considérant que la violation de ce droit porte nécessairement atteinte aux droits de la défense (25). Rappelons également que l'article préliminaire, modifié par la loi du 14 avril 2011, prévoit qu'en matière criminelle et correctionnelle, aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement de déclarations faites sans que la personne ait pu s'entretenir avec un avocat et être assistée par lui, alors qu'elle n'aurait pas renoncé à ses droits.

Lionel Miniato

V - La motivation des arrêts de cours d'assises

  • L'exigence de motiver la déclaration de culpabilité mais pas la peine de réclusion (Cass. crim., 6 novembre 2013, n° 13-80.474, F-D N° Lexbase : A2039KP9 ; cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E2234EUB)

Depuis la loi n° 2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs (N° Lexbase : L9731IQH), l'article 365-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9537IQB) impose de motiver l'arrêt de condamnation prononcé par la cour d'assises, la motivation consistant dans l'énoncé des principaux éléments à charge qui ont convaincu la juridiction criminelle. Mais les textes n'imposent pas de motiver également la peine de réclusion, pas plus d'ailleurs que la peine d'emprisonnement prononcée éventuellement par la cour d'assises (26), alors que l'article 132-19 du Code pénal (N° Lexbase : L3753HG4) impose au tribunal correctionnel de motiver spécialement le choix de l'emprisonnement sans sursis, hors récidive légale (27).

En l'espèce, un individu condamné par la cour d'assises à quinze ans de réclusion pour violences aggravées ayant entraîné la mort sans intention de la donner, forme un pourvoi en cassation et soulève à l'occasion une question prioritaire de constitutionnalité, en mettant en cause l'absence de motivation de la peine de réclusion. Etaient invoqués à l'appui de la QPC, le droit à une procédure juste et équitable, la légalité des peines, l'égalité devant la loi et devant la justice et les droits de la défense, garantis par les articles 5 (N° Lexbase : L1369A9L), 6 (N° Lexbase : L1370A9M), 7 (N° Lexbase : L1371A9N), 8 (N° Lexbase : L1372A9P), 9 (N° Lexbase : L1373A9Q) et 16 (N° Lexbase : L1363A9D) de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789, ainsi que par l'article 34 de la Constitution (N° Lexbase : L1294A9S).

Pour la Cour de cassation, la question ne présente pas, à l'évidence, un caractère sérieux, celle-ci n'est donc pas transmise au Conseil constitutionnel. En effet, selon la Chambre criminelle (28), l'absence de motivation de la peine de réclusion (et d'emprisonnement) s'explique par l'exigence d'un vote à la majorité absolue ou à la majorité de six (en premier ressort) ou de huit voix (en appel) au moins lorsque le maximum de la peine est prononcé, ce qui exclut tout risque d'arbitraire (29). Autrement dit, expliquer spécialement en quoi la peine de réclusion s'impose plus que toute autre peine est inutile, dès lors que le choix de la peine a été opéré majoritairement par un nombre important de personnes composant la cour d'assises. Il en résulte qu'aucun des principes constitutionnels n'est violé, notamment pas l'égalité devant la loi et devant la justice, car accusés et prévenus n'étant pas placés dans la même situation, ils peuvent être jugés selon des règles différentes.

Lionel Miniato


(1) D'autres systèmes juridiques, par exemple l'Allemagne, ont ainsi fait le choix d'une nature administrative pour la plupart des contraventions.
(2) Cass. crim., 27 avril 2004, n° 03-85.328, F-P+F (N° Lexbase : A1729DCZ), Bull. crim., n° 99.
(3) Cf. C. proc. pén., art. 7 (N° Lexbase : L9879IQX) et 9 (N° Lexbase : L9877IQU). Notons au surplus qu'une nouvelle interruption a eu lieu lors des réquisitions du ministère public aux fins de citation devant la juridiction de proximité (cf. en ce sens : Cass. crim., 24 octobre 2007, n° 07-82.315, F-P+F N° Lexbase : A6068DZR, Bull. crim., n° 258.
(4) C. pén., art. 133-4 (N° Lexbase : L2202AMI).
(5) C. proc. pén., art. 530-1, al. 1er (N° Lexbase : L7596IMB).
(6) Cass. crim., 14 septembre 2005, F-P+F+I (N° Lexbase : A7177DKZ), Bull. crim., n° 23; Cass. crim., 18 octobre 2006, F-P+F+I (N° Lexbase : A3174DSD), Bull. crim., n° 252. Cf. aussi Cass. avis, 5 mars 2007, n° 0070004P (N° Lexbase : A0239KTZ), Bull. crim., avis n° 2.
(7) Cass. crim., 5 décembre 2013, n° 12-87.126, FS-P+B (N° Lexbase : A8414KQP).
(8) La Cour de cassation a déjà considéré qu'un mandement de citation adressé à un huissier aux fins de délivrer une citation à comparaître est un acte de poursuite interruptif de prescription : Cass. crim., 28 janvier 1988, n° 86-92.565 (N° Lexbase : A2747CKX), Bull. crim., n° 44 ; Cass. crim., 13 février 1990, n° 89-80.743 (N° Lexbase : A2710CHT), Bull. crim., n° 74 ; Cass crim., 13 novembre 1991, n° 90-87019 N° Lexbase : A3557ACQ), Bull. crim., n° 406. En revanche, tel n'est pas le cas d'un simple mandement figurant au dossier mais non encore transmis à l'huissier en vue de sa délivrance : Cass crim., 16 février 1999, n° 97-83951(N° Lexbase : A6748CHE), Bull. crim., n° 21. Et un mandement de citation transmis par le procureur général au procureur de la République en vue de la saisine de l'huissier constitue un acte de poursuite interrompant le cours de la prescription de l'action publique à la date de sa transmission : Cass. crim., 13 décembre 2005, n° 04-87.489 (N° Lexbase : A4115DMD), Bull. crim., n° 331.
(9) Cf. par ex. Cass. crim., 26 novembre 2003, n° 03-85.240, F-P+F (N° Lexbase : A4429DAB), Bull. crim., n° 222. Il a, en l'espèce, été conclu à l'absence d'excès de pouvoir.
(10) Cf. F. Dupuis, L'excès de pouvoir en procédure pénale, thèse, Toulouse 1-Capitole, 2013.
(11) Puisqu'il s'agit d'éviter des appels dilatoires, le filtre des appels ne concerne pas le ministère public : Cass. crim., 28 avril 1998, n° 98-80.366 (N° Lexbase : A3068ACM), Bull. crim., n° 142.
(12) F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer, Traité de procédure pénale, Economica, 2009, § 2112.
(13) Cass. crim., 6 décembre 2001, n° 11-90.095, F-D (N° Lexbase : A5105H8L) : "la disposition légale critiquée [l'article 186-1 du Code de procédure pénale], garantit le droit au recours effectif et le respect des droits de la défense dès lors que le président de la chambre de l'instruction, saisi de la requête à laquelle le juge d'instruction n'a pas fait droit, doit rendre, au vu de l'avis du procureur de la République et des pièces de la procédure parmi lesquelles figure la demande initiale du prévenu, une décision motivée en cas de non-saisine de la chambre de l'instruction, cette décision étant susceptible d'être censurée en cas d'excès de pouvoir". Cf. déjà Cass. crim., 23 novembre 2010, n° 10-86.067, F-P+B (N° Lexbase : A7697GLN), Bull. crim., n° 185.
(14) Voir surtout Cass. crim., 30 mars 1999, n° 97-83.464 (N° Lexbase : A5361CKR), Bull. crim., n° 59. Plus récemment, voir par exemple : Cass. crim., 31 janvier 2012, n° 11-85.464, F-P+B+I (N° Lexbase : A6672IBQ), Bull. crim., n° 27 ; Cass. crim., 7 mars 2012, n° 11-88.118, F-P+B (N° Lexbase : A3769IEC), Bull. crim., n° 64.
(15) Voir M. Sanchez, Contribution à l'étude de la preuve pénale, thèse, Toulouse 1-Capitole, 2010, n° 197; E. Molina, La liberté de la preuve des infractions en droit français contemporain, PUAM, 2001, nos 386 et s..
(16) Voir Cass. crim., 14 février 2012, n° 11-84.694, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A3688ICL). Pour un commentaire de cet arrêt et un rappel du contexte, voir nos obs., Chronique de procédure pénale - Mars 2012, Lexbase Hebdo n° 476 du 8 mars 2012 - édition privée (N° Lexbase : N0622BT9).
(17) Voir notamment CEDH, 27 novembre 2008, Req. 36391/02 (N° Lexbase : A3220EPX) ; CEDH, 13 octobre 2009, Req. 7377/03 (N° Lexbase : A3221EPY).
(18) Cons. const., 30 juillet 2010, n° 2010-14/22 QPC (N° Lexbase : A4551E7P).
(19) Entretien confidentiel d'une durée de 30 minutes : C. proc. pén., art. 63-4 (N° Lexbase : L9746IPN)
(20) Voir C. proc. pén., art. 63-4-2 (N° Lexbase : L9631IPE)
(21) C. proc. pén., art. 63-4, al. 3  (N° Lexbase : L9746IPN)
(22) C. proc. pén., art. 63-4, al. 1
(23) De 12 heures voire de 24 heures.
(24) C. proc. pén., art. 63-4-2, al. 4 et 5 (N° Lexbase : L9631IPE)
(25) Voir S. Guinchard, J. Buisson, Procédure pénale, LexisNexis, 9ème éd., 2013, spéc. n° 862.
(26) Voir Cass. crim., 22 janvier 1997, n° 96-80.309 (N° Lexbase : A1095ACK).
(27) Voir E. Garçon, V. Peltier, Droit de la peine, LexisNexis, 2010, spéc. nos 368 et s..
(28) Qui n'examine que les articles 132-19 (N° Lexbase : L3753HG4) et 132-24 (N° Lexbase : L9406IE4) du Code pénal, l'article 365-1 du Code de procédure pénale ayant déjà été déclaré conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel.
(29) Voir C. proc. pén., art. 362, al. 2 (N° Lexbase : L9564IQB)

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