La lettre juridique n°792 du 25 juillet 2019

La lettre juridique - Édition n°792

Bancaire

[Brèves] TEG : modification des dispositions relatives aux sanctions civiles applicables en cas de défaut ou d'erreur du taux effectif global

Réf. : Ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019, relative aux sanctions civiles applicables en cas de défaut ou d'erreur du taux effectif global (N° Lexbase : L1483LRD)

Lecture: 3 min

N9992BXD

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par Vincent Téchené

Le 24 Juillet 2019

► Une ordonnance, publiée au Journal officiel du 18 juillet 2019, modifie les dispositions du Code de la consommation et du Code monétaire et financier relatives aux sanctions civiles applicables en cas de défaut ou d'erreur du taux effectif global (ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019, relative aux sanctions civiles applicables en cas de défaut ou d'erreur du taux effectif global N° Lexbase : L1483LRD).

 

Conformément à la loi d’habilitation (loi n° 2018-727 du 10 août 2018, pour un Etat au service d'une société de confiance, art. 55 N° Lexbase : L6744LLD), il est prévu une formulation unique des sanctions civiles applicables en cas d'erreur ou de défaut de TEG dans tout document d'information précontractuel ainsi que dans tout écrit valant contrat, qu'il s'agisse d'un contrat de crédit à la consommation ou d'un contrat de crédit immobilier : il est ainsi prévu que, en cas de défaut de mention ou de mention erronée du taux annuel effectif global, le prêteur peut être déchu du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice pour l'emprunteur.

Identiquement, un nouvel article L. 341-48-1 est créé dans la partie «Sanctions» du Code de la consommation disposant que, en cas de défaut de mention ou de mention erronée du taux effectif global dans un crédit à la consommation ou un crédit immobilier, le prêteur peut être déchu du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice pour l'emprunteur. L'emprunteur n'est tenu alors qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n'a pas été déchu. Les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux de l'intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.

 

Le rapport au Président relatif à l’ordonnance apporte deux précisions utiles.

D’une part, si le juge est appelé à prendre en compte le préjudice subi par l'emprunteur pour déterminer le niveau de la sanction, son pouvoir d'appréciation n'est pas limité à ce seul préjudice.

D’autre part, l'habilitation ne prévoyant pas que le nouveau régime de sanction doit s'appliquer aux actions en justice introduites avant la publication de l'ordonnance, celle-ci ne comprend pas de disposition sur ce point. Il revient donc aux juges civils d'apprécier, selon les cas, si la nouvelle sanction harmonisée présente un caractère de sévérité moindre que les sanctions actuellement en vigueur et, dans cette hypothèse, d'en faire une application immédiate dans le cadre d'actions en justice introduites avant la publication de l'ordonnance.

newsid:469992

Électoral

[Brèves] Possibilité de recours contre l’appréciation dont la HATVP assortit la déclaration de situation patrimoniale d'un député

Réf. : CE Ass., 19 juillet 2019, n° 426389, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5758ZKH)

Lecture: 2 min

N0027BYN

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par Yann Le Foll

Le 24 Juillet 2019

L’appréciation dont la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) assortit la déclaration de situation patrimoniale d'un député, au regard des effets notables d'une telle appréciation sur la personne du député et de son influence sur le comportement des personnes, notamment des électeurs, auxquelles elle s'adresse, est une décision susceptible de recours.

Telle est la solution d’un arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 19 juillet 2019 (CE Ass., 19 juillet 2019, n° 426389, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A5758ZKH).

 

Il résulte des articles LO 135-1 (N° Lexbase : L7396LGZ), LO 135-2 (N° Lexbase : L7395LGY), LO 135-5 (N° Lexbase : L1504IZQ) et LO 135-6 du Code électoral (N° Lexbase : L1505IZR) que, pour renforcer la transparence de la vie publique ainsi que les garanties de probité et d'intégrité exigées des élus, le législateur organique a notamment chargé la HATVP d'apprécier l'exhaustivité, l'exactitude et la sincérité de la déclaration de situation patrimoniale que chaque député est tenu de lui adresser après son entrée en fonction.

 

Dans le cadre de cette mission, la Haute autorité dispose de la faculté d'assortir la déclaration qu'elle rend publique d'une appréciation quant à son exhaustivité, son exactitude et sa sincérité.

 

L'appréciation dont la HATVP estime utile d'assortir la déclaration de situation patrimoniale d'un député constitue une prise de position quant au respect de l'obligation d'exhaustivité, d'exactitude et de sincérité qui pèse sur l'auteur de cette déclaration.

 

Alors même qu'elle est dépourvue d'effets juridiques, cette prise de position d'une autorité administrative, qui est rendue publique avec la déclaration de situation patrimoniale sur le fondement de l'article LO 135-2 du Code électoral, est de nature à produire, sur la personne du député qu'elle concerne, des effets notables, notamment en termes de réputation, qui au demeurant sont susceptibles d'avoir une influence sur le comportement des personnes, et notamment des électeurs, auxquelles elle s'adresse.

 

Dans ces conditions, une telle prise de position doit être regardée comme faisant grief au député dont la déclaration de situation patrimoniale fait l'objet de l'appréciation ainsi rendue publique.

 

Il s'ensuit qu'un député est recevable à demander l'annulation de la délibération relative à sa déclaration de situation patrimoniale (cf. l'Ouvrage "Droit électoral" N° Lexbase : E6067EYD).

newsid:470027

Entreprises en difficulté

[Jurisprudence] Quand la nullité de l’hypothèque emporte annulation du paiement privilégié

Réf. : Cass. com., 10 juillet 2019, n° 18-17.820, F-P+B (N° Lexbase : A3224ZKM)

Lecture: 6 min

N0069BY9

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par Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences - HDR à l'Université de Nice Côte d'Azur, Co-directrice du Master 2 Droit des entreprises en difficulté, Membre du CERDP (EA 1201), Avocat au barreau de Nice

Le 24 Juillet 2019

L’article L. 632-1, I, 6°, du Code de commerce (N° Lexbase : L7320IZ7) prévoit qu’est nulle, lorsqu’elle est intervenue depuis la date de cessation des paiements, toute hypothèque conventionnelle constituée sur les biens du débiteur pour dettes antérieurement contractées. Cette nullité est une nullité de droit. Il ne faut pas entendre par là que la nullité intervient automatiquement. Cela signifie seulement qu’en présence d’un cas de nullité de droit de la période suspecte, le tribunal est tenu de prononcer la nullité, et ce sans nécessité de caractériser la mauvaise foi du cocontractant du débiteur ou du créancier accipiens, c’est-à-dire la connaissance par ce dernier de l’état de cessation des paiements du débiteur.

D’évidence, en cas d’annulation de l’hypothèque, le créancier se trouve privé de la qualité de créancier hypothécaire et devient donc, à moins qu’il ne dispose d’une autre sûreté, créancier chirographaire, ce qui lui laisse peu de chance d’être payé dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire. Cependant, si le paiement du créancier est intervenu avant l’ouverture de la procédure collective alors que sa dette était échue, l’annulation de l’hypothèque a-t-elle pour effet d’entraîner la nullité du paiement reçu ? La nullité peut-elle, par contagion, atteindre le paiement reçu ? Telle est la question tranchée par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 10 juillet 2009 appelé à la publication au Bulletin.

En l’espèce, pour garantir une créance d’honoraires dus en rémunération de prestations antérieures, une société d’avocats avait obtenu de son client une hypothèque conventionnelle. A la suite de la vente de l’immeuble grevé, le notaire instrumentaire a versé au créancier le montant de sa créance et ce dernier a donné mainlevée de l’inscription. Quelques mois plus tard, le débiteur a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire, la date de cessation des paiements ayant été fixée antérieurement à l’octroi de l’hypothèque conventionnelle. Le liquidateur judiciaire a alors, sur le fondement de l’article L 632-1, I, 6°, du Code de commerce, assigné le créancier en annulation de l’hypothèque conventionnelle et du paiement intervenu.

La cour d’appel de Paris [1] a rejeté la demande d’annulation au motif que l’article L. 632-1, 6°, du Code de commerce, sur lequel le liquidateur judiciaire fondait son action, ne vise que la nullité des hypothèques consenties pour dettes antérieurement contractées et non le paiement de dettes échues pour lesquelles le créancier bénéficie d’une hypothèque.

Ainsi, selon la cour d’appel, une action en nullité de la période suspecte fondée sur l’article L. 632-1, 6°, du Code de commerce ne pouvait conduire qu’à la nullité de l’hypothèque et non pas à celle du paiement de la créance garantie.

La solution peut se recommander du principe «pas de nullité sans texte», principe qui impose une interprétation restrictive des textes instituant des nullités.

Sur le pourvoi formé par le liquidateur judiciaire, la Chambre commerciale casse pourtant l’arrêt d’appel en énonçant «qu’est nul de droit le paiement reçu par préférence sur le prix de l’immeuble grevé en vertu d’une hypothèque elle-même nulle de droit pour avoir été consentie au cours de la période suspecte pour dettes antérieurement contractées».

Cette importante solution, inédite à notre connaissance, doit être approuvée.

Les nullités de la période suspecte ont pour objet de reconstituer l’actif du débiteur, ce qui ne pourrait être le cas si la nullité d’une hypothèque n’avait pas pour effet de faire retomber dans l’escarcelle de la liquidation judiciaire certains fonds qui lui auraient échappé en l’absence de prononcé de la nullité… La solution posée par la Chambre commerciale, selon laquelle la nullité de l’hypothèque entraîne la nullité du paiement reçu par préférence sur le prix de l’immeuble grevé, permet de ne pas laisser sans effet tangible la nullité de l’hypothèque conventionnelle en présence d’un paiement d’ores et déjà perçu par le créancier hypothécaire, alors même que ce paiement, envisagé de façon isolée, aurait semblé à l’abri de toute nullité de la période suspecte.

Remarquons, en effet, qu’en l’espèce, le paiement concernait une dette échue, de sorte qu’il ne pouvait, de façon isolée, tomber sous le coup de la nullité de droit prévue au 3° de l’article L. 632-1, I du Code de commerce qui prévoit la nullité de droit de tous paiements pour dettes non échues au jour du paiement. Relevons, en outre, que le paiement de dettes échues n’est susceptible de tomber sous le coup d’une nullité facultative de la période suspecte en application de l’article L. 632-2 (N° Lexbase : L8569LHT) qu’à condition que soit démontrée la connaissance par le créancier accipiens de l’état de cessation des paiements du débiteur.

Pour la Cour de cassation, la nullité de droit de l’hypothèque conventionnelle doit nécessairement avoir pour effet d’entraîner la nullité de droit du paiement reçu par préférence sur le prix de l’immeuble grevé de l’hypothèque annulée. Si, en revanche, la dette échue avait été réglée par un autre moyen que par le prix de l’immeuble grevé, la nullité de l’hypothèque n’aurait pu remettre en cause le paiement reçu.

La solution posée par la Chambre commerciale a, très logiquement, une portée beaucoup plus générale et concerne tous les paiements reçus sur le prix des biens objets des sûretés énoncées au sixièmement de l’article L. 632-1 du Code de commerce. Elle concerne donc non seulement l’hypothèque conventionnelle, mais également l’hypothèque judiciaire, l’hypothèque légale des époux, le nantissement ou le gage constitué sur les biens du débiteur pour dettes antérieurement contractées.

 

[1] CA Paris, Pôle 5, 8ème ch., 20 février 2018, n° 16/25182 (N° Lexbase : A9673XDM).

newsid:470069

Fiscalité des entreprises

[Focus] Loi de finances pour 2019 : réforme du régime d'imposition des produits de la propriété intellectuelle, la consécration de l’approche «Nexus» en droit français

Lecture: 12 min

N0011BY3

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par Amine Hajji, Tax consultant | Business Tax Advisory, AMC Ernst & Young

Le 24 Juillet 2019

Le régime fiscal des produits de la propriété intellectuelle a été profondément modifié par la loi de finances pour 2019[1]. Le nouveau régime français de propriété intellectuelle, en vigueur au 1er janvier 2019, est plus restrictif en ce qu'il introduit la règle «Nexus», s’applique au revenu net plutôt qu’au revenu brut et exclut généralement les inventions brevetables de la liste des actifs éligibles (à l’exception des PME). Toutefois, il présente plusieurs nouvelles opportunités, notamment un taux d’imposition réduit de 10 % et une extension de son champ d’application, dans certaines conditions, aux revenus des logiciels.

L’article 37 de la loi de finances pour 2019 a modifié en profondeur le régime préférentiel applicable à l’imposition des produits de la propriété intellectuelle. Cette réforme découle des conclusions de l’Union Européenne[2] et de l'OCDE[3], qui considéraient le régime antérieur comme étant une pratique fiscale dommageable.

Il convient de rappeler à titre liminaire, que la définition de ce qui constitue une pratique fiscale dommageable a évolué au fil du temps et ce, par le biais de négociations intergouvernementales. En effet, alors que l'ancien régime de la propriété intellectuelle, en vigueur depuis les années 1960[4], n'était pas initialement considéré comme une pratique fiscale dommageable par l'OCDE et la Commission européenne, il ne le fut que depuis 2015. Les deux organisations considérant que le régime français était contraire aux exigences de l’action 5 du projet BEPS compte tenu d’une part, de son taux d’imposition réduit de 15 %, et d’autre part, des règles asymétriques de détermination de l’assiette imposable contraires à l'approche «Nexus» si chère à l’OCDE.

Cette réforme vise donc à rendre le régime de propriété intellectuelle français conforme au «standard minimum» développé par l’OCDE au travers de l’action 5 du projet BEPS tout en préservant l’attractivité du régime garantissant à la France une compétitivité vis-à-vis de ses voisins européens.

Pour ce faire, le nouvel article 238 du Code général des impôts (N° Lexbase : L9047LNE) intègre l'approche «Nexus» et introduit d'autres modifications telles que la modification de la liste des actifs éligibles, notamment en l'étendant aux logiciels protégés par le droit d'auteur, tout en ajoutant des conditions restrictives en ce qui concerne les inventions brevetables et en appliquant le taux réduit au revenu net après déduction des dépenses de RD, au lieu du revenu brut du régime antérieur.

 

I - Champ d’application du nouveau régime : Une délimitation au service de la compétitivité 

Contribuables éligibles :

Peuvent bénéficier du régime préférentiel, les entreprises soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d’imposition à l’impôt sur le revenu ou sur les sociétés.

Par voie de conséquence, les personnes physiques sont exclues dudit régime. Ces dernières étant soumises au régime des plus-values à long terme et ce, à raison au titre de la cession ou de la concession de licences d'exploitation d'un logiciel protégé par le droit d'auteur, d'une invention brevetable ou d'un actif incorporel[5].

Les actifs éligibles :

Le nouveau régime s’applique aux éléments présentant le caractère d'actifs incorporels immobilisés suivants : 

- les brevets, les certificats d'utilité et les certificats complémentaires de protection rattachés à un brevet ; 

- les certificats d'obtention végétale ; 

- les logiciels protégés par le droit d'auteur ; 

- les procédés de fabrication industrielle qui constituent le résultat d'opérations de recherche, sont l'accessoire indispensable de l'exploitation d'une invention mentionnée au 1° et font l'objet d'une licence d'exploitation unique avec l'invention ; 

- les inventions dont la brevetabilité a été certifiée par l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) (uniquement pour les PME)[6]

Ainsi, la portée des actifs de propriété intellectuelle éligibles au régime a été considérablement modifiée par rapport à celle du régime antérieur, et ce, principalement par l’insertion des logiciels protégés par le droit d’auteur favorisant ainsi les éditeurs de logiciels et industriels développant des logiciels destinés à un usage interne ou à des produits ou services.

Autre élément important, l’exclusion des inventions non brevetées. Il s’ensuit que les groupes français développant de telles inventions ne pourront plus bénéficier du nouveau régime de propriété intellectuelle, à moins de procéder à l’enregistrement desdits brevets à l’INPI, créant ainsi quelques complications au niveau de la transition entre l’ancien et le nouveau régime.

Cela étant dit, certaines inventions brevetables admissibles à l'ancien régime peuvent englober des logiciels qui remplissent les conditions requises pour le nouveau régime. En effet, bien que les logiciels puissent bénéficier d’une protection par le droit d’auteur, ils peuvent également être brevetables. Les logiciels et brevets/inventions brevetables ne s'excluent donc pas mutuellement. Les tribunaux français[7] et européens estiment que l'exclusion des logiciels de la protection par brevet ne s'applique qu'aux programmes d'ordinateur revendiqués en tant que tels, autrement dit, aux logiciels en tant que tels. Par exemple, l'Office européen des brevets (OEB) déclare que «les programmes d'ordinateur doivent être considérés comme des inventions brevetables lorsqu'elles sont de nature technique»[8]. Ainsi, tant l’OEB que les tribunaux français acceptent la brevetabilité des logiciels, à condition que le brevet ne concerne pas le logiciel en tant que tel, qu’il puisse produire un effet technique et, surtout, qu’il remplisse toutes les autres conditions fixées pour obtenir un certificat de brevet ; c'est-à-dire nouveauté, activité inventive et application industrielle.

Dans le cas précis, les entreprises devront identifier, parmi les inventions brevetables qu’elles ont sélectionnées comme éligibles sous le régime précédent, celles qui incorporaient des logiciels protégés par le droit d’auteur et, par conséquent, susceptibles de bénéficier du nouveau régime. Ainsi, dès lors que l’existence d’originalité nécessaire à la protection du droit d’auteur est satisfaite par les logiciels sélectionnés, on considère qu’il n’y aura pas d’obstacle pour le passage du régime antérieur des inventions brevetables au nouveau régime.

            

Les transactions visées                           

Quant aux transactions visées par le nouveau régime, aucune modification n’est à constater dans la mesure où les licences et sous-licences concédées à des tiers ou à des entreprises associées aux fins de l'exploitation d'actifs éligibles (ou d'un groupe d'actifs), ainsi que les cessions d'actifs éligibles (ou groupe d'actifs) à un tiers demeurent soumis au régime préférentiel, et ce, à la condition que les actifs en question n'aient pas été acquis au cours des deux dernières années. En revanche, les cessions intragroupes d’actifs sont exclues dudit régime.  

L’option pour le régime de faveur

L’une des nouveautés issues du nouvel article 238 du Code général des impôts est que les contribuables peuvent maintenant opter pour ce nouveau régime sur une base globale (c'est-à-dire pour tous leurs actifs éligibles) ou pour un ou plusieurs actifs ou groupes d'actifs spécifiques contribuant à la production de biens ou de services ou à une famille de biens ou de services.

Opter pour certains actifs ou groupes d'actifs spécifiques, plutôt que sur une base globale, peut présenter des opportunités. En effet, en raison des modalités de calcul du revenu net éligible, l’option pourrait être plus avantageuse pour les actifs ou groupes d’actifs qui reposent sur une technologie mature (avec des dépenses de recherche et développement limitées) et qui génèrent des produits significatifs, que pour les nouveaux actifs ou groupes d’actifs pour lesquels des dépenses de R & D importantes sont engagées mais qui généreraient peu de revenus à un instant T.

Cette option doit être formulée dans la déclaration de résultat de l’exercice au titre duquel elle est exercée. Le contribuable a la possibilité d’y renoncer mais non sans conséquences, puisque, la renonciation est irrévocable pour les actifs concernés.

 

II - Détermination de l’assiette imposable : Une imposition en corrélation avec les dépenses en recherches et développement

Sous l'ancien régime de l’article 39 terdecies du Code général des impôts (N° Lexbase : L9059LNT), le revenu imposable était égal au revenu brut tiré des opérations éligibles, moins les coûts de maintien des droits de propriété intellectuelle généralement non significatifs, rendant de facto déductibles, les dépenses de recherche et développement au taux de droit commun (33,33 %), quand bien même le revenu correspondant était éligible au taux réduit.

Dorénavant, la détermination du résultat net soumis au taux préférentiel s’effectue en deux temps :

 

Détermination du résultat net :

Aux termes du 1. du II de l’article 238 du Code général des impôts, le revenu imposable «est déterminé par différence entre les revenus, acquis au cours de l'exercice, tirés des actifs éligibles et les dépenses de recherche et de développement qui se rattachent directement à ces actifs et qui sont réalisées, directement ou indirectement par l'entreprise, au cours du même exercice» et ce, en application des dispositions du 1- du II de la nouvelle version de l’article 238 du Code général des impôts.

Les revenus et dépenses étant appréciés actifs par actifs ou, en cas d’impossibilité, par produit ou famille de produits.

Calcul du ratio «Nexus» :

L’approche «Nexus» (ou du lien modifié) autorise le contribuable à bénéficier d’avantages fiscaux prévus par un régime de PI, uniquement s’il peut prouver qu’il a lui-même supporté les dépenses engagées pour générer un revenu de PI, comme par exemple celles de R & D[9]. Autrement dit, l’avantage fiscal afférent aux revenus de la propriété intellectuelle doit être corrélé avec l’importance des dépenses de R & D engagées en amont sur le territoire.

Le contribuable devra appliquer, au résultat net susmentionné, généralement calculé par actif ou groupe d’actifs, le ratio «Nexus» au sein duquel figurent :

Au numérateur : les dépenses de recherche et de développement en lien direct avec la création et le développement de l'actif incorporel réalisées directement par le contribuable ou par des entreprises non liées ;

Ces dépenses étant retenues pour 130 % de leur montant, sans que ledit ratio ne puisse excéder 100 %.

Au dénominateur : l'intégralité des dépenses de recherche et de développement ou d'acquisition en lien direct avec la création, l'acquisition et le développement de l'actif incorporel et réalisées directement ou indirectement par le contribuable.

Sont prises en compte pour la détermination du ratio, les dépenses de l’année en cours ainsi que celles engagées au cours des années précédentes (le nombre d’années dépend de la date de l’option du régime). Pour les groupes d'imposition français, ce ratio est déterminé au niveau du groupe.

A noter que, en cas de circonstances exceptionnelles indépendantes de sa volonté, le contribuable peut demander à l'administration fiscale de substituer le ratio «Nexus» par un ratio de remplacement lorsque ledit ratio est supérieur ou égal à 32,5 %.

Conclusion

Lors des débats sur la réforme des revenus de la propriété intellectuelle, le législateur a d’emblée fait part de sa volonté d'équilibrer la nécessité de se conformer à la norme d'action 5 du projet BEPS OCDE / G20 et l'attractivité de ce type de régime pour que la France reste compétitive.

Comme pour toute réforme, il y aura des insatisfaits. Les groupes français qui développent des inventions brevetables mais non brevetées risquent de ne plus pouvoir bénéficier du nouveau régime de propriété intellectuelle, sauf s’ils décident de procéder à l’enregistrement de brevets.

De même, les groupes français qui sous-traitent les travaux de R & D à des entreprises associées étrangères pourraient juger moins intéressant de conserver la propriété intellectuelle en France, compte tenu de l’application du ratio Nexus.

Quant aux entreprises exerçant d'importantes activités de R & D en France, elles peuvent décider de détenir en France des droits d'exploitation de propriété intellectuelle issus des activités de R & D basées en France pour bénéficier du taux réduit français.

Alors que l'approche Nexus est mise en œuvre dans tous les régimes de propriété intellectuelle disponibles en Europe (notamment l'Irlande, les Pays-Bas et le Royaume-Uni) et au-delà, les groupes peuvent être encouragés à réattribuer les droits d'exploitation de la propriété intellectuelle entre les pays où ils réalisent ce type d’activités, il n’en demeure pas moins que, combiné au crédit d'impôt recherche prévu par l’article 244 quater B du Code général des impôts (N° Lexbase : L9056LNQ), le nouveau régime français de la propriété intellectuelle et son taux d'imposition de 10 % contribuent au renforcement de l'attractivité de la France en tant que site d'implantation d'activités de R & D et de leur exploitation.

Par ailleurs, dans son rapport d'avancement pour 2018, publié en janvier 2019, l'OCDE a conclu que le régime français de la propriété intellectuelle, ainsi modifié, était désormais conforme à l'approche de l'OCDE et n'était plus considéré comme étant une pratique fiscale dommageable[10].

 

[1] Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 (N° Lexbase : L6297LNK).

[2] Conseil de l’Union européenne : Groupe Code de conduite. Rapport au Conseil ECOFIN concernant le régime fiscal de la France favorable aux brevets n° 13924/16 du 3 novembre 2016.

[3] OCDE (2016), Lutter plus efficacement contre les pratiques fiscales dommageables, en prenant en compte la transparence et la substance, Action 5 - Rapport final 2015, Projet OCDE/G20 sur l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices, Editions OCDE, Paris.         

[4] Loi n° 65-566 du 12 juillet 1965 modifiant l'imposition des entreprises et des revenus de capitaux ‎mobiliers.

[5] CGI, art. 93 quater (N° Lexbase : L9053LNM).

[6] Applicable uniquement aux entreprises dont le chiffre d’affaires mondial auquel ils appartiennent n’excède pas 50 millions d’euros et dont la totalité des revenus bruts issus de la totalité des actifs incorporels ne dépassent pas 7,5 millions d’euros.

[7] CA de Paris, 5 juin 2009, n° 07/20589 (N° Lexbase : A3712EIC).

[8] Office européen des brevets, T.1173/97 du 1er juillet 1998.

[9] OCDE Document explicatif Accord sur l’approche du lien modifiée des régimes de PI.

[10] OCDE, Pratiques fiscales dommageables - Rapport d’étape de 2018 sur les régimes préférentiels : Cadre inclusif sur le BEPS : Action 5, Projet OCDE/G20 sur l’érosion de la d’imposition et le transfert de bénéfices, Editions OCDE, Paris.

newsid:470011

Habitat-Logement

[Brèves] Durée d’inexécution d’un jugement définitif octroyant au requérant un logement dans le cadre de la loi «DALO» : irrecevabilité de la requête en l’absence d’épuisement des voies de recours internes

Réf. : CEDH, 18 juillet 2019, Req. 31798/16

Lecture: 2 min

N0010BYZ

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par Yann Le Foll

Le 24 Juillet 2019

Une requête relative à la durée d’inexécution d’un jugement enjoignant au préfet d’assurer un relogement dans le cadre de la loi «DALO» est irrrecevable dèslors que l’action en indemnisation du préjudice causé par l’inertie de l’Etat était disponible et présentait des perspectives raisonnables de succès. Ainsi statue la CEDH dans une décision rendue le 18 juillet 2019 (CEDH, 18 juillet 2019, Req. 31798/16).

 

L’affaire concernait la durée d’inexécution d’un jugement définitif octroyant au requérant un logement dans le cadre de la loi «DALO» (loi n° 2007-290 du 5 mars 2007, instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale N° Lexbase : L5929HU7). Le requérant a finalement été relogé mais n’a pas saisi les juridictions administratives d’un recours en indemnisation pour la période d’inexécution du jugement. En l’espèce, la période d’inexécution s’étend sur une durée d’un an et onze mois.

 

Les juges strasbourgeois relèvent que le Conseil d’Etat a, depuis le 2 juillet 2010 (CE, avis n° 332825 du 2 juillet 2010 N° Lexbase : A6079E3K), admis la possibilité pour les personnes reconnues prioritaires et devant être logées d’urgence par une décision de la commission de former un recours en responsabilité de droit commun pour obtenir l’indemnisation du préjudice causé par l’inertie de l’Etat.

 

En second lieu, la Cour estime, au vu des jugements nationaux produits, que ce recours en responsabilité permet aux demandeurs qui ont été finalement relogés d’obtenir le constat de l’inexécution du jugement enjoignant au préfet d’assurer leur relogement et une indemnisation subséquente.

 

Compte tenu de ces éléments, la Cour considère que l’action indemnitaire était disponible et présentait des perspectives raisonnables de succès. La requête doit donc être rejetée pour non-épuisement des voies de recours interne.

newsid:470010

Licenciement

[Jurisprudence] L’avis de la Cour de cassation du 17 juillet 2019, épilogue de l’affaire du barème ?

Réf. : Cass. avis, 17 juillet 2019, n° 15012 (N° Lexbase : A4509ZK9) et n° 15013 (N° Lexbase : A4508ZK8)

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par Pascal Lokiec, Professeur à l'Université Paris I

Le 24 Juillet 2019

Le feuilleton du barème applicable en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, et instauré par l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail (N° Lexbase : L7629LGN) vient de connaître un épisode décisif, même s’il n’est très certainement pas le dernier. Rappelons que ce barème, un temps retoqué parce qu’il fixait des plafonds différents en fonction des effectifs de l’entreprise [1], est en vigueur depuis un peu moins de deux ans et est l’objet d’une vive controverse devant les conseils de prud’hommes quant à sa compatibilité avec les normes internationales qui lient la France. Très attendu, l’avis de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation vient d’être rendu le 17 juillet 2019.

I - Un avis tranché

Même si on retiendra avant tout la position de la Cour de cassation sur le fond du dossier, l’avis est d’ores et déjà important quant à la recevabilité même des avis ! La Cour de cassation décidait avec constance depuis 2002 que la question de la compatibilité d’une disposition de droit interne avec les conventions internationales, parmi lesquelles la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales [2] et la Convention n° 158 de l’OIT [3], «relevait de l’examen préalable des juges du fond et, à ce titre, échappait à la procédure de demande d’avis», pour reprendre les termes de la note explicative attachée à l’avis de  juillet 2019. Le revirement qui s’annonçait depuis quelques mois [4] est désormais officiel puisque la Cour de cassation vient de poser en principe que la compatibilité d’une disposition de droit interne avec les dispositions de normes européennes et internationales peut faire l’objet d’une demande d’avis dès lors que son examen implique un contrôle abstrait ne nécessitant pas l’analyse d’éléments de fait relevant de l’office du juge du fond. Il faudra voir, dans les mois et années à venir, si les plaideurs s’emparent de cette procédure, sachant que les règles et principes posés par les Conventions de l’OIT et les Chartes qui lient la France, parmi lesquelles la Charte sociale européenne, sont suffisamment nombreux pour qu’un nombre non négligeable de contentieux donnent lieu à avis de la Cour de cassation.

Sur le fond, les enjeux sont lourds. D’une part, le barème impacte quasiment tous les modes de rupture du contrat de travail, pas uniquement le licenciement. Le prononcé d’indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse intéresse autant le contentieux du licenciement que celui de la prise d’acte, de la résiliation judiciaire et de la rupture conventionnelle, ou encore celui de la requalification du CDD en CDI. D’autre part, il impacte au-delà de la rupture du contrat de travail.  Le salarié pourra-t-il, dans les faits, refuser une modification de son contrat s’il sait, au vu de sa faible ancienneté, que le coût de son licenciement n’exercera aucun effet dissuasif sur son employeur ? C’est précisément ce qui se produit aux Etats-Unis où la facilité à licencier rend quasi inexistante la capacité de résistance des salariés aux modifications du contrat de travail et prive, de fait, celui-ci de toute force obligatoire. Autre impact possible : sur la période d’essai avec un risque de contournement de la période d’essai plafonnée à huit mois renouvellement inclus pour les plus longues puisqu’on pourrait aller jusqu’à douze mois avec une indemnité d’un mois de salaire.  

II - Questions d’effet direct

Rappelons qu’il est reproché au barème d’être contraire à la fois à l’article 24 de la Charte sociale européenne et à l’article 10 de la Convention 158 de l’OIT qui prévoient qu'en cas de licenciement injustifié, les juges devront être habilités à ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée.

La critique est double.

Elle tient, d’abord, au principe du plafonnement, qui limite le montant de l’indemnisation accordée au salarié en cas de licenciement injustifié. S’il a été avancé, jusqu’au Conseil constitutionnel que les montants ont été fixés à la moyenne, les premières études qui sortent tendent à montrer que les indemnisations permises par le barème sont statistiquement inférieures à celles que les juges retenaient auparavant. Ces études [5] montrent que le barème conduit à diminuer le montant des indemnités dues aux salariés. L’avocat général va jusqu’à dire, dans la présente affaire, que : «Ces études vérifient ainsi le constat largement partagé par la doctrine d’une réduction substantielle des droits des salariés, spécialement de ceux de faible ancienneté, certains allant jusqu’à affirmer que ce parti pris en faveur de l’employeur, qui plus est la partie forte du contrat de travail, est la source de l’indignation doctrinale générale suscitée par cette réforme».

La critique tient, ensuite, et surtout, à la marge d’appréciation limitée que laisse le barème. Difficile de considérer qu’un barème qui prévoit, à deux ans d’ancienneté, une fourchette d’indemnisation entre 3 et 3,5 mois de salaire et à trois ans d’ancienneté entre 3 et 4 mois, permet au juge de réparer de manière «adéquate» ou «appropriée» le préjudice subi par le salarié injustement licencié. Dans une telle fourchette, le juge doit intégrer, outre l’ancienneté qui détermine le plancher et le plafond, la situation individuelle du salarié, de même que la situation de l’entreprise (l’impact d’un licenciement pour la TPE et pour la grande entreprise n’a rien à voir). La marge est quasi nulle si on intègre le fait que dans cette fourchette, il faudra, le cas échéant, intégrer l’indemnisation pour non-respect des procédures de consultation des représentants du personnel ou d’information de l’autorité administrative en cas de licenciement collectif, celle pour non-respect de la priorité de réembauchage et celle consécutive à l’absence illicite d’institutions représentatives du personnel ! En effet, ces indemnités se cumulent avec l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais uniquement dans les limites du plafond, ce qui emporte que si le juge estime que l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être au plafond, ces autres préjudices ne seront pas réparés. Ce qui ne sera pas simple à motiver pour le juge puisqu’il est prévu qu’il «justifie dans le jugement qu’il prononce le montant des indemnités qu’il octroie» [6].

Ces griefs n’ont pas été retenus par la Cour de cassation qui, dans son avis, déclare le barème compatible avec le principe de réparation adéquate posé par la Convention n° 158, à laquelle elle reconnait un effet direct horizontal, après avoir écarté le jeu de l’article 24 de la Charte sociale européenne !

De prime abord, on peut se dire que le fait pour la Cour d’avoir écarté l’effet direct de la Charte est indifférent puisque la Convention n° 158, qui pose la même règle, s’est vue reconnaître cet effet. En réalité, même si la portée en droit interne des décisions du CEDS est limitée, une telle position de la Cour de cassation pourrait limiter sensiblement la portée de ce que jugera le CEDS, à supposer que celui-ci retienne l’inconventionnalité du barème. La position du CEDS est, en effet, privée de toute portée dans les rapports entre particuliers du fait de l’absence d’effet direct horizontal de la Charte.

Même s’il reste difficile, à la lecture de l’avis, de déterminer ce qui a exactement conduit à différencier l’article 24 de la Charte et l’article 10 de la Convention 158 sur le terrain de leur effet direct, l’essentiel de l’avis est ailleurs : le principe de réparation adéquate ou appropriée n’a pas été, selon la Cour de cassation, méconnu par le législateur français. En usant de ces concepts, les auteurs de la Convention n° 158 ont offert une marge d’appréciation aux Etats dont l’Etat français a fait une exacte application. Autrement dit, le principe d’un barème, avec les planchers et les plafonds qui le fondent, est compatible avec le principe de réparation adéquate ou appropriée. La Cour s’appuie également sur le fait que le droit français permet d’écarter le barème si le juge décide la réintégration en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse (hypothèse quasiment d’école car elle suppose l’accord des deux parties) et surtout dans les cas de licenciement nul. Cette conclusion s’appuie sur un contrôle abstrait, comme l’énonce, du reste, l’Assemblée plénière, c’est-à-dire un contrôle détaché de toute prise en compte du cas d’espèce ! C’est donc le barème dans son ensemble qui est validé, y compris pour les petites anciennetés, comme le reconnait expressément la Cour [7].

Cette position ferme de l’Assemblée plénière met-elle fin au feuilleton du barème ? Sans doute pas ! Outre qu’il faudra attendre la position du CEDS, celle de la Cour de cassation n’est qu’un avis qui n’empêchera pas, le cas échéant, une résistance de certains juges du fond ! D’un point de vue juridique, l’un des enjeux principaux sera de savoir si ceux-ci vont s’autoriser à dépasser le barème sur la base d’un contrôle concret alors que la Cour de cassation s’est contentée -il ne pouvait en être autrement dans le cadre d’un avis- d’un contrôle abstrait.  Autrement dit, les juges du fond écarteront-ils le barème lorsqu’il est manifeste qu’il parvient à un résultat inéquitable au regard du cas de l’espèce ? Et s’ils le font, ne se heurteront-ils pas systématiquement à une censure de la Cour de cassation ?  Raisonnement qui a été retenu par le conseil de prud’hommes de Grenoble [8] ! Tout en concluant à la conventionnalité du barème, il laisse entendre qu’il conviendrait de dépasser le plafond en présence d’un «préjudice dont la réparation adéquate serait manifestement rendue impossible par l’application du plafond du barème», ce qui ne semble pas viser un préjudice distinct mais bien celui, lié à la perte d’emploi, réparé au titre de l’absence de cause réelle et sérieuse. 

L’essentiel du débat devrait se reporter sur les deux principales techniques de dépassement du barème.

D’une part, le préjudice distinct : les salariés peuvent invoquer, en sus des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, un préjudice distinct. En particulier des dommages-intérêts pour procédés vexatoires dans les circonstances de la rupture et une faute de l'employeur à l'origine du motif de la rupture, par exemple dans l'hypothèse où la détérioration de l'état de santé du salarié était imputable au comportement fautif de l'employeur. Une autre piste est envisageable, celle du manquement à une obligation contractuelle implicite, que le juge peut découvrir à partir de la loi, des usages ou de l'équité (C. civ., art. 1194 N° Lexbase : L0910KZQ). Obligation contractuelle implicite avant d’être inscrite dans le Code du travail, l’obligation d’adaptation du salarié aux évolutions de son emploi, dont le non-respect fait précisément l’objet d’une sanction distincte de celle du licenciement sans cause réelle et sérieuse, en offre une illustration.  

D’autre part, le barème est inapplicable lorsque le licenciement est atteint d’une cause de nullité. On peut s'attendre à des phénomènes de glissement, avec des argumentations juridiques traditionnelles qui pourraient glisser sur le terrain des droits fondamentaux. Par exemple, le salarié licencié pour avoir critiqué son employeur sur les réseaux sociaux pourrait ne plus se contenter de contester la faute, et se déplacer plus systématiquement et plus directement sur le terrain de la liberté d'expression.

Affaire à suivre, par conséquent …

 

[1] Cons. const., décision n° 2015-715 DC du 5 août 2015 (N° Lexbase : A1083NNG).

[2] Cass. avis, 16 décembre 2002, n° 00-20.008 (N° Lexbase : A4510ZKA), Bull. 2002, avis, n° 6.

[3] Cass. avis, 12 juillet 2017, n° 17-70.009 (N° Lexbase : A0224WNM), Bull. 2017, avis, n° 9.

[4] Cass. avis, 7 février 2018, n° 17-70.038 (N° Lexbase : A6196XCH) ; Cass. avis, 12 juillet 2018, n° 18-70.008 (N° Lexbase : A9885XXE).

[5] Mission de recherche Droit et Justice, La barémisation de la Justice, une approche par l’analyse économique du droit, février 2019 ; Les pratiques juridictionnelles d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse : l’application d’un barème ?, Dr. soc., 2019, p. 300.

[6] C. trav., art. L. 1235-1, al. 4 (N° Lexbase : L8060LGM).

[7] V. en ce sens l’avis n° 15012 (N° Lexbase : A8472MX3) et la note explicative d’où il ressort que la marge de manœuvre d’un petit mois pour un salarié ayant une année complète d’ancienneté dans une entreprise employant au moins onze salariés est, selon l’Assemblée plénière, «compatible» avec l’article 10.

[8] CPH Grenoble, 4 février 2019, n° 18/01050 (N° Lexbase : A6406Y97).

newsid:470055

Licenciement

[Brèves] La formation plénière pour avis de la Cour de cassation se prononce sur la compatibilité avec des normes européennes et internationales des dispositions relatives au «barème Macron»

Réf. : Cass. avis, 17 juillet 2019, n° 15012 (N° Lexbase : A4509ZK9) et n° 15013 (N° Lexbase : A4508ZK8)

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N9989BXA

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par Blanche Chaumet

Le 24 Juillet 2019

► La compatibilité d’une disposition de droit interne avec les dispositions de normes européennes et internationales peut faire l’objet d’une demande d’avis dès lors que son examen implique un contrôle abstrait ne nécessitant pas l’analyse d’éléments de fait relevant de l’office du juge du fond ;

► Les dispositions de l’article L. 1235-3 du Code du travail (N° Lexbase : L1442LKM) n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CESDH) (N° Lexbase : L7558AIR) ;

► Les dispositions de l’article 24 de la Charte sociale européenne révisée ([LXB=L1676HDG]) ne sont pas d’effet direct dans un litige entre particuliers ;

► Les dispositions de l’article L. 1235-3 du Code du travail, qui fixent un barème applicable à la détermination par le juge du montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail

La formation plénière pour avis de la Cour de cassation s’est prononcée le 17 juillet 2019 sur deux demandes d’avis (Cass. avis, 17 juillet 2029, n° 15012 N° Lexbase : A4509ZK9 et n° 15013 N° Lexbase : A4508ZK8) [1] formulées par des conseils de prud’hommes [2], relatives à la compatibilité avec des normes européennes et internationales des dispositions de l’article L. 1235-3 du Code du travail, dans leur rédaction postérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 (N° Lexbase : L7629LGN).

Pour rappel, l’article L. 1235-3 du Code du travail met en place un barème applicable à la fixation, par le juge, de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, celle-ci devant être comprise entre des montants minimaux et maximaux. Les montants maximaux varient, selon l’ancienneté du salarié, entre un et vingt mois de salaire brut. Ces dispositions avaient déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel [3].

I - Sur la recevabilité des demandes d’avis

Depuis 2002, la Cour de cassation décidait que la question de la compatibilité d’une disposition de droit interne avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ne relevait pas de la procédure d’avis, l’office du juge du fond étant de statuer sur cette compatibilité [4]. De même, le contrôle de compatibilité d’une disposition de droit interne avec d’autres normes internationales, et notamment avec la convention n° 158 de l’OIT, relevait de l’examen préalable des juges du fond et, à ce titre, échappait à la procédure de demande d’avis [5].

Cependant, la procédure de demande d’avis a pour objectif d’assurer, dans un souci de sécurité juridique, une unification rapide des réponses apportées à des questions juridiques nouvelles, au nombre desquelles figure l’analyse de la compatibilité du droit interne aux normes supranationales.

C’est ainsi que certains avis récents ont été rendus en faisant expressément référence aux principes posés par la CESDH [6].

♦ En énonçant la première règle susvisée, la Haute juridiction déclare les demandes d’avis recevables.

II - Sur le fond

♦ En énonçant la deuxième règle susvisée, la Haute juridiction précise que si le procès prud’homal est soumis aux exigences de l’article 6 § 1 de la CESDH et si le droit à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est un droit à caractère civil au sens de la Convention, il ressort de la jurisprudence de la CEDH qu’il convient de distinguer entre ce qui est d’ordre procédural et ce qui est d’ordre matériel, cette distinction déterminant l’applicabilité et, le cas échéant, la portée des garanties de l’article 6 de la Convention, lequel, en principe, ne peut s’appliquer aux limitations matérielles d’un droit consacré par la législation interne [7].

Dès lors, les dispositions de l’article L. 1235-3 du Code du travail, qui limitent le droit matériel des salariés quant au montant de l’indemnité susceptible de leur être allouée en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, ne constituent pas un obstacle procédural entravant leur accès à la justice, de sorte qu’elles n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 6 § 1 précité.

♦ En énonçant la troisième règle susvisée sur l’effet direct de l’article 24 de la Charte sociale européenne révisée, la Haute juridiction apporte une réponse à une question qui n’avait pas encore été tranchée par la Chambre sociale de la Cour de cassation.

Elle se fonde, pour cela, sur les termes de la Partie II de la Charte et sur ceux de l’article 24 qui lui apparaissent comme laissant une trop importante marge d’appréciation aux parties contractantes pour permettre à des particuliers de s’en prévaloir dans le cadre d’un litige devant les juridictions judiciaires nationales.

♦ En énonçant la quatrième règle susvisée sur la compatibilité de l’article L. 1235-3 du Code du travail avec les stipulations de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail, la Haute juridiction apporte là aussi une réponse à une question qui n’avait pas encore été jugée par la Chambre sociale de la Cour de cassation [8].

Examinant la compatibilité de l’article L. 1235-3 du code du travail avec l’article 10 de la Convention précitée, elle a retenu que le terme «adéquat» doit être compris comme réservant aux Etats parties une marge d’appréciation.

En droit français, si le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise. Lorsque la réintégration est refusée par l’une ou l’autre des parties, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur dans les limites de montants minimaux et maximaux. Le barème prévu par l’article L. 1235-3 du Code du travail est écarté en cas de nullité du licenciement, par application des dispositions de l’article L. 1235-3-1 du même Code (N° Lexbase : L1441LKL). La formation plénière pour avis de la Cour de cassation en a déduit que les dispositions de l’article L. 1235-3 du Code du travail, qui fixent un barème applicable à la détermination par le juge du montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et prévoient notamment, pour un salarié ayant une année complète d’ancienneté dans une entreprise employant au moins onze salariés, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre un montant minimal d’un mois de salaire brut et un montant maximal de deux mois de salaire brut, étaient compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT, l’Etat n’ayant fait qu’user de sa marge d’appréciation.

 

[2] CPH Louviers, 10 avril 2019, n° 17/00373 (N° Lexbase : A7066ZBC) pour la demande d’avis n° 15012 (N° Lexbase : A4509ZK9) et CPH de Toulouse pour la demande d’avis n° 15013.

[3] Cons. const., n° 2018-761 DC du 21 mars 2018 (N° Lexbase : A4835XHK).

[4] Cass. avis, 16 décembre 2002, n° 00-20.008, Bull. 2002, avis, n° 6.

[5] Cass. avis, 12 juillet 2017, n° 17-70.009, Bull. 2017, avis, n° 9.

[6] Cass. avis, 7 février 2018, n° 17-70.038 (N° Lexbase : A6196XCH) ; Cass. avis, 12 juillet 2018, n° 15010 (N° Lexbase : A9885XXE).

[7] CEDH, 29 novembre 2016, n° 76943/11 (N° Lexbase : A4636SLB).

[8] Celle-ci ayant néanmoins reconnu l’applicabilité directe des articles 1er, b du paragraphe 2 de l’article 2 et 11 de ladite Convention par un arrêt du 29 mars 2006 (Cass. soc., 29 mars 2006, n° 04-46.499, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A8311DN7, Bull . 2006, V, n° 131), ainsi que de l’article 4 dans un arrêt du 1er juillet 2008 (Cass. soc., 1er juillet 2008, n° 07-44.124, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A4245D94, Bull. 2008, V, n° 146).

newsid:469989

Pénal

[Brèves] Exploitation sexuelle : la Grèce condamnée pour son cadre juridique insuffisant et plusieurs manquements dans la conduite d’une procédure

Réf. : CEDH, 18 juillet 2019, Req. 40311/10, T. I. et autres c/ Grèce (N° Lexbase : A6084ZKK)

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N9997BXK

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par June Perot

Le 13 Septembre 2019

► La CEDH a jugé que le cadre juridique grec sous lequel s’est déroulée la procédure de l’affaire concernée s’est avéré inefficace et insuffisant pour sanctionner les trafiquants et pour assurer la prévention efficace de la traite des êtres humains ; la Cour juge, également, que les autorités compétentes n’ont pas traité l’affaire avec le niveau de diligence requis par l’article 4 de la Convention (N° Lexbase : L4775AQW).

Telle est la position adoptée par la Cour européenne des droits de l’Homme dans un arrêt de chambre rendu le 18 juillet 2019 (CEDH, 18 juillet 2019, Req. 40311/10, T. I. et autres c/ Grèce N° Lexbase : A6084ZKK ; pour une précédente condamnation de la Grèce à ce sujet, v. CEDH, 21 janvier 2016, Req. 71545/12 N° Lexbase : A2747N4I)

Les faits de l’espèce concernaient trois ressortissantes russes qui se plaignaient d’avoir été victimes de la traite des êtres humains. Elles étaient parvenues à entrer en Grèce par le biais d’employés du consulat qui auraient été soudoyés par des trafiquants russes et auraient établi des visas pour les faire entrer à des fins d’exploitation sexuelle. Reconnues victimes de la traite des êtres humains, les autorités ont alors engagé deux procédures pénales à l’encontre des personnes soupçonnées de les avoir exploitées. L’une des trois ressortissantes russes avait été arrêtée pour prostitution. Des poursuites ont été engagées contre trois personnes et la cour d’appel en condamna deux à une peine d’emprisonnement sans sursis de cinq ans et dix mois chacun pour association de malfaiteurs, proxénétisme et traite des êtres humains. Une autre enquête avait été ouverte concernant la délivrance des visas. Toutefois, la chambre d’accusation du tribunal correctionnel a mis un terme aux poursuites, en raison de la prescription des actes de traite des êtres humains. Selon elle, il n’existait pas d’indices sérieux quant à la commission des infractions reprochées.

La Cour européenne des droits de l’Homme a été saisie par les trois ressortissantes qui dénonçaient un manquement de l’Etat grec à ses obligations de pénaliser et de poursuivre les actes relatifs à la traite des êtres humains.

Concernant l’existence d’un cadre juridique et réglementaire approprié, la Cour constate que depuis le 15 octobre 2002, le Code pénal grec interdit expressément le trafic à des fins sexuelles. Plusieurs modifications ont été apportées au Code pénal en vertu de la loi n° 3064/2002 afin de renforcer la répression de la traite des êtres humains, qui a été qualifiée de crime et la loi prévoit des mesures de protection spécifiques pour les victimes d’un tel trafic.

Concernant les mesures opérationnelles prises pour protéger les requérantes, la Cour note entre autres que les requérantes ont été reconnues comme victimes de la traite des êtres humains peu de temps après que les autorités aient été alertées de leur situation et que l’exécution des décisions ordonnant leur expulsion a été suspendue.

Concernant l’effectivité des enquêtes policières et des procédures judiciaires portant sur les faits d’exploitation, à la suite de la dénonciation faite par les requérantes, la Cour note que la procédure pénale a duré sept ans et neuf mois en ce qui concerne l’une des requérantes. Les autorités n’ont donc pas traité l’affaire avec le niveau de diligence requis. S’agissant des deux autres requérantes, la Cour observe que la procédure pénale a duré neuf ans et trois mois concernant deux personnes dénoncées. En outre, la procédure reste toujours suspendue 15 ans après la dénonciation d’une troisième personne. Ces deux requérantes n’ont donc pas bénéficié d’une enquête effective. Il y a donc violation du volet procédural de l’article 4.

Concernant l’effectivité des procédures portant sur la délivrance des visas, la Cour estime qu’une enquête effective aurait dû être menée pour déterminer s’il avait été procédé à un contrôle rigoureux des dossiers des requérantes par les autorités compétentes avant la délivrance des visas.

newsid:469997

Procédure civile

[Brèves] Publication d’une ordonnance visant l’unification des dispositions régissant les procédures en la forme des référés et l’harmonisation du traitement des procédures au fond à bref délai

Réf. : Ordonnance n° 2019-738 du 17 juillet 2019 (N° Lexbase : L1482LRC), prise en application de l'article 28 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (N° Lexbase : L6740LPC)

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N9993BXE

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par Aziber Seïd Algadi

Le 24 Juillet 2019

► A été publiée au Journal officiel du 18 juillet 2019, une ordonnance n° 2019-738 du 17 juillet 2019 (N° Lexbase : L1482LRC), prise en application de l'article 28 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (N° Lexbase : L6740LPC ; sur la loi, lire le commentaire d’Etienne Vergès, Simplification et efficacité, les deux maîtres-mots de la réforme de la justice civile, Lexbase, éd. priv., n° 782, 2019 N° Lexbase : N8811BXM). 

 

Il convient de rappeler que l'article 28 susvisé autorise le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance, dans un délai de quatre mois à compter de la promulgation de la loi, les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour modifier les dispositions régissant les procédures en la forme des référés devant les juridictions judiciaires aux fins de les unifier et d'harmoniser le traitement des procédures au fond à bref délai.

L’ordonnance a ainsi pour ambition première de clarifier la procédure «en la forme des référés» en la renommant, de manière à mettre en évidence le fait qu'il s'agit d'une décision statuant au fond, obtenue rapidement, tout en supprimant la référence expresse au «référé», source d'erreurs. La terminologie de «procédure accélérée au fond» remplit cet objectif.
 

L’ordonnance entend, ensuite, préserver la philosophie de la procédure «en la forme des référés» dans les matières dans lesquelles il est indispensable de pouvoir disposer d'une voie procédurale permettant d'obtenir un jugement au fond dans des délais rapides. Comme dans le cadre d'une procédure à jour fixe, le demandeur se verra indiquer une date d'audience à bref délai, sans qu'il n'ait à justifier préalablement d'une urgence particulière.
 

Le texte entreprend toutefois, dans la mesure du possible, d'harmoniser les déclinaisons existant dans les différentes matières. En effet, de nombreuses dispositions, tout en renvoyant à la procédure «en la forme des référés», s'écartent de manière plus ou moins significative du dispositif de droit commun tel que décrit par le Code de procédure civile et nuisent ainsi à sa lisibilité.
 

Enfin, dans les cas précis dans lesquels le recours à cette procédure particulière ne se justifie pas, l’ordonnance prévoit de lui substituer une procédure de droit commun, au fond, en référé ou sur requête selon les cas, qui remplira tout aussi bien les objectifs recherchés.


Pour ce faire, il est ainsi prévu de supprimer la procédure «en la forme des référés» au profit d'une procédure en référé ou sur requête lorsque la décision rendue peut être provisoire et que le cas requiert une certaine célérité. En revanche, les justiciables sont renvoyés à une procédure contentieuse au fond lorsqu'il n'y a pas d'urgence à statuer et que la juridiction doit connaître du fond de l'affaire.

 

Les dispositions de l’ordonnance s'appliqueront aux demandes introduites à compter du 1er janvier 2020.

 

newsid:469993

Protection sociale

[Brèves] Compétence de la juridiction administrative pour connaître de la décision de la DIRECCTE supprimant le bénéfice du revenu de remplacement à un demandeur d’emploi

Réf. : T. confl., 1er juillet 2019, n° 4159 (N° Lexbase : A6083ZKI)

Lecture: 2 min

N9994BXG

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par Laïla Bedja

Le 24 Juillet 2019

► La décision prise par l'autorité administrative sur le fondement de l’article L. 5426-2 du Code du travail (N° Lexbase : L0248LM7), dans sa rédaction applicable en la cause relatif à la suppression du revenu de remplacement par l’autorité administrative en cas de fraude ou de fausse déclaration, constitue une décision administrative individuelle ; le litige tendant à l'annulation de cette décision relève, dès lors, de la compétence de la juridiction administrative.

 

Telle est la solution dégagée par le Tribunal des conflits en date du 1er juillet 2019 (T. confl., 1er juillet 2019, n° 4159 N° Lexbase : A6083ZKI).

 

Dans cette affaire, par une décision du 8 décembre 2016, prise sur le recours administratif préalable obligatoire formé par le demandeur d'emploi, le DIRECCTE a confirmé sa décision du 11 août 2016 lui supprimant à titre définitif, avec effet à compter du 18 octobre 2012, le bénéfice du revenu de remplacement, au motif qu'il n'avait pas déclaré ses mandats de gérant de plusieurs sociétés. Le recours hiérarchique ayant été rejeté, le demandeur d’emploi a saisi le tribunal administratif qui s’est déclaré incompétent au motif que le litige, relatif au calcul et au versement des allocations d'assurance chômage, relevait, antérieurement à la création de l'institution nationale Pôle Emploi, de la compétence de la juridiction judiciaire, et que la loi du 13 février 2008, relative à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi (N° Lexbase : L8051H3L) était restée sans incidence sur cette compétence.

 

Par jugement du 19 mars 2019, le tribunal de grande instance de Dijon, considérant que l'objet de l'action était l'annulation de la décision de la DIRECCTE, et relevait de la compétence du tribunal administratif, a renvoyé au Tribunal, sur le fondement de l'article 32 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence.

 

Enonçant la solution précitée, le Tribunal des conflits déclare la juridiction administrative compétente.

newsid:469994

Sociétés

[Brèves] Simplification, clarification et actualisation du droit des sociétés : publication de la loi au Journal officiel

Réf. : Loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019, de simplification, de clarification et d'actualisation du droit des sociétés (N° Lexbase : L1638LR4)

Lecture: 4 min

N0024BYK

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par Vincent Téchené

Le 24 Juillet 2019

La loi de simplification, de clarification et d'actualisation du droit des sociétés a été publiée au Journal officiel du 20 juillet 2019 (loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019 N° Lexbase : L1638LR4).

Le texte final est composé de 37 articles.

Le chapitre 1er, consacré aux dispositions relatives au fonds de commerce, contient deux articles prévoyant la suppression, d'une part, des mentions légales obligatoires à porter sur l'acte de cession d'un fonds de commerce (art. 1er), d'autre part, de la règle qui impose d'exploiter un fonds de commerce pendant au moins deux ans avant de le concéder en location-gérance (art. 2).

 

Le chapitre II est relatif aux sociétés civiles et commerciales. A la section 1, «Dispositions relatives à toutes les sociétés», sont prévues la clarification des droits du nu-propriétaire et de l'usufruitier en cas de démembrement de parts sociales et la création d’une procédure de régularisation de la prorogation d'une société en cas d'omission des formalités obligatoires (art. 4).

 

La section 2 est consacrée aux dispositions relatives aux sociétés civiles, parmi lesquelles on relèvera la mise en place d’un régime simplifiée des fusions (art. 6).

 

La section 3, «Dispositions relatives aux sociétés commerciales», est la plus longue de ce chapitre.

 

En ce qui concerne les sociétés à responsabilité limitée (SARL, sous-section 1), l’article 11 institue une procédure de convocation de l’assemblée si la société se trouve dépourvue de gérant, pour quelque cause que ce soit, ou si le gérant unique est placé en tutelle ; et l’article 12 prévoit la création d'une sanction de nullité facultative des décisions prises irrégulièrement par l'assemblée des associés.

 

Parmi les dispositions relatives aux société anonymes (SA, sous-section 2), sont notamment prévus :

- la démission d'office des mandataires sociaux d'une société anonyme placés en tutelle (art. 13) ;

- l’octroi facilité de garanties par une société mère aux sociétés contrôlées (art.14) ;

- une procédure de consultation écrite des administrateurs ou des membres du conseil de surveillance (art. 15) ;

- l’exclusion pour le calcul de la majorité des voix exprimées au sein de l'assemblée générale, des votes blancs ou nuls ainsi que les voix dont disposent les actionnaires n'ayant pas pris part au vote (art. 16) ;

- la délégation de la réponse aux questions écrites d'actionnaires (art. 18) ;

- la réduction des périodes d'interdiction d'attribution aux salariés d'options donnant droit à souscriptions d'actions (art. 22) ;

- l’assouplissement de l'interdiction faite aux salariés de sociétés cotées attributaires d'actions gratuites de les revendre au cours de certaines périodes (art. 23) ;

- la clarification du régime de rachat d'actions en vue de les attribuer aux salariés ou de consentir des options d'achat (art. 24) ;

- l’assouplissement du régime du rachat d'actions par les sociétés non cotées (art. 25).

 

La sous-section 3 est consacrée aux sociétés par actions simplifiées et comporte trois articles prévoyant notamment la suppression de l'obligation de désigner un commissaire aux apports en cas d'avantages particuliers ou d'apport en industrie (art. 27) ; la faculté pour les petites sociétés par actions simplifiées de désigner un commissaire aux comptes pour permettre la libération d'actions par compensation de créances (art. 28) ; et que les clauses d’exclusion ne sont plus obligatoirement adoptées ou modifiées à l'unanimité des associés mais selon les dispositions statutaires (art. 29).

 

La sous-section 4 consacrée aux dispositions relatives aux valeurs mobilières émises par les sociétés par actions, comporte un seul article qui raccourcit de 5 ans à 3 ans le délai pendant lequel un commissaire aux comptes ayant réalisé une mission au sein d'une société ne peut être désigné en tant que commissaire aux apports en cas de création d'actions de préférence (art. 30).

 

La sous-section 6, intitulée «Dispositions communes aux diverses sociétés commerciales», prévoit notamment un régime simplifié d'apport partiel d'actif (art. 33).

 

Le chapitre 3 est relatif aux commissaires aux comptes. Sont prévues la clarification de la liste des fonctions dirigeantes qui doivent être exercées par un commissaire aux comptes au sein des sociétés de commissariat aux comptes (art. 34) ; la levée du secret professionnel des commissaires aux comptes à l'égard de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et du juge de l'élection (art. 35) ; et la nomination d'un commissaire aux comptes à la demande d'une minorité d'associés (art. 36).

 

Enfin, au chapitre 4, «Dispositions diverses», est adoptée une modification de l’article 1592 du Code civil visant à sécuriser possibilité de désigner un tiers subsidiaire dans les conventions renvoyant à un tiers, sous peine de nullité, la détermination du prix de vente.

 

newsid:470024

Transport

[Brèves] Absence de cumul des droits au remboursement des billets d’avion, en vertu, du Règlement concernant les droits des passagers aériens, et de la Directive concernant les voyages à forfait

Réf. : CJUE, 10 juillet 2019, aff. C-163/18 (N° Lexbase : A4906ZIK)

Lecture: 3 min

N0047BYE

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par Vincent Téchené

Le 24 Juillet 2019

► Les passagers qui disposent du droit de s’adresser à leur organisateur de voyages pour obtenir le remboursement de leurs billets d’avion n’ont pas la possibilité de demander également un remboursement auprès du transporteur aérien ; un tel cumul serait de nature à conduire à une surprotection injustifiée des passagers au détriment du transporteur aérien.

 

Tel est le sens d’un arrêt rendu par la CJUE le 10 juillet 2019 (CJUE, 10 juillet 2019, aff. C-163/18 N° Lexbase : A4906ZIK).

 

Dans cette affaire, trois personnes ont réservé des vols aller-retour entre Eelde (Pays-Bas) et Corfou (Grèce) auprès d’une agence de voyages établie aux Pays-Bas. Ces vols faisaient partie d’un «voyage à forfait» dont le prix a été payé à l’agence. Les vols devaient être effectués par une compagnie aérienne établie en Grèce, qui avait conclu à cet effet un accord avec une société établie à Chypre : la compagnie grecque mettait à la disposition de la société chypriote un certain nombre de sièges, moyennant le paiement d’un prix d’affrètement. La société chypriote a ensuite revendu ces sièges à des tiers, dont l’agence de voyage. Toutefois, quelques jours avant la date de départ convenue, l’agence de voyage a annoncé aux trois voyageurs que leur voyage était annulé. Déclarée en faillite, l’agence de voyage n’a pas remboursé le prix des billets d’avion aux trois voyageurs. Ceux-ci ont saisi la juridiction néerlandaise, qui a condamné la compagnie aérienne à leur verser une indemnisation forfaitaire pour l’annulation de leur vol, en vertu du Règlement n° 261/2004 du 11 février 2004 concernant les droits des passagers aériens (N° Lexbase : L0330DYU). En revanche, ce tribunal ne s’est pas prononcé sur leur demande tendant au remboursement des billets d’avion. Sur ce point, le tribunal a interrogé la Cour de justice.

 

La Cour souligne que la simple existence d’un droit au remboursement, découlant de la Directive 90/314 du 13 juin 1990, concernant les voyages à forfait (N° Lexbase : L6878KUB), suffit à exclure la possibilité pour un passager, dont le vol fait partie d’un voyage à forfait, de réclamer le remboursement de son billet, en vertu du Règlement concernant les droits des passagers aériens, auprès du transporteur aérien effectif. La Cour estime, en effet, que, même si le législateur de l’Union n’a pas souhaité exclure totalement les passagers dont le vol fait partie d’un voyage à forfait du champ d’application du Règlement concernant les droits des passagers aériens, il a, toutefois, entendu maintenir à leur égard les effets du système jugé suffisamment protecteur qui avait été mis en place antérieurement en vertu de la Directive concernant les voyages à forfait. Il s’ensuit que les droits au remboursement du billet, en vertu, respectivement, du Règlement et de la Directive ne sont pas cumulables. Cette conclusion s’impose également dans l’hypothèse où l’organisateur de voyages serait dans l’incapacité financière d’effectuer le remboursement du billet et n’aurait pris aucune mesure afin de garantir ce remboursement.

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