La lettre juridique n°417 du 18 novembre 2010

La lettre juridique - Édition n°417

Éditorial

[Modèle] Famille, parfois sans amour, mais pas sans raison : quand le juge dispense la vertu solidaire

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 27 Mars 2014


Et bien non ! Pas d'éditorial sur les retraites, cette semaine ! Nous avons laissé, à d'Autre, le soin de tirer le portrait d'un vieux maréchal qui aurait mieux fait d'y rester (à la retraite) -mais sait-on, d'ailleurs, qu'un général ne part jamais à la retraite ?-, nous laisserons donc à la verve ultramontaine le soin de discourir sur la décriée réforme.

En revanche, l'actualité des prétoires, si chère à notre maison d'édition, nous oblige, elle, à nous attarder, cette semaine, sur un concept hautement plus porteur en droit positif : la famille ; ou plutôt les familles, devrait-on dire, tant le droit reflète leurs diversités de plus en plus difficiles à appréhender.

D'abord, à l'unisson de l'Anna Karénine de Léon Tolstoi, "toutes les familles heureuses le sont de la même manière, les familles malheureuses le sont chacune à leur façon" ; et ce n'est pas la première chambre civile de la Cour de cassation qui pourrait nous contredire, au vu et à la lecture de sa récente jurisprudence. Le 4 novembre 2010, la famille est passé sous les fourches caudines des Hauts juges chargés de mettre un peu d'ordre, souvent pécuniaire, dans la vie privée des familles élargies, recomposées ou monoparentales. Un brin moralisateur, le Quai de l'Horloge se préférerait à l'heure de la famille nucléaire exogamique -précisons- ; il faut dire que ce schéma garantit, manifestement, la paix des ménages et, surtout, la tranquillité des prétoires.

Extraits de la tirade bergeracoise.

Famille élargie, de celle qui regroupe en son sein, un ensemble apparenté de plusieurs personnes extérieure au noyau central, en clair foyer communautaire exogame dont la solidarité spontanée et naturelle ne laisse pas un individu seul et sans ressources : l'article 909 du Code civil frappe d'incapacité de recevoir à titre gratuit les membres des professions médicales "qui ont prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle meurt". Les Hauts juges ont donc retenu l'application de l'incapacité de recevoir à titre gratuit au médecin psychiatre ayant apporté un soutien accessoire au défunt durant sa maladie. Ce faisant, la Cour rappelle, certes, une règle de déontologie élémentaire qui marie assez mal le serment d'Hippocrate et celui d'accipiens d'une donation, voire de légataire d'une succession. D'aucuns alto-séquanais, ainsi avertis par la Haute juridiction, en valent deux... Mais, il n'empêche que la familia latine n'est pas prête de s'épanouir, si l'on rabroue ceux qui, parfois les seuls, vous viennent en aide... ("Les familles, l'été venu, se dirigent vers la mer en y emmenant leurs enfants, dans l'espoir, souvent déçu, de noyer les plus laids" - Alphonse Allais [citation de l'auteur devenue obligatoire manifestement à la lecture de l'actualité]). Nous sommes donc loin de la Rome antique où la maisonnée s'étendait aux domestiques, aux esclaves et même aux... clients.

Famille recomposée, de celle issue de parents ayant eu des enfants d'une précédente union et dont la principale difficulté est l'acceptation du nouveau beau-parent par le ou les enfant(s) du précédent mariage ou de la précédente union : l'action en nullité du testament pour insanité d'esprit du testateur n'est ouverte qu'aux successeurs universels légaux et testamentaires du défunt. En l'espèce, M. R. était décédé, sans postérité, le 30 juillet 1994, en laissant pour lui succéder son père et son épouse séparée de biens, et en l'état d'un testament olographe du 22 août 1993 instituant cette dernière légataire universelle. Son père était décédé le 14 janvier 2004 en laissant pour lui succéder la fille issue d'une seconde union. Par acte du 5 avril 2006, cette dernière avait poursuivi l'annulation du testament de son demi-frère, pour insanité d'esprit, sur le fondement de l'article 901 du Code civil. Elle faisait, alors, grief à l'arrêt attaqué d'avoir, confirmant le jugement entrepris, déclaré son action en nullité du testament litigieux pour insanité d'esprit, prescrite et donc irrecevable. La Cour suprême, après avoir posé le principe énoncé, retient que la cour d'appel n'était pas tenue de répondre aux conclusions inopérantes par lesquelles la requérante invoquait sa qualité de tiers. Ah la la (ici, la lallation est volontaire pour se remettre de l'exhortation de la première chambre civile) ! Ils y avaient mis du coeur à l'ouvrage, pour tisser des liens de solidarité malgré une "polygamie rétroactive" où la famille s'était élargie en incluant le passé (l'enfant de l'ex-conjointe) au coeur même de la famille recomposée. Cela n'aura pas suffit, le diktat tombe, ici, sans ménagement : demi-soeur, vous n'êtes pas entièrement capable de relever, même pour le bien de votre nouvelle famille, l'insanité d'esprit d'un demi-frère oublieux de vous coucher sur son testament... Mais que voulez-vous, les juges suprêmes, friands d'Audiard, ne s'y trompent pas : "c'est le sort des familles désunies de se rencontrer uniquement aux enterrements" ; CQFD !

Famille monoparentale, de celle constituée d'un seul adulte et d'au moins un enfant (donc pas nécessairement issue d'un divorce ou d'une séparation en bonne et due forme, où l'on parlera volontiers de famille éclatée) : le devoir de secours entre époux, institué par l'article 212 du Code civil, prime l'obligation alimentaire découlant des liens de parenté, issue de l'article 205 du même code. Il en résulte que les débiteurs d'aliments, visés par ce dernier article, ne peuvent être sollicités à l'égard de leur parent, que lorsque le conjoint de celui-ci se trouve dans l'impossibilité d'exécuter son devoir de secours. En l'espèce, le gérant de tutelle de Mme G., avait fait assigner son mari et ses quatre enfants, aux fins d'obtenir l'augmentation de leur contribution aux frais de son séjour en maison de retraite, au titre de leur obligation alimentaire. Pour condamner M. G. et ses quatre enfants à verser une pension alimentaire, la cour d'appel de Pau avait retenu qu'il convenait de répartir entre les débiteurs le montant fixé, tout en rappelant qu'il revenait, d'abord, à M. G. d'apporter son aide financière à son épouse au titre du devoir de secours. Mais, selon la Cour suprême, en se déterminant ainsi, sans constater que le mari, tenu à un devoir de secours qui prime l'obligation alimentaire découlant de la parenté, se trouvait dans l'impossibilité de fournir seul les aliments dont son épouse avait besoin, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 205 et 212 du Code civil. Le secours plus fort que l'aliment ? C'est que la Cour connaît ses classiques : "dans la famille, l'homme est le bourgeois ; la femme joue le rôle du prolétariat", n'est-ce pas Karl ! (cf. L'Origine de la famille, de la propriété privée et de l'Etat). Et, les Hauts juges, si prompts à défendre le faible contre le fort, que ce soit en matière de sexe comme de salariat, il n'est point étonnant que le devoir de secours prime sur l'obligation alimentaire. Par l'application d'une considération contractuelle du mariage, les époux s'obligent à un secours mutuel, avant même de constituer une famille, elle-même, débitrice de l'obligation alimentaire. Primo prime sur secundo : les enfants ne sont pas responsables de leurs parents ou, plutôt, de leur choix nuptial ! Il faut dire que l'on ne badine pas avec la dot de la mariée : les juges sont trop au fait de la mort du mariage de raison et de l'instabilité du mariage d'amour, pour se sentir obligés de pourvoir à l'abandon, le plus souvent de la femme, par un mari peu enclin à divorcer et à rendre le pécule ainsi glané. Jusqu'il y a peu, il y avait la faute exsangue de prestation compensatoire, mais depuis 2004, même la faute ne prive pas l'obligation de secours extra marital. Et, puis c'est qu'elle n'est plus au goût du jour la fama, cette réputation qui faisait que les membres d'une même famille portant le même nom et jouissant d'un crédit et d'un honneur devaient défendre l'intérêt commun : un solidarité matérielle parce que morale en quelque sorte.

"Nous ne discutons pas la famille. Quand la famille se défait, la maison tombe en ruine" écrivit l'auteur de Principes d'action (Antonio de Oliveira Salazar). Le constat, c'est qu'avec la chute des dictateurs, au XXème siècle, c'est celle du concept traditionnel de la famille qui s'est progressivement amorcée (lire Familles je vous aime Politique et vie privée à l'âge de la mondialisation de Luc Ferry). A l'heure du destructuralisme figuratif et chronologique, auquel fait écho une famille, aujourd'hui bien éclatée, rien d'étonnant à ce que la société, et à travers elle, nos juges, tâtonnent pour trouver le chemin de la cohésion la plus légitime, pour être la plus acceptée par ces familles au passé souvent douloureux, au présent souvent difficile et à l'avenir souvent incertain...

Ah ! "Familles je vous hais ! Foyers clos, portes refermées, possessions jalouses du bonheur" écrivait Gide dans Les Nourritures terrestres ; n'est-il pas ?

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Avocats/Institutions représentatives

[Questions à...] Elections des membres du conseil de l'Ordre du barreau de Paris - Questions à Maître Michèle Brault, avocate et candidate

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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la rédaction

Le 04 Janvier 2011

Les élections des membres du conseil de l'Ordre du barreau de Paris sont prévues les 30 novembre et 2 décembre 2010. L'enjeu est important et chacun des candidats porte un projet destiné à faire avancer la profession. Les éditions juridiques Lexbase ont choisi, aujourd'hui, de revenir sur l'une des candidates à cette élection, Maître Michèle Brault, a qui tient particulièrement à coeur la volonté d'enrichir la bibliothèque électronique de l'Ordre. Portrait. Lexbase : Quel est votre profil et pourquoi vous présentez-vous aux élections ordinales ?

Michèle Brault : Mon parcours est un peu atypique puisque je n'ai pas toujours été avocat. En effet, après des études de droit, j'ai souhaité travailler rapidement et, ayant la passion des livres, je me suis tournée vers l'édition. Pendant plus de neuf ans j'ai donc travaillé aux éditions Calmann-Lévy et aux éditions du Seuil. Mais, j'ai ressenti le besoin de revenir au droit et après avoir passé le CAPA, j'ai commencé à exercer chez Archibald Andersen, puis chez Maître Lombard avec Jean-Didier Belot, et enfin chez Olivier Schnerb, pénaliste de renom. Et, au bout de dix ans, je me suis installée en cabinet groupé, puis en association, et maintenant en exercice individuel. Donc aujourd'hui j'exerce, avec une collaboratrice, essentiellement en droit des affaires, avec une clientèle composée d'entreprises, et à la marge, de quelques particuliers.

Pourquoi je me présente au conseil de l'Ordre ? C'est une démarche à la fois sincère et pour moi évidente ; je me présente au conseil de l'Ordre de la même façon qu'il y a des gens qui s'intéressent à la vie politique, c'est-à-dire aux autres. Et tout simplement parce que l'on a envie de participer à un moment ou à un autre à la vie de sa profession. Et puis, et c'est presque l'essentiel, pour être proche de mes confrères et tenter de les aider à résoudre leurs conflits, leurs problèmes. C'est une mission de médiation et d'assistance. Et c'est une expérience humaine extraordinaire et gratifiante.

J'ajouterai aussi qu'il y a un élément plus anecdotique qui me pousse à être candidate à ces élections : l'une de mes filles est actuellement à l'EFB et se prépare à devenir avocate. Donc je me sens très concernée par l'avenir des jeunes avocats. Le fait qu'il y ait beaucoup de jeunes est un signe de vitalité de la profession. Mais néanmoins, entre ceux qui sont dans les petits cabinets et qui arrivent à développer leur clientèle et ceux qui sont les cabinets d'affaires, qui sont presque assimilés salariés, et qui, au bout de dix ans ou plus soit deviennent associés, soit n'ont pas de clientèle propre, faute d'avoir eu du temps pour la développer, il y a un exercice futur différent, qui doit être pris en compte.

Lexbase : Quels sont vos arguments de campagne ?

Michèle Brault : Il y a 12 postes à pourvoir. Certains candidats sont traditionnellement élus parce qu'ils représentent des syndicats ou des organisations qui comptent au Palais. Le combat de ceux qui sont dit "indépendants" est plus difficile et donc plus exaltant. Nombres d'électeurs pensent que toutes les formes d'exercice doivent être représentées au Conseil de l'Ordre. Je partage ce point de vue et c'est aussi le sens de ma candidature.

Mais j'ai souhaité apporter une plus-value. Il y a beaucoup d'avocats -22 000 sur le barreau de Paris-, des gens de qualité se présentent et comme je ne suis pas soutenue par un syndicat, il faut donc que ma candidature ait un sens. Il faut aller au-delà de l'envie de servir, d'être utile. A cet égard, j'ai cherché quelle allait être la singularité de ma candidature et je me suis appuyée sur mon parcours et une bonne connaissance de l'édition, dont l'édition juridique, pour identifier un besoin qui est le besoin d'information qu'ont tous les avocats.

Et ce besoin, comment l'Ordre peut y répondre ? Et bien par le développement de la documentation en ligne et du site internet de la bibliothèque. Aujourd'hui, si on se connecte sur le site privé de l'ordre et que l'on rentre dans l'espace de cette bibliothèque électronique, on accède à une veille législative et règlementaire, aux arrêts de la cour d'appel de Paris via Lexbase, et à la liste du fond de la bibliothèque qui nécessite un déplacement sur place si on désire le consulter. Et, malheureusement, du point de vue du consommateur avocat, cela n'est pas suffisant. En revanche, si on se déplace à la bibliothèque, on dispose d'une quinzaine de postes sur lesquels on trouvera les fonds de Lexis Nexis, de Dalloz, etc. mais l'accès à distance n'est pas possible en raison du coût élevé que cela représenterait.

En effet, si l'Ordre devait payer les bases de données en fonction du nombre des avocats de Paris, cela se chiffrerait en millions d'euros compte tenu des tarifs et du nombre d'avocats.

J'ajouterai que, depuis le début de l'année, des newsletters sont envoyées à tous les avocats dans cinq domaines (familles, étrangers, profession, fond de commerce et habitation). Donc, on le voit il y a une réelle volonté d'offrir du contenu.

Néanmoins, il me semble que le barreau de Paris pourrait avoir une bibliothèque électronique à son image : grand barreau, grande bibliothèque en ligne !

Réfléchir au développement de la bibliothèque électronique est important et cela doit se faire en collaboration avec les personnes concernées. Il faut réfléchir à un projet qui puisse servir à tous les avocats du barreau. Ce projet est celui d'une candidate au service de ses confrères, en collaboration avec le Bâtonnier quel qu'il soit. Je sais que le Bâtonnier en exercice est sensible au problème de la documentation en ligne.

Lexbase : Quels sont les enjeux de ce projet ?

Michèle Brault : Tout d'abord, je tiens à souligner qu'il s'agit d'un projet qui ne peut pas être mené en quelques mois, même si des premiers résultats peuvent être atteints rapidement.

Aujourd'hui un constat s'impose. La moitié des avocats de Paris n'a pas les moyens de s'abonner à des bases de données. Tous les petits cabinets, monostructure par exemple, fonctionnent avec Légifrance, mais on rencontre un problème car son contenu est de plus en plus limité depuis que la Cour de cassation vend le fond de la jurisprudence française aux éditeurs privés. A l'inverse, les gros cabinets disposent de fonds documentaires extraordinaires constitués par des documentalistes professionnels.

Or, il importe de donner à tous les avocats de Paris l'accès au maximum d'informations juridiques et rétablir ainsi le principe de l'égalité des armes, car si vous n'avez pas les moyens d'avoir une documentation, votre dossier risque d'être moins étayé face à un confrère qui aura eu la possibilité d'accéder à de nombreuses ressources documentaires.

En outre, cette bibliothèque électronique pourrait être une vitrine du droit français, du droit écrit, et du droit continental. Qu'ensuite, le lawyer de l'Oregon ou l'avocat du Gabon, dès lors qu'ils ont besoin d'une information en droit français, aient le réflexe de venir sur le site du barreau de Paris !

En résumé, il s'agit d'un projet collectif qui doit être réalisé par la volonté du Bâtonnier et du conseil de l'Ordre.

Lexbase : Quelles pistes de réflexions proposez-vous pour mener à bien ce projet ?

Michèle Brault : Internet regorge de richesses. Pour enrichir les contenus, il faut l'utiliser au mieux. Il existe déjà de nombreuses ressources gratuites et d'excellente qualité, dont la crédibilité n'est pas contestable. Elles restent inconnues et inexploitées.

Des partenariats sont à rechercher avec les universités, les laboratoires de recherches, des organismes divers, publics ou privés, qui ont vocation à diffuser une information intéressant les avocats.

Même les avocats produisent des articles qu'on trouve difficilement sur le site : les travaux des commissions ouvertes, les conférences de Campus doivent être mis en ligne, et donc en valeur.

J'insiste également sur un autre point : l'ordre ne doit pas être éditeur, à chacun son métier. Il faut trouver d'autres manières de travailler avec les éditeurs. Il y a des choses à faire avec certains d'entre eux, les petits notamment qui ont un fonctionnement plus souple et moins coûteux.

A plus long terme, la bibliothèque devrait permettre de faciliter la recherche documentaire, d'accéder à des sites, des articles précis par un moteur de recherche, créer des fils RSS, etc.. Peut-être faut-il aussi, pour revenir à l'humain, envisager que le maximum de personnel de la bibliothèque de l'Ordre soit formé à cette recherche pour se mettre au service des avocats qui le souhaiteraient.

La formation des jeunes avocats à la recherche documentaire doit également être accentuée.

Il y a beaucoup de pistes, de possibilités. Il me semble important d'avoir une ambition pour cette bibliothèque électronique dans l'intérêt de notre profession et de chacun de ses membres.

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Affaires

[Manifestations à venir] L'entreprise individuelle, commerciale et artisanale, dans tous ses états

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Le 04 Janvier 2011

La Faculté de droit, sciences économiques et gestion de Nancy organise, le 3 décembre 2010 de 8h30 à 18h30, en partenariat avec la Compagnie régionale de commissaires aux comptes ( CRCC) de Nancy, l'Ecole régionale des avocats du grand-est (ERAGE), l'Ordre des experts-comptables de la région Lorraine, l'union des auto-entrepreneurs (UAE) et l'association des juges consulaires du tribunal de commerce de Nancy, un colloque sur le thème de l'entreprise individuelle commerciale et artisanale.
  • Programme

- 8h30 : Accueil des participants

- 9h00 : Discours d'ouverture
Philippe Bertaud, Vice-Président de la Communauté urbaine du Grand Nancy
François Le Poultier, Président de l'Université Nancy 2
Eric Germain, Doyen de la Faculté de droit
François Hurel, Président de l'Union des auto-entrepreneurs

Premier thème : L'entreprise individuelle
Matinée sous la présidence de Jean-Bernard Blaise, Professeur émérite à l'Université Paris II, Avocat

- 9h30 : Du commerçant et de l'artisan à l'activité commerciale et l'activité artisanale
Christine Lebel, Maître de conférences à la Faculté de droit, sciences économiques et gestion de Nancy (Nancy-Université)

- 9h50 : La création de l'entreprise individuelle simplifiée
Xavier Delpech, Secrétaire général de la rédaction du répertoire de droit commercial Dalloz

-10h20 : Le e-commerce ou l'entreprise dématérialisée
Philippe Neau-Leduc, Professeur à l'Université Paris I, Ecole de droit de la Sorbonne

- 10h50 : Débats suivis d'une pause

- 11h15 : Le sort du fonds de commerce et du fonds artisanal dans le contexte juridique modifié
Arnaud Reygrobellet, Professeur à l'Université de Paris-Ouest Nanterre La Défense

- 11h45 : Quelles conséquences pour le bail commercial ?
Frédéric Planckeel, Maître de conférences à l'Université de Lille Nord de France (UDSL)

- 12h15 : Débats

- 12h30 : Déjeuner

Second thème : L'entrepreneur
Après-midi sous la présidence de Daniel Tricot, Président honoraire de la Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, Agrégé des Facultés de Droit, Avocat honoraire au Barreau de Besançon

- 14h00 : Protection, transmission, évolution : la nécessite d'adapter le droit positif
Maurice-Antoine Lafortune, Avocat général honoraire à la Cour de cassation, chargé de cours à l'Université du Maine, consultant-arbitre

- 14h30 : La protection du patrimoine de l'entrepreneur : solutions non sociétaire
Caroline Houin-Bressand, Maître de conférences à la Faculté de droit, sciences économiques et gestion de Nancy (Nancy-Université)

- 15h00 : La protection du patrimoine de l'entrepreneur : solutions sociétaires
Michel Germain, Professeur à l'Université Paris II, Doyen honoraire de la Faculté de droit de Besançon

- 15h30 : Débats suivis d'une pause

- 16h00 : La situation comptable, fiscale et sociale de l'entrepreneur après la LME
Richard Renaudin, Vice-président de la Compagnie régionale des commissaires aux comptes de Nancy, Président de la Chambre de la prévention au tribunal de commerce de Nancy, Président honoraire de l'Ordre des experts-comptables de Lorraine

-16h30 : L'entrepreneur et sa cessation d'activité (transmission et arrêt)
Cédric Altmeyer, Avocat au Barreau de Nancy (ACD), chargé d'enseignement à la Faculté de droit, sciences économiques et gestion de Nancy

- 17h00 : L'entrepreneur face à la défaillance de l'entreprise
Jean-Luc Vallens, Magistrat, Professeur associé à l'Université de Strasbourg

- 17h30 : Débats

- 17h45 : Rapport de synthèse
Jocelyne Vallansan, Agrégée des universités, détachée à la cour d'appel de Caen

  • Date

Vendredi 3 décembre 2010
8h30 à 18h30

  • Lieu

Faculté de Droit, Sciences économiques et Gestion
Amphithéâtre K 12
13 place Carnot
54 000 Nancy

  • Prix

Droits d'inscription : 74 euros
Inscription gratuite pour les universitaires et les étudiants

  • Renseignements/Inscriptions

Secrétariat du CRDP
Marie-Christine Matricou
13 place Carnot - CO n° 70026
54035 NANCY Cedex
Tél : 03-54-50-45-40
Email : marie-christine.matricou@univ-nancy2.fr
Avocats : inscriptions auprès de l'ERAGE
Retour des inscriptions avant le lundi 29 novembre 2010.

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Fiscalité financière

[Jurisprudence] La détention de titres par une société faisant partie d'un groupe d'investisseurs leur assurant une minorité de blocage chez l'émettrice caractérise l'utilité permettant de qualifier les titres de titres de participation

Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 20 octobre 2010, deux arrêts, n° 314247, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4483GCZ) et n° 314248 (N° Lexbase : A4484GC3)

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N5709BQI

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par Guy Quillévéré, Rapporteur public près le tribunal administratif de Nantes

Le 04 Janvier 2011

Le Conseil d'Etat, par deux arrêts du 20 octobre 2010, juge qu'au regard des stipulations des protocoles d'accord signés par deux sociétés, Alphaprim et Hyper Primeurs, appartenant à un groupe d'investisseurs, avec la société Compagnie générale foncière et immobilière (CGFI), ces dernières avaient acquis des titres constituant des titres de participation au sens du a du ter du I de l'article 219 du CGI (N° Lexbase : L1143IE3).

Les faits dans ces deux affaires sont les suivants : les deux sociétés Alphaprim et Hyper primeurs ont souscrit un engagement dans le cadre d'un protocole d'accord conclu, le 23 mars 1992, entre un groupe d'investisseurs dont elles faisaient partie et la CGFI, leur permettant l'acquisition, le 19 janvier 1993, respectivement de 892 et 8 104 parts de la Compagnie. Le 20 novembre 1997, les deux sociétés ont revendu ces titres à cette même société et enregistré à cette occasion des moins-values d'un montant respectif de 756 000 francs (115 251 euros) et de 4 378 230 francs (667 456 euros), qu'elles ont regardées comme des moins-values de court terme et qu'elles ont déduites de leur résultat imposable de l'exercice en cours. Le service a remis en cause les déductions opérées au motif que les moins-values en question relevaient du régime des plus et moins-values à long terme définies par le a ter du I de l'article 219 du CGI et ne pouvaient donc venir en déduction du résultat imposable de l'exercice clos en 1997. Les deux sociétés se pourvoyaient en cassation contre deux arrêts du 28 décembre 2007 de la cour administrative d'appel de Versailles (CAA Versailles, 3ème ch., 28 décembre 2007, deux arrêts, n° 06VE01686 N° Lexbase : A9963D3E et n° 06VE01727 N° Lexbase : A9964D3G) qui avait rejeté leus appels.

Les deux arrêts ainsi rapportés précisent la portée des critères permettant l'identification des titres de participation au sein du portefeuille titres d'une entreprise qui exerce conjointement avec d'autres sociétés une influence ou un contrôle sur la société émettrice des titres. Les titres détenus par une société dans une autre société dans laquelle elle participe aux augmentations de capital sont des titres de participations lorsque la société s'est engagée à ne pas céder ces titres à des tiers dans le but de détenir à terme (huit années) une minorité de blocage. La cession de ces titres relève alors du régime des plus-values professionnelles à long terme. Ces deux arrêts apportent ainsi d'utiles précisions sur la qualification de titres de participation notamment en présence d'un contrôle escompté lié à une minorité de blocage.


I - La possession durable estimée utile, critère pertinent de qualification des titres de participation

A - La loi prévoit qu'ont le caractère de titres de participation, les parts ou actions revêtant ce caractère sur le plan comptable

La volonté d'aligner le régime fiscal des produits financiers des sociétés sur celui des produits normaux d'exploitation a conduit le législateur à soustraire au régime des plus-values les profits ou pertes subies par les sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés, à l'occasion de la cession de titres de leur portefeuille. L'exclusion du régime général de l'ensemble des plus ou moins-values à long terme réalisées ou subies par les sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés et provenant de la cession de l'ensemble des éléments de l'actif immobilisé a eu pour conséquence la quasi suppression du régime des plus-values à long terme pour les sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés. Toutefois, deux exceptions ont subsisté et, notamment, celle prévue expressément par le législateur et qui concerne les plus-values à long terme sur cessions de titre de participation ; l'autre exception concerne les produits de la propriété industrielle et est de nature implicite.

Une instruction du 12 mai 1995 (BOI 4 B-3-95, n° 26 N° Lexbase : X0497AAN) et une doctrine administrative (DB 4 B 2243, n° 53, 7 juin 1999) ont commenté la notion de titre de participation. Le service y souligne que constituent des titres de participation les parts ou actions de sociétés qui revêtent ce caractère sur le plan comptable. L'adéquation entre les règles comptables et les règles fiscales quant à l'enregistrement des titres est donc réelle.

B - Les titres dont la possession durable est estimée utile à l'activité de l'entreprise sont des titres de participation

Le laconisme des dispositions du a ter du I de l'article 219 du CGI a été pour partie levé par différentes instructions administratives et par la doctrine. Les titres de participation sont ceux dont la possession durable est estimée utile à l'activité de l'entreprise, les titres revêtent alors seulement, lorsque ce critère est rempli sur le plan comptable, le caractère de titres de participation. La possession durable est donc une condition nécessaire à la qualification des titres en titres de participation, mais elle n'est pas une condition suffisante.

Cette possession doit être regardée utile à l'activité de l'entreprise, la rentabilité financière étant absente ou accessoire. Cette utilité peut être appréciée du point de vue industriel ou commercial ; ainsi, lorsque la société détient des titres dans des sociétés exerçant dans des secteurs d'activité connexes ou complémentaires au sien. La détention de titres de sociétés exerçant dans un secteur d'activité étranger à celui de l'entreprise détentrice des titres peut, aussi, résulter d'une stratégie industrielle reposant sur la diversification des secteurs d'activité de l'entreprise. La prise de participation motivée par des enjeux de stratégie industrielle est donc regardée comme utile à l'activité de l'entreprise qui détient les titres. Toutefois, l'utilité peut être admise sans que l'on constate la réalité d'une influence sur la société émettrice des titres. Le service a, ainsi, précisé dans l'instruction du 12 mai 1995 précitée et dans sa doctrine administrative (DB4 B 2243, 7 juin 1999, n° 54), que l'entreprise peut être amenée à conserver durablement des titres sans chercher à exercer une influence sur la société émettrice, notamment parce qu'elle en attend une rentabilité financière suffisante à moyen ou à long terme ou en cas d'impossibilité de les revendre à brève échéance.

Mais, l'utilité, et c'est le cas dans les deux arrêts du Conseil d'Etat de 20 octobre 2010, peut aussi résulter de l'influence ou du contrôle que la participation permet d'exercer sur la société émettrice des titres.

II - L'utilité est caractérisée si les conditions d'achat des titres révèlent l'intention de l'acquéreur et lui assure le contrôle de l'émettrice

L'utilité est établie lorsque la détention confère à son titulaire un pouvoir ou une influence plus ou moins affirmée au sein de la société émettrice : c'est le cas en présence de participation majoritaire ou de minorité de blocage.

A - L'influence déterminante sur la société émettrice se traduit par une prise de contrôle

L'influence sur la société émettrice des titres peut résulter de la présence de représentants au sein des organes de direction de la société émettrice. La doctrine administrative rappelle que l'influence n'est significative que si la société participe effectivement à la gestion et à la politique financière de la société émettrice. La réalité de cette influence est établie, notamment, par la présence de représentants au sein des organes de direction de la société émettrice, ou encore, par des opérations entre les sociétés, notamment, par des échanges de personnel ou encore par une dépendance technique ou économique.

En effet, l'entreprise qui acquiert les titres peut désirer exercer une influence déterminante sur la gestion de la société émettrice par l'intermédiaire de représentants dans les organes de gestion, cette volonté se traduisant, alors, par une prise de contrôle. L'administration considère que la prise de contrôle est établie lorsque l'entreprise détient directement ou indirectement une fraction du capital lui conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales de la société émettrice. De même, l'instruction administrative du 12 mai 1995 et la doctrine administrative sont venus préciser que la prise de contrôle est établie lorsque la société qui acquiert par les droits de vote dont elle dispose détermine les décisions dans les assemblées générales de la société émettrice, notamment dans des sociétés cotées dont le capital est dispersé de telle sorte qu'une participation limitée suffit à l'exercice de ce contrôle.

Les deux décisions du Conseil d'Etat du 20 octobre 2010 identifient, en ce sens, une situation de fait originale dans laquelle le contrôle est avéré : lorsque les conditions d'achat de titres peuvent révéler l'intention de l'acquéreur d'exercer une influence sur la société émettrice et lui donnent les moyens d'exercer une telle influence, caractérisant, ainsi, l'utilité. Ainsi, constituent des titres de participation, les titres détenus par une société dans une autre société dans laquelle elle participe aux augmentations de capital et qui s'est engagée à ne pas céder les titres en question à des tiers dans le but de détenir à terme une minorité de blocage.

B - L'influence née de la prise de contrôle demeure valable, alors même que la société exerce conjointement avec d'autres sociétés une influence ou un contrôle sur la société émettrice

C'est conformément à l'engagement souscrit dans le cadre de protocoles d'accord conclus le 23 mars 1992, entre un groupe d'investisseurs dont elles faisaient parties et la CGFI, que les société Alphaprim et Hyper primeurs avaient acquis, le 19 janvier 1993, des parts de cette société.

La doctrine administrative retient que, lorsque la société qui acquiert les titres dispose seule de la majorité des droits de vote dans la société émettrice, en vertu d'un accord conclu avec d'autres associés ou actionnaires, elle exerce le contrôle lui conférant la possession durable utile des titres. Par ailleurs, l'administration est venue préciser que, lorsqu'une société appartient à un ensemble de sociétés, qui conjointement exercent une influence sur la société émettrice ou assurent son contrôle, les titres détenus dans cette dernière société peuvent revêtir le caractère de titres de participation, même si ce contrôle n'est pas exercé personnellement et uniquement par la société détentrice des titres.

Les deux décisions du 20 octobre 2010 du Conseil d'Etat précisent que la participation à une augmentation de capital, aux termes d'un protocole d'accord impliquant de ne pas céder les titres afin de détenir avec le groupe d'investisseur, au terme de huit années, une minorité de blocage, caractérise une communauté d'intérêt manifestant un contrôle de la société émettrice.

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Fonction publique

[Doctrine] Chronique de droit de la fonction publique - Novembre 2010

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N6817BQK

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par Manuel Carius, Maître de conférences à l'Université de Poitiers et Avocat à la cour

Le 20 Octobre 2011

Lexbase Hebdo - édition publique vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique de droit interne de la fonction publique de Manuel Carius, Maître de conférences à l'Université de Poitiers et Avocat à la cour. Tout d'abord, dans un arrêt du 22 octobre 2010, le Conseil d'Etat rappelle que la qualification de sanction disciplinaire déguisée n'est pas incompatible avec l'objectif de l'administration de veiller à une meilleure organisation du service. Ensuite, dans une décision du 27 octobre 2010, la Haute juridiction vient clarifier les conséquences que l'administration doit tirer de la suspension d'une décision de recrutement d'un agent public contractuel en assurant la conciliation entre la portée des décisions du juge des référés-suspension et le respect des droits que l'agent tient de la décision de recrutement prise à son égard. Enfin, dans un arrêt rendu le 27 octobre 2010, les Sages précisent les conséquences du caractère rétroactif de l'annulation d'une mise en retraite d'office pour invalidité.
  • Quand la diminution des attributions constitue une sanction disciplinaire déguisée (CE 4° et 5° s-s-r., 22 octobre 2010, n° 322897, mentionné dans les tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4509GCY)

Après que certains de ses collègues se soient plaints de son comportement, qu'ils estimaient être constitutif de harcèlement, un établissement public de coopération intercommunale a pris une mesure de suspension à titre conservatoire à l'encontre de l'un de ses agents titulaires, éducateur territorial des activités physiques et sportives (ETAPS) exerçant les fonctions de chef de bassin d'une piscine municipale. Le conseil de discipline ayant été saisi des faits qui étaient reprochés à l'agent, une sanction d'une mise à pied d'une durée d'un mois (1) a été proposée à l'autorité territoriale. Au lieu de prononcer cette mesure -ou tout autre sanction disciplinaire énumérée à l'article 89 du statut des fonctionnaires territoriaux-, la présidente du syndicat intercommunal à vocations multiples ayant recruté l'agent a, d'une part, enjoint à l'agent de prendre le reliquat de ses congés annuels avant la reprise de ses fonctions et, d'autre part, décidé de le décharger de ses attributions de chef de bassin, sans pour autant le suspendre de son emploi de maître-nageur.

Le tribunal administratif, puis la cour administrative d'appel (2) ont prononcé l'annulation des deux arrêtés litigieux. Statuant sur le pourvoi de l'EPCI, le Conseil d'Etat confirme la solution adoptée aux motifs que, dès lors que "M. X avait été privé de l'essentiel de ses responsabilités et que l'arrêté visait les dispositions régissant la procédure disciplinaire et l'avis du conseil de discipline et reprochait à M. A un comportement fautif dans ses relations avec le personnel et ses supérieurs [...] la mesure litigieuse, alors même qu'elle aurait, également, été prise dans l'intérêt du service, revêtait un caractère disciplinaire".

Cet arrêt rappelle que le juge administratif veille au respect des garanties des fonctionnaires, dont les droits de la défense font partie. Les administrations employeurs ne doivent pas, sous prétexte d'exercer les prérogatives dont ils disposent pour l'organisation du service, infliger à leurs agents de mesures disciplinaires qu'il est d'usage d'appeler "déguisées". Il peut être, en apparence, plus aisé pour l'administration de substituer une mesure d'organisation du service à une sanction en bonne et due forme sans respecter la procédure disciplinaire, ni la liste limitative des sanctions fixée par l'article 89 du titre II du statut général des fonctionnaires. La tentation est d'autant plus grande que les décharges partielles de fonction ne sont pas susceptibles de recours pour excès de pouvoir lorsqu'elles constituent des mesures d'organisation interne du service (3). L'arrêt du 22 octobre 2010 rappelle, par une incise, que la qualification de sanction disciplinaire déguisée n'est pas incompatible avec l'objectif de l'administration de veiller à une meilleure organisation du service. Ainsi, en l'espèce, la perte de certaines attributions constitue bel et bien une sanction, "alors même qu'elle aurait également été prise dans l'intérêt du service" (4). Pour qu'une décision de gestion des personnels soit considérée comme une véritable mesure d'ordre intérieur, il est, par ailleurs, nécessaire qu'elle ne porte atteinte ni aux prérogatives qu'un fonctionnaire tient de son statut, ni à sa situation pécuniaire (5). En l'espèce, même si la décision n'y fait pas allusion, on relèvera que les fonctions de chef de bassin permettent aux ETAPS de percevoir la nouvelle bonification indiciaire. Au-delà de l'aspect pécuniaire, l'arrêt commenté relève, pour le confirmer, que la cour administrative d'appel s'est fondée sur le fait que la mesure contestée avait retiré à l'agent "l'essentiel de ses responsabilités". Il s'agit-là d'une illustration de la plus grande souplesse dont la jurisprudence fait preuve depuis quelques années pour étendre la notion d'actes susceptibles de recours dans le domaine de l'organisation des fonctions (6).

Le retrait des fonctions de chef de bassin constituait-elle nécessairement une sanction disciplinaire, alors même que l'agent conservait intact son emploi d'ETAPS ? A la différence de la mutation, prévue à l'article 52 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 N° Lexbase : L6963AHD) -qui se traduit par un changement total d'affectation-, la simple décharge d'une partie des missions de l'agent sera de nature disciplinaire, dès lors que l'autorité territoriale s'est fondée sur le non-respect, par celui-ci, de l'une de ses obligations professionnelles. Dans l'espèce commentée, la volonté de punir de l'administration était explicite puisque les arrêtés attaqués faisaient référence à la procédure (inachevée) dont le fonctionnaire avait été l'objet à raison des faits qui lui était reprochés (et qui étaient rappelés dans l'arrêté). Dans de telles circonstances, le Conseil d'Etat ne pouvait que confirmer l'annulation des arrêtés (7). En outre, le fait que l'agent ait été l'objet, pour les mêmes faits, d'un suspension à titre conservatoire, prévue à l'article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires (N° Lexbase : L6938AG3), vient renforcer le caractère de punition du retrait des fonctions de chef de bassin.

Le caractère disciplinaire de la perte de la fonction de chef de bassin se trouve confirmé parce qu'elle emporte, en définitive, les effets d'une sanction disciplinaire, au sens "qu'elle porte atteinte à la situation professionnelle de l'agent, c'est-à-dire qu'elle supprime ou limite des droits ou avantages actuels ou virtuels résultant du statut de l'intéressé", ainsi que l'écrivait Bruno Genevois dans ses conclusions sur l'arrêt "Spire" du 9 juin 1978 (8). Pour autant, l'arrêt du 22 octobre 2010 mérite de retenir l'attention car, dans des remarquées et assez récentes, le Conseil d'Etat avait refusé de qualifier de sanction déguisée le retrait d'une partie des attributions d'un fonctionnaire au motif que la mesure visait à assurer le bon fonctionnement du service public et sa "sérénité" (9).

  • La suspension du recrutement d'un agent public contractuel par le juge des référés implique-t-elle la cessation des fonctions ? (CE 3° et 8° s-s-r., 27 octobre 2010, n° 321469, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A1094GDU)

Dans une importante décision, qui aura, d'ailleurs, les honneurs d'une publication intégrale dans le recueil Lebon, le Conseil d'Etat vient clarifier les conséquences que l'administration doit tirer de la suspension d'une décision de recrutement d'un agent public contractuel. Ce faisant, le présent arrêt vient assurer la conciliation entre la portée des décisions du juge des référés-suspension et le respect des droits que l'agent tient de la décision de recrutement prise à son égard.

Les faits à l'origine du litige sont banals. La région Guadeloupe avait recruté un agent non-titulaire en tant que technicien supérieur territorial, par un contrat du 26 février 2004 d'une durée de douze mois. Cet acte lui ayant été transmis en application de l'article L. 4141-2 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9243IE3), le préfet de la Guadeloupe a formé une déféré à son encontre, assorti d'une requête en référé-suspension prévue à l'article L. 4142-1 du même code (N° Lexbase : L9526AA3). Le juge des référés du tribunal administratif de Basse-Terre a fait droit à la demande de suspension. Par la suite, le tribunal statuant au fond a annulé le contrat. Fin du premier acte.

Le tribunal administratif a été de nouveau saisi, mais cette fois par l'ex-agent contractuel lui-même. Il reprochait à la région de lui avoir causé un préjudice constitué par la perte de revenus subie entre le 1er novembre 2004 et le 28 février 2005, période contractuelle pendant laquelle la collectivité a cru devoir ne pas le rémunérer afin de respecter l'ordonnance de référé, ainsi que le préjudice moral lié à l'espoir déçu d'occuper l'emploi en cause. Le juge de première instance a donné raison au requérant, mais la cour administrative d'appel (10) a limité l'indemnisation au préjudice moral à 1 000 euros, considérant que "l'impossibilité où s'est trouvée M. X d'exécuter jusqu'à son terme son contrat n'est pas la conséquence directe de la faute commise, mais celle de l'absence de droit de l'intéressé à occuper l'emploi sur lequel il avait été recruté irrégulièrement" et que, par voie de conséquence, "le manque à gagner qui en résulte, tant en termes de rémunération principale que de rémunérations accessoires, ne constitue pas un préjudice indemnisable".

En réponse au pourvoi formé par l'ex-agent, le Conseil d'Etat censure pour erreur de droit l'arrêt d'appel. Jugeant l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3298ALQ), il rejette la requête de la région Guadeloupe tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif la condamnant à indemniser son ancien agent à la hauteur de la perte de rémunération subie à la suite de l'ordonnance de référé-suspension.

Le considérant de principe de l'arrêt du 27 octobre 2010 fixe avec précision les obligations qui pèsent désormais sur les employeurs publics en cas de suspension d'une mesure de recrutement. Ces obligations sont de plusieurs ordres. Dans un premier temps, le Conseil d'Etat indique qu'il est nécessaire d'opérer une conciliation entre la nécessaire efficacité de l'ordonnance de référé-suspension et les droits subjectifs tirés du contrat conclu. Il énonce, en effet, que "lorsque le juge des référés a prononcé la suspension du contrat de l'agent d'une collectivité territoriale, cette collectivité est tenue, dans l'attente du jugement au fond, de respecter la force obligatoire qui s'attache aux décisions rendues par le juge des référés et de ne pas poursuivre l'exécution du contrat [...] elle doit, également, par des mesures qui ne présentent pas de caractère irréversible, rechercher les moyens de régulariser le recrutement de l'agent pour tenir compte des droits que le contrat a créés à son profit, sauf si ce dernier présente un caractère fictif ou frauduleux".

Une fois ce principe posé, la décision commentée explique le modus operandi qu'il convient de suivre. Ainsi, il appartient à la collectivité territoriale "compte tenu, notamment, des motifs retenus par le juge des référés, de régulariser le vice dont le contrat initial est susceptible d'être entaché ou, si le contrat ne peut être régularisé, de proposer à l'agent, à titre provisoire dans l'attente du jugement au fond et dans la limite des droits résultant du contrat initial, un emploi de niveau équivalent ou, à défaut d'un tel emploi et si l'intéressé le demande, tout autre emploi". Enfin, l'arrêt, soucieux de réalisme, envisage la possibilité dans laquelle ni la régularisation, ni le "reclassement" temporaire ne sont possibles. Dans ce cas, "aucune obligation particulière ne pèse alors, tant que le jugement au fond n'est pas intervenu, sur la collectivité territoriale qui, dans cette hypothèse, est seulement tenue de ne pas poursuivre l'exécution du contrat".

L'apport majeur de l'arrêt est qu'il instaure une priorité au maintien, dans la mesure du possible, de l'agent dans son emploi ou un emploi équivalent. Le Conseil d'Etat vient donc ici faire application de la jurisprudence "Cavallo" du 31 décembre 2008 (11) suivant laquelle, sauf s'il présente un caractère fictif ou frauduleux, le contrat de recrutement d'un agent contractuel de droit public crée des droits au profit de celui-ci. C'est bien en raison de l'existence de ces droits acquis que la suspension de l'acte de recrutement ne peut ipso facto pas se traduire par la suspension des effets du contrat. Il aurait été peu logique que l'obligation de "rattraper" le contrat par régularisation, ou par proposition d'un emploi équivalent à l'agent, ne constitue une obligation que dans l'hypothèse d'une annulation au fond comme dans l'affaire "Cavallo". En étendant cette obligation à la période qui suit une suspension par le juge des référés, le Conseil d'Etat assure l'effectivité des droits reconnus aux agents publics contractuels. Ce n'est donc qu'en l'absence de toute autre possibilité que les fonctions de l'agent seront suspendues dans l'attente du jugement au fond.

L'arrêt du 27 octobre 2010 s'inscrit, également, dans le sillage de la jurisprudence "Association Convention vie et nature pour une écologie radicale" (12). Selon cette décision, si, eu égard à leur caractère provisoire, les décisions du juge des référés n'ont pas, au principal, l'autorité de la chose jugée, elles sont, néanmoins, conformément au principe rappelé à l'article L. 11 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L2618ALK), exécutoires et, en vertu de l'autorité qui s'attache aux décisions de justice, obligatoires. Il en résulte que l'administration ne peut reprendre une décision identique à celle suspendue sans remédier au vice qui entachait la décision initiale. Avec l'arrêt ici commenté, il appartient, désormais, dans le domaine des contrats publics d'embauche, de mettre une oeuvre cette décision rectifiée si elle s'avère possible.

  • Conséquences du caractère rétroactif de l'annulation d'une mise en retraite d'office pour invalidité (CE 3° et 8° s-s-r., 27 octobre 2010, n° 316578, mentionné dans les tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1085GDK)

La gestion des congés de maladie des fonctionnaires représente une question délicate à appréhender lorsque, du fait de la pathologie dont ils souffrent, les agents se trouvent inaptes à occuper un emploi après avoir épuisé tous leurs droits à congés.

Dans l'affaire jugée le 27 octobre 2010, une employée au ministère de l'Economie avait été placée à la retraite d'office pour invalidité en 2003. Cette mesure d'éviction du service avait été prise en application des articles 47 et 48 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986, relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires (N° Lexbase : L7446A4K). Selon ces textes, le fonctionnaire ne pouvant reprendre un emploi à l'expiration de la dernière période de congé de longue maladie ou de longue durée est soit mis en disponibilité, soit admis à la retraite. La mise en disponibilité, prononcée après avis du comité médical ou de la commission de réforme ne peut être accordée que pour une durée maximale d'un an renouvelable à deux reprises.

L'arrêté de 2003 ayant été annulé pour un motif tiré de son illégalité externe, à savoir le défaut de motivation, l'administration avait tout simplement régularisé la situation en édictant un nouvel arrêté, en 2005, entrant rétroactivement en vigueur à la date de l'acte ayant été annulé. Ce second arrêté ayant lui-même été annulé pour erreur de droit, le Conseil d'Etat rejette le pourvoi de l'administration au motif que, si l'annulation d'une décision ayant irrégulièrement mis d'office à la retraite un fonctionnaire placé en disponibilité d'office pour raison de santé oblige l'autorité compétente à réintégrer l'intéressé à la date de sa mise à la retraite et à prendre rétroactivement les mesures nécessaires pour reconstituer sa carrière et le placer dans une situation régulière, cette autorité, lorsqu'elle reprend une nouvelle mesure d'éviction, ne peut légalement donner à sa décision un effet rétroactif si ce fonctionnaire n'a pas, compte tenu des mesures réglementaires qui lui sont applicables, épuisé ses droits au regard de sa position de disponibilité à la date de prise d'effet de la décision annulée.

Ainsi, le ministère de l'Economie ne pouvait pas procéder à une simple régularisation qui consistait à "laver" l'arrêté du vice de forme ayant conduit à son annulation. Conformément à la jurisprudence canonique "Rodière" (13), l'annulation d'une décision administrative par le juge induit un retour au statu quo ante. En droit de la fonction publique, cela implique la reconstitution totale de la situation administrative de l'agent. Cette reconstitution a un caractère autant juridique que pratique, dès lors que l'administration doit permettre à l'agent d'être réintégré dans l'intégralité des droits qu'il aurait dû obtenir durant la période d'éviction. En l'espèce, l'agent avait été placé en disponibilité d'office en juillet 2002 pour une période minimale d'une année. Le second arrêté ne pouvait donc faire rétroagir la mise en retraite au mois de mai 2003. La solution adoptée rappelle que la reconstitution des droits de l'agent doit remettre celui-ci dans une situation régulière au regard du droit statutaire qui lui est applicable (14). L'agent n'ayant pas épuisé ses droits à la disponibilité d'office, il importe peu que le comité médical ait rendu un avis qui constate l'inaptitude définitive aux fonctions.

En lien avec l'arrêt commenté, l'on retiendra qu'une décision du 14 juin 2010 (15) rappelle le caractère exceptionnel de la rétroactivité des actes individuels intéressant les fonctionnaires. En dehors du cas où elle est impliquée par une annulation contentieuse, elle n'est possible qu'en cas de nécessité tenant à l'impératif de continuité de la carrière ou à la nécessité de régulariser la situation de l'intéressé.

Manuel Carius, Maître de conférences à l'Université de Poitiers et Avocat à la cour


(1) Sanction disciplinaire relevant du troisième groupe prévue par l'article 89 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, relative à la fonction publique territoriale (N° Lexbase : L5971GTC).
(2) CAA Paris, 6ème ch., 29 septembre 2008, n° 07PA01327 (N° Lexbase : A1846EBY ).
(3) CE Contentieux, 26 avril 1989, n° 79258, mentionné dans les tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1947AQ8).
(4) CE Contentieux, 20 janvier 1989, n° 77494 (N° Lexbase : A1786AQ9) ; CE Contentieux, 15 avril 1996, n° 108819 (N° Lexbase : A8553AN4).
(5) CE 3° s-s., 14 mai 2008, n° 290046 (N° Lexbase : A6495D83), JCP éd. A, 2008/41, n° 2229, obs. D. Jean-Pierre : en l'espèce, une professeur de piano à qui avait été retirées ses fonctions de directrice d'un conservatoire municipal.
(6) CE Contentieux, 5 février 1993, n° 107264 (N° Lexbase : A8421AMT), Rec. CE, 1993, p. 937 ; CE Contentieux, 8 mars 1999, n° 171341 (N° Lexbase : A4742AXW), Rec. CE, 1999, Tables, p. 936.
(7) CE 8° et 9° s-s-r., 29 décembre 1995, n° 151085 (N° Lexbase : A0266B9Q) ; CE 7° s-s., 7 septembre 2007, n° 298664 (N° Lexbase : A0614DYE).
(8) CE Contentieux, 9 juin 1978, n° 08397 (N° Lexbase : A6580B7T).
(9) CE Contentieux, 20 novembre 2002, n° 251102, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5319A4R) ; CE 4° et 6° s-s-r., 26 octobre 2005, n° 279189, publié au Recueil Lebon (N° Lexbase : A1431DLL).
(10) CAA Bordeaux, 1ère ch., 8 juillet 2008, n° 07BX02558 (N° Lexbase : A3432EAD).
(11) CE Contentieux, 31 décembre 2008, n° 283256 (N° Lexbase : A6573ECG), AJDA, 2009, p. 142.
(12) CE Contentieux, 5 novembre 2003, n° 259339 (N° Lexbase : A1062DAL).
(13) CE Contentieux, 26 décembre 1925, n° 88369 (N° Lexbase : A8230B8C), recueil Lebon, p. 1065, GAJA.
(14) CE Contentieux, 21 avril 1967, n° 69256 (N° Lexbase : A4366B89), recueil Lebon, p. 173.
(15) CE 1° et 6° s-s-r., 14 juin 2010, n° 318712, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9809EZC).

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Santé

[Questions à...] Mal-être au travail, pénibilité, comment les identifier et agir ? - Question à Michel Yahiel, président de l'Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH)

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par Grégory Singer, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 04 Janvier 2011

Sensible aux drames humains, très largement médiatisés, ayant conduit à une vague de suicide, notamment, chez France Telecom, la Commission des affaires sociales du Sénat a constitué une mission d'information sur le mal-être au travail dont le rapport d'information, réalisé par le Sénateur Gérard Deriot a été rendu en juillet 2010. Après un diagnostic préoccupant (1), plusieurs propositions, visant à donner une nouvelle impulsion aux efforts nécessaires pour faire reculer le mal-être au travail et contribuer à replacer l'humain au centre des organisations, ont été formulées (2). Auditionné par la Commission (3), Michel Yahiel, président de l'Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH), ancien DRH de la Mairie de Paris, a accepté de répondre à Lexbase Hebdo - édition sociale afin de faire un point sur le mal-être au travail et la pénibilité après la publication de la loi portant réforme des retraites (4). Lexbase : Le mal être au travail est, pour vous, difficile à identifier. Vous avez parlé de la nécessité d'un travail d'investigation. Quels moyens peut-on utiliser ?

Michel Yahiel : Chacun s'accorde à considérer que le phénomène est complexe. Il faut repartir des fondamentaux, par exemple, disposer d'études épidémiologiques sérieuses puis, en partager les constats entre experts pluridisciplinaires mais aussi, acteurs sociaux tels que les organisations syndicales. Bref, se rappeler que sur ces questions comme pour d'autres, le lien entre politiques de santé et santé au travail est fondamental, car la santé ne se découpe pas et, notamment, aux frontières entre société et entreprise.

Lexbase : On ne peut parler de mal être au travail sans évoquer le problème du manque de reconnaissance que subissent certains salariés. Comment mieux les manager ?

Michel Yahiel : Déjà, il faut être conscient de l'importance de ce facteur clé, que l'ANDRH a identifié depuis longtemps. Ensuite, former les managers opérationnels (cadres de terrain, maitrise, responsables de terrain) à la gestion d'équipe et les évaluer sur ce registre est primordial. Enfin, il ne faut pas oublier que les cadres, dits de proximité, que je surnomme parfois les "capitaines", doivent aussi se sentir reconnus pour être en mesure d'assumer leurs responsabilités.

Lexbase : Comment mettre en place votre idée de promouvoir la santé globale au sein de l'entreprise ? Faut-il renforcer les pouvoirs du Comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), de la médecine du travail ?

Michel Yahiel : Il faut déjà faire tomber les cloisonnements nationaux entre les différents compartiments de la santé : médecine du travail, médecine de ville, hôpitaux, puis faire, de même, entre médecine au sens large et autres intervenants majeurs : psychologues, ergothérapeutes, infirmiers. Ceci posé, les moyens mis en oeuvre au sein des entreprises mais aussi des administrations, surtout en application du récent accord sur le sujet (5), doivent être adaptés à ces ambitions. C'est difficile mais, à la fois, inéluctable, car on ne progressera pas à moyens et organisations inchangés. S'appuyer davantage sur les CHSCT serait une bonne chose, mais en accompagnement de l'employeur dans sa gestion de la santé au sein de son entreprise.

Lexbase : Concernant, justement, la médecine du travail, les dispositions, issues de la loi portant réforme des retraite, ont été annulées par le Conseil constitutionnel (6). Quelle est votre opinion ?

Michel Yahiel : Sur le plan juridique, c'était imparable (7). Il reste, maintenant, une nouvelle fois, à remettre ce chantier sur l'ouvrage. L'enjeu clé est, évidemment, de recruter les professionnels qui nous font défaut, même s'il faudra sans doute assouplir aussi certaines règles. La gravité du contexte doit permettre, tout de même, d'y consacrer le temps et l'énergie nécessaires.

Lexbase : Que pensez-vous des dispositions relatives à la pénibilité ?

Michel Yahiel : Le texte s'est progressivement amélioré mais, tous les experts s'accordent sur ce point, l'essentiel reste à faire. D'ailleurs, l'ampleur du mécontentement, suscité par la réforme, s'explique à mon avis largement par le sentiment, très partagé, que cet axe d'équité a été négligé. Que définir la pénibilité soit une gageure, ce que nous savons bien, n'exonère en rien, au contraire, de prendre ce dossier à bras le corps. Les partenaires sociaux et les pouvoirs publics sont légitimement attendus sur ce plan.


(1) Un salarié sur cinq se plaint de devoir gérer une charge de travail excessive, 30 % déclarent être victimes d'agressions verbales. Les travaux réalisés par l'INRS ont évalué le coût économique du stress en 2009 et ont abouti àun résultat compris entre 2 et 3 milliards d'euros (v. le rapport d'information de G. Deriot)
(2) Des propositions visant, notamment, une obligation, énoncée dans le Code du travail, pour l'employeur d'évaluer les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, en prenant en compte la charge psychosociale du poste de travail, un renforcement du management. Mais, aussi, faire davantage connaître les acteurs de la prévention du risque professionnel, revaloriser le métier de médecin de travail en confortant son indépendance, un meilleur accompagnement des salariés en souffrance et étudier la possibilité d'inscrire le stress post-traumatique dans les tableaux de maladies professionnelles (v. rapport, préc.)
(3) V. un extrait de son audition sur le site du Sénat.
(4) Loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 (N° Lexbase : L3048IN9).
(5) Les partenaires sociaux ont conclu, en juillet 2008, un accord sur le stress au travail (V. les obs. de S. Martin-Cuenot, Accord national interprofessionnel sur le stress au travail : entre compromis et amélioration du dispositif existant, Lexbase Hebdo n° 319 du 25 septembre 2008 - édition sociale N° Lexbase : N1924BHQ) puis, en mars 2010, un accord sur le harcèlement et la violence au travail (Arrêté du 23 juillet 2010, portant extension d'un accord national interprofessionnel sur le harcèlement et la violence au travail du 26 mars 2010 N° Lexbase : L9690IMT, v. les obs. de Ch. Willmann, L'ANI sur le harcèlement et la violence au travail du 26 mars 2010, Lexbase Hebdo n° 409 du 23 septembre 2010 - édition sociale N° Lexbase : N0959BQL). En novembre 2009, un accord sur la santé et la sécurité au travail a été signé, pour la première fois, dans la fonction publique.
(6) Cons. const., 9 novembre 2010, n° 2010-617 DC (N° Lexbase : A6265GER).
(7) Le Conseil a déclaré contraire à la Constitution, les articles 63 à 75 relatifs à la réforme de la médecine du travail, les qualifiant de "cavaliers législatifs", n'ayant pas de lien avec le projet de loi initial.

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Bancaire

[Textes] Aspects de droit bancaire de la loi de régulation bancaire et financière : beaucoup de bruit pour rien ?

Réf. : Loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010, de régulation bancaire et financière (N° Lexbase : L2090INQ)

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N6823BQR

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par Alexandre Bordenave, Avocat au Barreau des Hauts-de-Seine, Secrétaire de la Conférence du Barreau des Hauts-de-Seine (2011), chargé d'enseignement à l'ENS Cachan

Le 04 Janvier 2011

Dispositif légal longuement mûri -une fois n'est pas coutume- depuis l'enregistrement du projet initial à la présidence de l'Assemblée nationale le 16 décembre 2009 (1), la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010, de régulation bancaire et financière (la "LRBF"), a été promulguée par le Président de la République le 23 octobre 2010. En initiant les travaux relatifs à la "LRBF", le Gouvernement affichait des objectifs simples : "limiter les conséquences pour l'économie réelle" de la crise des subprimes, faire en sorte que "ce qui s'est produit ne se reproduise plus" et favoriser "la reprise de l'activité" (2). De fait, la "LRBF" joue une partition devenue classique et démontre une fois de plus, s'il en était besoin, que la dernière crise financière se trouve à l'origine d'un des plus vastes mouvements de production normative des dix dernières années. Manifestement plus ambitieuse que les textes l'ayant précédée, la "LRBF" procède d'une approche globalisante. Aussi, embrasse-t-elle un vaste spectre de questions, du pur droit des marchés financiers -où l'on retrouve une énième réforme du droit des offres publiques ("LRBF", art. 47 et s.) et de nouvelles règles relatives à la discipline des marchés de quotas d'émissions de gaz à effet de serre ("LRBF", art. 9) en passant par un encadrement supplémentaire de certains produits dérivés financiers ("LRBF", art. 24) (3)- au droit bancaire, qui va nous mobiliser ici.
Exigeant commentateurs et consommateurs de droit bancaire que nous sommes, nous nous trouvons en position d'approcher la "LRBF" avec une prudence légitime : faut-il considérer ce texte comme une nouvelle pierre angulaire du droit bancaire, voire du droit financier dans son acception la plus large, qui vient parachever une entreprise entamée à l'échelon mondial, européen et national aux premiers mois de la crise financière ? Ou, au contraire, n'aurait-on finalement à faire qu'à un texte terne, de complément ? En la matière, nous réservons évidemment la réponse relative au droit boursier à des plumes expertes (4). Et, pour ce qui est de notre modeste champ de compétence, nous proposons d'étudier en quoi la "LRBF" élargit limitativement le dramatis personae et les rôles correspondants s'agissant du contrôle et de la supervision bancaires (I) et innove raisonnablement s'agissant de certains apporteurs de liquidité (II). Sans trahir le peu de suspense de notre conclusion, il faut d'emblée admettre que les aspects de droit bancaire de la "LRBF" s'avèrent rarement surprenants.

I - Un élargissement des acteurs du contrôle et de la supervision limité

La "LRBF" entend réviser le contrôle des établissements de crédit à différents niveaux pertinents, que l'on peut réduire à la plus élémentaire des summa divisio : une révision du contrôle macro-économique (A) et du contrôle micro-économique (B). Ce faisant, elle crée de nouvelles institutions et offre de plus vastes moyens d'action à certaines qui sont déjà en place.

A - L'élargissement relatif au contrôle macro-économique

En réunissant, sous cet intitulé, certaines dispositions de la "LRBF", il est utile de garder à l'esprit que nous flottons entre ce qui relève du pur dispositif macro-prudentiel, qui a pour objet de détecter les risques induits par le système (5) en dotant l'architecture institutionnelle nationale d'une nouvelle entité de surveillance (1°), et ce qui participe au contrôle des grands risques induits par les groupes bancaires établis au niveau de l'Union européenne (2°).

1° - La création du Conseil de régulation financière et du risque systémique

Existait dans le paysage bancaire et financier un organe relativement méconnu : le collège des autorités de contrôle des entreprises du secteur financier, dont le rôle consistait à "faciliter les échanges d'information entre les autorités de contrôle des groupes financiers" multi-activités (C. mon. fin, art. L. 631-2, anc. N° Lexbase : L5047IGZ). L'article 1er de la "LRBF" remplace ce collège par le Conseil de régulation financière et du risque systémique (le CRFRS) (C. mon. fin., art. L. 631-2, nouv. N° Lexbase : L2148INU) ayant une mission élargie par rapport à celle de son prédécesseur puisqu'elle comprend également :

- l'examen des "analyses de la situation du secteur et des marchés financiers" et l'évaluation "des risques systémiques qu'ils comportent" ;

- et la facilitation de "la coopération et [de] la synthèse des travaux des normes internationales et européenne applicables au secteur financier".

S'inscrivant clairement dans une dynamique européenne, une référence expresse étant faite aux "avis et recommandations du comité européen du risque systémique", le CRFRS n'aura cependant aucun pouvoir de décision mais sera un conseiller de luxe pour le "Prince", chargé d'"émettre tout avis ou prise de position qu'il estime nécessaire".

2° - Le renforcement de la coopération entre régulateurs nationaux

La concentration croissante du secteur bancaire, dont l'acquisition en 2009 du groupe Fortis par BNP-Paribas qui gonfle notre coeur de patriotisme bancaire n'est qu'un exemple isolé, justifie un contrôle à dimension supranationale des établissements de crédit. Evidemment, la crise des.... (6) a participé à l'accroissement de cette exigence.

Les articles 19 à 21 de la "LRBF", en transposant en droit français les dispositions de la Directive 2009/111 CE du 16 septembre 2009 (7), traduisent le renforcement de cette prise de conscience en modifiant globalement le dispositif de surveillance sur une base consolidée ce qui aboutit en particulier :

- à la création de collèges des superviseurs nationaux, dont la constitution et le fonctionnement sont déterminés par des accords conclus entre l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP) et ses homologues de l'Union européenne et de l'Espace économique européen ("LRBF", art. 20-I ; C. mon. fin., art. L. 613-20-2, nouv. N° Lexbase : L2239INA) ;

- et à l'instauration d'un devoir d'alerte de l'ACP à l'attention des autres superviseurs de l'EEE, dès lors qu'elle a connaissance d'une situation d'urgence, "notamment une évolution ou un événement susceptible de menacer la liquidité d'un marché ou la stabilité du système financier" d'un autre de ces Etats ("LRBF", art. 19-II et IIII ; C. mon. fin., art. L. 613-20-4, nouv. N° Lexbase : L2238IN9 et L. 632-1, nouv. N° Lexbase : L2237IN8).

Voilà donc une loi pleine de bonnes intentions, et vraisemblablement teintée d'une considération hobbesienne de la solidarité entre superviseurs nationaux : c'est louable, mais sans doute avec un effet utile limité.

B - Les nouvelles dispositions relatives au contrôle micro-prudentiel

Ayant pour principal objet la supervision des acteurs du secteur bancaire et financier, le contrôle micro-prudentiel reçoit aussi les faveurs des auteurs de la LRBF qui lui consacrent des dispositions modifiant le corpus normatif applicable à l'Autorité de contrôle prudentiel (1°) et instaurant de nouveaux organes internes de contrôle (2°).

1° La réforme de l'Autorité de contrôle prudentiel

Moins d'un an après l'ordonnance créatrice (8), la "LRBF" introduit de nouvelles règles relatives à l'ACP. Nombre de ces innovations, destinées à "mettre en place la nouvelle autorité de contrôle prudentiel" (9), n'en sont pas véritablement tant elles sont anodines : par exemple, lorsqu'elles mettent fin au doublon des articles L. 511-38 (N° Lexbase : L2188IND) et L. 612-43 du Code de commerce (N° Lexbase : L2206INZ), jusqu'alors tous deux relatifs à la nécessité de recevoir l'avis de l'ACP préalablement à la nomination des commissaires aux comptes d'un établissement de crédit ("LRBF", art. 12-III, 3°). Néanmoins, certaines sont de plus grande importance :

- au plan organisationnel, le collège de l'ACP s'enrichit de trois membres supplémentaires (10) ("LRBF", art. 14-I, 1° ; C. mon. fin., art. L. 612-5 N° Lexbase : L2230INW) et la commission des sanctions d'un seul ("LRBF", art. 15-II, 1° ; C. mon. fin., art. L. 612-9 N° Lexbase : L2232INY) (11). Egalement, une fonction vice-président de l'ACP est créée ("LRBF", art. 12-II, 1° ; C. mon. fin., art. L. 142-3, 5° N° Lexbase : L2191INH) ;

- en matière de sanctions, sujet toujours sensible s'il en est, les changements sont encore plus marqués puisque (i) la publication des décisions rendues en la matière est désormais une obligation et non plus une simple faculté ("LRBF", art. 16-I, 2° ; C. mon. fin., art. L. 612-39 N° Lexbase : L2192INI) (12), (ii) le retrait total d'agrément est ajouté à la liste des sanctions pouvant être prononcées par l'ACP ("LRBF", art. 12-III, 15° ; C. mon. fin., art. L. 612-39, 7°) (13) et (iii) le plafond des sanctions pécuniaires est relevé à 100 millions d'euros, contre seulement 50 millions auparavant ("LRBF", art. 16-I, 1° ; C. mon. fin., art. L. 612-39, 7°) (14).

En clair : la copie de janvier 2010 est revue sous un angle indéniablement plus sévère, ce qui est cohérent avec l'ambiance du moment mais laisse la vague et désagréable impression que le législateur, soumis à des influences diverses, devient petit à petit un champion de la réforme permanente, soit que le premier jet législatif se révèle incomplet du fait d'une conception hâtive soit qu'il ne reçoive pas la bénédiction du tout puissant "Marché". Récemment, et la "LRBF" a contribué à confirmer la tendance (15), le droit des procédures collectives en a été le triste exemple : à défaut de vigilance, le droit bancaire pourrait vite le rejoindre.

2° Le défilé des comités internes

La "LRBF" cède, comme nombre de textes l'ayant précédée, à la mode des "comités Théodule" en contraignant les établissements de crédit à se doter :

- d'une part, d'un comité des rémunérations, chargé, notamment, de l'examen des politiques et pratiques en matière de rémunération, "y compris au regard de la politique de risque de l'entreprise" ("LRBF", art. 65-I ; C. mon. fin., art. L. 511-41-1, A nouv. N° Lexbase : L4943IG8). Actualité oblige, cela implique a minima le contrôle des "salariés, professionnels des marchés financiers, dont les activités sont susceptibles d'avoir une incidence significative sur l'exposition aux risques de l'entreprise". En ce sens, la LRBF recoupe assez largement l'esprit des dispositions de l'arrêté du 3 novembre 2009, relatif aux rémunérations des personnels dont les activités sont susceptibles d'avoir une incidence sur l'exposition aux risques des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (N° Lexbase : L9029IE7) ;

- d'autre part, d'un comité des risques ("LRBF", art. 29 ; C. mon. fin., art. L. 511-46 N° Lexbase : L2248INL), qui est en fait un redéploiement du comité d'audit prévu à l'article L. 823-19 du Code de commerce. Ce nouvel organe a pour mission de suivre "la politique, les procédures et les systèmes de gestion des risques" de l'établissement de crédit concerné. Comme le lien entre les deux missions n'est pas évident de prime abord, la "LRBF" laisse la possibilité aux établissements de crédit de créer un comité des risques ad hoc (16) : sans doute sera-ce une émanation du département en charge du contrôle des risques ou du comité de crédit, d'ores et déjà des noeuds gordiens de tout établissement de crédit qui se respecte.

A ce stade de notre commentaire, nous avons découvert fort peu pour nous étonner, soit que les modifications induites par la "LRBF" sont limitées soit qu'elles étaient attendues ou en tous cas déjà présentes à un endroit ou l'autre du champ bancaire. En s'intéressant à ce que la loi du 22 octobre 2010 apporte pour ce qui concerne les acteurs du financement, on s'aperçoit que le constat est peu ou prou similaire même si certaines innovations sont très appréciables.

II - Une rénovation raisonnable de certains apporteurs de fonds

A - La réorganisation d'OSEO, acteur du financement des PME

Créé par l'ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 (17), l'établissement public OSEO est attributaire de plusieurs missions d'intérêt général, dont celle de favoriser le financement des petites et moyennes entreprises (ordonnance n° 2005-722, art. 1er). Avec un souci de simplification, la "LRBF" restructure sensiblement le groupe de sociétés dont cet établissement est faîtier (1°), faisant au passage disparaître sa filiale bancaire (2°).

1° La restructuration du groupe OSEO

Derrière l'établissement public OSEO se dissimule en fait un groupe de sociétés composé d'OSEO Financement, d'OSEO Garantie, d'OSEO Innovation et d'OSEO Bretagne. La "LRBF" programme (18) l'absorption de ces trois dernières entités par OSEO Financement, laquelle deviendra la société anonyme OSEO ("LRBF", art. 63) détenue à 50 % par l'Etat et l'établissement public OSEO ("LRBF", art. 62 ; ordonnance n° 2005-722, art. 6-II) et soumise au contrôle de l'Etat.

Il s'agit d'une pure modification structurelle, la "LRBF" ne modifiant pas les attributions de cette société anonyme (en comparaison de celles des personnes morales absorbées). Souhaitons que, comme l'espérait le Gouvernement, cet aplanissement de l'organigramme du groupe OSEO renforcera "l'efficacité des outils de financement de l'innovation et de la croissance des PME" (19).

2° La disparition d'OSEO Garantie

OSEO Garantie, destinée à être absorbée comme nous venons de le décrire par la nouvelle société anonyme OSEO, est une institution financière spécialisée au sens de l'article L. 516-1 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L9663DYK), à savoir un établissement de crédit auquel l'Etat a confié une mission permanente d'intérêt public.

Ce statut particulier ne devrait pas échoir à la société anonyme OSEO, provoquant ainsi la disparition de la filiale bancaire du groupe. Cela étant, la société anonyme OSEO ayant la possibilité soit directement, soit par la création d'une filiale, d'exercer en France et à l'étranger, "toutes activités qui se rattachent directement ou indirectement à son objet tel que défini par la loi" ("LRBF", art. 62 ; ordonnance n° 2005-722, art. 6-I), l'espoir de voir un établissement de crédit dûment habilité par l'ACP réapparaître au sein du groupe OSEO est permis. Nul doute que cela arrivera tôt ou tard, tant il semble inconcevable qu'un tel groupe se passe des possibilités liées au statut d'établissement de crédit. Il serait logique que cette résurrection procède d'une filialisation (20) : réformez, réformez ! Il en restera toujours quelque chose.

B - Le renouveau du refinancement des établissements de crédit sur les marchés obligataires

Profondément remodelée en 1999 pour sauver le Crédit foncier de France du précipice (21), la société de crédit foncier (la SCF) est une structure de refinancement des établissements de crédit dont le succès ne se dément pas : il faut dire que le super-privilège, exorbitant du droit commun offert aux porteurs des obligations foncières émises par les SCF (C. mon. fin., art. L. 515-19 N° Lexbase : L3618HZZ) est un argument de poids pour emporter une décision d'investissement (22).

La "LRBF" accroît un peu plus l'attractivité de la SCF (1°) et la dote d'un quasi-clone, la société de financement de l'habitat (la SFH), aux avantages encore plus grands (2°).

1° L'attractivité accrue des sociétés de crédit foncier

En matière de SCF, la LRBF contribue à un assouplissement substantiel des possibilités offertes à ces établissements de crédit d'un genre particulier :

- d'une part, une SCF peut désormais émettre les billets hypothécaires prévus par les articles L. 313-42 (N° Lexbase : L7112IAN) à L. 313-48 du Code monétaire et financier, ce qui accroît les sources de refinancement offertes aux établissements de crédit ("LRBF", art. 71 ; C. mon. fin., art. L. 515-13, II, nouv. N° Lexbase : L2341INZ) ;

- d'autre part, il est admis que la SCF puisse recourir aux mobilisations de créances régies par les articles L. 211-36 (N° Lexbase : L2247INK) et suivants du Code monétaire et financier, issus de la transposition de la Directive 2002/47/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juin 2002, concernant les contrats de garantie financière (N° Lexbase : L4787A43), ce qui lui permettra, notamment, de procéder à des cessions de créances à titre de garantie particulièrement efficaces en cas d'ouverture d'une procédure collective à son encontre.

Apparemment plus conscient de l'enjeu qu'il y a à veiller à la liquidité des établissements de crédit que le Comité de Bâle (23), le législateur français introduit avec la "LRBF" deux dispositions dans le Code monétaire et financier ayant trait à la liquidité des SCF :

- en premier lieu, obligation leur est désormais faite de s'assurer à tout moment la couverture de leurs besoins de trésorerie ("LRBF", art. 71) ;

- en second lieu, dans l'esprit des vastes programmes d'achat d'obligations sécurisés lancés en 2009 par la Banque centrale européenne (24), un nouvel article L. 515-32-1 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L2337INU) autorise, sous conditions, les SCF à acheter leurs propres obligations foncières "dans le seul but de les affecter en garantie des opérations de crédit de la Banque de France conformément aux procédures et conditions déterminées par cette dernière pour ses opérations de politique monétaire et de crédit intrajournalier, dans le cas où les sociétés de crédit foncier ne seraient pas à même de couvrir leurs besoins de trésorerie par les autres moyens à leur disposition".

Ajoutons que sont maintenant clairement éligibles à l'actif d'une SCF les créances co-garanties par plusieurs personnes publiques ("LRBF", art. 71 ; C. mon. fin., art. L. 515-15, II, 1° N° Lexbase : L2340INY), d'où un accroissement clair du stock de créances transmissibles à une SCF, et qu'est introduit un régime propre à la cession à une SCF de créances résultant d'un contrat de partenariat, assis sur celui prévue en matière de "cession Dailly" (25).

2° La création des sociétés de financement de l'habitat

Toute attractive qu'elle soit, la SCF présente un inconvénient majeur eu égard à la réalité du marché immobilier français : en favorisant les créances garanties par une sûreté réelle, plus aisément et largement éligibles à son actif (C. mon. fin., art. R. 515-2 N° Lexbase : L5049HZZ et s.), quand la majorité des prêts immobiliers octroyés en France fait l'objet d'un cautionnement, elle limite considérablement les possibilités de refinancement des portefeuilles de prêts immobiliers des établissements de crédit français.

Pour cette raison, une structure alternative avait été élaborée empiriquement : les montages de structured covered bonds, librement inspirés d'un équivalent anglo-saxon, lesquels, en tirant partie du régime des garanties financières, organisent une réplique contractuelle du super-privilège des SCF.

La "LRBF" a offert l'opportunité de "légaliser" (26) ce schéma en créant les SFH ("LRBF", art. 73 ; C. mon. fin., art. L. 515-34, nouv. N° Lexbase : L2345IN8 et s.). Contrairement aux SCF, les SFH devraient (27) avoir toute latitude pour refinancer des prêts cautionnés par un établissement de crédit ou une entreprise d'assurance (28) en recevant les créances correspondantes en propriété à titre de garantie de prêts accordés à des établissements de crédit. En revanche, leur objet sera limité à de telles activités de refinancement : contrairement aux SCF, elles ne pourront pas contribuer au financement des personnes publiques. Pour le reste, le principe cardinal du régime de la SFH est simple : il s'agit d'une SCF (29) émettant non pas des obligations foncières mais des obligations à l'habitat, qui bénéficient du même super-privilège que celui existant pour les obligations foncières, dénommées "obligations à l'habitat" ("LRBF", art. 73 ; C. mon. fin., art. L. 515-36, I nouv. N° Lexbase : L2349INC).

Même si l'on peut douter de l'impérieuse nécessité d'introduire dans la loi une structure nouvelle de refinancement à un moment où les taux proposés en matière de prêts immobiliers sont particulièrement bas et où l'appétit des marchés pour les obligations adossées à des prêts immobiliers demeure modéré, saluons la réactivité du législateur à s'approprier les innovations apparues sur le marché. Une fenêtre de tir de douze mois à compter de la promulgation de la "LRBF" étant ouverte pour procéder, à des conditions simplifiées, à la transformation des montages de structured covered bonds en SFH, nul doute que les agents économiques concernés sauront en profiter.

La "LRBF" fourmille de nouveautés, qui tiennent plus volontiers de l'ajustement fin (30) que de la révolution culturelle. Pour autant, sans se montrer injustement sévère avec ce texte, il nous faut admettre qu'elle ne constitue pas, en matière de droit bancaire, un texte d'une importance considérable : les événements récents nous ont appris à ne pas être trop déçus d'un remaniement annoncé de longue date et n'accouchant que d'une souris. A la décharge des concepteurs de la "LRBF", il faut dire que beaucoup a déjà été accompli depuis 2007. Au final, la création des SFH nous paraît être l'apport le plus conséquent de cette loi nouvelle. Il y aurait sans doute à dire, comme d'autre l'ont fait (31), sur l'intitulé peu adapté de la "LRBF" qui n'a que peu à voir avec la régulation.

De la crise financière sort peu à peu un droit bancaire et financier plus complet et adapté ; modestement, la "LRBF" y apporte sa pierre. A ce sujet, méditons en la transposant à ce contexte économique dégradé dont nous faisons l'expérience cette mémorable réplique d'Harry Lime, le personnage incarné par Orson Wells dans Le Troisième Homme : "In Italy for 30 years under the Borgias they had warfare, terror, murder, and bloodshed, but they produced Michelangelo, Leonardo da Vinci, and the Renaissance. In Switzerland they had brotherly love - they had 500 years of democracy and peace, and what did that produce? The cuckoo clock" (32).


(1) Projet de loi de régulation bancaire et financière.
(2) Cf. exposé des motifs du projet du 16 décembre 2009.
(3) Au premier rang desquels les fameux Credit Default Swaps, sur lesquels on peut lire : Y. Braouzec, Dérivés de crédit vanille et exotiques - Produits, modèles et gestion des risques, Revue Banque Editeur, 2007.
(4) Voir l'article de J.-B. Lenhof, Brèves réflexions sur les nouveaux mécanismes boursiers issus de la loi de régulation bancaire et financière, Lexbase Hebdo n° 228 du 18 novembre 2010 - édition affaires (N° Lexbase : N5750BQZ).
(5) On peut se référer à ce qu'explique sur le sujet The high-level group on financial supervision in the EU, février 2009 (dit "Rapport Larosière").
(6) Oui, vous avez deviné !
(7) Directive 2009/111 CE du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009, modifiant les Directives 2006/48/CE, 2006/49/CE et 2007/64/CE en ce qui concerne les banques affiliées à des institutions centrales, certains éléments des fonds propres, les grands risques, les dispositions en matière de surveillance et la gestion des crises (N° Lexbase : L9198IEE), JOUE L 302 du 17 novembre 2009.
(8) Il s'agit de l'ordonnance n° 2010-76 du 21 janvier 2010, portant fusion des autorités d'agrément et de contrôle de la banque et de l'assurance (N° Lexbase : L4185IG4), sur laquelle lire nos obs. L'Autorité de contrôle prudentiel : nouveau vaisseau-amiral du contrôle micro-prudentiel en matière bancaire et assurantielle, Lexbase Hebdo n° 384 du 25 février 2010 - édition privée générale (N° Lexbase : N2580BNU) ; Th. Bonneau, JCP éd. E, 2010, 1140.
(9) Titre du chapitre IV de la "LRBF", consacré à la question : il nous semblait pourtant que l'ACP avait été mise en place il y a quelques mois. Ses éminents membres seront, à ne pas en douter, ravis de le savoir !
(10) Et compte ainsi 19 membres, dont le président de l'Autorité des marchés financiers.
(11) Soit 6 membres au total, dont deux conseillers d'Etat pour un seul représentant de la Cour de cassation : le tonnerre va gronder !
(12) Sauf "lorsque la publication risque de perturber gravement les marchés financiers ou de causer un préjudice disproportionné aux parties en cause".
(13) Pour simplifier : le retrait total d'agrément, régi par les articles L. 511-15 (N° Lexbase : L4970IG8) et L. 511-16 (N° Lexbase : L5153IGX) du Code monétaire et financier, n'emporte pas liquidation immédiate de l'établissement de crédit en cause, contrairement à la radiation prévue à l'article L. 511-17 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L5024IG8).
(14) Que les dirigeants et actionnaires d'établissements de crédit se consolent : le montant des sanctions que peut prononcer l'Autorité des marchés financiers est multiplié par 10 (cf. "LRBF", art. 6-II, 2° a)).
(15) La "LRBF" instaure la sauvegarde financière accélérée, inspirée de la procédure anglo-saxonne de "prepack" (voir, notamment, R. Damman et G. Podeur, Sauvegarde financière expresse : vers une consécration législative du 'prepack à la française', D., 2010 p. 2005 ; A. Besse et N. Morelli, Le prepackaged plan à la française : pour une saine utilisation de la procédure de sauvegarde, JCP éd. E, 2009 n° 1628 p. 28 à 33 ; F. X. Lucas, Le plan de sauvegarde apprêté ou le prepackaged plan à la française, Cahiers de droit de l'entreprise, n° 5, septembre-octobre 2009 p. 35, P-M. Le Corre, in Chronique mensuelle de droit des entreprises en difficulté de Pierre-Michel Le Corre et Emmanuelle Le Corre-Broly - Septembre 2010, Lexbase Hebdo n° 408 du 16 septembre 2010 - édition privée générale N° Lexbase : N0555BQM).
(16) Dans le projet de loi adopté le 11 juin 2010 par l'Assemblée nationale et transmis au Sénat (et plus précisément, son article 7 septies), cette possibilité avait valeur de principe.
(17) Ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005, relative à la création de l'établissement public OSEO et de la société anonyme OSEO (N° Lexbase : L8390G9M).
(18) La date prévue est "le lendemain de la publication du décret approuvant les statuts de la société anonyme OSEO qui doit intervenir au plus tard le dernier jour du sixième mois suivant celui de la promulgation" de la "LRBF" ("LRBF", art. 92-I, al. 3).
(19) Exposé des motifs des articles 14 à 18 du projet de loi déposé à l'Assemblée nationale le 16 décembre 2009.
(20) Ladite filiale pouvant être ou non soumise au contrôle de l'Etat selon qu'elle sera détenue à plus ou moins de 50 % par l'établissement public OSEO, seul ou conjointement avec l'Etat (ordonnance n° 2005-722, art. 5).
(21) Cf. le titre IV de loi n° 99-532 du 25 juin 1999, relative à l'épargne et à la sécurité financière (N° Lexbase : L2208DYG).
(22) Voir X. de Kergommeaux et C. Van Gallebaert, La société de crédit foncier : une structure rassurante en période de crise, Revue trimestrielle de droit financier, 2007, n° 3, p. 137.
(23) Cf. notre article consacré à ce sujet, La nouvelle ligne bleue du monde bancaire : "Bâle III", Lexbase Hebdo n° 409 du 23 septembre 2010 - édition privée générale (N° Lexbase : N0960BQM).
(24) Voir, par exemple, la décision de la Banque centrale européenne du 2 juillet 2009 relative à la mise en oeuvre du programme d'achat d'obligations sécurisées (BCE/2009/16) (2009/522/CE).
(25) Lequel fait également l'objet d'une réforme portant sur la limite quantitative dans laquelle la cession de créance peut être acceptée par la personne publique contractante ("LRBF", art. 72-III ; C. mon. fin., art. L. 313-29-2 N° Lexbase : L2343IN4).
(26) Au sens d'introduire dans la loi.
(27) L'absence à cette date de décret d'application précisant les quotités maximales applicables à la composition de l'actif d'une SCF nous contraint à employer le mode conditionnel.
(28) C'est-à-dire, pour être clair, par un professionnel du cautionnement.
(29) La "LRBF" utilise une simple technique de renvoi : art. 72 ; C. mon. fin., art. L. 515-34, al. 2, nouv (N° Lexbase : L2345IN8).
(30) Comme celle précisant qu'un organisme de titrisation peut "pour la réalisation de son objet, un organisme de titrisation peut détenir, à titre accessoire, des titres de capital reçus par conversion, échange ou remboursement de titres de créances ou de titres donnant accès au capital" ("LRBF", art. 69 ; C. mon. fin., art. L. 214-43, al. 3, nouv. N° Lexbase : L2336INT).
(31) Th. Bonneau, Commentaire de la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010, de régulation bancaire et financière, JCP éd. E, 2010, 1257.
(32) Traduction libre : "En Italie, sous les Borgia, pendant trente ans, il y a eu la guerre, la terreur, des meurtres et des bains de sang : cela a donné Michel-Ange, Léonard de Vinci et la Renaissance. En Suisse, ils ont eu l'amour fraternel, cinq siècles de paix et de démocratie. Et qu'est-ce que cela a donné ? Le coucou".

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Droit financier

[Textes] Brèves réflexions sur les nouveaux mécanismes boursiers issus de la loi de régulation bancaire et financière

Réf. : Loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010, de régulation bancaire et financière (N° Lexbase : L2090INQ)

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par Jean-Baptiste Lenhof, Maître de conférences à l'ENS - Cachan Antenne de Bretagne, Membre du centre de droit financier de l'Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne)

Le 04 Janvier 2011

"La crise financière a pu être décrite comme le produit d'un emballement et d'une déraison ; elle est avant tout la conséquence d'une 'démesure de la rationalité (1)' financière et d'une croyance quasi-prométhéenne dans la maîtrise totale du risque par l'évaluation, la structuration et la modélisation probabiliste" (2). Par ce propos, le sénateur Marini, lors de son rapport sur le projet de loi de régulation bancaire et financière (la "LRBF" comme, déjà, on la désigne), plaçait, d'emblée, l'étude du texte au regard de la dimension du risque qu'il était censé juguler. La loi du 22 octobre 2010, en effet, vise à répondre à deux objectifs : d'une part, dans son titre I, remédier, par la constitution d'un encadrement juridique approprié, aux causes identifiées de la crise financière de 2008 (dito : "renforcer la supervision des acteurs et des marchés financiers") (3) et, d'autre part, dans son titre II, pallier, dans la mesure du possible, les effets de la crise, en référence au besoin de "soutenir le financement de l'économie pour accompagner la reprise".
Sous cette construction apparemment sans faille, le texte, cependant, a été ordonnancé de façon plus complexe -d'aucuns diront brouillonne- puisque le contenu du titre II renvoie à un ensemble de dispositions dont le rapport avec "la reprise" évoquée par le législateur n'est parfois qu'assez lointain (4).
La nouvelle loi, ainsi, n'échappe pas à la tentation du cavalier législatif. Elle n'en introduit pas moins, au fond, des innovations importantes, dans le droit fil de l'accroissement de la régulation financière. Des modifications majeures du droit des offres publiques, des entreprises en difficulté (5), et du financement des petites et moyennes entreprises par l'établissement public OSEO sont, de la sorte, introduites dans le titre II. D'autres dispositions, relatives à l'assurance crédit, au financement des prêts à l'habitat et à l'assurance transport y figurent également, qui ont pour objet de "soutenir le financement de l'économie" comme l'a spécifié le législateur. Ce sont, cependant, essentiellement, les nouveaux mécanismes relatifs aux agissements des actionnaires et aux offres publiques qui se singularisent, dans ce titre II, dédié -plus ou moins véritablement- à la redynamisation de l'économie. En effet, ils introduisent, en premier lieu, de nouvelles règles permettant de sanctionner les pratiques d'actionnaires préjudiciables aux grandes sociétés (I), avant de modifier les mécanismes des offres publiques obligatoires (II), applicables, désormais, sur les marchés réglementés, comme sur les marchés organisés.

I - Les pratiques des actionnaires préjudiciables aux grandes sociétés

Le chapitre Ier du titre II de la loi de régulation bancaire et financière se propose d'améliorer le "financement des grandes entreprises" dans ses articles 47 à 52. Ce chapitre recèle, toutefois, d'autres prescriptions puisqu'il traduit dans la loi (article 48) la jurisprudence récemment dégagée par la Cour de cassation à propos des concerts (A), l'article 49 règlementant, quant à lui, la pratique dite de l'empty voting (B). La loi de régulation élargit, ainsi, le contrôle de l'AMF à des pratiques existantes, qui ont pu porter atteinte, dans un passé récent, à l'intérêt de grandes sociétés cotées.

A - La nouvelle définition des agissements de concert

Les agissements de concert, constitutifs de l'action du même nom, étaient, jusqu'à présent, définis aux articles L. 233-10 (N° Lexbase : L6588HWW) et L. 233-11 du Code de commerce (N° Lexbase : L7452DAA). Le premier de ces articles établissait, ainsi, que "sont considérées comme agissant de concert les personnes qui ont conclu un accord en vue d'acquérir ou de céder des droits de vote ou en vue d'exercer les droits de vote, pour mettre en oeuvre une politique vis-à-vis de la société" (l'alinéa II dresse, quant à lui, une liste de présomptions relatives à l'existence d'un tel accord). L'article L. 233-10-1 (N° Lexbase : L1396HIK) dispose, en revanche, de l'appréciation de cet accord dans le cadre d'une offre publique, posant qu'agissent de concert, en premier lieu, "les personnes qui ont conclu un accord avec l'auteur d'une offre publique visant à obtenir le contrôle de la société qui fait l'objet de l'offre" et, en second lieu, celles "qui ont conclu un accord avec la société qui fait l'objet de l'offre afin de faire échouer cette offre".

On remarquera, donc, que jusqu'alors, en dehors des hypothèses d'offre publique, le concert n'était pas textuellement constitué dans le cas où les agissements visaient l'obtention du contrôle de la société. La nouvelle rédaction de l'article L. 233-10 du Code de commerce (N° Lexbase : L2305INP) vient ainsi, fort opportunément, homogénéiser les conditions de reconnaissance du concert. L'article 48 de la loi est venu modifier la disposition précitée de la façon suivante : sont considérées, "comme agissant de concert, les personnes qui ont conclu un accord en vue d'acquérir, de céder ou d'exercer des droits de vote, pour mettre en oeuvre une politique commune vis à vis de la société ou pour obtenir le contrôle de cette société".

La nouvelle rédaction matérialise, par conséquent, deux évolutions : l'une formelle et l'autre, de fond. En premier lieu, elle ajoute le terme "commune" à celui de politique, restituant, ainsi, la rédaction initiale de l'article L. 233-10 telle qu'elle existait avant la rédaction par la loi "Murcef" du 11 décembre 2001 (loi n° 2001-1168, portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier N° Lexbase : L0256AWE) et qui semblait avoir privé le texte, sans raison justifiable, d'une partie de sa substance (6). En second lieu, en faisant rentrer la prise de contrôle dans le champ de l'action de concert, elle tire conclusion de l'évolution jurisprudentielle née de l'arrêt "Gecina" (7), récemment confirmé par trois arrêts de la Chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 27 octobre 2009 (8), puis, quelques mois plus tard, par un autre arrêt (9). A cette occasion, la Chambre commerciale avait adopté une interprétation extensive du concert, ce dernier ayant été caractérisé, dans les cas précités, alors que les actionnaires avaient adopté des comportements négatifs ("accords de séparation" dans l'affaire "Gecina" ; perte de contrôle volontaire d'une filiale permettant aux associés de recouvrer des droits de vote suspendus en raison d'un autocontrôle dans l'affaire "Lignac") aboutissant à la prise de contrôle d'une société. Avec cette nouvelle rédaction de l'article L. 233-10, la notion d'action de concert voit, donc, son champ d'application élargi, le législateur ayant, en l'occurrence, fait oeuvre d'adaptation particulièrement rapide afin de consacrer l'évolution jurisprudentielle.

B - L'encadrement de l'empty voting

L'encadrement de l'empty voting, confirme, également, la réactivité du législateur face à l'apparition de pratiques susceptibles de porter atteinte à l'intérêt social des sociétés. Ce concept anglo-saxon désigne une technique consistant à transférer des droits de vote dans le cadre d'une cession temporaire d'actions -ou de droits de vote-, le cessionnaire étant contraint, ou ayant le droit, à terme, de restituer les titres ou les droits détenus au cédant. La critique adressée à cette technique porte, essentiellement, sur les motivations susceptibles d'animer le titulaire des droits de vote lors des assemblées générales, le votant pouvant être tenté de privilégier une politique de court terme et, donc, d'opter pour des délibérations préjudiciables à la société. La solution adoptée par le législateur, à travers l'introduction d'un nouvel article L. 225-126 dans le Code de commerce (N° Lexbase : L2307INR), a été d'encadrer le risque né de cette cession temporaire des droits de vote en imposant une information obligatoire de l'Autorité des marchés financiers (AMF) et de la société, dès lors que les actions de cette dernière sont admises aux négociations sur un marché réglementé.

Ainsi, toute personne (10) qui détient, "seule ou de concert, au titre d'une ou plusieurs opérations de cession temporaire portant sur [des] actions ou de toute opération lui donnant le droit ou lui faisant obligation de revendre ces actions au cédant" plus de 2 % des droits de vote, doit en informer l'AMF et la société, au plus tard le troisième jour ouvré précédant l'assemblée générale. Si le contrat demeure en vigueur à cette date, il est tenu, également, de spécifier aux personnes précitées le nombre d'actions qu'il détient. La sanction de ce défaut d'information, fixée au II du même article, est la suspension des droits de vote, pour l'assemblée concernée, comme pour toute assemblée qui se tiendrait jusqu'à la revente ou la restitution des actions. Au titre des sanctions supplémentaires, d'une grande rigueur, et qui soulignent l'attention que le législateur porte au risque d'empty voting, l'article L. 225-126, II, in fine prévoit, qu'à défaut d'information, les délibérations peuvent être annulées, l'alinéa second établissant que le tribunal de commerce peut procéder à la suspension pendant 5 ans (suspension totale ou partielle) des droits de vote de l'actionnaire qui n'aurait pas procédé à l'information obligatoire.

II - L'aménagement des offres publiques obligatoires

Les dispositions majeures de la nouvelle loi ressortent, en dépit de l'intérêt présenté par l'encadrement des pratiques précédentes, de l'abaissement du seuil de l'offre publique obligatoire sur les marchés réglementés (A). Incidemment, les marchés non-réglementés sont également visés par la réforme (B) qui va dans le sens d'un encadrement plus strict des actionnaires, l'offre publique obligatoire venant remplacer, sur ces marchés, l'ancien mécanisme de garantie de cours qui disparaît du Code monétaire et financier.

A - Les offres publiques obligatoires sur les marchés réglementés

Inscrite à l'article 50 de la loi (nouvelle rédaction de l'article L. 433-3 du Code monétaire et financier), le principe de l'information immédiate de l'AMF et du dépôt d'une offre obligatoire s'impose, désormais, à toute personne venant à détenir, "sur les marchés réglementés, [...] plus des trois dixièmes du capital ou des droits de vote". Le dépôt d'une offre publique portera, alors, sur une quantité déterminée des titres de la société et, ce, à un prix minimum dont le mode de calcul est légèrement modifié par la loi (11).

Ce nouveau seuil de 30 % est censé matérialiser, d'abord, la nécessité d'un alignement de la réglementation française sur les droits des marchés financiers voisins qui imposent, pour la plupart d'entre eux, le déclenchement d'une offre obligatoire à un niveau inférieur à ce seuil de trois dixièmes. Il prend en considération, comme en attestent les travaux préparatoires (12), des facteurs propres aux grandes sociétés cotées telles que : la dispersion du capital, l'absentéisme lors des assemblées générales et le poids relatif, dans ce contexte, des actionnaires détenant un tiers des droits de vote. Quant à l'étendue de l'offre, on soulignera que l'article 234-2 du règlement général (RG) de l'AMF impose toujours, en principe, que l'offre porte sur la totalité du capital de la société visée, bien que la loi ne renvoie qu'à une "quantité déterminée de titres". On relèvera, cependant, qu'eu égard aux politiques législatives antérieures, c'est maintenant la loi qui fixe le seuil de déclenchement de l'offre obligatoire, alors que ce dernier était auparavant établi par le règlement général et que, par suite, l'article 234-2 dudit règlement devra être modifié pour être mis en conformité avec l'article 50 de la loi.

Ajoutant, ensuite, à l'encadrement de plus en plus étroit des offres publiques obligatoires, l'article L. 433-3 du Code monétaire et financier prévoit, désormais, de prendre en compte, lors de la montée d'un actionnaire dans le capital, la "vitesse d'acquisition" (13) des titres par un actionnaire. Le dépôt d'une offre concernera, de la sorte, les actionnaires détenant entre 30 % et 50 % du capital ou des droits de vote et qui, en moins de douze mois consécutifs, augmentent leur détention en capital ou en droits de vote d'au moins 2 %.

Quant à la définition des titres à retenir pour le calcul du franchissement des seuils, la loi modifie, enfin, le périmètre de franchissement en l'augmentant sensiblement par l'inclusion des "titres assimilés" (14), en référence aux dispositions des articles L. 233-7 (N° Lexbase : L2306INQ) (15) et L. 233-9 (N° Lexbase : L6999IC9) (16) du Code de commerce. Il est précisé, toutefois, que c'est le RG de l'AMF qui fixera la liste précise des accords ou instruments financiers -mentionnés au 4° du 1 de l'article L. 233-9- qui doivent être pris en compte pour la détermination de cette détention (actions déjà émises ou droits de vote que l'actionnaire est en droit d'acquérir à sa seule initiative, immédiatement ou à terme, en vertu d'un accord ou d'un instrument financier). En toute hypothèse, cet élargissement constitue, sans doute, un des leviers les plus importants pour accroître la rigueur du principe de l'offre publique obligatoire. En effet, alors que la détention des "titres assimilés" des articles L. 233-7 et L. 233-9 du Code de commerce n'était prise en compte, jusqu'alors, que pour calculer le seuil relatif aux obligations d'information du marché, la loi nouvelle transpose ce mode de calcul au seuil de déclenchement de l'offre publique, ce qui entraîne deux conséquences majeures. D'une part, la nouvelle disposition -sous réserve de l'interprétation qu'en donnera l'AMF- va homogénéiser les obligations d'information et de dépôt d'une offre puisque le calcul des seuils sera réalisé, en principe, sur les mêmes bases. D'autre part, le nouveau mode de calcul pourra empêcher les actionnaires de déjouer la contrainte de dépôt d'une offre publique puisque, jusqu'à présent, seules les actions détenues directement ou indirectement étaient comptabilisées dans le calcul du seuil, ce qui permettait, notamment, d'utiliser des produits dérivés dans lesquels le sous-jacent était potentiellement livrable pour franchir des seuils légaux, insensiblement, et sans être contraint d'en avertir le marché.

B - Les offres publiques obligatoires sur les marchés non-réglementés

L'instauration des offres publiques obligatoires sur les marchés non-réglementés, en même temps qu'elle vient sécuriser les opérations sur les marchés financiers les moins encadrés, a également pour fondement une justification technique : la suppression, à l'article L. 433-3 du Code monétaire et financier, du mécanisme de garantie de cours.

La garantie de cours, codifiée aux II et III de ce texte, permettait, jusqu'alors, de contraindre l'acquéreur d'un bloc de titres conférant la majorité du capital ou des droits de vote d'une société cotée sur un marché réglementé, à acheter les titres qui leur étaient présentés au cours ou au prix auquel la cession du bloc devait être réalisée (C. mon. fin., art. L. 433-3, II). Contrainte pesant sur tous les actionnaires sur les marchés réglementés, la garantie de cours pouvait, par ailleurs, au titre du III, être obligatoirement mise en oeuvre sur certains marchés non-réglementés. Ainsi, elle était, également, applicable aux instruments financiers négociés sur tout marché d'instruments financiers ne constituant pas un marché réglementé, lorsque la personne gérant ce marché en faisait la demande.

Cette extension de la règle revêtait, au demeurant, une importance capitale quant à ce qu'il convient d'appeler la structure de ces marchés. En effet, l'extension du mécanisme de garantie de cours était la condition, posée à l'article 235-1 du RG de l'AMF, pour que le marché non-réglementé accède au statut de système multilatéral de négociation organisé. On comprend, dès lors, que la suppression de la garantie de cours, qui disparaît du droit des marchés financiers, ait dû être compensée par l'instauration d'un autre mécanisme permettant aux marchés non réglementés d'accéder à un statut intermédiaire, suffisamment sécurisé pour pouvoir accueillir les petits investisseurs. C'est ainsi que l'application du principe de l'offre publique obligatoire sur ces marchés va jouer la fonction assignée à la défunte garantie de cours, en devenant la nouvelle condition de la qualification de système multilatéral de négociation organisé. Il demeure, qu'à la différence de la garantie de cours, l'offre publique obligatoire n'est pas déclenchée au même niveau de seuil que pour les marchés réglementés. Ainsi, l'article L. 433-3 II, dans sa nouvelle rédaction, prévoit que le dépôt d'une telle offre n'est obligatoire qu'à partir d'une détention de 50 % des actions ou des droits de vote de la société (article 53 de la loi). Enfin, l'article 54 de la loi dispose que les dispositions relatives au retrait obligatoire peuvent également être étendues à un marché non-réglementé, à la demande de la personne qui le gère (17).

Il faudra, néanmoins, pour confirmer la portée de cette évolution, attendre les modifications du règlement général de l'AMF pour mesurer toutes les conséquences de la nouvelle loi sur le droit des offres publiques. Le législateur a prévu, enfin, dans l'article 56 de la loi, de transposer par voie d'ordonnances, la Directive 2007/36/ CE du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007, concernant l'exercice de certains droits des actionnaires des sociétés cotées (N° Lexbase : L9363HX3). Cette transposition, sans nul doute, accentuera encore la protection des actionnaires dans un contexte où, espérons le, la globalisation financière s'accompagnera d'une sécurité accrue pour les investisseurs.


(1) R.-P. Droit, "Le banquier et le philosophe", R.-P. Droit et F. Henrot, Tribune Libre (Plon), février 2010.
(2) Rapport au Sénat, n° 703 déposé le 14 septembre 2010 par M. Philippe Marini nommé rapporteur par la commission des finances.
(3) Cf. A. Bordenave, ARTICLE A VENIR, Lexbase Hebdo n° 228 du 18 novembre 2010 - édition affaires ([LXB=ATTENTE]).
(4) Th. Bonneau, Commentaire de la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière, JCP éd. E, 2010, 1957, p. 15, n° 1.
(5) Cf., pour un commentaire de la sauvegarde accélérée mise en place par ce texte, P.-M. Le Corre, in Chronique mensuelle de droit des entreprises en difficulté de Pierre-Michel Le Corre et Emmanuelle Le Corre-Broly - Septembre 2010, Lexbase Hebdo n° 408 du 16 septembre 2010 - édition privée générale (N° Lexbase : N0555BQM).
(6) La doctrine a pu souligner, à cette occasion, l'erreur de plume du législateur, aujourd'hui heureusement effacée : Th. Bonneau, préc., n° 15, en appui sur, D. Schmidt, Action de concert, Rep. Société Dalloz, n° 60.
(7) CA Paris, 1ère ch., sect. H, 24 juin 2008, n° 2007/21048 (N° Lexbase : A3050D9T).
(8) Cass. com., 27 octobre 2009, 3 arrêts, n° 08-18.819, FS-P+B+I+R (N° Lexbase : A5572EMC), n° 08-18.779, FS-D (N° Lexbase : A6096EMQ) et n° 08-17.782, FS-D (N° Lexbase : A6085EMC), F. Leplat, Accord de séparation et définition jurisprudentielle de l'action de concert, JCP éd. E, 2010 n° 11, p. 17 ; F. Martin Laprade, Affaire Gecina : et si la Cour de cassation s'était trompée de contentieux, Revue des sociétés, 2010, n° 2, p. 112 et s. ; R Mortier, Dr. Soc., 2010, n° 3, p. 29 et s. ; H. Le Nabasque, Affaire Gecina, suite et fin ?, Bull. Joly Sociétés, 2010, n° 2, p. 158 et s. ; N. Rontchevsky, Affaire Gecina : la Cour de cassation précise les contours de l'action de concert, Revue Lamy Droit des affaires, 2010, n° 45, p. 10 et s..
(9) Cass. com., 29 juin 2010, n° 09-16.112, FS-P+B, (N° Lexbase : A6772E39), et nos obs. Action de concert et autocontrôle : la Cour de cassation précise le champ d'application de la notion de concert de l'article L. 233-3, III, du Code de commerce, Lexbase Hebdo n° 406 du 2 septembre 2010 - édition privée générale (N° Lexbase : N6997BPT).
(10) La disposition ne s'applique pas, en revanche, aux droits de votes détenus par un prestataire de services d'investissement dans son portefeuille de négociation (C. com., art. L. 225-126, I).
(11) Loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010, art. 50 "2° : La première phrase du deuxième alinéa du I [de l'article L. 433-3 du Code monétaire et financier] est ainsi rédigée : 'Le prix proposé doit être au moins égal au prix le plus élevé payé par l'auteur de l'offre, agissant seul ou de concert au sens de l'article L. 233-10 du Code de commerce, sur une période de douze mois précédant le fait générateur de l'obligation de dépôt du projet d'offre publique'".
(12) Rapport au Sénat, n° 703, préc..
(13) Th. Bonneau, préc., p. 20, n° 18.
(14) Th. Bonneau, ibid..
(15) L'article L. 233-7 du Code de commerce fait rentrer dans le champ du calcul des seuils contraignant à l'information :
- le nombre de titres qu'un actionnaire possède et qui donnent accès à terme aux actions à émettre et les droits de vote qui y seront attachés ;
- les actions déjà émises que l'actionnaire peut acquérir, en vertu d'un accord ou d'un instrument financier mentionné à l'article L. 211-1 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L5536ICZ), sans préjudice des dispositions du 4° du I de l'article L. 233-9 du Code de commerce. Il en est de même pour les droits de vote que l'actionnaire peut acquérir dans les mêmes conditions ;
- et les actions déjà émises sur lesquelles porte tout accord ou instrument financier mentionné à l'article L. 211-1 du Code monétaire et financier, réglé exclusivement en espèces et ayant pour l'actionnaire un effet économique similaire à la possession desdites actions. Il en va de même pour les droits de vote sur lesquels porte dans les mêmes conditions tout accord ou instrument financier.
(16) Selon l'article L. 233-9 du Code de commerce, "sont assimilés aux actions ou aux droits de vote possédés par la personne tenue à l'information prévue au I de l'article L. 233-7 :
1° Les actions ou les droits de vote possédés par d'autres personnes pour le compte de cette personne ;
2° Les actions ou les droits de vote possédés par les sociétés que contrôle cette personne au sens de l'article L. 233-3 ;
3° Les actions ou les droits de vote possédés par un tiers avec qui cette personne agit de concert ;
4° Les actions déjà émises que cette personne, ou l'une des personnes mentionnées aux 1° à 3° est en droit d'acquérir à sa seule initiative, immédiatement ou à terme, en vertu d'un accord ou d'un instrument financier mentionné à l' article L. 211-1 du Code monétaire et financier. Il en va de même pour les droits de vote que cette personne peut acquérir dans les mêmes conditions. Le règlement général de l'Autorité des marchés financiers précise les conditions d'application du présent alinéa ;
5° Les actions dont cette personne a l'usufruit ;
6° Les actions ou les droits de vote possédés par un tiers avec lequel cette personne a conclu un accord de cession temporaire portant sur ces actions ou droits de vote ;
7° Les actions déposées auprès de cette personne, à condition que celle-ci puisse exercer les droits de vote qui leur sont attachés comme elle l'entend en l'absence d'instructions spécifiques des actionnaires ;
8° Les droits de vote que cette personne peut exercer librement en vertu d'une procuration en l'absence d'instructions spécifiques des actionnaires concernés
".
(17) Les dispositions relatives à l'offre publique de retrait ne sont, toutefois, pas intégralement applicables aux marchés non-réglementés puisque le nouveau texte écarte de l'offre l'hypothèse -revue pour les marchés réglementés- dans laquelle les minoritaires peuvent demander à se retirer en cas de transformation d'une société en société en commandite par action.

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Procédure pénale

[Jurisprudence] Le fait d'entretenir des relations sexuelles non protégées en se sachant porteur du VIH est constitutif, non du crime d'empoisonnement, mais du délit d'administration de substances nuisibles

Réf. : Cass. crim., 5 octobre 2010, n° 09-86.209, F-P+B+I (N° Lexbase : A8737GB9)

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par Romain Ollard, Maître de conférences à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 04 Janvier 2011

Par une décision du 5 octobre 2010, la Chambre criminelle de la Cour de cassation vient confirmer que le fait d'entretenir des relations sexuelles non protégées en se sachant portant du virus de l'immunodéficience humaine (VIH) est constitutif, non du crime d'empoisonnement réprimé à l'article 221-5 du Code pénal (N° Lexbase : L2127AMQ), mais du délit d'administration de substances nuisibles, incriminé à l'article 222-15 du même code (N° Lexbase : L8730HWA). En optant pour cette dernière qualification, la Haute juridiction méconnaît la spécificité de l'infraction d'administration de substances nuisibles par rapport à celle d'empoisonnement, brouillant de la sorte la ligne de démarcation, pourtant claire en théorie, entre les deux infractions. En présence de l'administration d'une substance, non simplement nocive, mais à risque mortel, la qualification d'empoisonnement -constitutive d'une infraction formelle de mise en péril réprimant un simple attentat à la vie- paraissait, en effet, juridiquement plus adaptée aux faits de l'espèce, encore que, au plan de l'élément moral, certaines difficultés à retenir cette qualification puissent apparaître. Les faits ayant donné lieu à cet arrêt sont tristement banals. Un individu, sachant qu'il était porteur du VIH, a entretenu pendant plusieurs mois des relations sexuelles régulières non protégées avec sa compagne en lui dissimulant son état de santé. Cette dernière fut contaminée par des sécrétions sexuelles infectées par le VIH. Poursuivi sur le fondement du délit d'administration de substances nuisibles ayant entraîné une infirmité permanente de la victime, le prévenu est condamné par la cour d'appel d'Aix-en-Provence à trois ans d'emprisonnement au motif que "connaissant sa contamination déjà ancienne au VIH [...], le prévenu a entretenu pendant plusieurs mois des relations sexuelles non protégées avec sa compagne en lui dissimulant volontairement son état de santé et a ainsi contaminé par la voie sexuelle la plaignante, désormais porteuse d'une affection virale constituant une infirmité permanente". La Chambre criminelle ne trouve rien à redire à cette motivation puisque, rejetant le pourvoi qui soutenait principalement que le prévenu n'avait pas la volonté de contaminer sa compagne, elle décide que la cour d'appel a caractérisé "en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit prévu et réprimé par les articles 222-15 et 222-9 (N° Lexbase : L2275AM9) du Code pénal".

La solution n'est pas nouvelle. Tandis que la Chambre criminelle de la Cour de cassation avait jugé, voici une dizaine d'années déjà, que l'infraction d'empoisonnement n'était pas applicable à de tels faits (1), les juridictions du fond d'abord (2), puis la Cour de cassation ensuite, dans un arrêt du 10 janvier 2006 (3), avaient déjà pu opter pour la qualification d'administration de substances nuisibles dans des hypothèses de fait similaires, dans des termes quasi-similaires d'ailleurs à ceux adoptés dans l'arrêt ici commenté. Si la jurisprudence paraît donc ainsi bien établie et si la décision de condamnation se comprend en opportunité, son fondement juridique pourrait, en revanche, être contesté, la qualification d'empoisonnement apparaissant plus adaptée tant au regard de la matérialité des actes accomplis (I) que de la psychologie du délinquant (II).

I - La contestation de la solution au regard de l'élément matériel de l'infraction d'administration de substances nuisibles

Si le choix de la qualification de l'administration de substances nuisibles, plutôt que celle d'empoisonnement, peut être contesté au regard des éléments matériels proprement constitutifs de l'infraction (A), c'est surtout à l'égard de la condition préalable de l'infraction -la nature de la substance administrée- que la solution doit être critiquée (B).

A - Les éléments matériels constitutifs de l'administration de substances nuisibles

Concernant en premier lieu l'acte matériel accompli par le prévenu, les deux qualifications d'administration de substances nuisibles et d'empoisonnement pourraient être indifféremment appliquées dès lors que toutes deux incriminent "l'administration de substances", soit nuisibles, soit de nature à entraîner la mort. Or, dès l'instant qu'il est admis que l'administration des substances peut être réalisée "de quelque manière" que ce soit (4), la contamination par des sécrétions sexuelles infectées par le VIH peut assurément constituer l'acte matériel visé par les deux incriminations, lesquelles pourraient donc, de ce premier point de vue, être indistinctement appliquées.

En revanche, au regard du résultat incriminé au titre des deux infractions en second lieu, la qualification d'empoisonnement pourrait être préférée. Sans doute, là encore, les deux infractions peuvent-elles être identiquement appliquées lorsque, comme en l'espèce, la victime a été effectivement contaminée. En effet, l'article 222-15 du Code pénal exige une administration de substances nuisibles "ayant porté atteinte à l'intégrité physique ou psychique d'autrui", de sorte que, constitutive d'une infraction matérielle supposant une atteinte effective à l'intégrité de la victime, la qualification peut sans nul doute s'appliquer en cas de contamination de la victime. Bien plus, l'infraction d'administration de substances nuisibles pourrait a priori paraître plus adaptée en l'espèce dans la mesure où l'empoisonnement, constitutif d'une infraction formelle, incrimine le simple "fait d'attenter à la vie d'autrui" par l'administration de substances mortelles. Réprimant ainsi non une atteinte, mais un simple attentat à la vie d'autrui, l'empoisonnement est juridiquement consommé par la seule administration de substances mortelles, "quelles qu'en aient été les suites" (5). Dès lors, la qualification ne s'appliquerait qu'imparfaitement aux hypothèses de contamination effective de la victime. Mais ce serait là oublier que, même si elle n'est pas incluse dans la définition de l'empoisonnement, l'existence d'une atteinte effective à l'intégrité de la victime n'est pas pour autant un obstacle à la répression : l'infraction est identiquement constituée que la victime ait subi ou non un préjudice effectif. Du point de vue de l'analyse strictement juridique de leur résultat, les deux infractions pourraient donc, là encore, être indistinctement appliquées aux faits de l'espèce.

En revanche, d'un point de vue de politique criminelle, la qualification d'empoisonnement pourrait être jugée préférable. Supposant une atteinte effective à l'intégrité de la victime, la répression de l'administration de substances nuisibles se trouverait, en effet, paralysée toutes les fois que l'agent, bien qu'ayant entretenu des relations sexuelles non protégées avec son partenaire, ne l'a point contaminé et ce, d'autant que la tentative de ce délit n'est pas incriminée. La qualification d'empoisonnement pourrait au contraire satisfaire à l'objectif répressif. Sans doute l'infraction ne pourrait-elle être considérée comme consommée dans ce type d'hypothèse car si la constitution de l'infraction ne suppose pas la mort de la victime, elle n'en suppose pas moins que les substances mortelles aient été quant à elles effectivement administrées à la victime. Mais la tentative d'empoisonnement n'en paraît pas moins alors constituée, comme variété d'infraction manquée (6).

Mais si la qualification d'empoisonnement peut ainsi apparaître comme plus opportune dans une optique répressive, c'est surtout au plan juridique, au regard de la condition préalable de l'infraction, qu'elle paraît plus appropriée.

B - La condition préalable de l'administration de substances nuisibles

L'application de l'adage specialia generalibus derogant devrait suffire à opter pour la qualification d'empoisonnement, et non pour celle d'administration de substances nuisibles, dans le cas où un individu entretient des relations sexuelles non protégées en se sachant porteur du VIH. En effet, tandis que l'article 222-15 du Code pénal incrimine l'administration de substances "nuisibles", l'article 221-5 vise, pour sa part, l'administration de substances "de nature à entraîner la mort". Les deux qualifications apparaissent ainsi comme des qualifications alternatives qui se distinguent en fonction de la nature de la substance administrée : ou bien la substance est potentiellement mortelle, et c'est l'empoisonnement qui doit être appliqué ; ou bien la substance est simplement nocive, et c'est la qualification d'administration de substances nuisibles qui doit être préférée.

Encore la distinction mérite-t-elle d'être précisée. Le caractère mortel ou simplement nocif de la substance doit être apprécié, non pas concrètement, d'après les effets réels et effectifs de la substance administrée, mais abstraitement, d'après ses seuls effets potentiels. D'une part, l'administration d'une substance simplement nocive mais qui a entraîné la mort de la victime en raison de sa faiblesse particulière ou de la grande quantité de substance administrée ne saurait donner lieu aux peines de l'empoisonnement (7), dès lors que la substance n'est pas alors intrinsèquement "de nature à entraîner la mort". D'autre part, et réciproquement, si le coupable administre une substance abstraitement apte à donner la mort mais que la victime, plus résistante que la moyenne, y survit, c'est l'empoisonnement qui devra être retenu. Si les mots ont un sens en effet, une substance "de nature à" donner la mort est une substance qui peut tuer, mais qui ne tue pas nécessairement. La formule employée par l'article 221-5 du Code pénal conduit, donc, à inclure dans le champ de l'empoisonnement non seulement les substances nécessairement mortelles, mais encore les substances à simple risque mortel. Cette analyse exégétique est d'ailleurs confirmée par la nature juridique de l'empoisonnement, considérée comme une infraction formelle, de mise en péril, et non comme une infraction matérielle supposant une atteinte effective à la vie.

Or en l'espèce, en présence d'une substance, non simplement nocive, mais à risque mortel, l'administration du VIH ne saurait donner prise qu'à la seule qualification d'empoisonnement. Le VIH n'est-il pas, en effet, une substance de nature à donner la mort (9) ? Vainement rétorquerait-on alors qu'il n'est pas certain, en l'état actuel des connaissances scientifiques, que le VIH cause nécessairement la mort de son porteur. D'une part, en effet, au regard de la nature formelle de l'empoisonnement, peu importe juridiquement que la victime décède ou non dès lors qu'elle s'est vue administrer une substance de nature à donner la mort. D'autre part et surtout, le texte d'incrimination n'exige pas que la substance administrée soit nécessairement mortelle ; il suffit qu'elle présente un risque mortel. Or, n'est-ce pas précisément le cas du VIH qui, s'il n'est pas certain qu'il cause nécessairement la mort de son porteur, n'en implique pas moins toujours un risque de mort ?

Contestable au regard de son élément matériel, le choix de la qualification de l'administration de substances nuisibles l'est tout autant au regard de son élément moral.

II - La contestation de la solution au regard de l'élément moral de l'infraction d'administration de substances nuisibles

Admettre l'application de l'administration de substances nuisibles au cas où un individu entretient des relations sexuelles non protégées avec un partenaire en se sachant portant du VIH revient à pervertir l'élément moral de cette infraction (A) alors que l'élément moral de l'empoisonnement paraît mieux décrire la psychologie de l'agent (B).

A - La méconnaissance de l'élément moral de l'infraction d'administration de substances nuisibles

Ainsi que le soutenait le pourvoi, il serait possible de considérer que le prévenu n'avait pas la volonté de contaminer son partenaire, de sorte qu'admettre la condamnation sur le fondement du délit l'administration de substances nuisibles reviendrait à méconnaître l'élément moral de cette infraction.

A défaut de précision contraire contenue dans l'article 222-15 du Code pénal, le délit est, en effet, en vertu des dispositions de l'article 121-3 du Code pénal (N° Lexbase : L2053AMY), intentionnel. L'intention délictueuse pouvant être définie comme la volonté tendue vers l'ensemble des composantes matérielles de l'infraction, spécialement vers la réalisation du résultat pénal incriminé, la caractérisation de l'intention constitutive de l'administration de substances nuisibles devrait donc logiquement impliquer la volonté, chez l'agent, de porter "atteinte à l'intégrité physique ou psychique d'autrui". Or, en l'espèce, il est permis de se demander si ce n'est pas en réalité un dol éventuel, c'est-à-dire une imprudence consciente, qui est réprimé, dans la mesure où rien ne permet d'établir que l'agent avait la volonté de contaminer son partenaire et donc de porter atteinte à son intégrité physique.

Sans doute l'agent a-t-il agi délibérément, en connaissant les dangers que comportait son action, c'est-à-dire en ayant conscience qu'il pouvait contaminer son partenaire. Mais avait-il pour autant la volonté de le contaminer ? Rien n'est moins sûr : l'agent pourrait avoir agi en ayant conscience du risque de contamination, mais sans volonté positive de ce résultat, en "comptant sur sa bonne étoile" pour éviter sa réalisation. Aussi est-il possible de se demander si, en admettant la répression en l'espèce, la Cour de cassation ne sanctionne pas, en réalité, une simple imprudence consciente. La faute constitutive du délit ne consisterait donc pas en l'espèce en un dol général -volonté du résultat préjudiciable- mais en un dol éventuel -simple prévision du résultat préjudiciable-. Cette analyse paraît d'ailleurs confirmée par l'examen de la motivation de l'arrêt d'appel qui, pour caractériser l'élément moral de l'infraction, se contente de relever que le prévenu connaissait sa contamination et qu'il ne "pouvait ignorer les risques de contamination" de sa partenaire. En définitive, ce que réprimerait la Cour de cassation en approuvant l'arrêt de cour d'appel, ce serait plus qu'une simple imprudence, puisque l'agent a conscience du risque de contamination, c'est-à-dire de la possibilité du résultat préjudiciable, mais moins qu'une intention, puisque l'agent n'a pas nécessairement la volonté de ce résultat : c'est une imprudence consciente qui serait ainsi sanctionnée, au mépris des dispositions de l'article 121-3 du Code pénal qui pose en principe que tout délit est, sauf prévision contraire, intentionnel.

L'élément moral de l'empoisonnement pourrait en réalité apparaître plus adapté à la psychologie particulière du prévenu.

B - L'adéquation de la psychologie du délinquant à l'élément moral de l'empoisonnement ?

Explicitant une solution déjà en germe dans un arrêt du 2 juillet 1998 (10), la Chambre criminelle a pu décider, le 18 juin 2003, dans l'affaire du "sang contaminé", que "le crime d'empoisonnement ne peut être caractérisé que si l'auteur a agi avec l'intention de donner la mort, élément moral commun à l'empoisonnement et aux autres crimes d'atteinte volontaire à le vie de la personne" (11). Une telle solution, qui condamne sans conteste l'application de l'empoisonnement aux faits de l'espèce, est contestable au regard du principe de concordance des éléments matériel et moral d'une même infraction intentionnelle. L'empoisonnement, qui vise "le fait d'attenter à la vie d'autrui", se distingue en effet assurément du meurtre (12), qui vise "le fait de donner la mort" : tandis que l'empoisonnement est une infraction formelle qui réprime un simple attentat à la vie, le meurtre est une infraction matérielle qui réprime une atteinte effective à la vie. Aussi, contrairement au meurtre, l'empoisonnement devrait rester indifférent à l'intention de tuer de son auteur -animus necandi . Dès lors, en effet, qu'au plan de l'élément matériel, un attentat à la vie réalisé par l'administration de substances à risque mortel est suffisant à consommer l'infraction, indépendamment de tout résultat dommageable, l'intention d'attenter à la vie d'autrui en lui administrant des substances potentiellement mortelles devrait logiquement suffire à constituer l'intention criminelle de l'empoisonnement (13). Exiger en outre l'intention de tuer revient, en réalité, à considérer que la mort est une composante matérielle de l'empoisonnement, au mépris tant de la lettre du texte d'incrimination que de son esprit.

Mais s'il est certain que l'animus necandi n'est pas une composante de l'empoisonnement, un autre obstacle pourrait toutefois s'opposer à la caractérisation de son élément moral. En effet, si l'intention est définie comme la volonté tendue vers toutes les composantes de l'élément matériel d'une infraction, il faut non seulement que l'agent ait eu la volonté d'attenter à la vie d'autrui, c'est-à-dire de lui faire courir un risque de mort, mais encore de lui administrer des substances à risque mortel. Si la constitution de l'infraction ne suppose pas la mort de la victime, elle n'en suppose pas moins, en effet, que les substances mortelles aient été effectivement administrées à la victime, de sorte que cette exigence devrait se retrouver au plan de l'élément moral. Or, en cas de relations sexuelles non protégées, l'agent qui se sait porteur du VIH n'a aucune certitude quant à la contamination effective de son partenaire ; tout au plus est-il possible de relever un risque d'administration de substances mortelles. En conséquence, en l'absence de certitude du résultat -l'administration effective de substances à risque mortel-, il est douteux qu'il soit possible de caractériser la volonté, chez l'agent, d'administrer effectivement une substance mortelle à son partenaire sexuel. Si l'agent a agi délibérément, en ayant conscience du risque de contamination, il n'est pas certain qu'il ait eu la volonté de contaminer son partenaire, bref de lui administrer effectivement une substance à risque mortel. Là encore, la faute réprimée paraît consister en un dol éventuel, en une imprudence consciente. En définitive, si relativement à l'attentat à la vie, le comportement est bien intentionnel dès lors que l'agent a bien la volonté de faire courir un risque mortel à son partenaire, relativement à l'administration effective des substances à risque mortel, la faute est constitutive d'une imprudence consciente, à défaut de certitude de ce résultat.

Ces analyses montrent à quel point il est difficile d'adapter les infractions classiques, que ce soit l'empoisonnement ou l'administration de substances nuisibles à ce type de comportement qui, fondamentalement, constitue une imprudence consciente. Il est dès lors permis de se demander si, à défaut d'application des infractions classiques, le législateur ne devrait pas, à l'instar de ce qui a été fait au Danemark, créer une incrimination spéciale, une infraction de mise en danger, dont la faute spécifique consisterait en une imprudence consciente et dont les peines pourraient être aggravées en cas de contamination effective de la victime.


(1) Cass. crim., 2 juillet 1998, n° 98-80.529 (N° Lexbase : A5262ACU) : Bull. crim., n° 211 ; D. 1998, J. 457, note J. Pradel ; JCP éd. G, 1998, II, 10132, note M.-L. Rassat ; RSC, 1998, p. 98, obs. Y. Mayaud. Adde, sur l'ensemble de la question, A. Prothais, N'empoisonnez donc plus à l'arsenic !, D., 1998, Chr. 334.
(2) CA Rouen, 22 septembre 1999, JCP, 2000, IV, 2736 ; CA Colmar, 4 janvier 2005, D., 2005, J. 1069, note Paulin.
(3) Cass. crim., 10 janvier 2006, n° 05-80.787 (N° Lexbase : A3543DM8), Bull. crim., n° 11, D., 2006, J. 1096 ; DP, 2006, comm. 30, obs. M. Véron ; RSC, 2006, p. 321, obs. Y. Mayaud.
(4) C. pén., art. 301, anc. (N° Lexbase : L4926DGK).
(5) C. pén., art. 301, anc., préc..
(6) C. pén., art. 121-5 (N° Lexbase : L2132AMW) : la consommation de l'infraction -l'administration des substances- n'ayant alors été manquée qu'en raison d'une circonstance indépendante à la volonté de l'auteur.
(7) Mais éventuellement à celles du meurtre (C. pén., art. 221-1 N° Lexbase : L2260AMN).
(8) V. Malabat, J.-Ch. Saint-Pau, Le droit pénal général malade du sang contaminé, DP, 2004, Chr. 2.
(9) A. Prothais, Le sida ne serait-il plus, au regard du droit pénal, une maladie mortelle ?, D., 2001, Chr. 2053.
(10) Cass. crim., 2 juillet 1998, n° 98-80.529 (N° Lexbase : A5262ACU), Bull. crim., n° 211 ; D., 1998, J. 457, note J. Pradel ; JCP éd. G, 1998, II, 10132, note M.-L. Rassat ; RSC, 1998, p. 98, obs. Y. Mayaud. Adde, sur l'ensemble de la question, A. Prothais, N'empoisonnez donc plus à l'arsenic !, D., 1998, Chr. 334.
(11) Cass. crim., 18 juin 2003, n° 02-85.199 (N° Lexbase : A8130C8M), D., 2004, J. 1620, note D. Rebut ; JCP éd. G, 2003, II, 10121 ; DP, 2004, Chr. 2, note V. Malabat, J.-Ch. Saint-Pau.
(12) C. pén., art. 221-1.
(13) En ce sens, v. V. Malabat, J.-Ch. Saint-Pau, DP, 2004, Chr. 2 ; J. Pradel, D. 1998, J. 457 ; A. Prothais, N'empoisonnez donc plus à l'arsenic !, préc.. Pour une analyse plus nuancée, v. toutefois D. Rebut, D., 2004, J. 1620.

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Contrat de travail

[Jurisprudence] Le lieu d'accomplissement du travail au coeur du régime juridique du contrat de travail international

Réf. : Cass. soc., 29 septembre 2010, 2 arrêts, n° 09-68.851, FS-P+B (N° Lexbase : A7691GA4) et n° 09-40.688, FS-P+B (N° Lexbase : A7604GAU)

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N5721BQX

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par Marion Del Sol, Professeur à l'Université de Bretagne Occidentale (IODE UMR CNRS 6262-Université de Rennes I)

Le 04 Janvier 2011

Le 29 septembre 2010, la Cour de cassation a rendu deux arrêts dans des affaires où était en cause un contrat de travail international. Donnant lieu à publication, les décisions méritent attention. Elles permettent de revenir sur deux questions au coeur de la plupart des contentieux en la matière : d'une part, la loi applicable à la relation de travail comportant un ou plusieurs éléments d'extranéité (I) et, d'autre part, la compétence juridictionnelle en cas de litiges survenant entre les parties (II) (1). Bien que ces questions appellent des développements différenciés, il ressort assez nettement de la lecture croisée des arrêts que le lieu d'exécution du travail est déterminant des solutions rendues et se trouve plus généralement au coeur de régime juridique gouvernant le contrat de travail international. Cela ne peut surprendre puisque la localisation du travail représente très souvent le centre de gravité de ce type particulier de contrat.
Résumé

Cass. soc., 29 septembre 2010, n° 09-68.851, FS-P+B (N° Lexbase : A7691GA4)

C'est à celui qui prétend écarter la loi du lieu d'accomplissement habituel du travail de rapporter la preuve que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays. En outre, les éléments caractérisant les relations entre les parties, mais résultant de l'application d'une loi choisie par elles, ne peuvent être retenus pour rattacher le contrat à une loi autre que celle de son lieu d'exécution.

Cass. soc., 29 septembre 2010, n° 09-40.668, FS-P+B (N° Lexbase : A7604GAU)

Une clause attributive de compétence incluse dans un contrat de travail international ne peut faire échec aux dispositions impératives de l'article R. 1412-1 du Code du travail (N° Lexbase : L2861IA9) applicables dans l'ordre international.

Commentaire

I - La loi applicable au contrat de travail international (Cass. soc., 29 septembre 2010, n° 09-68.851)

Au cas d'espèce, on était en présence d'une société de droit suisse exerçant des activités de prestations de services dans plusieurs endroits, notamment sur l'aéroport de Bâle-Mulhouse situé sur le territoire français où elle y employait plusieurs salariés. Un contentieux a surgi entre cinq d'entre eux et l'employeur, consécutivement aux licenciements pour motif économique dont ils avaient fait l'objet.

Dans cette affaire, les parties avaient fait élection de loi et décidé de soumettre la relation de travail au droit suisse. Cependant, se posait la question de l'application des dispositions impératives de la loi qui aurait été applicable à défaut de choix contractuel (Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, art. 6 § 1 N° Lexbase : L7558AIR). Au terme de l'article 6 de la Convention de Rome I (2), il s'agit de la loi du lieu d'accomplissement habituel du travail (3) "à moins qu'il ne résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays, auquel cas la loi de cet autre pays est applicable" (4).

En l'occurrence, le travail s'accomplissait habituellement en France, ce qui avait conduit la cour d'appel de Colmar à faire application d'un certain nombre de dispositions impératives du droit du travail français plus favorables aux salariés que le droit helvétique (indemnité au titre d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, rappel de salaire pour heures supplémentaires, indemnité compensatrice de repos compensateur, prime d'ancienneté, gratification annuelle). Il n'est dès lors guère surprenant que le pourvoi ait visé pour l'essentiel à démontrer que la loi française -dans ses seuls dispositions impératives puisqu'il y avait eu élection du droit suissen'était pas la loi qui aurait été applicable à défaut de choix. Il entendait que le juge conclut que la situation présentait des liens plus étroits avec la Suisse.

  • Processus de détermination de la loi applicable à défaut de choix

C'est ici que la décision de la Cour de cassation présente le plus d'intérêt et apporte d'utiles précisions. Tout d'abord, la Chambre sociale affirme indirectement mais sans ambiguïté que c'est la loi du lieu d'accomplissement habituel du travail qu'il convient de "privilégier". Elle considère que le "jeu" des liens plus étroits ne peut intervenir qu'au titre d'une exception ; elle en déduit logiquement que la charge de la preuve de l'existence de liens plus étroits pèse sur "celui qui prétend écarter la loi du lieu d'accomplissement habituel du travail". Ainsi, au cas d'espèce, les salariés bénéficient d'une sorte de présomption que la loi, par défaut, est la loi française et il appartient à l'employeur de démontrer que des éléments probants rattachent davantage la situation à un autre pays.

Les juges s'intéressent, ensuite, aux éléments de preuve susceptibles d'être admis. En effet, afin de montrer la prééminence des liens avec la Suisse, l'employeur mettait en exergue plusieurs éléments : rémunération en francs suisses, bénéfice des régimes suisses de retraite et de prévoyance, bénéfice du même statut que les salariés employés sur d'autres sites. La liste aurait pu emporter la conviction mais la Cour se montre vigilante et appelle in fine les juges du fond à opérer un tri parmi les éléments pouvant être mis en avant. De façon très pertinente, elle décide que celui qui doit prouver l'existence de liens plus étroits (l'employeur) ne peut valablement faire état des éléments qui ne seront en réalité que la conséquence de l'application de la loi choisie par les parties (ici, le droit suisse). Très logiquement, elle approuve la cour d'appel d'avoir constaté l'absence de liens plus étroits avec un autre pays que celui d'exécution du travail (en l'occurrence, la France). Les dispositions impératives de la loi française pouvaient donc être invoquées au bénéfice des salariés ès qualité de loi qui aurait été applicable "par défaut".

  • Conséquences de l'application des dispositions impératives plus favorables de la loi française

Si l'apport de la décision se situe indubitablement sur l'aspect probatoire, elle est également l'occasion d'évoquer les conséquences emportées par le "jeu" de la loi par défaut.

Dans un premier temps, les juges rappellent une solution prétorienne constante depuis de nombreuses années : le terme "loi applicable" ne doit pas être entendu au sens organique. Il y a lieu de retenir une conception extensive de la loi française incluant, non seulement, les sources étatiques du droit du travail (lois et textes de nature réglementaire) mais également les conventions collectives qui font partie intégrante du système du droit du travail hexagonal (5)... d'où le bénéfice pour les salariés d'avantages prévus par la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transport aérien (indemnité conventionnelle de licenciement, prime d'ancienneté et gratification).

Dans un second temps, la Cour de cassation apporte une intéressante précision sur la portée qu'il convient de donner aux conséquences de l'application des dispositions impératives de la loi française. En l'espèce, le licenciement ayant été jugé sans cause réelle et sérieuse, l'employeur avait été condamné à leur verser une indemnisation ; mais il entendait que les effets des dispositions impératives en ce domaine se limitent aux seuls salariés au motif que l'article 6 de la Convention de Rome a vocation à prendre en compte leur besoin de protection. Mais les Hauts magistrats estiment qu'il convient de tirer toutes les conséquences de l'application de ces règles, de leur donner une portée générale. Dès lors, c'est à bon droit que la cour de Colmar a condamné l'employeur à rembourser l'assurance chômage qui avait indûment supporté la charge d'indemniser les salariés licenciés (6).

II - Clause attributive de juridiction dans un contrat de travail international (Cass. soc., 29 septembre 2010, n° 09-40.688)

La question de la compétence juridictionnelle se résout par la mise en oeuvre d'un instrument international, le Règlement "Bruxelles I" (7). Cependant, lorsque l'on se situe hors de son champ d'application (spécialement quand l'employeur n'est pas domicilié sur le territoire d'un Etat membre), la jurisprudence issue de l'arrêt "Pelassa" pose le principe de l'extension à l'ordre international des règles françaises internes de compétence (8), d'où l'application de l'article R. 1412-1 du Code du travail (ancien art. R. 517-1) (N° Lexbase : L2861IA9), dont les dispositions fixent les règles de compétence territoriale des conseils de prud'hommes.

Le jeu de ces règles peut, toutefois, faire difficulté lorsque le contrat de travail international comporte une clause attributive de juridiction emportant compétence de juridictions étrangères alors que le travail est accompli en France. Tel était le cas en l'espèce. Une salariée avait été embauchée à Rabat par le Royaume du Maroc pour un emploi de secrétariat au sein de l'ambassade de Paris ; son contrat contenait une clause attribuant compétence exclusive aux juridictions marocaines. Ayant été licenciée, elle avait saisi les juridictions françaises. En appel, la cour de Paris avait jugé celles-ci incompétentes, les conditions de licéité des clauses prorogeant la compétence internationale étant, selon elle, réunies. Or, dans un attendu très bref, les juges de cassation affirment que, la salariée travaillant à l'ambassade du Maroc à Paris, le conseil de prud'hommes de cette ville était compétent.

La décision devant être publiée, il convient de lui prêter attention et de s'interroger sur sa portée. L'exercice est délicat en raison du laconisme de la solution.

  • Ce que pourrait signifier la solution : la condamnation des clauses attributives ?

Parmi les trois textes figurant au visa de la décision, se trouvent l'article L. 1221-5 du Code du travail (N° Lexbase : L0776H9M) qui prévoit la nullité des clauses attributives de juridiction incluses dans un contrat de travail et l'article R. 1412-4 (N° Lexbase : L1720IAX) qui répute non écrite toute clause qui dérogerait aux règles de compétence territoriale des conseils de prud'hommes. On sait, cependant que, malgré la formulation de ces dispositions, la jurisprudence admet la validité de principe des clauses attributives dans le cadre de contrats de travail internationaux (9). Or, dans l'affaire litigieuse, en raison de l'exécution du travail en France, compétence est reconnue au conseil de prud'hommes de Paris. On peut, dès lors, se demander si, en creux, la Cour ne revient pas sur cette validité de principe. Il est, toutefois, permis d'en douter car l'arrêt n'invalide, ni n'annule la clause attribuant compétence exclusive aux juridictions marocaines et le visa n'est suivi d'aucune formulation générale pouvant s'apparenter à l'énoncé d'une nouvelle règle jurisprudentielle en la matière. La compétence territoriale des conseils de prud'hommes demeure donc d'une impérativité relative en présence d'un contrat de travail international.

  • Ce que signifie probablement la solution : la "primauté" du lieu d'exécution du travail

En réalité, la contribution de l'arrêt se situe très probablement au plan des conditions de validité de ces clauses attributives. La décision peut apporter un utile éclairage dans un domaine marqué du sceau de l'incertitude. En effet, depuis l'admission de leur validité en 1991, subsistent des zones d'ombre sur les conditions de cette validité. Certains ont pensé pouvoir déduire que la ligne de partage dépendait du point de savoir si le rattachement de la situation globale à la France était faible ou fort : en cas de rattachement fort, il n'y aurait pas lieu d'admettre la validité de clauses attribuant compétence à une juridiction étrangère ; au contraire, en présence d'un rattachement faible, une clause de renonciation à la compétence du juge français pourrait produire effet. Or, un arrêt de 2004 (10) avait pu faire douter la doctrine de la pertinence de ce distinguo. La décision du 29 septembre 2010 le réactive mais en lui donnant, à notre avis, une meilleure assise. La lecture de la solution permet en effet d'émettre l'hypothèse que le lieu d'exécution du travail est érigé en critère essentiel -voire peut-être même exclusif- du lien fort... ce qui serait d'une implacable logique car il s'agit là de l'élément-clé des instruments internationaux traitant des conflits de lois ou de juridictions pour les contrats de travail internationaux. Par conséquent, serait valable une clause attribuant compétence à des juridictions étrangères uniquement lorsque le lieu d'exécution du travail n'est pas situé en France. Reste à savoir s'il doit s'agir du lieu d'exécution habituelle du travail ou non. La confrontation des circonstances de fait de l'arrêt de 2004 et de celui 2010 laisse penser que c'est le lieu d'accomplissement habituel du travail qui est déterminant.


(1) Sur l'ensemble des aspects juridiques de la mobilité salariale, voir S. Hennion, M. Le Barbier-Le Bris et M. Del Sol, Droit social européen et international, PUF, coll. Thémis, 1ère éd., octobre 2010.
(2) Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (N° Lexbase : L6798BHA), JOCE L 266 du 9 octobre 1980, pp.1-19. La Convention a récemment été transformée en instrument communautaire. Pour les contrats conclus à compter du 17 décembre 2009, fait désormais référence le Règlement CE n° 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (dit Règlement "Rome I") (N° Lexbase : L7493IAR) qui remplace la Convention sans modifier substantiellement la teneur des dispositions antérieures, JOUE L 177 du 4 juillet 2008, pp. 6-16.
(3) Ou, si le travailleur n'accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, la loi du pays où se trouve l'établissement qui a embauché le travailleur.
(4) On retrouve des dispositions identiques sur le fond, quoique formulées un peu différemment, dans l'article 9 du Règlement "Rome I".
(5) Cass. civ. 1, 5 novembre 1991, n° 90-40.163 (N° Lexbase : A5640AHD), Bull. civ. I, n° 293 ; Rev. crit. DIP, 1992, p. 314, note H. Muir Watt.
(6) "La clause d'un contrat de travail soumettant les relations entre les parties à une loi étrangère ne peut être opposée aux organismes visés à l'article L. 1235-4 du Code du travail (N° Lexbase : L1345H9P), dans le cas où ils seraient tenus d'indemniser les salariés bénéficiant des dispositions impératives et plus favorables de la loi française ".
(7) Règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ("Bruxelles I") (N° Lexbase : L7541A8S), JOCE L 12 du 16 janvier 2001.
(8) Cass. civ. 1, 19 octobre 1959, n° 58-10.628 (N° Lexbase : A6656DP9).
(9) Cass. soc., 30 janvier 1991, n° 87-42.086 (N° Lexbase : A3311AH4), Bull. civ. V, n° 41.
(10) Cass. soc. 21 janvier 2004, n° 01-44.215 (N° Lexbase : A8715DAZ), Bull. civ. V, n° 24.

Décision

Cass. soc., 29 septembre 2010, n° 09-68.851, FS-P+B (N° Lexbase : A7691GA4)

Rejet, CA Colmar, 9 juin 2009

Cass. soc., 29 septembre 2010, n° 09-40.688, FS-P+B (N° Lexbase : A7604GAU)

Cassation, CA Paris, 22ème ch., sect. C, 11 décembre 2008, n° 07/01970 (N° Lexbase : A0393ECK)

Mots-clés : contrat de travail international, compétence juridictionnelle, loi applicable.

Lien base : (N° Lexbase : E3738ETM)

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Fiscalité du patrimoine

[Chronique] Chronique de fiscalité du patrimoine - Novembre 2010

Lecture: 9 min

N5710BQK

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par Jean-Jacques Lubin, Consultant au Cridon de Paris

Le 04 Janvier 2011


Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualités en fiscalité du patrimoine, réalisée par Jean-Jacques Lubin, Consultant au Cridon de Paris. Au sommaire de cette chronique, l'auteur revient sur la reconnaissance judiciaire des dons manuels (Cass. com., 12 octobre 2010, n° 09-70.337, FS-P+B). Puis, cette chronique abordera la question de l'exonération de la plus-value de cession de la résidence principale libérée avant la vente et appréciation circonstanciée du délai de vente (CE 9° et 10° s-s-r., 6 octobre 2010, n° 308051, mentionné aux tables du recueil Lebon). Enfin, l'auteur souhaitait alerter le lecteur sur le régime des sociétés de construction-vente et l'opposabilité d'une modification du pacte social et répartition de l'imposition en de redressement (CE 9° et 10° s-s-r., 6 octobre 2010, n° 307969, mentionné aux tables du recueil Lebon).
  • Reconnaissance judiciaire des dons manuels : retour sur les motifs du jugement de reconnaissance (Cass. com., 12 octobre 2010, n° 09-70.337, FS-P+B N° Lexbase : A8720GBL)

Les décisions en matière de taxation de dons manuels ne sont pas fréquentes. A ce titre, la présente décision mérite qu'on s'y arrête.

- Le principe de taxation des dons manuels

Deux dispositions permettent une taxation de dons manuels.

D'une part, l'article 757, alinéa 1er, du CGI (N° Lexbase : L8104HLQ) prévoit l'exigibilité des droits de mutation à titre gratuit sur tout acte, quelle que soit sa nature ou validité, soumis à l'enregistrement et qui constate la déclaration du don manuel faite par le donataire. Les droits sont, également, dus sur toute décision judiciaire qui constate, même simplement dans les motifs ou les qualités du jugement ou hors la présence du donateur ou donataire, l'existence d'un don manuel (cf. en ce sens DB 7 G 3161 n° 10, 20 décembre 1995). C'est l'objet du présent arrêt. La révélation spontanée ou non par le seul donataire à l'administration fiscale du don manuel est encore un cas de taxation (CGI, art. 757, al. 2). C'est le fameux imprimé fiscal n° 2735.

D'autre part, l'article 784 du CGI (N° Lexbase : L9250HZM) impose le rappel des donateurs antérieurs lors de toute transmission à titre gratuit et, notamment, en cas de succession (rappel fiscal). Les dons manuels sont, bien entendu, visés par la règle du rappel.

- Particularité de la reconnaissance judiciaire

Quels sont les éléments d'une reconnaissance judiciaire de dons manuels ? L'article 757 du CGI est muet. La doctrine administrative évoque toute décision judiciaire constatant l'existence d'un don manuel (cf. DB 7 G 3161, préc.)

Dans la présente décision, la Cour de cassation indique qu'il suffit que "la reconnaissance judiciaire [...] figure ou dans les motifs ou dans les dispositifs du jugement, qu'elle soit exempte de toute équivoque et qu'il y ait constatation certaine de la transmission [...] à titre de libéralité".

L'exigibilité des droits de donation n'est pas subordonnée à la condition que la reconnaissance soit susceptible de créer un lien de droit entre le donateur et le donataire. La perception est justifiée dès l'instant que les termes du jugement ne laissent aucun doute, ni sur la réalité, ni sur la gratuité de la transmission.

En l'espèce, un oncle avait prêté d'importantes sommes d'argent pour l'installation de son neveu. Un procès s'en suivi, ce dernier n'ayant procédé à un aucun remboursement. Le tribunal a écarté l'existence d'un prêt et démontré l'intention libérale. En effet, il résultait d'une attestation manuscrite "qu'en cas de décès avant l'expiration des prêts fixée à 15 ans ceux-ci seraient transformés en donation au décès du préteur [ces pièces] tendent plutôt à démontrer l'intention libérale de ce dernier". Des prêts dont le remboursement est laissé à la discrétion de l'emprunteur et qui sont transformés en donation en cas de décès du préteur mettent assurément en évidence l'intention libérale. En utilisant l'expression "tendent plutôt à démontrer l'intention libérale" le tribunal a, clairement, reconnu que les remises de fond, jamais remboursées, devaient être considérées comme des dons manuels.

La Chambre commerciale de Cour de cassation confirme une jurisprudence constante et ancienne. Les droits de donation sont exigibles sur toute décision judiciaire constatant l'existence d'un don manuel (Cass. civ., 22 janvier 1883, I. 2680, § 5). Il faut que la reconnaissance soit exempte de toute équivoque et qu'il y ait constatation certaine de la transmission de la propriété mobilière à titre de libéralité (Cass. req., 4 novembre 1891, I. 2811, § 6).

Dans bien des cas, la reconnaissance judiciaire du don manuel va au-delà de la simple constatation. Elle nécessite compréhension et analyse de l'opération intervenue entre les protagonistes, pour mettre en évidence la libéralité.

  • Plus-values immobilière : exonération de la résidence principale libérée avant la vente et appréciation circonstanciée du délai de vente (CE 9° et 10° s-s-r., 6 octobre 2010, n° 308051, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3497GB7)

L'exonération de la plus-value de cession de la résidence principale est un dispositif simple. La cession d'une habitation constituant la résidence habituelle et effective au jour de la vente est en principe exonérée (CGI, art. 150 U, II 1° et 3° N° Lexbase : L5249IMD). Mais, la réalité est, parfois, plus complexe ; l'arrêt du Conseil d'Etat du 6 octobre 2010 nous en fournit un bel exemple.

En l'espèce, un couple de fonctionnaires résidant à Aix-en-Provence avait obtenu leur mutation professionnelle en région parisienne à compter respectivement des mois de janvier et septembre 1997. Ils ont mis leur habitation en vente en juin de la même année. Une promesse de vente a été signée en novembre 1998 assortie de conditions suspensives relatives à l'évolution de la réglementation d'urbanisme applicable dans le secteur et à l'obtention d'autorisations de démolir et de construire. La vente étant intervenue en décembre 1999, soit plus de deux ans après le déménagement, l'administration fiscale a redressé la plus-value placée en exonération. Compte tenu de ce délai, la résidence ne pouvait plus être regardée comme constituant la résidence principale des contribuables lors de la cession.

La décision intervient dans le cadre de l'ancien régime des plus-values immobilières des particuliers (CGI, art. 150 C N° Lexbase : L2347HLI). L'actuel régime, en place depuis 2004, reprend les mêmes dispositions. La présente décision est donc transposable.

- Les assouplissements doctrinaux

La règle est simple. Le logement doit être la résidence principale du cédant au jour de la cession.

Cette condition exclut de l'exonération les cessions portant sur des immeubles qui, bien qu'ayant été antérieurement la résidence principale du propriétaire, n'ont plus cette qualité au moment de la vente. Ainsi, l'exonération ne s'applique pas aux cessions portant sur des immeubles qui, au jour de la cession, sont donnés en location, sont occupés gratuitement par des membres de la famille du propriétaire ou des tiers, sont devenus vacants ou sont encore à la disposition d'une personne titulaire d'un logement de fonction (cf. instruction du 14 janvier 2004, BOI 8 M-1-01, Fiche 2, n° 20 N° Lexbase : X7629AAS).

L'exonération est, également, refusée lorsque l'occupation au moment de la vente répond à des motifs de pure convenance et, notamment, lorsque le propriétaire revient occuper le logement juste avant la vente et pour les besoins de cette dernière.

Ces principes comportent plusieurs assouplissements lorsque, par exemple, le logement est occupé par le futur acquéreur ou cédé par des couples séparés ou divorcés dont l'un époux a quitté le domicile avant la vente.

Le cas de l'immeuble occupé jusqu'à sa mise en vente fait l'objet de mesures particulières. Dans cette situation, même si le cédant n'occupe plus le logement, l'exonération s'applique à condition que la cession intervienne dans les délais normaux de vente (douze mois).

Tolérante, l'administration fiscale a précisé qu'il convenait de "faire une appréciation circonstanciée de chaque situation, y compris au vu des raisons conjoncturelles qui peuvent retarder la vente, pour déterminer si le délai de vente peut ou non être considéré comme normal".

Pour tenir compte de la situation actuelle du marché immobilier, il est admis, pour les cessions intervenues en 2009 ou en 2010, qu'un délai de vente de deux ans constitue, dans tous les cas, un délai "normal" (cf. instruction 3 mars 2009, BOI 8 M-1-09 N° Lexbase : X5934AEI).

- L'appréciation souveraine par le juge du délai normal de vente

On l'aura compris, le délai de revente est une question d'appréciation. Telle est la démarche du Conseil d'Etat dans la présente affaire. Les requérants faisaient valoir qu'à l'époque des faits, la commune d'Aix-en-Provence envisageait la création de nouvelles zones d'aménagement concerté et une modification du plan d'occupation des sols. Ces éléments pouvaient-ils emporter la conviction des juges ? Manifestement, oui.

La cour administrative d'appel de Versailles devait apprécier si le délai de vente devait être considéré comme normal compte tenu notamment de la procédure d'urbanisme en cours (CAA Versailles, 3ème ch., 29 mai 2007, n° 06VE00682 N° Lexbase : A2048DX7). Ce qu'elle n'a pas fait. Le Conseil d'Etat se rappelle de façon explicite.

Par ailleurs, on remarquera dans la présente affaire que vingt-six mois séparent le déménagement des propriétaires et la vente effective du logement. Le Conseil d'Etat n'est en aucune manière lié au délai de deux ans maximum préconisé par l'administration fiscale.

  • Régime des sociétés de construction-vente : opposabilité d'une modification du pacte social et répartition de l'imposition en de redressement (CE 9° et 10° s-s -r., 6 octobre 2010, n° 307969, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3496GB4)

La translucidité fiscale des sociétés de personnes est, pour le fiscaliste, un sujet inépuisable tant par la subtilité du mécanisme que par ses multiples implications (détermination du résultat social, déduction des charges professionnelles personnelles des associés, plus-values de cession de droit sociaux, contrôle fiscal, etc.).

L'arrêt du 6 octobre 2010 en est une parfaite illustration. Une société civile de construction-vente soumise au régime fiscal des sociétés de personnes (CGI, art. 239 ter N° Lexbase : L4961HLC) avait été créée pour assurer la maîtrise d'oeuvre de la construction d'un hypermarché. A ce titre, elle a déduit, pour la détermination de son résultat, des travaux immobiliers et des prestations d'études.

Le service des impôts a rejeté les charges ainsi déduites au motif qu'elles étaient dépourvues de réalité. En l'absence de contrepartie réelle pour la SCI de construction-vente, le paiement de ces prestations fictives étaient constitutif d'un acte anormal de gestion. Sur ce point, l'affaire était, semble-t-il, entendue.

Un des associés étant le principal bénéficiaire de ces facturations, le vérificateur a cru bon d'imposer exclusivement ce dernier à raison du redressement opéré. C'était méconnaître les principes même d'imposition des sociétés de personnes.

- Répartition du résultat en fonction des droits des associés résultant des statuts

Chaque associé d'une société de personnes est personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à ses droits dans ladite société (CGI, art 8 N° Lexbase : L2311IB9), c'est-à-dire normalement par référence aux droits résultant des statuts. En l'absence d'une clef de répartition des résultats prévue expressément par ces derniers, la répartition du bénéfice de la société est déterminée sur la base des droits détenus par chaque associé, c'est-à-dire au prorata de leur participation dans le capital social.

Doctrine administrative et jurisprudence s'accordent pour admettre que les associés d'une société peuvent déroger aux règles fixées par els statuts. Sans recourir à une modification statutaire -autonomie du droit fiscal oblige-, les associés peuvent conclure entre eux une convention prévoyant une répartition différente : le Conseil d'Etat n'est pas exigeant sur le formalisme. Néanmoins, elle doit être conclue entre tous les associés. Pour produire un plein effet, la convention doit être impérativement conclue avant la date de clôture de l'exercice social. A titre d'exemple, l'acte notarié chargé de la vente d'un immeuble précisant le produit de la vente réalisé par la SCI venderesse serait réparti selon une clé de répartition différente (et, notamment, pour les associés minoritaires) est une convention opposables à l'administration fiscale (TA Dijon, 2ème ch., 6 février 1996, n° 95-2044, BF, 3/97).

L'un des rares tempéraments admis concerne les associés de société de fait. Ces dernières étant généralement dépourvues de statuts, la répartition des résultats sociaux s'effectue en général selon des modalités conventionnelles traduites dans les déclarations de revenus des associés. Le Conseil d'Etat n'exige pas que les associés apportent la preuve formelle d'une modification de la répartition des bénéfices avant la clôture de l'exercice (CE Contentieux, 9 mai 1990, n° 55621 N° Lexbase : A4634AQP). La preuve résulte, alors, des déclarations des revenus des associés au titre de l'exercice considéré.

- Condamnation de toute modification tacite de la répartition des résultats d'une société de personnes

Dans la présente affaire, la cour administrative d'appel de Bordeaux du 29 mai 2007 avait jugé que l'accord des associés à une modification des statuts pouvait être tacite et résulter de la connaissance de ces derniers des agissements de l'un d'entre eux ayant une incidence sur la répartition de résultat de la société et de leur absence d'opposition (CAA Bordeaux, 3ème ch., 29 mai 2007, n° 04BX00468 N° Lexbase : A8102DXD).

Le Conseil d'Etat rejette l'analyse de la cour. Cette dernière devait rechercher au préalable l'accord formel des autres associés sur la modification de la répartition des résultats. Le fait que la société civile de construction-vente accepte des facturations fictives et s'en acquitte auprès de son créancier, principal associé, ne vaut pas acceptation par les autres associés d'une nouvelle répartition des résultats. Il en résulte que le redressement opéré par l'administration a une incidence sur le résultat fiscal de cette dernière et doit être supporté par tous les associés. L'associé bénéficiaire ne peut, en conséquence, supporter seul la charge.

Le fait qu'un associé soit le principal bénéficiaire des facturations ne change pas la règle. Aucun parallèle n'est possible avec le régime des revenus distribués (réintégration du redressement dans le résultat imposable pour le calcul de l'IS et taxation du bénéficiaire à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des RCM, -CGI, art. 109, 1 N° Lexbase : L2060HLU-).

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Avocats

[Questions à...] Douze ans d'existence pour Avocats sans frontières France - Questions à Maître François Cantier, président fondateur de l'association

Lecture: 4 min

N5719BQU

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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la rédaction

Le 04 Janvier 2011

Fondée en 1998 en France, l'Association Avocats sans frontières fête ses douze ans cette année. Afin de mieux connaître ses missions et son importance, Lexbase Hebdo - édition professions a rencontré Maître François Cantier, président fondateur d'Avocats sans frontières France. Lexbase : Avocats sans frontières France a douze ans, pouvez-vous nous présenter l'association, ses principaux objectifs et sa singularité ?

François Cantier : Avocats sans frontières France est une association qui a pour but d'assurer la défense de personnes qui n'ont pas accès à un avocat libre et indépendant. Elle défend également les avocats qui sont menacés en raison de leur activité professionnelle et elle renforce les acteurs du droit et de la justice chaque fois que nécessaire.

Sa singularité vient de ses activités et du fait qu'elles sont mises en oeuvre par des praticiens, avocats en majorité mais aussi magistrats, juristes, formateurs, journalistes, tous volontaires et formés à ces missions.

Lexbase : Quelle place revêt, aujourd'hui, l'Observatoire international des avocats après deux ans d'existence ?

François Cantier : Nous avons proposé à l'Union européenne la création de cet Observatoire auquel participent les barreaux Espagnol, Français et Italien. C'est une initiative qui a un succès considérable car il correspond à un réel besoin. La profession de journaliste l'a depuis longtemps grâce à Reporters sans frontières, avec qui d'ailleurs nous avons un partenariat, et la profession d'avocat se devait de venir au secours de ceux des siens qui sont persécutés parce que, tout simplement, ils font leur métier.

Lexbase : Quel bilan pouvez-vous tirer de vos dernières actions de formation ?

François Cantier : Nous avons fait de la formation l'axe de notre développement et elle s'inscrit très souvent dans nos projets, car c'est un outil essentiel au service de nos objectifs. Et ce pour deux raisons.

Parce que, d'abord, les actions de solidarité internationale que nous menons exigent une préparation spécifique et donc des formations appropriées que nous destinons à ceux de nos membres qui souhaitent s'engager dans nos actions.

Parce que, ensuite, nous travaillons dans des pays où la formation des professionnels est insuffisante et nous pallions ces manques bien entendu dans nos domaines de compétence, principalement l'utilisation du doit international protecteur des droits de l'Homme, mais en veillant simultanément à transmettre notre savoir faire méthodologique pour autonomiser au plus vite les acteurs locaux de la justice.

Lexbase : Aujourd'hui, trente-cinq barreaux vous ont rejoint ; comment mobiliser les autres barreaux dont le soutien, quelle que soit leur taille, contribue à la défense des droits de l'Homme et du droit à un avocat ?

François Cantier : A ce jour ce sont exactement quarante-deux barreaux qui nous soutiennent et parmi eux les plus importants numériquement. Nous cherchons à mobiliser de manière plus large car Avocats sans frontières est l'affaire de tous les avocats et de tous leurs barreaux.

La profession d'avocat, dont la solidarité est une tradition ancienne, se doit d'avoir, à l'instar des médecins ou des journalistes, une grande organisation qui porte hors de ses frontières son savoir faire et ses valeurs.

Lexbase : Comment fonctionne le Fonds d'urgence pour la défense en partenariat avec le CNB, l'Ordre de Paris et la Conférence des Bâtonniers ? Pour quelles actions ? Pour quels résultats ?

François Cantier : Le fonds d'urgence est destiné à permettre d'assurer la défense de personnes dans des affaires emblématiques : c'est l'affirmation de l'intérêt que portent les avocats français aux citoyens du monde menacés d'injustice.

Nous sommes engagés dans la défense d'une femme Iranienne menacée de lapidation, Sakineh, et nous allons solliciter le Fonds, comme nous l'avons déjà fait par le passé.

Les résultats de nos interventions sont difficilement mesurables comme en général celle de l'avocat. De Aminal Lawal, jeune femme Nigériane également condamnée à mort pour adultère et finalement acquittée, aux infirmières Bulgares et au médecin Palestinien condamnés à mort puis libérés, nos expériences sont assez nombreuses pour nous montrer que seule la mobilisation de l'opinion publique internationale fait reculer l'injustice. Et nous sommes les tout premiers à être aux côtés de ces personnes, à rompre leur isolement et souvent celui de leurs avocats locaux, à leur apporter à la fois réconfort, compétence et soutien international.

Lexbase : Quel regard portez-vous sur l'actualité nationale des droits de l'Homme ? De la garde à vue annulée, y compris pour les procédures d'exception à l'insalubrité des maisons d'arrêt, en passant par le financement de l'aide juridictionnelle intimement liée aux droits de la défense ?

François Cantier : Je suis avocat en France et je suis très heureux des derniers progrès des libertés avec la prochaine réforme de la garde à vue, tout en déplorant qu'elle ne se fasse que sous la pression de la Cour européenne des droits de l'Homme dont il faut saluer l'oeuvre.

Pour nous qui sommes le plus souvent à l'étranger quel meilleur capital pour la France que son image de patrie des droits de l'Homme. C'est donc un devoir essentiel pour notre pays que d'être exemplaire, en mettant fin, par exemple, au scandale de nos lieux de détention indignes d'une démocratie, et en donnant aussi aux plus défavorisés de nos concitoyens les moyens d'assurer leur défense.

Lexbase : Quel est le combat le plus pressant pour l'association aujourd'hui ?

François Cantier : Nous avons plusieurs fronts d'urgence sur lesquels nous devons être simultanément actifs.

D'abord la défense de cas individuels comme celui de Sakineh en Iran.

Ensuite celle de victimes de crimes tels ceux commis au Cambodge par les Khmers Rouges.

Enfin le renforcement des défenseurs des droits de l'Homme, souvent avocats, pour qu'ils cessent d'être la cible de pouvoirs ou de groupes qui visent à asservir leur peuple.

Mais nous ne pourrons avancer dans ces combats qu'avec le soutien matériel et moral de l'opinion publique et donc de toux ceux pour qui le crime et l'injustice n'est pas une fatalité.

newsid:405719

Avocats

[Evénement] "Mercredi j'en parle à mon avocat" fête ses 20 ans !

Lecture: 1 min

N5725BQ4

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Le 04 Janvier 2011

Depuis 20 ans, les avocats du barreau de Lyon accueillent et conseillent les enfants de la consultation juridique spécifique "mercredi j'en parle à mon avocat". Plus de 2 000 enfants ont déjà bénéficié de cette consultation gratuite dispensée par un binôme d'avocats en présence d'un psychiatre, formé à l'écoute des enfants. Grâce à l'intervention de plus d'une centaine d'avocats, les enfants y trouvent une réponse adaptée à leurs questionnements le plus souvent relatifs aux conflits parentaux, aux problèmes à l'intérieur de leurs établissements scolaires, aux violences... Le mercredi 24 novembre 2010 sera donc une journée particulière dédiée aux 20 ans de cette consultation.
  • Programme

- 9h15 Café d'accueil

- 9h30 Ouverture des travaux

Myriam Picot, Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Lyon

- 9h45 20 années de consultations

Les origines

Ugo Iannucci, ancien Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Lyon
Sylvie Garde Lebreton, avocat au barreau de Lyon
Liliane Daligand, Professeur de médecine légale, Psychiatre des Hôpitaux

Analyses et statistiques

Nathalie Caron, avocat au barreau de Lyon

- 10h45 Regards extérieurs

Catherine Farinelli, conseiller délégué à la protection de l'enfance, cour d'appel de Lyon
Michel Ficagna, Vice-président, chambre de la famille, tribunal de grande instance de Lyon
Jean-Paul Bret, Maire de Villeurbanne

- 11h30 Perspectives d'évolution

Dominique Versini, Défenseure des enfants

- 12h00 Questions-réponses

- 12h15 Conclusion

Marie-Pierre Dominjon, avocat au barreau de Lyon

Un cocktail sera servi à l'issue de la conférence

  • Date

Mercredi 24 novembre 2010
9h15 - 12h30

  • Lieu

Maison des Avocats
Locaux annexes
34 rue de Bonnel
Lyon 3ème

  • Contact

Geneviève Dufour, Service manifestations extérieures du barreau de Lyon
mail : genevieve.dufour@barreaulyon.com
téléphone : 04 72 60 60 14

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