Jurisprudence : TGI Paris, 3ème, 24-01-2013, n° 11/15443

TGI Paris, 3ème, 24-01-2013, n° 11/15443

A1800KAW

Référence

TGI Paris, 3ème, 24-01-2013, n° 11/15443. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/8037001-tgi-paris-3eme-24012013-n-1115443
Copier


TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS
.
3ème chambre 4ème section
N° RG 11/15443 N° MINUTE )2,
Assignation du
17 Novembre 2010
JUGEMENT
rendu le 24 Janvier 2013

DEMANDEURS
Monsieur Laurent Z

PARIS
Monsieur Kenneth Y
257 GRANDVIEW STREET. PASANEDA. CA
91104 (Etat de Californie)
ÉTATS-UNIS
représenté par Me Vincent LOIR, avocat au barreau de PARIS,vestiaire #E0874
DÉFENDERESSE
INSTITUT NATIONAL DE L'AUDIOVISUEL

BRY-SUR-MARNE
représentée par Me Christophe CARON de l'Association CABINET CHRISTOPHE CARON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0500

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Marie-Claude HERVE, Vice-Présidente
François THOMAS, Vice-Président
Laure COMTE, Juge
assistés de Katia CARDINALE, Greffier
DÉBATS
A l'audience du 05 Décembre 2012 tenue publiquement
Expéditions exécutoires
délivrées le 24/01/13
JUGEMENT
Rendu par mise à disposition au greffe
Contradictoirement
en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE
Liaquat Ali ... dit Kenny ... batteur de jazz de renommée mondiale, est décédé le 26 janvier 1985 à Montreuil, laissant pour lui succéder ses deux fils Kenneth Y et Laurent Z.
Ceux-ci ont appris que l'Institut National de l'Audiovisuel (INA) commercialisait sur sa boutique en ligne accessible à l'adresse htppp//boutique.ina.fr des vidéogrammes et phonogrammes reproduisant les prestations de leur père. Ils ont fait établir un procès-verbal de constat et d'achat en ligne par un huissier de justice, les 14 et 15 décembre 2009, faisant apparaître l'offre en venté de 26 vidéogrammes et d'un phonogramme reproduisant des interprétations de Kenny ..., sans autorisation.
Le 28 décembre 2009, Kenneth Y et Laurent Z ont fait assigner l'INA devant le tribunal de grande instance de Créteil sur le fondement des articles L211-4 et L212-3 du Code de la propriété intellectuelle. Ils réclament la somme de 108 000 £ à titre de dommages intérêts pour atteinte aux droits d'interprète de leur père ainsi que des mesures d'interdiction, le tout avec exécution provisoire. ils sollicitent également une indemnité de 5 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par une ordonnance du 17 novembre 2010, le juge de la mise en état a déclaré le tribunal de grande instance de Créteil incompétent et a renvoyé l'affaire devant le tribunal de grande instance de Paris.
L'instance a repris devant cette juridiction mais ne s'est pas poursuivie en l'absence de constitution des demandeurs. Elle a fait l'objet d'une radiation le 5 mai 2011 puis a été remise au rôle à la suite de la constitution et des conclusions de Kenneth Y et Laurent Z du 28 octobre 2011.
Dans leurs dernières écritures signifiées le 27 juin 2012, Kenneth Y et Laurent Z exposent que l'INA ne justifie d'aucune autorisation pour la captation des concerts de Kenny ... ni pour leur commercialisation sous forme de vidéogrammes et d'un phonogramme.
Les demandeurs contestent la nullité du procès-verbal de constat soulevée par l'INA dès lors que l'accès à la boutique en ligne ne nécessite aucune identification, code ou compte spécifique et que l'huissier de justice a procédé à une consultation du site sans employer aucun subterfuge puis a procédé à des achats en ligne en indiquant son adresse-mail et son mot de passe. Ils ajoutent que le seul constat en ligne ne constitue pas une saisie-contrefaçon mais qu'il relève des opérations prévues par l'article 1er de l'ordonnance du 2 février 1945. En toutes hypothèses, ils font valoir que les captures d'écran doivent être considérées comme valables. Ils soutiennent également que les
Pagl/ t
normes AFNOR ne peuvent être opposées car elles sont postérieures à la date de réalisation du procès-verbal en cause et l'huissier de justice s'est assuré de la fiabilité des informations recueillies. Ils versent aux débats les captations d'écran qu'ils ont eux-mêmes réalisées le 11 décembre 2009, directement à partir du site de l'INA.
Les demandeurs écartent également la fin de non recevoir tirée de leur défaut de qualité à agir pour les oeuvres audiovisuelles. Ils font tout d'abord valoir qu'ils poursuivent également un phonogramme et s'agissant des vidéogrammes, ils relèvent que la présomption de cession des droits d'artiste-interprète au producteur suppose l'existence d'un contrat conforme aux dispositions de l'article L212-4 du Code de la propriété intellectuelle et que l'INA ne produit pas un tel contrat autorisant la captation du concert et fixant une rémunération distincte suivant les modes d'exploitation. "
Kenneth Y et Laurent Z soutiennent en outre que la loi de 1986 et celle de 2006 relative à l'INA ne dispensent pas cet établissement de respecter les droits patrimoniaux et moraux des titulaires des droits d'auteurs et des droits voisins. Enfin, ils font valoir que l'INA ne peut invoquer les accords collectifs conclus avec les syndicats d'artistes en l'absence d'autorisation de fixer et exploiter les interprétations de leur père.
Enfin, Kenneth Y et Laurent Z contestent tout abus de leur part et ils maintiennent leurs demandes en invoquant la notoriété de Kenny .... Ils portent leur demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile à la somme de 10 000 euros.

Dans ses dernières écritures du 10 septembre 2012, l'INA expose qu'il est un établissement public à caractère industriel et commercial chargé par la loi d'assurer la conservation des archives des chaînes de télévision et de radiodiffusion publiques ainsi que leur accès au plus grand nombre, notamment au moyen d'une boutique en ligne.
L'INA conteste tout d'abord la validité du procès-verbal d'huissier de justice des 14 et 15 décembre 2009 dont il relève en premier lieu le caractère difficilement lisible.
Il invoque le défaut de loyauté dans l'obtention de la preuve alors que l'huissier de justice n'a pas décliné son identité et sa qualité mais s'est fait passer pour un consommateur titulaire d'un compte, pour procéder à des achats. L'INA ajoute que les opérations réalisées s'analysent en une saisie-contrefaçon déguisée effectuée sans autorisation judiciaire.
L'INA soutient ensuite que l'huissier de justice a réalisé ses opérations sans respecter les normes AFNOR qui même si leur existence est postérieure au constat, constituent un instrument pour en apprécier sa fiabilité. Le défendeur relève ainsi plusieurs diligences qui n'ont pas été accomplies et conclut que le constat ne peut être considéré comme fiable. Il ajoute que les captures d'écran effectuées par les demandeurs eux-mêmes ne présentent pas plus de fiabilité alors que les conditions de leur réalisation sont ignorées. Enfin il indique que la pièce 12 des demandeurs qui vise à établir une reprise des ventes, porte sur des interprétations tombées dans le domaine public. L'INA conclut donc à l'absence de preuve d'une contrefaçon.
Le défendeur soulève ensuite à titre subsidiaire, le défaut de qualité à agir de Kenneth Y et Laurent Z. Il rappelle tout d'abord que l'article L212-3 du Code de la propriété intellectuelle n'est pas applicable en l'espèce puisque postérieur aux enregistrements en cause. Il fait ensuite valoir que les vidéogrammes constituent des oeuvres audiovisuelles originales la plupart du temps réalisées par Jean-Christophe ... et qu'il y a lieu de faire application de l'article L 212-4 du Code de la propriété intellectuelle applicable aux contrats conclus avant le 1" janvier 1986, selon lequel le contrat qui lie l'interprète au producteur emporte cession des droits. L'INA ajoute qu'elle n'a pas besoin de faire la preuve de l'existence de ces contrats puisque selon l'article 44 de la loi du 1" août 2006, les conditions d'exploitation des prestations des artistes-interprètes sont régis par des accords collectifs conclus avec les syndicats. En toutes hypothèses, l'INA soutient que Kenny ... a conclu un contrat avec le diffuseur public à l'origine de l'enregistrement de ses concerts l'ORTF ou TF1 et que ceux-ci bénéficient des droits d'exploitation sur ces programmes. L'INA conclut donc au défaut de qualité à agir de Kenneth Y et Laurent Z et à l'irrecevabilité de leurs demandes.
A titre subsidiaire, l'INA soutient que les demandeurs ne sont pas recevables à agir pour solliciter l'interdiction d'exploitation des enregistrements en l'absence de mise en cause des autres titulaires de droits. Il invoque les règles régissant les oeuvres de collaboration qui imposent de mettre en cause tous les auteurs et il fait valoir que cette règle doit également être appliquée à l'action engagée par les interprètes, notamment au regard du principe énoncé par l'article L2111 du Code de la propriété intellectuelle. Il fait donc valoir que la demande d'interdiction des exploitations des enregistrements ne peut prospérer en l'absence de mise en cause des auteurs mais également des autres artistes-interprètes.
Enfin pour s'opposer à ces demandes, le défendeur invoque les règles qui lui sont propres et notamment l'article 47 II de la loi du 29 juillet 1982 qui lui transfère la propriété des archives à l'expiration d'un délai de cinq ans. Elle soutient que l'ORTF et les sociétés nationales qui lui ont succédé, avaient la qualité de producteurs des programmes qu'ils diffusaient, que l'INA se trouve désormais investi de leurs droits et qu'il est donc titulaire du droit d'exploiter chacun de ces programmes en intégralité ou par extraits.
L'INA invoque également la conclusion d'accords collectifs avec les syndicats d'artistes interprètes qui le dispensent d'une autorisation individuelle des artistes-interprètes pour exploiter les enregistrements dont il est propriétaire, par dérogations aux dispositions des articles L212-3 et L212-4 du Code de la propriété intellectuelle. Il ajoute qu'il est prévu une procédure particulière lorsque l'identité des artistes-interprètes ou de leurs ayants droit est inconnue. L'INA conclut donc qu'elle peut valablement exploiter les interprétations de Kenny ..., sauf à reverser à ses ayants droit la rémunération prévue par les accords collectifs.
Enfin, l'INA invoque l'abus des demandeurs dans le non usage des droits d'exploitation des interprétations de leur père et les dispositions de l'article L122-9 du Code de la propriété intellectuelle qu'il estime transposable aux artistes interprètes. Il relève que les enfants de Kenny
Clarke refusent sans motif toute exploitation des interprétations de ce dernier et que leur refus de voir l'INA diffuser les enregistrements dont il dispose, constitue un abus. Il conclut donc au rejet de la demande d'interdiction d'exploitation. L'INA soulève également l'absence de justification du préjudice et de son étendue et le caractère disproportionné des demandes.
Reconventionnellement, l'INA invoque la légèreté blâmable des demandeurs et considérant la procédure engagée à son encontre comme étant abusive, il réclame la 'somme de 1 000 E à titre de dommages intérêts. Il s'oppose à l'exécution provisoire de la décision et il sollicite une indemnité de 10 000 E sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION
1/ Sur la validité du procès-verbal d'huissier de justice
Les 14 décembre 2009, l'huissier de justice agissant sur requête des demandeurs, s'est rendu sur le site accessible à l'adresse htpp//boutique.ina.fr et a effectué plusieurs captures d'écran puis il a sélectionné des téléchargement et s'est rendu dans la rubrique "panier", a ouvert un compte selon les modalités affichées sur le site puis il a réalisé les achats. L'huissier a ensuite interrompu ses opérations et le
15 décembre 2009, il aà nouveau entré l'adresse htpp// boutique.ina.fr, puis son adresse mail et son mot de passe et il a procédé au téléchargement des documents vidéo et audio qu'il a acquis.
Les opérations de l'huissier de justice sont donc tout d'abord de simples opérations de constat au cours desquelles il a procédé à des captures d'écran puis des opérations d'achat.
S'agissant de opérations de constat, celles-ci entrent dans le cadre de l'article 1" de l'ordonnance de 1945 et n'impliquent aucune mesure intrusive de l'huissier de justice qui se contente de décrire ce qui est accessible à tous, sans aucune limitation instituée par le propriétaire du site. Il y a lieu de constater qu'en l'absence de toute restriction d'accès, l'huissier de justice n'a pas à décliner ses nom et qualité et qu'il ne dispose d'aucun moyen pour le faire. Il y a donc lieu d'admettre que ces opérations qui sont réalisées sans qu'aucun stratagème ni aucune mesure intrusive ne soient mis en oeuvre, sont régulières et ne constituent pas une saisie-contrefaçon déguisée.
S'agissant des opérations d'achat, l'huissier de justice joue un rôle actif qui provoque des réactions de la part du propriétaire du site qui va l'amener à solliciter un certain nombre d'informations dont l'identité de son interlocuteur. Dès lors, l'huissier de justice doit indiquer au propriétaire du site d'achat en ligne qu'il agit en qualité d'huissier de justice. Ainsi les opérations d'achat apparaissent irrégulières dès lors que le propriétaire du site n'a pas été complètement avisé de l'identité de l'intervenant et en particulier de sa qualité d'huissier de justice. Il y a donc lieu de déclarer irrégulières ces opérations d'achat et d'écarter des débats les téléchargements effectués dans ce cadre.
Par ailleurs, il y a lieu de constater que certaines mesures n'ont pas été prises par l'huissier de justice synchronisation de l'horloge interne de son poste avec un serveur de temps Internet, mise à jour et analyse par son antivirus et que certaines informations n'ont pas été communiquées adresse IP du site Internet htpp//boutique.ina.fr, extrait du whois du nom de domaine htpp//boutique.ina .fr.
Néanmoins s'agissant de ces informations, en l'absence de toute contestation de l'INA sur la propriété du site en cause, leur absence ne cause aucun grief.
De la même façon, l'absence des mesures susvisées n'empêche pas de connaître le chemin suivi par l'huissier de justice pour accéder aux informations objet de son constat et de vérifier leur accessibilité au public. Ainsi faute pour le défendeur d'indiquer précisément en quoi l'absence de ces mesures a pu affecter les constatations de l'huissier de justice, il n'y a pas lieu de prononcer la nullité du procès-verbal, à ce titre.
2/ sur la qualité à agir des demandeurs
L'INA invoque les dispositions de l'article L212-4 du Code de la propriété intellectuelle qui prévoit que la signature du contrat conclu entre un artiste-interprète et un producteur pour la réalisation d'une oeuvre audiovisuelle, vaut autorisation de fixer, reproduire et communiquer sa prestation au public.
Ces dispositions sont applicables aux contrats conclus avant le 1' janvier 2006.
Néanmoins en l'espèce, l'INA n'est pas en mesure de communiquer les contrats qui ont pu être conclus entre Kenny ... et les producteurs des oeuvres audiovisuelles en cause. Il ne produit aucun élément sur les modalités des enregistrements incriminés ni sur les modes d'exploitation convenus. Dès lors il ne peut se prévaloir d'une cession au profit des producteurs, privant les demandeurs de leur qualité à agir.
Il y a donc lieu d'écarter cette fin de non-recevoir .
Transposant les règles applicables en matière d'oeuvre de collaboration, l'INA soulève également l'irrecevabilité de la demande tendant à voir cesser l'exploitation des enregistrements en l'absence de mise en cause des auteurs et des autres artistes-interprètes.
Il y a lieu en effet de considérer que l'interdiction d'exploiter les enregistrements porterait atteinte aux droits des auteurs des oeuvres enregistrées mais aussi à ceux des artistes-interprètes qui se verraient ainsi privés des revenus qu'ils peuvent tirer de l'exploitation de leur travail, ce sans avoir pu être entendus par la juridiction saisie.
Or selon l'article 14 du Code de procédure civile, nul ne peut être
condamné sans avoir été entendu ou appelé.
Aussi en application du principe du contradictoire, il y a lieu de déclarer irrecevable la demande tendant à voir interdire l'exploitation des enregistrements en cause.
3/ sur le bien-fondé des demandes
L'article L212-3 du Code de la propriété intellectuelle n'est pas applicable aux faits de la cause car il est entré en vigueur postérieurement à ces derniers.
Néanmoins, le principe d'une autorisation de l'interprète à l'exploitation de sa prestation était reconnu avant l'entrée en vigueur de la loi du 3 juillet 1985.
La loi du 7 août 1974 a supprimé l'ORTF et elle a créé un Institut de l'audiovisuel, établissement public à caractère industriel et commercial, chargé notamment de la conservation des archives, des recherches de création audiovisuel et de la formation professionnelle. L'Institut s'est ainsi vu confier les archives du défunt ORTF.
La loi du 29 juillet 1982 a confié notamment à l'Institut national de la communication audiovisuelle la conservation, l'exploitation et la commercialisation en France des archives des sociétés nationales de radiodiffusion et de télévision.
La loi du 30 septembre 1986 a également prévu que l'institut désormais dénommé Institut national de l'audiovisuel devenait propriétaire des archives audiovisuelles des sociétés nationales de programme autres que celles qui sont constituées par les oeuvres de fiction, à l'issue d'un délai suivant leur première diffusion.
Ces lois ont eu pour effet de transférer à l'INA la propriété matérielle des archives de l'ORTF et des sociétés nationales de radiodiffusion et de télédiffusion et de lui confier la mission de les exploiter.
Néanmoins, le transfert de la propriété des archives appartenant à ces organisme et sociétés nationales n'a pas pour effet d'affecter les droits de propriété intellectuelle appartenant aux tiers et notamment les droits voisins des artistes -interprètes.
Ainsi si on retient que l'INA se trouve substitué dans les droits de producteur du défunt ORTF, il ne peut avoir plus de droit que ce dernier.
Or il a été ci-dessus constaté que le défendeur ne produisait pas de contrat écrit ni même d'autres éléments de nature à établir les relations contractuelles ayant existé entre producteur et artiste-interprète. Dès lors il ne peut pas se prévaloir du droit d'exploitation des interprétations de Kenny ....
L'INA a conclu avec les syndicats des artistes interprètes des accords collectifs qui visent à définir la rémunération due pour les nouvelles utilisations des prestations des artistes interprètes engagés pour des émissions de télévision ou radiodiffusion dont l'INA est propriétaire ou co-propriétaire.
Cependant ces accords ne visent à déterminer les rémunérations dues pour de nouvelles exploitations qu'autant qu'une exploitation première ait été autorisée par les artistes interprètes concernés. Or en l'espèce l'INA ne dispose d'aucun élément sur le consentement donné par Kenny ... à l'exploitation des émissions en cause. Aussi ces accords collectifs ne sont ils pas applicables à l'exploitation des enregistrements des interprétations de Kenny ....
Dès lors, il y a lieu d'admettre que les demandeurs sont bien fondés à réclamer une indemnisation pour le préjudice subi pour l'exploitation non autorisée de l'enregistrement des interprétations de leur père.
4/ Sur l'évaluation du préjudice
Si les accords collectifs versés aux débats ne sont pas applicables, il n'en demeure pas moins qu'ils constituent un élément d'évaluation de la rémunération complémentaire que Kenny ... aurait pu percevoir et donc du préjudice subi par ses ayants droit du fait de la non perception de ces revenus.
Il convient également de tenir compte du fait que les exploitations litigieuses s'effectuent dans le cadre de la mission dévolue à l'INA d'assurer la communication au public des archives qui lui ont été remises, lequel commercialise les téléchargements au prix d'1,50 .
Enfin, il convient de relever que les ayants droit de Kenny ... n'ont versé aux débats aucune pièce se rapportant à des exploitations qu'ils auraient acceptées et aux rémunérations contractuelles qui en découleraient, qu'ils ne fournissent ainsi aucun élément sur la valeur marchande des enregistrements de. Kenny ..., laquelle n'est pas nécessairement en relation directe avec les qualités de l'artiste alors qu'un défaut d'exploitation et de promotion sont de nature à le faire tomber dans l'oubli.
Ainsi au vu des seuls éléments d'appréciation fournis au tribunal, le préjudice subi par les demandeurs résultant de l'exploitation non autorisée des interprétations visées dans les dernières écritures des demandeurs à l'exception de celle intitulée Jay Jay Johnson ... grooves dont il n'a pas été contesté qu'elle était tombée dans le domaine public, sera fixé à la somme de 15 000 euros.
5/ sur la demande reconventionnelle de l'INA
Dans la mesure où il a été fait droit partiellement aux demandes de Kenneth Y et de Laurent Z, la procédure qu'ils ont engagée, ne peut être qualifiée d'abusive et donner lieu à l'allocation de dommages intérêts.
Il y a lieu de constater que l'assignation en justice n'a été précédée d'aucune mise en demeure et que le caractère disproportionné des demandes a empêché toute solution amiable du litige. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'exécution provisoire compatible avec la nature de l'affaire doit être
ordonnée compte tenu de l'ancienneté des faits.

PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort,
Dit que le procès-verbal d'huissier de justice des 14 et 15 décembre 2009 est partiellement nul,
Écarte des débats les téléchargements réalisés dans le cadre de ce procès-verbal,
Dit que les demandeurs sont recevables à agir en leur qualité de titulaires des droits sur les interprétations de Kenny ...,
Dit que la demande tendant à voir interdire l'exploitation des enregistrements est irrecevable,
Condamne l'INA à payer à Kenneth Y et Laurent Z la somme de 15 000 f en réparation du préjudice subi résultant de l'exploitation non autorisée des interprétations visées dans les dernières écritures des demandeurs à l'exception de celle intitulée Jay Jay Johnson ... grooves,
Rejette la demande reconventionnelle en dommages intérêts de l'INA,
Dit n'y a voir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,
Ordonne l'exécution provisoire,
Condamne l'INA aux dépens.
Fait et jugé à Paris le 24 Janvier 2013

Le Présent






Page 9

Agir sur cette sélection :

Revues liées à ce document

Ouvrages liés à ce document

Chaîne du contentieux

Décisions similaires

Domaine juridique - CONVENTION EUROPEENNE DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES

  • Tout désélectionner
Lancer la recherche par thème
La Guadeloupe
La Martinique
La Guyane
La Réunion
Mayotte
Tahiti

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.