Jurisprudence : CA Versailles, 1ère, 1ère, 28-02-2002, n° 00/05693



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
!Extraie du minutes de Greffe c(jel{?, CeAppiall de Versanfies
1ère chambre 1ère section
ARRÊT N° A le
DU 28 FÉVRIER 2002, R.G. N° 00/05693
LE VINGT HUIT FÉVRIER DEUX MILLE DEUX
La cour d'appel de VERSAILLES, 1ère chambre 1ère section a rendu l'arrêt CONTRADICTOIRE suivant, prononcé en audience publique La cause ayant été débattue à l'audience publique du QUATORZE JANVIER DEUX MILLE DEUX
La cour étant composée de
AFFAIRE
Association TEMOINS DE JEHOVAH
C/
DIRECTEUR DES SERVICES FISCAUX

Madame Francine BARDY, président, Madame Lysiane LIAUZUN, conseiller, Madame Françoise SIMONNOT, conseiller, assisté de Sylvie RENOULT, Greffier,
Et ces mêmes magistrats en ayant délibéré conformément à la loi,
Appel d'un jugement rendu le 04 Juillet 2000 par le Tribunal de Grande Instance NANTERRE (première chambre) (section C) DANS L'AFFAIRE ENTRE
Association LES TEMOINS DE JEHOVAH association régie par la loi 1901 ayant son siège BOULOGNE BILLANCOURT agissant poursuites et diligences de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège Expédition exécutoire Expédition
APPELANTE
Copie CONCLUANT par la SCP JULLIEN-LECHARNY-ROL, avoués à la délivrées le 28 FIV. 2002 Cour
à PLAIDANT par Me ... et Me ... A. au Barreau de PARIS SCP JULLIEN
SCP LISSARRAGUE
1x19. le P.
et, ezt 04103/0? 04z. ri. Me icE
Qp'e oît/031o2 â 4. fRÉ Ver
e043%''? 4tiertya a 0e/03/02 t%; t4y LE&RAMD.
ep,ez,et,e1".4 (?e, 12 )0,9/02 set't. "Te Pasti" q"))
er eee&-mepi(eVo-SM cix.c JI. 04 ee4"","/_ fsuLej
ET
Monsieur ... ... ... ... ... ... ... ... ... élisant domicile BOULOGNE BILLANCOURT CEDEX pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
INTIMÉ
CONCLUANT par la SCP LISSARRAGUE-DUPUIS & ASSOCIÉS,
avoués à la Cour
PLAIDANT par la SCP CHAIGNE ET ASSOCIÉS, avocats au barreau de PARIS
LA PRESENTE CAUSE A ETE COMMUNIQUEE AU MINISTÈRE PUBLIC.
Aux termes d'un contrôle fiscal échelonné du 28 novembre 1995 au 18 janvier 1999, l'association les témoins de jehovah a reçu dans un premier temps une mise en demeure le 24 janvier 1997 d'avoir à procéder à la déclaration des dons manuels perçus au titre des années 1993 à 1996 puis s'est vue notifier, faute de déclaration, une procédure de taxation d'office et un redressement sur les années 1996 à 1997 pour un montant de 22920392,1 euros à titre principal et 22418 484, 48 euros au titre des pénalités et intérêts de retard.
Sur la base des documents présentés lors de la vérification, les services fiscaux ont établi un relevé administratif des opérations incriminées qui recouvrent les sommes recueillies par l'association de ses fidèles et que l'association enregistrait dans un compte de produits intitulé "offrandes".
L'administration fiscale a rejeté la réclamation de l'association laquelle a assigné le directeur des services fiscaux des HAUTS DE SEINE pour voir annuler la notification du redressement et l'avis de mise en recouvrement.
Par le jugement déféré prononcé contradictoirement le 4 juillet 2000, le tribunal de grande instance de Nanterre a débouté l'association de ses demandes.
Pour statuer ainsi les premiers juges ont, après rejet de moyens tendant à faire constater et juger la procédure de vérification irrégulière, discriminatoire et contraire aux principes garantis par la convention européenne des droits de l'homme, dit qu'en présentant à l'administration fiscale à l'occasion de la vérification dont elle était l'objet, sa comptabilité, l'association avait révélé au sens de l'article 757 alinéa 2 du code général des impôts des dons manuels reçus, et était dès lors tenue en vertu des dispositions de l'article 635 A issu de l'article 15 de la loi du 30 décembre 1991 de les déclarer dans le mois et que faute de le faire elle s'était exposée à la procédure de taxation d'office qui a été mise en oeuvre, qu'elle n'était en outre pas fondée à prétendre bénéficier des exonérations prévues aux articles 200-3 et 795-10° du code général des impôts.
Appelante, l'association Les témoins de jehovah, association déclarée à la loi de 1901 dont le siège est à Boulogne Billancourt, conclut aux termes de ses dernières écritures en date du 30 août 2001 auxquelles il est renvoyé expressément pour plus ample exposé à l'infirmation du jugement et prie la cour, statuant à nouveau, de dire et juger n'y avoir lieu à taxation sur le fondement de l'article 7572 du code général des impôts, subsidiairement de dire et juger que les sommes objets de la taxation litigieuse constituent des versements exonérés sur le fondement de l'article 795-10° du code général des impôts, très subsidiairement de dire que l'administration fiscale a méconnu les dispositions de l'article 16 de la loi du 12 avril 1996 prévoyant une réduction d'impôt de 25% sur l'ensemble des dons effectués par les donateurs âgés de moins de 75 ans, et en conséquence d'annuler la notification de redressement du 14 mai 1998 et l'avis de mise en recouvrement du 18 janvier 1999 avec toutes conséquences de droit, de condamner l'intimé au paiement d'une indemnité de 45734,71 euros par application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Le Directeur des Services Fiscaux des HAUTS DE SEINE SUD, intimé, conclut aux termes de ses dernières écritures en date du 4 janvier 2002 auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé, à la confirmation du jugement déféré, au débouté de l'appelante de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et sollicite la condamnation de l'appelante à lui payer la somme de 3048,98 euros par application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

SUR CE
SUR LA LÉGALITÉ DE LA PROCÉDURE DE VÉRIFICATION
Considérant qu'invoquant les articles L 13 et 14 du livre des procédures fiscales, l'instruction fiscale du 15 septembre 1998, les principes posés par le Conseil d'Etat, l'association soutient que
. l'administration fiscale ne pouvait procéder à une vérification de comptabilité qu'à la double condition de justifier d'indices sérieux laissant supposer l'assujettissement à la TVA ou l'IS et que le contrôle confirme le caractère lucratif de ses activités et l'obligation de tenir une comptabilité, laquelle condition n'est pas remplie et affirme avoir été, en réalité, l'objet d'une discrimination dans le cadre de la lutte contre les sectes alors que l'administration n'ignore rien de son activité religieuse et cultuelle, que le caractère non lucratif de son activité n'a pas été ni contesté ni remis en cause à l'occasion du contrôle, qu'elle en conclut que la vérification ainsi engagée contre elle est irrégulière, et que même à admettre l'existence d'indices sérieux, le contrôle ne pouvait se limiter qu'aux activités susceptibles d'être imposées à la TVA ou l'IS, qu'elle relève que l'administration a néanmoins sans établissement d'imposition au titre de la TVA ou l'IS, adressé un nouvel avis de vérification de comptabilité le 6 janvier 1997 et notifié par ailleurs le 24 janvier 1997 une mise en demeure de déclarer les dons manuels prétendument révélés, qu'elle soutient que de telles irrégularités ne peuvent qu'être sanctionnées par la nullité de la vérification et de la procédure subséquente ;
Considérant cependant que l'administration fiscale tire des dispositions de l'article L 14 du livre des procédures fiscales la faculté d'exercer le droit de contrôle prévu à l'article L 10 auprès des institutions et organismes qui n'ont pas la qualité de commerçant et qui
- paient des salaires, honoraires ou rémunérations de toute nature ou qui encaissent, gèrent ou distribuent pour le compte de leurs adhérents des fonds ;
Considérant, peu important dès lors le caractère non lucratif de son activité et sa sujétion ou non au paiement de la TVA ou l'IS, que l'importance des activités économiques de l'association suffisait à justifier le contrôle sans le rendre pour autant suspect ou discriminatoire à raison de l'activité cultuelle revendiquée, la preuve de ce que la vérification à laquelle l'association a été soumise ne serait qu'un instrument de la lutte contre les sectes n'étant nullement étayée si ce n'est par sa conviction intime à laquelle les conséquences pécuniaires certaines de la vérification ne sont à l'évidence pas étrangères ;
Considérant que le moyen n'est pas fondé et doit être rejeté ;
SUR LES VICES DE PROCÉDURE
Considérant que l'appelante se prévaut des avis de vérification successivement adressés par l'administration pour conclure que la vérification ne peut plus porter sur la période du 1er janvier au 31 août 1992, qu'elle est irrégulière car au 10 janvier 1996 il était impossible de vérifier la période du 1er septembre 1992 au 31 décembre 1992 ;
Que cependant, conformément aux dispositions ensemble de l'article L 16 du LPF prévoyant un droit de reprise jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due, et des articles 36 et 37 du CGI prévoyant que les bénéfices imposables au titre d'une année déterminée sont ceux réalisés pendant l'exercice comptable clos au cours de la dite année, l'exercice comptable de l'association allant du 1er septembre au 31 août de chaque année, que l'avis de vérification du 10 janvier 1996 après annulation des précédents, portant sur la période du 1er septembre au 31 décembre 1992 comprise dans l'exercice comptable du 1er septembre 92 au 31 août 93 est régulier pour cette partie de l'année civile 92 ;
Considérant que l'association reproche à l'administration le non respect d'un délai suffisant pour préparer sa défense ;
Que l'association reconnaît cependant un délai d'au moins cinq jours entre l'avis et le début des opérations lequel n'est pas contraire au délai raisonnable fixé par l'article L 47 alinéa 4 du LPF et à celui de deux jours admis par la jurisprudence interprétative citée par l'intimé ;
Considérant que l'association ajoute qu'elle a été privée d'un débat oral et contradictoire suffisant, qu'elle estime trop faible le nombre d'interventions sur place des contrôleurs selon une périodicité irrégulière ;
Que toutefois la vérification s'est effectuée sur place au siège de l'association qui ne définit pas en quoi elle aurait été privée de la possibilité d'apporter sa contradiction lors des opérations de vérification ;
Considérant qu'elle se plaint en outre de n'avoir connu que le 14 mai 1998 par la notification du redressement, le montant des impôts et pénalités réclamés ;
Que toutefois l'association a subi une taxation d'office après vaine mise en demeure de procéder à la déclaration des dons manuels ressortant de la comptabilité et que dans une telle hypothèse, les dispositions imposant le recueil des observations du contribuable sur les redressements ou rehaussements envisagés n'ont pas vocation à s'appliquer ;
Considérant enfin que l'association invoque la violation des dispositions de la loi informatique et libertés et soutient que l'administration fiscale ayant procédé aux relevés matériels des versements des donateurs et annexé à la notification le relevé détaillé des dons, a constitué un fichier informatisé de données informatiques nominatives dont le régime juridique relève de la loi du 6 janvier 1978, que le fichier établi laisse apparaître des données relatives aux opinions religieuses des donateurs ;
Qu'elle en tire implicitement que l'illicéité du moyen mis en oeuvre pour prétendre à la révélation des dons manuels objets du redressement fiscal, vicie la procédure de vérification et justifie son annulation ;
Considérant qu'au sens de la loi du 6 janvier 1978, sont réputées nominatives toutes informations quel que soit leur sens, leur contenu, leur forme, qui peuvent, directement ou indirectement être rapportées à une personne physique, et que la notion de traitement automatisé s'entend d'opérations effectuées en totalité ou en partie à l'aide de procédés automatisés, appliquées à des données à caractère personnel ;
Considérant qu'en l'espèce l'administration a, au moyen d'ordinateurs portables,à partir des documents comptables de l'association contenant la date de remise en banque, le nom du donateur et le montant du don, établi des relevés des versements des donateurs ;
Que ces relevés ne sont que la transcription imprimée des documents papier remis par l'association comportant des éléments figurant eux mêmes sur les bordereaux de remise de chèque de l'association, que l'utilisation d'ordinateurs à seule fin de mise en forme des informations recueillies et édition du document lequel n'a été annexé à la notification du redressement qu'à titre d'information du contribuable sur les opérations concernées, ne peut ici caractériser le traitement automatisé visé à l'article 5 de la loi ;
Que le moyen mis en oeuvre n'étant pas susceptible de tomber sous le coup des dispositions de la loi du 6 janvier 1978, la régularité de la procédure de vérification et celle du redressement subséquent ne sauraient être remises en cause ;
SUR LE FOND
Considérant que l'association fait valoir que l'administration fiscale a établi un relevé administratif de plusieurs dizaines de milliers d'opérations censé servir de constat de l'existence de dons manuels, alors que ces sommes ont été enregistrées par elle dans un compte de produits intitulé "offrandes", conformément aux instructions du conseil national de la comptabilité, que la qualification de dons manuels ne résulte que de l'administration, qu'en réalité ces sommes proviennent de quêtes ou collectes réalisées auprès des fidèles, que ces offrandes
, sont la contrepartie de l'exercice du culte et répondent à une obligation naturelle, que ces sommes proviennent de quêtes dans des lieux de culte appartenant à des associations dont le caractère cultuel est reconnu, qu'il s'agit en réalité de donations avec charge, que la modicité de ces dons n'entraîne d'ailleurs pas le dépouillement du donateur, gommant ainsi l'intention libérale, que la loi du 23 juillet 1987 relative au mécénat a introduit la possibilité pour toute association de percevoir des dons manuels sans aucune autorisation préalable ;
Considérant qu'elle ajoute qu'en l'état du droit positif, il n'existe aucune obligation de révéler les dons manuels, la seule obligation étant celle de déclarer dans le cas d'une révélation par le donataire, qu'il ne peut y avoir dès lors fraude fiscale à raison de la non révélation ou non déclaration, que les dons manuels échappent par principe à toute imposition, sauf dans les cas de l'article 757 du CGI ;
Considérant qu'elle critique la définition et la portée donnée au terme révélé par le jugement, qu'elle rappelle qu' aux termes de sa doctrine officielle (note en date du 5 avril 1993) l'administration a précisé les conditions de la révélation dans le cas d'un contrôle, laquelle est subordonnée ainsi à la double condition de l'existence d'une réponse écrite du donataire étoffée par la justification de la réalité du don, que cela doit s'entendre comme la doctrine l'a souligné, d'une réponse écrite du donataire faite aux questions du vérificateur par laquelle le donataire reconnaît explicitement avoir reçu des dons manuels ;
Qu' elle affirme qu'en l'espèce il est constant qu'elle n'a pas procédé spontanément à une quelconque révélation et qu'elle a bien au contraire toujours refusé d'y procéder ;
Que la décision de l'administration d'envoyer une mise en demeure de déclarer conforte bien l'absence de tout acte positif de sa part de révéler, qu'il n'y a aucune trace matérielle écrite de sa déclaration comme a fortiori de sa révélation, laquelle constitue le fait générateur de l'impôt, qu'on ne saurait admettre que l'administration -8-
F5 déclenche elle-même le fait générateur, la révélation s'entendant d'une démarche spontanée et volontaire nécessitant obligatoirement la rédaction d'un écrit, que l'administration a vainement tenté d'obtenir cet écrit ;
Qu'en outre la nécessité d'une démarche volontaire ressort au plus fort de l'instruction fiscale du 31 mars 1993, que d'ailleurs la délivrance d'un récépissé au donateur ne suffit pas à la révélation, que la révélation ne peut résulter ni de la simple constatation ni de la découverte par l'administration de sommes qu'elle qualifie discrétionnairement de dons manuels ;
Considérant qu'elle conteste qu'à cet égard la simple présentation de la comptabilité puisse caractériser la révélation ;
Considérant qu'elle soutient en outre que les dons visés à l'article 757 alinéa 2 ne concernent que les personnes physiques, et que le législateur n'entendait que résoudre la transmission des patrimoines au sein des familles et nullement les dons aux associations, non susceptibles d'avoir la qualité de successibles et n'ayant pas de surcroît la capacité de recevoir des dons notariés ;
Considérant que l'intimé oppose que les sommes taxées sont des dons manuels et ne sauraient recevoir autre qualification, que d'ailleurs l'intention libérale des donateurs de procurer un avantage à l'association sans attendre de contrepartie est évidente ;
Considérant qu'il invoque la doctrine administrative (doc adm 7 g 3161 n°13) qui admet la révélation possible au cours d'un contrôle, ou dans une procédure contentieuse, qu'en l'espèce c'est bien la présentation de sa comptabilité et des pièces annexes qui a révélé les dons manuels ;
Considérant qu'il ajoute que la cause de la révélation est indifférente dès lors qu'elle est obtenue loyalement, que la révélation peut découler d'une démarche volontaire comme d'un acte imposé au contribuable par la loi ;
Considérant que l'article 757 du CGI énonce que
"Les actes renfermant soit la déclaration par le donataire ou ses représentants soit la reconnaissance judiciaire d'un don manuel sont sujets au droit de donation,"
"La même règle s'applique lorsque le donataire révèle un don manuel à l'administration fiscale" ;
Considérant que ces dispositions s'appliquent indiscutablement à toutes personnes qu'elles soient physiques ou morales et qu'en l'absence de toute limitation du législateur, il ne saurait en être fait une application aux seules personnes physiques à l'exclusion des personnes morales y compris les associations, sauf à rompre l'égalité de tous devant l'impôt et opérer alors une discrimination entre contribuables non voulue par le législateur ;
Considérant qu'il est admis que l'administration peut utiliser les renseignements recueillis au cours d'une vérification de comptabilité pour procéder à des redressements sur des droits d'enregistrement ;
Considérant que les sommes portées en comptabilité par l'association sont des dons manuels au sens de l'article 757 du CGI et ne peuvent supporter une autre qualification, celle d'offrandes ou de produits des quêtes n'étant nullement antinomique avec celle de dons manuels dès lors qu'il s'agit bien de la transmission de la main à la main d'une chose mobilière susceptible d'être acquise par simple tradition, que l'exercice d'un culte auquel les donateurs entendraient contribuer ne peut suffire à caractériser la charge grevant un don et gommer l'intention libérale qui anime à l'évidence les bienfaiteurs, qu'enfin la modicité du don ne suffit pas à exclure cette qualification de libéralité ;
Considérant qu'en introduisant l'article 15 dans la loi de finances du 30 décembre 1991, le législateur a entendu soumettre au droit de mutation les dons manuels révélés et a modifié le régime fiscal des dons manuels en ajoutant un nouveau cas d'imposition aux précédents contenus dans l'alinéa 1 de l'article 757 du CGI ;
Considérant qu'en l'état du droit positif les dons manuels ne sont taxables que lorsque le donataire ou ses représentants établissent un acte reconnaissant l'existence d'un don manuel, lorsque le don fait l'objet d'une reconnaissance judiciaire et enfin lorsque le donataire révèle à l'administration les dons manuels ;
Considérant que les dons manuels ne sont pas hormis ces cas et ceux soumis au rapport fiscal en application de l'article 784 du CGI taxables, qu'il n'existe aucune obligation de révélation du don manuel, que le fait générateur de l'imposition n'est donc pas le don lui-même mais la révélation par le donataire ;
Considérant que l'obligation de déclaration ne naît que lorsqu'il y a révélation ;
Considérant que dans le cas d'espèce et sans prise en compte de la qualité et la personnalité de l'appelante, l'association a présenté, comme tout contribuable,lors de la vérification, la comptabilité qu'elle tient laquelle comportait inscription des sommes encaissées de ses bienfaiteurs ;
Considérant que la seule question qui peut se poser est celle de savoir si en présentant sa comptabilité à l'administration qui le requiert, le contribuable révèle au sens de l'article 757 alinéa 2 les dons et partant se place dans l'obligation de déclarer dans le mois de cette présentation, en d'autres termes peut-il y avoir révélation autrement que par une manifestation spontanée de la volonté du contribuable de révéler les dons qu'il a reçus ;
Considérant que certes l'administration ne produit aucun autre acte écrit que les éléments tirés de la comptabilité établie par le donataire, renfermant cette révélation ;
Considérant que si l'absence d'obligation légale de révéler et de déclarer pourrait militer contre l'admission d'une révélation autrement que volontaire, l'article 757 ne contient aucune indication quant aux modalités ou aux circonstances de cette révélation ;
Qu'en tout état de cause la révélation doit être contenue dans un acte écrit du donataire, le récépissé délivré au donateur ne suffisant même pas à établir la révélation, et résulter d'un acte positif ;
Considérant que l'article 757 n' opère en définitive pas de distinctions entre les déclarations et reconnaissances judiciaires, ces dernières n'impliquant pas toujours l'aveu spontanée du don de la part du donataire, visées à l'alinéa 1, et la révélation du donataire visée à l'alinéa 2 ;
Que dès lors la présentation par l'association, conformément à l'obligation légale qui pèse sur elle, de sa comptabilité, quand bien même sa tenue serait obligatoire, document qui constitue alors l'écrit émanant du donataire, dans le cadre d'une vérification régulièrement menée par l'administration fiscale, vaut révélation au sens de l'article 757 alinéa 2, en ce qu'elle comporte en définitive la revendication propre du contribuable d'une qualification donnée à des sommes en compte, laquelle est déterminante, sous réserve de la preuve de la réalité du don, du régime fiscal applicable à l'opération, qu'une telle approche n'est pas contraire au contenu de l'instruction du 5 avril 1993 qui certes précise que la révélation est matériellement constituée par la mention du don dans la réponse écrite du donataire dans le cadre d'un examen contradictoire de sa situation fiscale, l'hypothèse envisagée étant alors celle de la réponse à un questionnement de l'administration sur l'origine de fonds que le contribuable peut ne pas avoir qualifié de dons manuels" qu'en l'espèce le silence gardé par l'association en réponse aux mises en demeures ne suffit pas à exclure tout acte de révélation des dons telle qu'elle est exprimée dans sa propre comptabilité portée à la connaissance de l'administration, le refus n'étant en définitive que celui de satisfaire à l'obligation de déclarer ;
Considérant qu'il importe peu en définitive que la révélation soit spontanée, fortuite ou provoquée, que la révélation du don ne doit avoir d'autre source que la volonté du donataire, qu'il suffit qu'elle émane d'un acte du donataire mentionnant le don manuel pour constituer le fait générateur rendant alors obligatoire la déclaration, à défaut de laquelle le donataire s'expose à la taxation d'office ;
Considérant enfin qu'il est peu réaliste de prétendre que le législateur a voulu laisser au donataire qui fait l'aveu dans un écrit du don manuel, le choix de se soumettre ou pas à l'imposition, une fois ce don révélé en l'espèce à l'administration fiscale ;
Considérant que sans nier les conséquences de la réforme introduite par le législateur pour le monde associatif, qui tire l'essentiel de ses ressources de la générosité de ses bienfaiteurs adhérents ou sympatisants, il n'appartient toutefois pas au juge de réformer ou corriger la loi, si inadéquate soit-elle ;
Considérant que l'association soutient pouvoir bénéficier de l'exonération prévue à l'article 795-10 du CGI, lequel énonce "que sont exonérés des droits de mutation à titre gratuit les dons et legs faits aux associations cultuelles, aux unions d'associations cultuelles et aux congrégations autorisées" ;
Considérant qu'elle expose que depuis la loi du 2 janvier 1907 l'exercice public du culte peut être également assuré par des associations régies par la loi de 1901, qu'une association déclarée à cette loi peut dès lors être cultuelle au sens de l'article 795-10, que la haute assemblée du Conseil d'Etat a ainsi dans deux arrêts, jugé que les deux associations concernées avaient pour objet l'exercice public d'un culte des témoins de Jéhovah et devaient être exonérées de la taxe d'habitation, que le Conseil d'Etat a expressément reconnu le caractère cultuel des activités des témoins de Jéhovah, que la motivation du tribunal est erronée en ce que l'autorisation préfectorale à laquelle il fait référence ne concerne que les donations par acte notarié ou les legs testamentaires, et que la loi du 23 juillet 1987 a confirmé la possibilité de recevoir des dons manuels sans autorisation, qu'enfin les témoins de Jéhovah bénéficient de l'autorisation de recevoir les dons et legs ;
Considérant d'une part que l'association appelante ne justifie pas d'une autorisation ministérielle ou préfectorale contemporaine du fait générateur de l'imposition, celle produite aux débats émanant des préfectures des Hauts de Seine, Cher et Yvelines étant délivrées en 2001, que ces autorisations, à les supposer nécessaires s'agissant ici de dons manuels réputés non soumis au régime d'autorisation, sont inopérantes en tout état de cause, que notamment celle délivrée par le préfet des Hauts de Seine ne concerne pas l'association appelante ;
Considérant d'autre part que le caractère d'association cultuelle est soumis au contrôle du juge compétent pour l'impôt en cause et qu'en conséquence l'exonération accordée par le Conseil d'Etat dans deux arrêts en date du 23 juin 2000 ne peut être utilement invoquée, s'agissant dans ces deux cas d'une exonération de la taxe d'habitation à a raison de ce que les locaux concernés propriétés d'associations locales, étaient exclusivement consacrés à l'exercice du culte ;
Considérant que c'est au jour du fait générateur que doit s'apprécier le caractère cultuel pour prétendre bénéficier de l'exonération, qu'outre le fait qu'elle ne justifie pas qu'elle était alors reconnue comme association cultuelle, l'appelante ne produit en tout état de cause aucun élément permettant à la cour de vérifier le bien fondé de sa prétention à se voir reconnaître ce caractère, les statuts nécessaires à la vérification de ce que son objet et son activité sont exclusivement consacrés au culte, condition première de la reconnaissance du statut d'association cultuelle n'étant même pas versés aux débats ;
Considérant qu'il s'ensuit que l'appelante n'est pas fondée à bénéficier de l'exonération alléguée ;
Considérant que l'appelante entend bénéficier des dispositions des articles 15 et 16 de la loi du 12 avril 1996 qui a institué une réduction de droit applicable à toutes les donations dont le taux varie en fonction de l'âge du donateur, laquelle était en vigueur au jour du fait générateur ;
Considérant que l'administration fiscale ne discute pas l'application de la loi du 12 avril 1996 aux dons en cause ;
Qu'il est acquis que les réductions de droits liées à l'âge du donateur s'appliquent quelle que soit la forme de la donation, que l'âge du donateur s'apprécie pour les dons manuels révélés à la date de la déclaration, qu'il s'ensuit, suivant la position de l'administration fiscale, que cette réduction de droits ne peut profiter qu'aux dons révélés ayant fait l'objet d'une déclaration présentée à la formalité de l'enregistrement, qu'en l'espèce l'association qui a refusé de procéder à la déclaration, raison pour laquelle elle subit une taxation d'office, ne peut prétendre au bénéfice des dispositions de la loi du 12 avril 1996 ;
Considérant que l'association invoque enfin les conséquences juridiques de la taxation litigieuse, dénonce à raison de l'application qui lui est faite des dispositions de l'article 757 du CGI un système confiscatoire dès lors que seules les associations faisant l'objet d'un contrôle fiscal peuvent être automatiquement taxées, estime qu'il en résulte une grande imprévisibilité et insécurité juridiques pour le monde associatif ce qui lui porte une atteinte irrémédiable au droit d'exister, Considérant toutefois que la taxation litigieuse ne résulte que de l'application de la loi laquelle s'impose à tous les donataires, personnes physiques et morales, et que les conséquences financières qui en découlent, si sévères soient-elles, ne peuvent être prises comme procédant d'un comportement léonin de l'administration lequel serait source d'insécurité et d'imprévisibilité pour tout contribuable concerné ;
Considérant enfin que l'appelante invoque la violation de l'article 9 et de l'article 11 combinés avec l'article 14 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'elle ne fait toutefois pas la démonstration de ce que l'administration aurait fait une application discriminatoire des dispositions fiscales en matière de dons manuels, autrement que par l'invocation des conséquences du taux de taxation, lequel ne résulte d'une part que de l'application du taux légal, et d'autre part que de son propre fait à raison de son refus de procéder à la déclaration dans le mois de la révélation, générateur de pénalités et majorations de retard, lesquels sont en tout état de cause, sujets à recours, que le moyen tiré du caractère confiscatoire des sommes réclamées est inopérant ;
Considérant qu'il convient en conséquence de débouter l'association des témoins de Jéhovah de toutes ses prétentions et de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Considérant qu'en équité, la situation respective des parties ne justifie pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, qu'en raison de sa succombance, l'appelante supportera la charge des entiers dépens ;
Ce

PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
REÇOIT L'ASSOCIATION LES TÉMOINS DE JÉHOVAH en son appel mais la déclare mal fondée,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
DÉBOUTE de toutes autres demandes plus amples ou contraires,
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
CONDAMNE l'appelante aux dépens.
ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRÊT
Le Greffier, Le président,

eeeel
F. ...

· a 1*

Agir sur cette sélection :

Revues liées à ce document

Ouvrages liés à ce document

Chaîne du contentieux

Décisions similaires

Domaine juridique - IMPOTS ET TAXES

  • Tout désélectionner
Lancer la recherche par thème
La Guadeloupe
La Martinique
La Guyane
La Réunion
Mayotte
Tahiti

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.