Jurisprudence : Cass. soc., 30-01-2002, n° 00-45.266, inédit au bulletin, Rejet



SOC.
PRUD'HOMMES LM
COUR DE CASSATION
Audience publique du 30 janvier 2002
Rejet
M. LE ROUX-COCHERIL, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président
Pourvoi n° C 00-45.266
Arrêt n° 438 F D
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Sur le pourvoi formé par la société Peugeot Citroën automobiles (PCA), venant aux droits de la société Automobiles Citroën, société anonyme, dont le siège est Paris, et ayant un établissement Saint-Ouen,
en cassation d'un arrêt rendu le 29 juin 2000 par la cour d'appel de Paris (18e chambre, section C), au profit

1°/ de M. Jean-Claude X, demeurant Pierrefitte-sur-Seine,

2°/ de M. Jésus Lozano W W, demeurant Saint-Denis,

3°/ de M. Claude V, demeurant Saint-Ouen,

4°/ de M. Boudjema U, demeurant Saint-Ouen,

5°/ de M. Julio T, demeurant Paris,
défendeurs à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 5 décembre 2001, où étaient présents M. Le Roux-Cocheril, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, Mme Bourgeot, conseiller référendaire rapporteur, M. Texier, conseiller, M. Soury, Mme Nicolétis, conseillers référendaires, M. Lyon-Caen, avocat général, M. Nabet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Bourgeot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, avocat de la société Peugeot Citroën automobiles (PCA), venant aux droits de la société Automobiles Citroën, les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que M. X et quatre autres anciens salariés de la société Automobiles Citroën, aux droits de laquelle se trouve la société Peugeot Citroën automobiles, soutenant avoir fait l'objet dans le déroulement de leur carrière au sein de l'entreprise d'une différence de traitement en raison de leurs fonctions de délégués syndicaux CGT, ont saisi la formation des référés du conseil de prud'hommes ;
Sur le premier moyen
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué (Paris, 29 juin 2000) d'avoir estimé la juridiction des référés compétente pour mettre fin au trouble manifestement illicite subi dans leur évolution professionnelle par cinq de ses anciens salariés exerçant des fonctions syndicales et de l'avoir condamné à ce titre au versement à chacun d'eux d'indemnités provisionnelles, alors, selon le moyen
1°/ que la compétence du juge des référés pour faire cesser un trouble manifestement illicite implique l'existence d'un trouble actuel et toujours en cours lors de l'intervention du juge ; que tel n'est pas le cas de la prétendue atteinte à l'égalité de traitement qu'auraient subi cinq anciens salariés de la société au cours du déroulement de leur carrière, et qui, à la supposer établie, avait de toute façon cessé depuis leur départ de l'entreprise survenu plusieurs années avant la saisine du juge des référés ; qu'en estimant la juridiction des référés compétente pour allouer des indemnités provisionnelles aux anciens salariés, en réparation du préjudice dont ils auraient été victimes plusieurs années auparavant, l'arrêt a violé les articles R. 516-31 du Code du travail et L. 412-2 du Code du travail ;
2°/ que dès lors que la société faisait valoir dans ses conclusions d'appel que "les cinq appelants font état d'une discrimination alors même qu'ils ont quitté l'entreprise depuis de nombreuses années -entre 1986 et 1994- sans s'être jamais plaints auparavant de leur situation (...) que la discrimination alléguée prend nécessairement fin à la cessation du contrat de travail et avec elle le trouble qu'elle constituait ; que la discrimination syndicale visée par l'article L. 412-2 du Code du travail impose pour pouvoir exister de se manifester entre un employeur et un salarié, c'est-à-dire pendant le contrat de travail" ; qu'en accueillant les demandes tendant au versement d'indemnités provisionnelles, sans rechercher si la juridiction des référés demeurait compétente pour trancher un litige portant sur des faits de discrimination syndicale ayant nécessairement pris fin lors de la cessation du contrat unissant les parties, l'arrêt n'a pas justifié légalement sa décision au regard des dispositions de l'article R. 516-31 et L. 412-2 du Code du travail ;
3°/ que la société faisait valoir dans ses conclusions d'appel que la demande d'octroi de provision se heurtait à une contestation sérieuse quant au niveau de comparaison à prendre en compte pour caractériser l'éventuel retard d'avancement du salarié et pour déterminer si les salariés demandeurs étaient effectivement les moins bien traités à catégorie professionnelle équivalente ; que la société appuyait sa démonstration pour chacun des cinq intéressés par de nombreux éléments de comparaison, excluant l'existence d'une atteinte à l'égalité de traitement en matière de carrière et de rémunération ; qu'en affirmant que l'employeur "n'invoquait aucun élément objectif étranger à toute discrimination de nature à justifier la disparité de situation", l'arrêt, qui n'a ce faisant tenu aucun compte des nombreux éléments versés aux débats par l'employeur établissant l'absence de disparité de traitement dont les intéressés auraient été victimes durant l'exécution de leur contrat de travail, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles R. 516-31 et L. 412-2 du Code du travail ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que les salariés justifiaient d'éléments propres à établir une différence de traitement à leur encontre, la cour d'appel a constaté que l'employeur ne produisait aucun élément comparatif suffisamment précis pour expliquer une telle différence ; qu'elle a pu en déduire que la discrimination dont les salariés avaient fait l'objet était liée à leur appartenance syndicale et décider à bon droit que l'obligation de l'employeur de réparer le préjudice subi du fait du blocage de leur carrière et du maintien de leur rémunération à un niveau inférieur à ce qu'elle aurait dû être n'était pas sérieusement contestable ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en ses deux premières branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur les deuxième et troisième moyens réunis
Attendu que l'employeur fait encore grief à l'arrêt d'avoir statué comme il l'a fait, alors, selon les moyens
1°/ que la société faisait valoir dans ses conclusions d'appel que les demandes des anciens salariés étaient atteintes par la prescription quinquennale dès lors qu'elles tendaient à l'octroi d'indemnités provisionnelles en réparation de la discrimination salariale qu'ils prétendaient avoir subie, que le montant des sommes réclamées par eux était évalué d'après le salaire correspondant au niveau et au coefficient revendiqué, avec incidence des primes d'ancienneté et des primes d'équipes ; qu'en accueillant néanmoins les demandes formées par les cinq anciens salariés, sans rechercher si, compte tenu de leur fondement et la date d'introduction de l'instance, lesdites demandes n'étaient pas soumises à l'exception de prescription, l'arrêt n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article L. 143-14 du Code du travail ;
2°/ qu'en tout état de cause, en accueillant les demandes d'indemnités provisionnelles, requalifiées par lui de demandes de dommages-intérêts, l'arrêt a méconnu le fondement exact des demandes formulées par les anciens salariés et a violé les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ;
3°/ que la transaction n'a d'effet qu'entre les parties contractantes ; qu'elle est inopposable aux tiers qui ne peuvent s'en prévaloir ; qu'en se fondant néanmoins, pour estimer justifiées les prétentions des appelants, sur la conclusion de transactions passées avec des salariés de la société titulaires de mandats syndicaux et dont les contrats de travail étaient toujours en cours, la cour d'appel a violé les articles 1165, 2051 et 2052 du Code civil ;
4°/ que les accords transactionnels conclus avec les salariés mentionnaient expressément qu'ils ne valaient pas reconnaissance de la part de la société du bien-fondé des prétentions du salarié signataire, si bien que la cour d'appel, en estimant que, par la signature des accords transactionnels avec 11 salariés, la société "reconnaissait par là-même, au moins implicitement, que les salariés concernés avaient été victimes de discrimination", d'où elle conclut qu'il devait en être de même s'agissant des cinq anciens salariés demandeurs à la présente instance, l'arrêt a dénaturé le contenu desdits accords et a violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que la demande de dommages-intérêts fondée sur l'article L. 412-2, alinéa 4, du Code du travail n'a pas pour seul objet de réparer la perte de salaire résultant de la discrimination mais d'indemniser l'ensemble du préjudice subi par le salarié du fait de cette discrimination et n'est pas soumise à la prescription de l'article L. 143-14 du Code du travail ;

Et attendu que la cour d'appel, qui a relevé, sans encourir le grief contenu dans la deuxième branche du moyen, que les salariés demandaient des indemnités provisionnelles de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la discrimination dont ils soutenaient avoir fait l'objet en raison de leur appartenance syndicale n'avait pas à se livrer à la recherche demandée et, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les deux dernières branches du moyen, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Peugeot Citroën automobiles (PCA) aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Peugeot Citroën automobiles (PCA) ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente janvier deux mille deux.

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