Troisième chambre civile
Audience publique du 5 décembre 2001
Pourvoi n° 00-13.569
entreprise de Tamburlan
Arrêt n° 1736 FS-P+B
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par l'entreprise de Tamburlan, entreprise à responsabilité limitée, dont le siège est Montesquiou,
en cassation d'un arrêt rendu le 8 février 2000 par la cour d'appel d'Agen (chambre sociale), au profit
1°/ de M. Bernard ...,
2°/ de M. Jacques ...,
3°/ de M. Jean Joseph ...,
tous trois demeurant Montesquiou,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 30 octobre 2001, où étaient présents M. Weber, président, M. Philippot, conseiller rapporteur, Mlle ..., MM. ..., ..., Mme ..., MM. ..., ..., ..., ..., Mme ..., conseillers, M. ..., Mme ..., conseillers référendaires, M. Baechlin, avocat général, Mme Bordeaux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Philippot, conseiller, les observations de la SCP Boullez, avocat de l'entreprise de Tamburlan, de Me ..., avocat de MM. ... et ... ..., les conclusions de M. Baechlin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur les premier et second moyens, réunis
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 8 février 2000), que le 30 décembre 1990, l'indivision composée de MM. ..., ... et ... ... a mis à la disposition du groupement agricole d'exploitation en commun de Tamburlan une propriété agricole ; que le 21 mars 1994, MM. ... et ... ... ont cédé à leur frère M. Jean ... une partie de leurs parts ; qu'une assemblée générale du même jour a décidé la transformation du groupement en une exploitation agricole à responsabilité limitée (la société) et a désigné M. Jean ... aux fonctions de gérant ; que le 30 août 1994, M. Bernard ... a décidé de se retirer de la société et de ne plus participer aux travaux ; que le 1er février 1995, M. Jacques ... a pris la même décision ; que le 18 février 1997, la société, représentée par son gérant, M. Jean ... a saisi le tribunal paritaire de baux ruraux du litige l'opposant à MM. ... et ... ... pour faire juger que la convention du 30 décembre 1990 était soumise au statut du fermage ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande alors, selon le moyen
1°/ que, selon l'article L. 411-1 du Code rural toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue del'exploiter est régie par le statut du fermage, que l'exception apportée par l'article L. 411-2-3°, lorsque les biens mis à disposition d'une société par des personnes participant effectivement à leur exploitation au sein de celle-ci cesse lorsque cette personne abandonne volontairement sa participation aux travaux, que peu importe que cet indivisaire bailleur ait manifesté son intention de se retirer de la société preneuse, cette intention n'ayant pas, à elle seule, pour effet, de faire disparaître la société preneuse ainsi qu'il est précisé aux articles L. 324-1 et suivants du Code rural et 1869 du Code civil, puisque ladite société n'a pas été dissoute ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les dispositions précitées ;
2°/ que le juge paritaire n'a pas à prendre en considération les difficultés entre associés ou entre copartageants pour statuer sur l'existence d'un bail rural puisque sa compétence est limitée par l'article L. 441-1 du Code de I'organisation judiciaire ;
3°/ que l'article 2-2 du contrat stipule que la convention prendra fin de plein droit, en cas de dissolution du groupement, ainsi qu'en cas de retrait pour un motif grave et légitime de l'associé, propriétaire autorisé par les autres associés, dans les conditions indiquées à l'article 20 des statuts, se bornant à énoncer que l'article 2-2 du contrat de mise à disposition prévoyait qu'il y serait mis fin de plein droit par le simple retrait d'un associé sans exiger qu'il procède d'un motif grave et légitime, la cour d'appel a dénaturé cette stipulation, en violation de l'article 1134 du Code civil ;
4°/ qu'en s'abstenant de rechercher la résolution de plein droit de la convention de mise à disposition étant instaurée par l'existence d'un motif grave et légitime de retrait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté, par motifs propres et adoptés, abstraction faite d'un motif surabondant, que MM. ... et ... ... avaient manifesté leur intention de se retirer de la société bénéficiaire de la mise à disposition et de reprendre en conséquence la libre disposition des terres, en raison d'une mésentente, en même temps qu'ils cessaient leur participation personnelle à l'exploitation, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a pu en déduire, sans excéder sa compétence, que le statut du fermage n'était pas applicable à la convention de mise à disposition du 30 décembre 1990 ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'entreprise de Tamburlan aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne l'entreprise de Tamburlan à payer à MM. ... et ... ..., ensemble, la somme de 12 000 francs ou 1 829,39 euros ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de l'entreprise de Tamburlan ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq décembre deux mille un.