Jurisprudence : Cass. soc., 28-03-2000, n° 98-40.228

Cass. soc., 28-03-2000, n° 98-40.228

A6305AGM

Référence

Cass. soc., 28-03-2000, n° 98-40.228. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1054029-cass-soc-28032000-n-9840228
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION
Chambre Sociale
28 Mars 2000
Pourvoi N° 98-40.228
Société Jeumont Schneider transformateurs
contre
M. ... et autres.
Vu leur connexité, joint les pourvois nos 98-40228 et 99-41717 ; Attendu qu'en 1994, la société Jeumont Schneider transformateurs a engagé une procédure de licenciement collectif pour motif économique à l'issue de laquelle elle a notifié à 34 alariés leur licenciement pour motif économique ; que M. ... et 20 autres salariés, faisant valoir notamment que le plan social présenté aux représentants du personnel était nul, ont saisi la juridiction prud'homale pour demander, pour 3 d'entre eux, leur réintégration accompagnée d'une indemnisation et, pour les autres, la réparation du préjudice causé par la perte de leur emploi ; qu'à la suite de l'arrêt qui a accueilli leur demande, trois autres salariés ont sollicité en référé leur réintégration immédiate et le paiement de leur salaire du jour de la rupture au jour de la réintégration effective ;
Sur le premier moyen
Attendu que la société Jeumont Schneider fait grief aux arrêts attaqués (Lyon, 14 novembre 1997 et 25 janvier 1999) d'avoir admis l'action individuelle des salariés et notamment celle des trois salariés introduite le 5 mai 1998 à l'encontre d'un plan social mis en application le 28 avril 1995 à solliciter le prononcé de la nullité de la procédure de licenciement économique à raison de la nullité du plan social et à ordonner leur réintégration avec indemnisation alors, selon le moyen, d'une part, que des salariés titulaires d'une simple action contractuelle régie par le Livre I du Code du travail et n'ayant aucune vocation à représenter l'ensemble du personnel n'ont pas qualité au sens des articles 31 du nouveau Code de procédure civile et L 321-4-1 du Code du travail pour solliciter l'annulation de la procédure collective organisée en cas de licenciement économique par le Livre III du Code du travail, de sorte qu'en proclamant non conforme à l'article L 321-4-1 le plan social de la société Jeumont Schneider transformateurs à la demande des 21 personnes visées dans la procédure, l'arrêt a violé, ensemble, les textes susvisés ; alors, d'autre part, qu'en vertu de l'article L 511-1 du Code du travail, les conseils de prud'hommes disposent d'une compétence d'attribution leur permettant de régler les différends qui s'élèvent entre les employeurs et les salariés, mais nullement de statuer sur la validité d'un acte collectif, élaboré par l'employeur avec les représentants du personnel qui doivent être " réunis, informés et consultés ", de sorte qu'en accueillant l'action tendant à la nullité du plan social et en déclarant dans son dispositif que " celui-ci ne serait pas conforme aux dispositions de l'article L 321-4 ", ce qui va bien au-delà des litiges individuels, l'arrêt attaqué, statuant en matière prud homale, commet un excès de pouvoir et viole, ensemble, les dispositions des articles L 421-1 du Code de l'organisation judiciaire et L 321-4-1 du Code du travail ; alors, de troisième part, que dans le cas où un salarié excipe d'une irrégularité de la procédure d'un licenciement collectif prévu par l'article L 321-4-1 dans le cadre d'un litige pendant devant le juge prud homal, ce dernier doit se borner à appliquer l'article L 122-14-4 aux termes duquel " il convient d'accorder au salarié une indemnité en fonction du préjudice subi ", et liquider la situation sur cette base, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait et en ordonnant la réintégration des salariés concernés, sous astreinte, avec reconstitution des salaires, la cour d'appel a violé, ensemble, les dispositions des articles L 122-14-1, L 321-4-1 et L 511-1 du Code du travail ; alors, enfin et subsidiairement, qu'à défaut de circonscrire les conséquences de la nullité d'un plan social dans les limites de l'article L 122-14-4 précité, il résulterait de la loi française, telle qu'interprétée par la jurisprudence, qu'une procédure de licenciement économique collectif diligentée par l'employeur pourrait être juridiquement remise en cause, pendant 30 ans, tant par les instances représentatives du personnel que par chaque salarié agissant à titre individuel pendant 5 ans, voire 30 ans ;
que, dans ces conditions, prive sa décision de toute base légale au regard du principe de sécurité juridique posé par la Convention européenne des droits de l'homme, et spécialement l'article 1 du protocole additionnel, la décision attaquée qui prononce l'annulation du plan social sur la base de la demande d'un salarié le 5 mai 1998, sans rechercher si, s'agissant d'une procédure collective au terme de laquelle, en l'absence de toute contestation des instances représentatives, l'employeur a été amené, à compter du 28 avril 1995, à procéder à des licenciements, en contrepartie de multiples obligations de reclassement, de formation, d'indemnisation, de réembauchage, le délai dans lequel ont été introduites les demandes individuelles est compatible avec la notion de sécurité juridique ;
qu'il en est d'autant plus ainsi que la réintégration qui n'est prévue par aucun texte compromet définitivement le principe de sécurité juridique, dès lors qu'elle n'est enfermée dans aucun délai qui soit concomitant au plan social ;
Mais attendu que si, en application de l'article L 122-14-4, dernier alinéa, du Code du travail, la méconnaissance par l'employeur de la procédure consultative requise à l'article L 321-2 n'ouvre droit au profit des salariés concernés qu'au paiement d'une indemnité calculée en fonction du préjudice subi, il résulte de l'article L 321-4-1, alinéa 2, que l'absence d'un plan social ou la nullité de celui-ci entraîne la nullité de la procédure de licenciement ;
Et attendu que la nullité qui affecte le plan social s'étend à tous les actes subséquents et qu'en particulier, les licenciements prononcés par l'employeur, qui constituent la suite et la conséquence de la procédure de licenciement collectif suivie par application de l'article L 321-4-1, sont eux-mêmes nuls ; qu'il s'ensuit que la cour d'appel a exactement décidé, d'une part, que les salariés licenciés pour motif économique avaient un droit propre à faire valoir que leur licenciement est nul au regard des dispositions de l'article L 321-4-1, d'autre part, que l'action individuelle tendant à faire reconnaître la nullité de leur licenciement sur le fondement de la nullité du plan social, qui a été exercée dans le délai de la prescription quinquennale, relevait de la compétence de la juridiction prud'homale ;
Que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le deuxième moyen
Attendu que la société reproche encore aux arrêts d'avoir décidé que le plan social n'était pas conforme à l'article L 321-4-1 du Code du travail et d'avoir, en conséquence, annulé les licenciements, ordonné certaines réintégrations et alloué différentes indemnités, alors, selon le moyen, d''une part, que méconnaît ses propres constatations et prive sa décision de toute base légale au regard de l'article L 321-4-1 du Code du travail l'arrêt selon lequel le plan litigieux intitulé " plan d'adaptation " comportait deux phases distinctes, l'une consacrée aux départs volontaires, aux préretraites, aux projets assistés de création d'entreprise et au passage au temps partiel, l'autre consacrée à la gestion des sureffectifs résiduels, et qui fait reproche à l'employeur (p 6, al 6 et suivants) de ne pas avoir précisé dès l'appel au volontariat les catégories professionnelles concernées par les réductions d'effectif, ainsi que les postes offerts à titre de reclassement ;
qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel confond l'opération de réduction autoritaire des effectifs, intervenant dans la deuxième phase, avec la mise en uvre licite d'une politique préalable de mobilité volontaire destinée à réduire le nombre des départs et ne permettant pas, faute de pouvoir connaître à l'avance le nombre de postes libérés et faute d'équivalence nécessaire entre les postes supprimés et les postes à créer, le nombre de départs effectifs, et ce d'autant plus que, du fait de la généralité de la proposition faite par l'employeur, il n'existe pas d'équivalence nécessaire entre les postes supprimés et les portes à créer ; que l'arrêt attaqué se trouve d'autant plus privé de base légale au regard des textes susvisés qu'il s'abstient totalement de rechercher si, au terme de la phase de départs volontaires les postes libérés par lesdits départs ont été effectivement réattribués au profit des personnes en sureffectif, ce qui constitue assurément une mesure de nature à réduire le nombre des licenciements, entrant dans les prévisions des articles L 321-4 et L 321-4-1, et qu'il s'abstient également de rechercher si les mesures de reclassement stricto sensu n'ont pas été effectivement prises à l'ouverture de la seconde phase, en avril 1995, c'est-à-dire au moment où le nombre des licenciements et celui des postes disponibles pouvaient effectivement être établis avec précision ; alors, d'autre part et subsidiairement, que, contrairement aux énonciations de l'arrêt attaqué, selon lesquelles le plan social se bornerait à indiquer que " les réductions d'effectif concernaient 92 ouvriers, 28 employés administratifs, 5 agents de maîtrise et 11 ingénieurs et cadres sans aucune précision ", il résulte du rapport du cabinet Secafi Alpha (versé aux débats), expert-comptable choisi par le comité d'entreprise, que " le nombre d'emplois à supprimer était déjà fixé dès l'origine, la ventilation par catégorie professionnelle de la suppression d'emplois était précise et reposait sur des choix " (rapport secafi alpha p 51), de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1315 du Code civil et L 321-4-1 du Code du travail ;
alors, de troisième part, que prive à nouveau sa décision de base légale au regard de l'article L 321-4-1 l'arrêt attaqué qui énonce qu'il n'existait " aucune information précise " sur les emplois disponibles et que l'employeur se serait borné à rappeler que les " mutations internes seraient privilégiées ", négligeant ainsi
1o le plan social initial du 1er septembre 1994 dont l'annexe figurant en pages 39 et 40 comportait déjà 38 offres de reclassement dans le groupe ; 2o le plan social dans sa rédaction au 16 novembre 1994 qui comportait 120 offres de reclassement (p 39 à 41) ; 3o l'accord d'entreprise du 22 décembre 1994 intervenu au cours de la phase préalable du plan au terme duquel les partenaires sociaux sont convenus que toutes les informations sur les postes à pourvoir dans le groupe seraient mises à jour au fur et mesure des disponibilités sur les tableaux prévus à cet effet ; qu'au surplus, viole l'article 455 du nouveau Code de procédure civile l'arrêt qui laisse sans réponse les conclusions faisant valoir que le plan comportait précisément une liste de 93 postes disponibles au sein du groupe Schneider electric ; alors, enfin, que la validité d'un plan social s'apprécie au moment de sa présentation, de sorte que la cour d'appel de Lyon, qui prétend déduire l'insuffisance du plan d'adaptation de l'évaluation qu'elle porte a posteriori sur son efficacité, viole l'article L 321-4-1 du Code du travail ; qu'au surplus, constatant que 34 licenciements ont été effectivement notifiés pour un sureffectif initial de 136 emplois, la cour d'appel ne caractérise nullement la prétendue inefficacité dudit plan ;
Mais attendu que la cour d'appel a exactement rappelé qu'en application des dispositions combinées des articles L 321-4-1 et L 321-4 du Code du travail, le plan social que l'employeur doit établir et mettre en uvre doit comporter, dès l'origine, des mesures précises et concrètes pour éviter des licenciements et en limiter le nombre, en particulier par des actions de reclassement, peu important que les départs volontaires soient privilégiés par l'employeur, et qu'il doit être accompagné de l'indication des catégories professionnelles concernées par le projet de licenciement collectif de manière à déterminer si les postes offerts sont de nature à permettre un reclassement efficace ; qu'ayant relevé, d'une part, que les mesures contenues dans le plan social et relatives à la conclusion de conventions de préretraite progressive, à la prise de congés de longue durée et à l'incitation à des départs volontaires hors de l'entreprise ne constituaient pas des mesures propres à assurer le reclassement des salariés, d'autre part, que la société n'avait donné à ses salariés aucune indication précise quant aux emplois dont la suppression était envisagée et que les dispositions du plan social relatives aux reclassements à l'intérieur de l'entreprise ou dans les sociétés du groupe Schneider ne comportaient aucune information précise sur les emplois disponibles à ce titre, la cour d'appel a pu décider que la plan social ne répondait pas aux exigences légales et qu'il était nul ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen
Attendu que la société Jeumont Schneider fait enfin grief aux arrêts d'avoir ordonné la réintégration de 18 salariés qui le demandaient et dit que l'employeur était redevable de la totalité des salaires depuis le jour de leur départ jusqu'au jour de ladite réintégration, d'avoir alloué diverses indemnités à 6 salariés qui ne demandaient pas, ou plus, leur réintégration alors, d'une part, que dès l'instant où il croyait devoir déclarer les licenciements nuls et de nul effet, l'arrêt attaqué devait tirer toutes les conséquences de la nullité ainsi mise en uvre et rétablir chacune des parties dans l'exacte situation où elle se trouvait avant l'acte annulé de sorte que viole les articles L 121-1, L 122-14-4, L 321-4-1 du Code du travail ainsi que l'article 1131 du Code civil l'arrêt attaqué qui condamne l'employeur à verser tous les salaires dus à raison de la poursuite du contrat de travail sans tenir compte des avantages et indemnités perçus en exécution de l'acte de licenciement annulé ;
alors, d'autre part, qu en évaluant à différentes sommes les dommages-intérêts dus aux salariés qui n'ont pas demandé leur réintégration pour le préjudice subi du fait du licenciement sans rechercher si le montant des indemnités légales et conventionnelles versées à l'occasion du licenciement et devenues, ipso facto, sans cause, devait être imputé sur les indemnités allouées, l'arrêt attaqué a privé sa décision de base légale au regard des mêmes textes ;
Mais attendu qu'en décidant que les licenciements étaient nuls et de nul effet, la cour d'appel a nécessairement remis en cause les versements effectués en vertu de ces licenciements ; que, dès lors qu'elle n'était saisie d'aucune demande, même subsidiaire, au sujet de ces sommes, elle a statué dans les limites du litige ; que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS
REJETTE les pourvois.

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