Jurisprudence : Cass. crim., 19-09-1996, n° 96-80.436



Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 19 Septembre 1996
N° de pourvoi 96-80.436
Président M. Culié, conseiller le plus ancien faisant fonction.

Demandeur ... Édouard
Rapporteur M. ....
Avocat général M. Le Foyer de Costil.
Avocat M. ....
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
CASSATION PARTIELLE par voie de retranchement sans renvoi sur le pourvoi formé par ... Édouard, contre l'arrêt de la cour d'appel d'Agen, chambre correctionnelle, en date du 30 novembre 1995, qui, pour fraude fiscale, l'a condamné à 18 mois d'emprisonnement, dont 15 mois avec sursis, et 200 000 francs d'amende, a ordonné la publication et l'affichage de la décision, a prononcé l'interdiction des droits civiques, civils et de famille pendant 5 ans, et a fait droit aux demandes de l'administration des Impôts, partie civile.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1741 du Code général des impôts, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 8 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Édouard ... coupable de "soustraction à l'établissement ou au paiement de l'imposition, omission de déclaration, fraude fiscale, faits commis de 1989 à 1990 à Eauze (32)", et, en répression, l'a condamné à 18 mois d'emprisonnement, dont 15 mois avec sursis, et 200 000 francs d'amende ;
" aux motifs qu'Édouard ... a fait l'objet d'un examen contradictoire d'ensemble de sa situation fiscale personnelle, qui s'est déroulé du 6 mai au 29 novembre 1991 et qui a porté sur les années 1988 à 1990, examen entrepris corrélativement aux vérifications de comptabilité de la SCI Résidence des Bains et de la SARL Prohab ;
" qu'il s'est avéré que Billard n'avait souscrit aucune déclaration d'ensemble de ses revenus au titre des années 1988 à 1990, en dépit des mises en demeure suivantes qui lui avaient été envoyées par les services fiscaux ; que, pour l'année 1988 (prescrite au plan pénal), une première mise en demeure avait été adressée ;
" que, les déclarations d'ensemble des revenus n'ayant pas été souscrites, la procédure de taxation d'office prévue à l'article L 66-1° du Livre des procédures fiscales a été utilisée par la direction des services fiscaux du Gers ;
" que les bases imposables à l'impôt sur le revenu des années 1988 à 1990 ont été établies en intégrant (arrêt p 4, dernier
, et p 5,
1, 2 et ) ;
" et, encore, aux motifs que, selon les services fiscaux du Gers, Édouard ... n'a fait preuve d'aucune coopération ; qu'ainsi il n'a donné aucune suite aux 2 convocations du service en date des 3 juillet et 11 septembre 1991 (AR. des 5 et 12), adressées afin d'examiner les relevés de ses comptes bancaires personnels ;
" qu'après une réponse d'attente du 30 décembre 1991 demandant un délai de réponse supplémentaire d'1 mois, Billard a fait parvenir ses observations le 31 janvier 1992 ; qu'il a fait état de virements de compte à compte, qui ont été admis par les services fiscaux ; que, de même, les sommes représentant les salaires versés par la SARL Prohab ont été extourné des crédits apparaissant sur les comptes bancaires ; qu'ainsi les sommes notifiées, soit 602 080 francs en 1988, 488 572 francs en 1989 et 364 059 francs en 1990, ont été ramené à 498 860 francs en 1988, 372 572 francs en 1989 et 202 721 francs en 1990 ; que ces sommes ont une origine indéterminée (arrêt p 6, dernier
, et p 7,
1) ;
" et, encore, aux motifs que sur avis favorable de la Commission des infractions fiscales du 24 février 1994, la Direction des services fiscaux du Gers a déposé plainte le 23 mars 1994 à l'encontre d'Édouard ..., en lui reprochant de s'être frauduleusement soustrait courant 1989 et 1990 à l'établissement et au paiement de l'impôt sur le revenu au titre des années 1989 et 1990 ;
" qu'il est établi que le prévenu s'est abstenu de satisfaire à ses obligations déclaratives, éludant le paiement total de l'impôt sur le revenu dont il était redevable au titre des années 1988 à 1990, malgré les mises en demeure qui lui ont été successivement adressées par les services fiscaux territorialement compétents ; qu'il n'a pas pris la peine d'informer l'administration fiscale de son changement d'adresse ; que sa dualité de résidence lui a, au surplus, permis d'échapper à l'établissement de l'impôt pour les années 1986 et 1987, alors que, selon l'administration fiscale, il a effectué des cessions de valeurs mobilières d'un montant de 485 095 francs et s'est abstenu de déclarer les gains nets en capital, imposables à l'impôt sur le revenu ; que l'intentionnalité de la fraude est d'autant plus manifeste que, gérant statutaire jusqu'en septembre 1988 de la SARL Prohab, société qu'il contrôle avec son père, il s'est abstenu de souscrire la déclaration annuelle des salaires versés par cette société ; que cette pratique, qui s'est poursuivie en 1989 et 1990, a eu pour effet de faire échec à toute régularisation administrative ; que, par ses agissements, Billard a causé un important préjudice au Trésor public, évalué par celui-ci à 894 779 francs dont 618 298 francs au titre de la période prescrite au plan pénal ; que Billard s'est donc bien rendu coupable des faits qui lui sont reprochés ;
" que, quant au prononcé de la peine que commandent de tels agissements, la Cour, tenant compte de la particulière gravité des faits et de leur caractère délibéré aggravera la peine d'emprisonnement prononcée contre le prévenu (arrêt p 8,
2 et dernier
, p 9,
1, 2 in fine, 3 et 4) ;
" alors que, des propres constatations de la cour d'appel, l'année 1988 était prescrite au plan pénal ; que la prescription de l'action publique ôte aux faits poursuivis tout caractère délictueux ; que les juges d'appel, pour aggraver la sanction prononcée par les premiers juges, ont fait référence aux "agissements" de M. ... et à la"particulière gravité des faits et leur caractère délibéré", en conclusion d'une longue analyse où se trouvent mêlés non seulement des faits commis pendant les 2 années visées par la prévention mais également des faits commis pendant des années précédentes et prescrites ; que l'appréciation des juges d'appel s'est donc trouvée affectée par la prise en compte de faits prescrits ; qu'il s'ensuit que leur décision de condamnation se trouve privée de base légale au regard des textes susvisés " ;
Attendu que, pour déclarer Édouard ... coupable de fraude fiscale, par omission volontaire de toute déclaration de l'ensemble de ses revenus au titre des années 1989 et 1990, et aggraver la peine d'emprisonnement infligée par les premiers juges, l'arrêt attaqué se prononce notamment par les motifs repris au moyen, en relevant l'existence de mises en demeure pour l'exercice 1988, reconnu pénalement prescrit, et une dualité de résidence qui a permis au prévenu d'échapper à l'impôt des années 1986 et 1987 ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine des éléments de la cause, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Qu'en effet, les juges ont le pouvoir, notamment pour personnaliser la peine applicable au prévenu, de tenir compte des antécédents administratifs ou fiscaux du contribuable, tels que soumis au débat contradictoire, encore qu'ils concernent une période atteinte par la prescription de l'action publique ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le moyen relevé d'office, pris de la violation de l'article 112-1 du Code pénal
Vu ledit article ;
Attendu que peuvent seules être prononcées les peines légalement applicables à la date à laquelle les faits constitutifs d'une infraction ont été commis ;
Attendu que, saisie de délits de fraude fiscale commis en 1990 et 1991, la cour d'appel a infligé au prévenu la peine complémentaire de 5 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, prévue tant par l'article 42 du Code pénal alors applicable que par l'article 131-26 du Code pénal entré en vigueur le 1er mars 1994 ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans constater l'état de récidive, alors qu'avant la loi du 29 décembre 1994, qui a modifié l'article 1741 du Code général des impôts, la privation des droits civiques n'était édictée en matière de fraude fiscale que contre les récidivistes, la juridiction du second degré a méconnu les textes précités ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs
CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt de la cour d'appel d'Agen, en date du 30 novembre 1995, en ses seules dispositions prononçant l'interdiction des droits civiques, civils et de famille pour une durée de 5 ans ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.

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