Jurisprudence : CEDH, 21-10-1997, Req. 120/1996/732/938, Pierre Bloch c/ France

CEDH, 21-10-1997, Req. 120/1996/732/938, Pierre Bloch c/ France

A9274AHX

Référence

CEDH, 21-10-1997, Req. 120/1996/732/938, Pierre Bloch c/ France. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1008373-cedh-21101997-req-1201996732938-pierre-bloch-c-france
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Cour européenne des droits de l'homme

21 octobre 1997

Requête n°120/1996/732/938

Pierre-Bloch c. France



AFFAIRE PIERRE-BLOCH c. FRANCE

(120/1996/732/938)


ARRÊT

STRASBOURG

21 octobre 1997

Cet arrêt peut subir des retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des arrêts et décisions 1997 édité par Carl Heymanns Verlag KG (Luxemburger Straße 449, D-50939 Cologne) qui se charge aussi de le diffuser, en collaboration, pour certains pays, avec les agents de vente dont la liste figure au verso.

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SOMMAIRE

Arrêt rendu par une chambre

Franceprocédure devant le Conseil constitutionnel siégeant en tant que juge de l'élection des députés

I. Article 6 § 1 de la convention

Le fait qu'une procédure s'est déroulée devant une juridiction constitutionnelle ne suffit pas à la soustraire au champ d'application de l'article 6 § 1 – convient de rechercher si la procédure litigieuse avait trait à une « contestation sur [des] droits et obligations de caractère civil » ou une « accusation en matière pénale ».

Existence d'une « contestation sur [des] droits et obligations de caractère civil »

Existence d'une « contestation » : non controversée.

Le droit de se porter candidat à une élection à l'Assemblée nationale et de conserver son mandat est de caractère politique et non « civil », de sorte que les litiges relatifs à l'organisation de son exercice sortent du champ d'application de cette disposition – l'enjeu également patrimonial de la procédure ne confère pas à celle-ci une nature « civile ».

Existence d'une « accusation en matière pénale »

Existence d'une « accusation » : non controversée – application des trois critères dégagés par la jurisprudence de la Cour pour déterminer si ladite « accusation » a trait à la matière pénale.

Qualification juridique de l'infraction en droit français, et nature même de celle-ci


Dispositions litigieuses relatives non au droit pénal français, mais au financement et au plafonnement des dépenses électorales et donc au droit des élections – manquement à une norme juridique régissant une telle matière pas davantage susceptible d'être qualifié de « pénal » par nature.

Nature et degré de sévérité de la sanction

Inéligibilité : sanction s'inscrivant directement dans le cadre de mesures destinées à assurer le bon déroulement des élections législatives et échappant ainsi au domaine « pénal » – limitée à une année à compter de l'élection et valable pour l'élection en cause seulement.

Obligation de verser au Trésor public une somme égale au montant du dépassement : porte sur le montant du dépassement constaté par le Conseil constitutionnel, ce qui tend à montrer qu'elle s'apparente à un versement à la collectivité de la somme dont le candidat a indûment tiré avantage pour solliciter les suffrages de ses concitoyens et qu'elle se rattache aux mesures destinées à assurer le bon déroulement des élections législatives – à plusieurs égards, distincte des amendes pénales stricto sensu.

Peines envisagées à l'article L. 113-1 du code électoral
: pas en cause, le requérant n'ayant fait l'objet d'aucune poursuite sur ce fondement.

Conclusion : inapplicabilité (sept voix contre deux).

II. article 14 de la Convention

Grief de discrimination fondée sur des opinions politiques : non repris par le requérant dans son mémoire ou à l'audience – aucune question ne pouvant en outre en principe se poser au regard de cette disposition prise isolément.

Conclusion : non-lieu à statuer (unanimité).

III. Article 13 de la convention

Droit de recours prévu à l'article 13 ne peut concerner qu'un droit protégé par la Convention.

Conclusion : inapplicabilité (sept voix contre deux).

RÉFÉRENCEs À LA JURISPRUDENCE DE LA COUR

8.6.1976, Engel et autres c. Pays-Bas ; 18.7.1994, Karlheinz Schmidt c. Allemagne ; 9.12.1994, Schouten et Meldrum c. Pays-Bas ; 22.2.1996, Putz c. Autriche ; 17.3.1997, Neigel c. France ; 1.7.1997, Pammel c. Allemagne

En l'affaire Pierre-Bloch c. France,

La Cour européenne des Droits de l'Homme, constituée, conformément à l'article 43 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention ») et aux clauses pertinentes de son règlement A, en une chambre composée des juges dont le nom suit :

MM. R. Bernhardt, président,

F. Matscher,

L.-E. Pettiti,

J. De Meyer,

J.M. Morenilla,

Sir John Freeland,

MM. M.A. Lopes Rocha,

J. Makarczyk,

U. Lôhmus,

ainsi que de MM. H. Petzold, greffier, et P.J. Mahoney, greffier adjoint,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 3 juin et 29 septembre 1997,

Rend l'arrêt que voici, adopté à cette dernière date :

PROCéDURE

1. L'affaire a été déférée à la Cour par la Commission européenne des Droits de l'Homme (« la Commission ») le 16 septembre 1996, dans le délai de trois mois qu'ouvrent les articles 32 § 1 et 47 de la Convention. A son origine se trouve une requête (n° 24194/94) dirigée contre la République française et dont un ressortissant de cet Etat, M. Jean-Pierre Pierre-Bloch, avait saisi la Commission le 6 avril 1994 en vertu de l'article 25.

La demande de la Commission renvoie aux articles 44 et 48 ainsi qu'à la déclaration française reconnaissant la juridiction obligatoire de la Cour (article 46). Elle a pour objet d'obtenir une décision sur le point de savoir si les faits de la cause révèlent un manquement de l'Etat défendeur aux exigences des articles 6 § 1, 13 et 14 de la Convention.

2. En réponse à l'invitation prévue à l'article 33 § 3 d) du règlement A, le requérant a exprimé le désir de participer à l'instance et a désigné son conseil (article 30).

3. La chambre à constituer comprenait de plein droit M. L.-E. Pettiti, juge élu de nationalité française (article 43 de la Convention), et M. R. Bernhardt, vice-président de la Cour (article 21 § 4 b) du règlement A). Le 17 septembre 1996, M. R. Ryssdal, président de la Cour, a tiré au sort le nom des sept autres membres, à savoir MM. F. Matscher, C. Russo, J. De Meyer, J.M. Morenilla, M.A. Lopes Rocha, J. Makarczyk et U. Lôhmus, en présence du greffier (articles 43 in fine de la Convention et 21 § 5 du règlement A).

4. En sa qualité de président de la chambre (article 21 § 6 du règlement A), M. Bernhardt a consulté, par l'intermédiaire du greffier, l'agent du gouvernement français (« le Gouvernement »), le conseil du requérant et le délégué de la Commission au sujet de l'organisation de la procédure (articles 37 § 1 et 38). Conformément à l'ordonnance rendue en conséquence, les mémoires du Gouvernement et du requérant sont parvenus au greffe le 21 février 1997. Le 13 mars 1997, le secrétaire de la Commission a indiqué que le délégué n'entendait pas y répondre par écrit.

5. Le 1er avril 1997, la Commission a produit divers documents que le greffier avait demandés sur les instructions du président.

6. Ainsi qu'en avait décidé ce dernier, les débats se sont déroulés en public le 29 mai 1997, au Palais des Droits de l'Homme à Strasbourg. La Cour avait tenu auparavant une réunion préparatoire.

Ont comparu :

pour le Gouvernement

MM. M. Perrin de Brichambaut, directeur des affaires

juridiques au ministère des Affaires étrangères, agent,

O. Schrameck, secrétaire général

du Conseil constitutionnel,

Mme M. Merlin-Desmartis, conseiller de tribunal

administratif, chargée de mission

auprès du Conseil constitutionnel,

M. J. Lapouzade, conseiller de tribunal administratif

détaché à la direction des affaires juridiques

du ministère des Affaires étrangères,

Mme C. Brouard, magistrat, chargée de mission

auprès du Conseil constitutionnel, conseils ;

pour la Commission

M. B. Conforti, délégué ;

pour le requérant

Me J. Roué-Villeneuve, avocate au Conseil d'Etat

et à la Cour de cassation, conseil.

La Cour a entendu en leurs déclarations M. Conforti, Me Roué -Villeneuve et M. Perrin de Brichambaut.

7. M. Russo n'ayant pu prendre part aux délibérations du 29 septembre 1997, Sir John Freeland, juge suppléant, l'a remplacé (articles 22 § 1 et 24 § 1 du règlement A).

EN FAIT

I. Les circonstances de l'espèce

8. Candidat de l'Union pour la démocratie française (UDF), M. Jean-Pierre Pierre-Bloch participa aux élections législatives des 21 et 28 mars 1993 dans le XIXe arrondissement de Paris et fut élu député à l'Assemblée nationale.

A. L'examen du compte de campagne du requérant et la procédure d'inéligibilité

1. Devant la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques

9. Le 27 mai 1993, le requérant déposa son compte de campagne devant la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (« la commission nationale »).

10. La commission nationale rendit sa décision le 30 juillet 1993. Elle réévalua les dépenses déclarées par l'intéressé, soit 440 603,15 francs français (FRF), majorant cette somme du coût de cinq numéros d'une revue intitulée Demain notre Paris éditée par le requérant entre novembre 1992 et mars 1993 – soit 328 641,65 FRF –, estimant « qu'il n'[était] pas douteux compte tenu des dates, de la fréquence et plus encore du contenu que ces publications [avaient] une finalité électorale indéniable ».

Par ailleurs, elle ajouta le prix d'un sondage – soit 83 020 FRF – effectué le 26 octobre 1992 auprès des électeurs du XIXe arrondissement sur commande du Rassemblement pour la République (RPR), aux motifs « que cette étude avait pour objet principal de déterminer le choix du meilleur

candidat à opposer au député socialiste sortant et [avait] donné un net avantage à M. Jean-Pierre Pierre-Bloch qui s'[était] trouvé de ce fait investi tant par l'UDF que par le RPR » et qu'elle « portait également sur les attentes des habitants et était de ce fait destinée à permettre l'orientation de la campagne électorale, les thèmes majoritairement retenus se trouvant largement développés dans les publications électorales [susmentionnées] ».

Constatant en outre que le journal 18ème Indépendant avait participé à la campagne en faveur de trois candidats dont le requérant, la commission nationale intégra au compte de ce dernier le tiers du coût du numéro de février 1993, soit 8 211,66 FRF.

Après avoir déduit d'autres sommes, elle fixa ainsi à 816 663,84 FRF le montant des dépenses litigieuses et rejeta le compte de campagne de l'intéressé en raison du dépassement du plafond légal de 500 000 FRF. Elle saisit en outre le Conseil constitutionnel en application de l'article 136-1 du code électoral.

2. Devant le Conseil d'Etat

11. Le 8 septembre 1993, le requérant introduisit devant le Conseil d'Etat un recours tendant à l'annulation et à la réformation de la décision de la commission nationale. Il soutenait essentiellement que, au mépris de l'article L. 52-15 du code électoral et du principe du contradictoire, celle-ci avait intégré à son compte de campagne le coût du sondage et des publications litigieux sans l'inviter au préalable à s'expliquer.

12. Le Conseil d'Etat rejeta la requête par un arrêt du 9 mai 1994 ainsi motivé :

« (...)

Considérant que la décision attaquée, par laquelle la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (...) a réformé le compte de campagne de M. Pierre-Bloch et, constatant un dépassement du plafond des dépenses électorales, a saisi le Conseil constitutionnel, n'est pas détachable de la procédure juridictionnelle ainsi engagée devant celui-ci ; que, dès lors, elle n'est pas susceptible de faire l'objet d'un recours devant le juge administratif ; qu'il suit de là que la requête de M. Pierre-Bloch est irrecevable ;

(...) »

3. Devant le Conseil constitutionnel

a) La décision du 24 novembre 1993

13. Le Conseil constitutionnel avait été saisi le 8 avril 1993 par un électeur du XIXe arrondissement, M. M. – qui soutenait que le requérant avait dépassé le plafond légal des dépenses de campagne –, ainsi que le 3 août 1993 par la commission nationale.

14. Le requérant avait déposé des conclusions le 8 septembre 1993 : il demandait au Conseil constitutionnel, à titre principal, de surseoir à statuer jusqu'à ce que le Conseil d'Etat se soit prononcé sur la légalité de la décision de la commission nationale et, subsidiairement, de dire que ses dépenses de campagne n'avaient pas excédé le plafond légal et qu'il n'y avait pas lieu à prononcer son inéligibilité.

15. Par une décision du 24 novembre 1993, le Conseil constitutionnel rejeta la demande de sursis à statuer, et déclara M. Pierre-Bloch inéligible pendant un an à compter du 28 mars 1993 et démissionnaire d'office de son mandat de député. Ladite décision se lit comme suit :

« (...)

– Sur la demande de sursis à statuer présentée par M. Pierre-Bloch :

(...)

Considérant qu'aux termes de l'article 44 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 : « pour le jugement des affaires qui lui sont soumises, le Conseil constitutionnel a compétence pour connaître de toutes questions et exceptions posées à l'occasion de la requête (...) » ; qu'ainsi, il appartient au Conseil constitutionnel de statuer sur toutes les questions concernant le compte de campagne de M. Pierre-Bloch ; que dès lors, la demande de sursis à statuer que celui-ci présente ne saurait être accueillie ;

Sur les dépenses électorales de M. Pierre-Bloch :

(...)

Considérant que la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques est une autorité administrative et non une juridiction ; qu'il en résulte que la position qu'elle adopte lors de l'examen des comptes de campagne d'un candidat ne saurait préjuger la décision du Conseil constitutionnel, juge de la régularité de l'élection en vertu de l'article 59 de la Constitution ;

En ce qui concerne la réintégration des dépenses afférentes au journal Demain notre Paris :

Considérant (...) que ce journal, compte tenu de ses dates de parution, de l'importance de sa diffusion et de son contenu apparaît comme un instrument de propagande électorale ; que, toutefois, les numéros 71 à 75 de cette publication comportent de nombreuses pages qui relèvent de l'information générale et locale ; qu'elles ne peuvent être rattachées directement à la promotion du candidat ou à celle de son programme électoral ; qu'ainsi, lesdites pages ne doivent pas être regardées comme des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, au sens de l'article 52-12 du code électoral ; que dès lors, elles n'ont pas à figurer parmi les dépenses retracées par le compte de campagne de M. Pierre-Bloch ;

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