ETUDE : Flash info. Ordonnance n° 2020-1401 : le Conseil d’État suspend la possibilité d’utiliser la visio-conférence devant les juridictions criminelles * Rédigé le 27.11.2020

ETUDE : Flash info. Ordonnance n° 2020-1401 : le Conseil d’État suspend la possibilité d’utiliser la visio-conférence devant les juridictions criminelles * Rédigé le 27.11.2020

E941437S

sans cacheDernière modification le 02-12-2020

ETUDE : Flash info. Ordonnance n° 2020-1401 : le Conseil d’État suspend la possibilité d’utiliser la visio-conférence devant les juridictions criminelles * Rédigé le 27.11.2020

  • ► Appelé à se prononcer sur les dispositions des articles 2, 4 et 11 de l’ordonnance n° 2020-1401, du 18 novembre 2020, portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière pénale (N° Lexbase : L7050LYR), le Conseil d’État a jugé que l’article 2 de l’ordonnance contestée porte une atteinte grave et manifestement illégale aux droits de la défense et au droit à un procès équitable en ce qu’elle autorise le recours à la visio-conférence devant les juridictions criminelles.

     

    La Haute juridiction émet par ailleurs une réserve d’interprétation s’agissant de son utilisation dans le contentieux de la détention provisoire ; le magistrat demeurant tenu de s’assurer que la personne détenue a la possibilité de comparaître physiquement devant la chambre avec une périodicité raisonnable.

     

    Réf. : CE, 27 novembre 2020, nos 446712, 446724, 446728, 446736, 446816 (N° Lexbase : A941037N).

  • Rappel des faits. Le 18 novembre 2020, le Gouvernement a adopté une ordonnance d’adaptation des règles de procédure pénale tendant à permettre la continuité de l’activité des juridictions pénales. Ce texte avait entrainé plusieurs modifications significatives du procès pénal et notamment l’extension du recours à la visio-conférence ainsi que la possibilité, pour les chefs de juridiction, de restreindre l’accès du public aux audiences.

     

    En réaction des associations, fédérations, syndicats et ordres d’avocats, le Conseil national des barreaux, le syndicat de la magistrature, la Ligue des droits de l’Homme et l’Association pour la défense des droits des détenus ont déposé des requêtes auprès du Conseil d’État aux fins d’obtenir la suspension de l’exécution de ces dispositions et plus précisément :

    • la suspension de l’article 2 de l’ordonnance, relatives à l’extension de la visio-conférence ;
    • la suspension des dispositions de l'article 4 de l’ordonnance, relatives à la publicité des audiences ;
    • la suspension des dispositions du second alinéa de l'article 11 de l’ordonnance, relatives à la durée d’exécution de celle-ci.

     

    Moyens des requérants. Les requérants faisaient valoir que ces dispositions portaient des atteintes graves aux droits de la défense et au droit à un procès équitable ainsi que, s’agissant de l’article 2 de l’ordonnance contestée, au droit à un recours effectif, au droit de tout détenu de voir sa situation traitée dans le respect des règles de compétences et de procédures fixées par le Code de procédure pénale, au droit à la liberté et à la sûreté, et au droit à la comparution personnelle et physique des accusés lors de leur procès criminel.

     

    Décision du Conseil d’État

     

    Sur le recours à la visio-conférence devant les juridictions criminelles. Après avoir rappelé les circonstances sanitaires et le cadre juridique du litige, le Conseil d’État décide de suspendre les dispositions de l’article 2 de l’ordonnance contestée autorisant le recours à la visio-conférence devant les juridictions criminelles après la fin de l’instruction. Le Conseil d’État rappelle la gravité des peines encourues et le rôle dévolu à l’intime conviction, lesquels confèrent une place spécifique à l’oralité des débats. Il souligne par ailleurs le caractère essentiel de la présence physique des parties durant le réquisitoire, au cours des plaidoiries et plus particulièrement à l’occasion de la prise de parole de l’accusé avant la clôture des débats. Le Conseil juge donc que l’article 2 de l’ordonnance contestée porte une atteinte grave et manifestement illégale aux droits de la défense et au droit à un procès équitable en ce qu’il concerne les juridictions criminelles.

     

    Sur le recours à la visio-conférence dans le contentieux de la détention provisoire. La Haute juridiction administrative formule une réserve d’interprétation s’agissant de l’utilisation de la visio-conférence dans le contentieux de la détention provisoire devant la chambre de l’instruction. Se fondant sur trois récentes décision du Conseil constitutionnel (Cons. const., décision n° 2019-778 DC, du 21 mars 2019 N° Lexbase : A5079Y4U ; n° 2019-802 QPC, du 20 septembre 2019 N° Lexbase : A8596ZNP et n° 2020-836 QPC, du 30 avril 2020 N° Lexbase : A10723LB) le Conseil d’État rappelle que nonobstant la possibilité offerte par l’article 2 de recourir à la visio-conférence, le président de la chambre de l’instruction demeure tenu de s’assurer que la personne détenue a la possibilité de comparaître physiquement devant la chambre avec une périodicité raisonnable.

     

    Sur le recours à la visio-conférence devant les juridictions pénales. À l’exception de la suspension relative aux juridictions criminelles et de la réserve d’interprétation précédemment exposées, le Conseil d’État refuse de suspendre les dispositions de l’article 2 en ce qu’elles autorisent le recours à la visio-conférence devant l’ensemble des juridictions pénales. Il souligne le caractère nécessaire de cette technologie face aux difficultés que rencontre l’administration pénitentiaire pour effectuer les extractions en période d’épidémie. La Haute juridiction rappelle par ailleurs que cette possibilité ne va pas sans gardes fous. Ainsi, les magistrats demeurent tenus d’apprécier si les difficultés justifient l’usage de la visio-conférence, de vérifier que la technologie utilisée permet de certifier l’identité du des personnes, la transmission et la confidentialité des échanges, en particulier entre l’avocat et son client. Enfin, le Conseil souligne que l’usage de cette technologie permet au justiciable de voir leur cause entendue dans un délai raisonnable en évitant les reports d’audience.

     

    Sur la publicité des audiences. Le Conseil d’État souligne que la possibilité de restreindre l’accès du public aux audiences ne concerne par les journalistes. La Haute juridiction en conclut que les dispositions de l’article 4 de l’ordonnance contestée permettent l’information du public sur la teneur des débats. Par ailleurs, les magistrats concernés demeurent tenus de procéder à des restrictions justes et proportionnées à la situation sanitaire au moment de l’audience.  Le Conseil en déduit que les dispositions de l’article 4 ne portent pas d’atteinte grave et manifestement illégale aux droits de la défense et au droit à un procès équitable

     

    Sur la durée d’exécution de l’ordonnance contestée.  Le Conseil d’État rejette en revanche les arguments des requérants relatifs à la durée d’exécution de l’ordonnance contestée au motif que la condition d’urgence requise par l’article L. 521-2 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3058ALT) en matière de référé n’est pas en l’espèce remplie.

     

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